Readthe publication. Jeudi 20 octobre 2016 / N° 245 SOMMAIRE ANALYTIQUE Décrets, arrêtés, circulaires textes généraux ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat 1 Arrêté du 10 octobre 2016 portant approbation du plan de servitudes aéronautiques de dégagement de l’aérodrome de Morlaix-Ploujean (Finistère) 2
Le club pugilistique de Condé-sur-Noireau, présidé par Christian Gauquelin, organise un gala de boxe le... Il vous reste 90% de l'article à devez bénéficier d'un abonnement premium pour lire l'article. Abonnement sans engagement Je m'abonne Déjà abonné ? Connectez-vous Recevez l'essentiel de l'actualité chaque jour par email Calvados championnat de normandie Condé-sur-Noireau Normandie véritable succès Vire Réagir à cet article L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits. Connectez-vous ou créer un compte pour pouvoir commenter cet article. A lire aussi Actualités Conde-sur-Noireau. Trois champions du Calvados Actualités Condé-sur-Noireau. Trente combats pour le championnat du Calvados Actualités boxe. Trois finales du Normandie à Vire
Rendezvous sur la page élections municipales à Condé-en-Normandie. Retrouvez l'ensemble des résultats des élections municipales à Condé-sur-Noireau sur cette page. Vous devez être inscrit sur les listes électorales de Condé-sur-Noireau et donc posséder une carte électorale pour pouvoir voter au bureau de vote de la commune de
Dans le cadre des championnats régionaux de boxe amateur Elites, samedi 12 novembre, au sein du gymnase Robert Gossart de Condé-sur-Noireau Calvados, lors du gala de boxe organisé par le club pugilistique de Condé, présidé par Christian Gauquelin, Thomas Lacroix, jeune boxeur originaire de Condé-sur-Noireau, a une nouvelle fois prouvé son envie de gagner. Après plusieurs mois d'absence en raison d'une blessure grave survenue au début de l'année 2016, son retour sur le ring était très attendu par ses supporters, venus nombreux pour l'encourager. Prochaine étape Carentan Thomas Lacroix, catégorie senior -69 kg, double champion de Normandie en titre, s'est distingué en remportant son combat aux points, à la 3e reprise, sous un tonnerre de cri et d'applaudissements, devant son adversaire, Guillaume Becquin du BC Le Tréport Seine-Maritime. C'est dans une ambiance de folie que Thomas Lacroix, porté par son public, a décroché sa place en demi-finale qui se déroulera ce samedi 19 novembre à Carentan Manche. Christian Gauquelin et Alain Robbe, entraîneurs de Thomas, sont satisfaits de retrouver leur champion. "Pour son premier combat de la saison, Thomas a tenu ses promesses devant un adversaire qui boxait très bien. Thomas est bien parti pour garder son titre", ont-ils souligné. Cette soirée exceptionnelle a de nouveau été un véritable succès avec plus de 400 entrées. Papa dans la foulée Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, Amélie Foucher, la femme de Thomas, a été transportée cette nuit à la maternité de Flers pour donner naissance à leur premier enfant, un petit garçon. A LIRE AUSSI.
MadameThérèse GAUQUELIN née LEBIGOT survenu à Condé, le 21 juin 2022, à l'âge de 93 ans. La cérémonie religieuse sera célébrée vendredi 24 juin 2022, à 10 heures, en l'église Saint-Martin de
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Listedes 2729 décès survenus sur la commune de Caen pour l'année 2014.Pour cette année, l'age moyen de décès sur Caen est de 74 ans. 318 caennais sont nés et morts sur la commune. Pour des décès antérieurs ou ultérieurs, vous pouvez consulter les acte de décès de 2022 , 2021 , 2020 , 2019 , 2018 , 2017 , 2016 , 2015 , 2013 , 2012 , 2011 , 2010 , 2009 , 2008 , 2007 , 2006 et 2005 .
Avis sur Condé-sur-Noireau Fait-il bon vivre à Condé-sur-Noireau? Que pensez-vous de Condé-sur-Noireau ? Partagez votre avis et notez votre ville Aucun avis pour la ville de Condé-sur-Noireau Soyez le premier à donner votre avis sur Condé-sur-Noireau Hotels Condé-sur-Noireau Destination Date d'arrivée Date de départ Je n'ai pas de dates de séjour précises
Condoléancessur registre. Pas de plaques, que des fleurs naturelles. Françoise repose à la chambre funéraire de Condé-sur-Noireau, rue Motte de Lutre, salon Éos. Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciements. Le Bosq Bâton, Saint-Pierre-la-Vieille, 14770 Condé-en-Normandie. PF Gauquelin - Le Choix Funéraire,
BS Madame Blanche SEPULCHRE DE CONDÉ Née ANTERROCHES Date du décès 27 août 2016 Neuilly-sur-Seine 92200 Nous sommes au regret de vous faire part du décès de Madame Blanche Sepulchre De Condé Celui-ci est survenu le 27 août 2016 - Neuilly-sur-Seine 92200 Envoyer des fleurs de deuil Ouvrir une cagnotte obsèques Allumer une bougie de deuil Écrire un message de condoléances Voir plus de services Mur du souvenir Envoyer Allumer une bougie EA Equipe Avis-De-Décès a allumé une bougie Nous vous adressons nos sincères condoléances.
Lerésultat de l'élection municipale à Montilly-sur-Noireau est dorénavant proclamé. Les quelque 724 habitants que recense cette ville de l'Orne ont nommé leurs conseillers municipaux. François Lamotte avait fini en tête du premier tour de l'élection municipale grâce à 238 voix, devant Sandrine Leballais (237 votes) et Fabien Despois (233 suffrages). La totalité des 15 fauteuils
Read PDFRead Free PDFRead PDFRevue Francaise Des Affaires Sociales, 2007Béatrice TouchelayThis PaperA short summary of this paper37 Full PDFs related to this paperReadPDF Pack
Rechercherun funérarium dans le 14 - Calvados. Type de lieu de cérémonie*. Funérarium. Lieu. ou. Autour de moi. 28 funérariums correspondent à votre recherche. AUDE DE BERRANGER POMPES FUNÈBRES ET MARBRERIE. Le Calvaire, Rd 675 14430 ANGERVILLE-DOZULÉ.
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Consultez le journal des derniers avis de décès publiés dans le département d'Orne. Vous avez la possibilité de rechercher facilement un avis de décès plus ancien et d’affiner votre requête par nom et prénom du défunt ; ville ou code postal. Les avis de décès publiés dans le département d'Orne L’annonce d’un décès passe aussi par la diffusion d’un faire-part de décès. Le site publie la liste des derniers avis de décès et d’obsèques. Vous pouvez ainsi trouver, facilement et gratuitement, l’annonce nécrologique d’une connaissance, d’un ami ou d’un parent décédé dans le département d'Orne. À savoir La publication d’un avis de décès en ligne permet d’informer tous les proches et les connaissances de la disparition d’une personne. Avec le faire-part est accessible depuis tous les supports ordinateur, tablette et Smartphone, sans contrainte de temps ou géographique. Le site vous permet aussi d’accéder à tout un catalogue de services de qualité, depuis chacune des annonces de décès publiée dans le département d'Orne. Rechercher un avis de décès dans le département d'Orne La recherche d’un avis de décès est possible au niveau national, mais aussi par région et par département. Ainsi, afin de trouver une annonce de décès diffusée dans le département d'Orne, plusieurs solutions sont possibles En recherchant le défunt via l’outil dédié en renseignant le nom, éventuellement le prénom du défunt, la ville et/ou le code postal En navigant dans la liste des personnes décédées dans le département d'Orne Registre des avis de décès et d’obsèques, le site recense les derniers avis de décès partagés par les agences de pompes funèbres et les familles en deuil.
Jeudi15 août, le jour de sa mort, Jean Ginda ne porte pas autant de liquidités sur lui. Il déjeune à Condé-sur-Noireau (Calvados), au domicile d'un certain Jean-Marie F., 53 ans.
Jeudi 27 février, 80 commerçants non... Il vous reste 90% de l'article à devez bénéficier d'un abonnement premium pour lire l'article. Abonnement sans engagement Je m'abonne Déjà abonné ? Connectez-vous Recevez l'essentiel de l'actualité chaque jour par email Réagir à cet article L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits. Connectez-vous ou créer un compte pour pouvoir commenter cet article.
Toutsavoir sur le patronyme GAUQUELIN Fréquence du patronyme GAUQUELIN: Ce patronyme est présent 45 649 fois sur Geneanet ! Origine du nom. GAUQUELIN : Porté en Basse-Normandie (61, 14), c'est une autre forme de Vauquelin (voir ce nom). Variantes : Gauclain, Gauclin (72), Gauglin (28), Gauguelin (50).
Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 318 on 318Number of pages 318Full noticeTitle Bulletin de la Société historique et archéologique de l'OrneAuthor Société historique et archéologique de l'Orne. Auteur du textePublisher AlençonPublisher Typographie et lithographie Alb. Manier AlençonPublisher Typographie et lithographie Lecoq & Mathorel AlençonPublisher Imprimerie alençonnaise AlençonPublication date 1925Relationship textType printed serialLanguage frenchLanguage FrenchFormat Nombre total de vues 11750Description 1925Description 1925 T44.Description Collection numérique Arts de la marionnetteDescription Collection numérique Fonds régional Basse-NormandieRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k55073917Source Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-138547Provenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 17/01/2011The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 97%.SOCIETE HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE L'ORNE Fondée eu 38 8 2 Reconnue comme Établissement d'utilité publique par Décret du 2 Décembre 1914 Siège de la Société MAISON D'OZÉ, Place de Lamagdelaine, ALENÇON TOME XLJV ALENÇON IMPRIMERIE ALENÇONNAISE, H, Rue des Marcheries 1925 ''•- SOCIETE HISTORIQUE ET ARCHEOLOGIQUE DE L'ORNE Fondée en X8 823 Reconnue comme Établissement d'utilité publique par Décret du 2 Décembre 1924 Siège de la Société MAISON D'OZÉ, Place de Lamagdelaine, ALENÇON TOME XL1V. — ier et 2e Bulletins publication Trirpeçtrielle ALENÇON IMPRIMERIE ALENÇONNAISE, il, Rue des Marcheries JANVIER-AVRIL 1925 • SOCIETE HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE L'ORNE Fondée en X882 Reconnue comme Établissement d'utilité publique par Décret du 2 Décembre 1924 Siège de la Soc/été MAISON D'OZÉ, Place de Lamagdelaine, ALENÇON TOME XL1V ALENÇON IMPRIMERIE ALENÇONNAISE, 11, Rue des Marcheries 1925 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE L'ORNE Membres du Bureau dejamis l'origine de la Société Présidents MM. Léon DE LA SICOTIÈRE, fondateur 1882-1889 Gustave LE VAVASSEUR 1889-1895 le Comte Gérard DE CONTADES 1895-1899 Henri TOURNOUER 1899 Vice-Présidents MM. le Comte DE VIGNERAL 1882-1885 le Comte G. DE CONTADES 1882-1889 Eugène LECOINTRE 1882-1890 le Comte DE CHARENCEY 1885-1886 le Comte DE VIGNERAL 1886-1893 le Marquis DE LA JONQUIÈRE 1888-1891 le Chanoine BLIN 1889-1895 le Comte DE CHARENCEY 1890-1896 Eugène LECOINTRE 1891-1897 le Vicomte DE BROC. 1893-1899 Jules APPERT 1895-1901 Henri TOURNOUER 1896-1899 le Chanoine DUMAINE 1897-1916 le Vicomte H. DU MOTEY 1899 Henri BEAUDOUIN 1899-1901 le Baron JULES DES ROTOURS 1899-1899 Wilfrid CHALLEMEL 1901-1916 Eugène LECOINTRE 1901-1902 Albert CHOLLET 1903-1919 Louis DUVAL 1917-1917 Paul HAREL . . .• 1917 Paul ROMET 1917 le Chanoine GUESDON 1920 Secrétaires généraux MM. Gustave LE VAVASSEUR 1882-1884 le Comte G. DE CONTADES 1889-1899 Gustave LE VAVASSEUR 1895-189g Henri BEAUDOUIN 1896-1899 le Baron Jules DES ROTOURS 1899 VI MEMBRES DU BUREAU Secrétaires MM. Louis DUVAL 1882-1885 Henri BEAUDOUIN 1885-1896 le Vicomte H. DU MOTEY 1896-1899 l'abbé HOMMEY 1899-1900 l'abbé LETACQ 1900-1910 l'abbé DESVAUX 1910-1916 l'abbé GERMAIN-BEAUPRÉ 1917 Secrétaires-Adjoints MM. GUILLEMIN 1882-1883 Reynold DESCOUTURES 1883-1885 l'abbé HOMMEY 1885-1899 LE NEUF DE NEUFVILLE 1899-1900 l'abbé RICHER 1900-1902 Reynold DESCOUTURES 1903-1905 l'abbé DESVAUX 1905-1910 Mlle ROBET 1910-1914 MM. H. TOMERET 1917-1918 Henri BESNARD 1919 Trésoriers MM. Henri BEAUDOUIN 1882-1885 Reynold DESCOUTURES 1885-1888 Eugène DE BROISE 1888-1898 GILBERT 1898-1912 Emile BROUARD 1912 Trésoriers-Adjoints MM. Léon HOMMEY 1883-1884 Ch. CHARPENTIER 1884-1885 GILBERT 1897-1898 PICHON 1911-1921 . Jean COLLIÈRE 1921 Bibliothécaires MM. LE NEUF DE NEUFVILLE 1888-1900 Emile RENAUT 1900-1903 l'abbé RICHER 1903-1909 Jean LEBOUCHER 1909 -1923 JOUSSELIN DE SAIXT-HILAIRE .' 1923 - Bibliothécaires adjoints MM. le Vicomte H. DU MOTEY 1893-1899 l'abbé LETACQ 1899-1910 Alfred VALLÉE 1910 -1917 JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE 1917-1923 Charles BE^UGÉ 192"- Archivisle M. René JOUANNE 1 f20 MEMBRES DU BUREAU VII Membres du Bureau 1 Président M. HemU TOURNOUER 1926 MM. S le Vicomte DU MOTEY 1927 Paul HAREL 1926 Paul ROMET 1926 le Chanoine GUESDON 1926 Secrétaire général M. Le Baron Jules DES ROTOURS 1927 Secrétaire M. l'Abbé GERMAIN-BEAUPRÉ 1926 Secrétaire-adjoint M. Henri BESNARD 1927. Trésorier M. Emile BROUARD 1927 Trésorier-adjoint M. Jean COLLIÈRE 1927. Bibliothécaire M. JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE 1928. Bibliothécaire-adjoint M. Charles BEAUGÉ 1926. • Archiviste M. René JOUANNE 1926 Comité de Publication Mme la baronne DE Ste-PREUVE 1926 MM. Paul ROMET 1926 J. LEBOUCHER 1926 René GOBILLOT 1928 L'abbé TABOURIER 1928 Pierre de CÈNIVAL 1928. 1 La dale qui suit chaque nom indique l'année d'expiration du mandat des Membres du Bureau et du Comité de publication. VIII MEMBRES TITULAIRES Commission du Musée MM. Paul ROMET, président 1928 Félix BESNARD 1928 Ch. GATECLOU-MAREST 1928 Henri BESNARD 1926 Auguste FONTAINE 1926 Albert MEZEN 1927 L. BARILLET 1927 Commission des Conférences MM. Paul ROMET, président 1926 LE JEMTEL Mmi 1926 Jean COLLIÈRE, trésorier 1926 Jean LEBOUCHER 1926 Henri BESNARD 1926 René JOUANNE 1926 Raymond GUILLEMAIN D'ECHON 1926 Membres Titulaires 1 MM. ABADIE Pierre, conseiller général de l'Orne, au Theil. — 1923. ABOVILLE le commandant baron Louis D',*, 10, Cloître de la Cathédrale, Orléans, et château de Saint-Hilaire-des-Noyers, par Colonard Orne. — 1909. ADIGARD DES GAUTiERsMme\ 33, ruedu Cours, Alençon. —1924. ADIGARD DES GAUTRIES Jean, licencié es lettres, lecteur de langue française à l'Université du Christiania, Villa Skovholdt, Skovholdt, par Oslo Norvège. — 1918. ADIGARD Mme Pierre, 52, rue de Messei, à Fiers, et à La Ferrière-aux-Étangs Orne. — 1913. AILLIÈRES Louis Caillard D', conseiller général de la Sarthe, château d'Aillières, par Mamers Sarthe. •— 1924. ANDLAU le Comte D', château de Voré, par Regmalard, et 41, rue de l'Université, Paris vue. — 1900. ANGÉLY-SÉRILLAC Mme la Comtesse D', château de Sérillac, par Beaumont-le-Vicomte Sarthe. — 1907. ANTERROCHES le vicomte Henri D', château des Yveteaux Orne, et 174, rue de la Pompe, Paris xvie. — 1902. 1 La date qai figure à la suite de chaque nom est celle de l'année d'admission des Membres dans la Société. MEMBRES TITULAIRES IX MM. APPERT Charles, contrôleur des Contributions directes, à Domfront. Domfront. 1923. ARROU Mme Joseph, 9, rue Bayard, Paris vine, et château de la Gatine, par Villiers-sous-Mortagne Orne. — 1902. AUDIFFRET-PASQUIER le duc D', ^, député de l'Orne, membre du Conseil général de l'Orne, château de Sassy, par Mortrée Orne, et à Paris, 27, rue Vernct vme. — 1906. AVELINE César-Prosper, , avoué à Alençon, rue du Jeudi, 33. — 1884. BAGNEUX Mme la vicomtesse Guy DE, château du Repas, par Putanges Orne et 7, rue Monsieur, Paris vne. •— 1921. BAILLEUL, docteur en médecine, 69, rue Cazault, Alençon. —'1924. BAILLIÈRE Armand, château d'O, par Mortrée Orne. — 1924. BANMLLE Gérard de, à Aube-sur-Rille Orne. — 1925. BANVILLE le vicomte Henri DE *, membre du Conseil général de l'Orne, château du Rosel, par Montsecret Orne et à Paris, 2, rue de ommailles vne. — 1921. BANVILLE Mme la vicomtesse Robert DE, château du Rosel, par Montsecret Orne et 217, 'autour^ Saint-Honoré, Paris vme — 1921. BARATTE le chanoine Auguste, curé de Saint-Léonard d'Alençon. — 1918. BARBAY Louis, £_, contrôleur principal des postes et télégraphes, Le Mans. — 1918. BARBÉ l'abbé Alfred, Le Fay, par La Ferté-Macé Orne. — 1914. BARBEDIENNE l'abbé, curé-doyen de Bellême. — 1920. BARILLET Louis, artiste-peintre, 62, rue de l'Union, à Clamart Seine. — 1903 BARON Auguste, ancien instituteur, à La Ferrière-au-Doyen, — 1904. BARTH René, ingénieur à la compagnie des chemins de fer de l'Est ; château de Pouvray, par Igé Orne et 6. rue ConstantCoquelin, Paris vne. — 1909. BAUDOUIN l'abbé, curé de Vaunoise, par Le Gué-de-la-Chaîne Orne. — 1912. BAZEILLE, instituteur, à Bures, par Sainte-Scolasse-sur-Sarthe Orne. — 1921. . BEAU Ferdinand, >%, ancien officier de cavalerie, château de Tuboeuf, par Chandai Orne, et à Paris, 10, avenue Georres V vnr8. — 1900. BEAUCHESNE le marquis ADELSTAN DE, vice-président de la Société Historique et Archéologique du Maine, château de la Roche-Talbot, par Sablé Sarthe, château de Lassay Mayenne, et à Paris, 8, avenue Marceau vme. — 1883. X MEMBRES TITULAIRES MM. BEAUDOUIN le docteur Frédéric, $;, 35, rue du Château, à Alençon. — 1905. BEAUFILS l'abbé, curé de Lignerolles Orne. — 1917. BEAUFRET DU, , I. p, C. g, £,,,£, Med. d'hon. Ingénieur des Arts et Manufactures, directeur-adjoint de la Compagnie des Chemins de Fer de Bône-Guelma et prolongements, 12, rue de Hollande, à Tunis Tunisie. — 1910. BEAUGÉ l'abbé, curé de Saint-Laurent-de-Séez, Scez Orne. — 1901. BEAUGÉ Charles, ^. O. £§. C. ^. C. >J. — 1924. BOULARD Félix, Villa de l'Ermitage, à Bourg-le-Roi Sarthe. — 1912. BOURDON Maurice, château de Brocottes, par Beuvron-en-Auge Calvados et 52, rue de Bretagne, Alençon. —- 1920. BOURDON Mme Maurice, mêmes adresses. — 1920. BouRNisiENJean,C.^, LaGrandmaison, BellêmeOrne.—1900. BOUTEILLIER le Docteur, vice-président du conseil général de l'Orne, à La Ferté-Fresnel Orne. — 1912. BOUTON André, notaire, 9, rue Saint-Hérem, Clermont-Ferrand Puy-de-Dôme. — 1923. BOUVET, l'abbé, curé-doyen de La Ferté-Fresnel Orne. — 1913. BOYER Meile Rachel, ft, de la Comédie Française, présidentefondatrice de L'Union des Arts, 27, boulevard d'Inkermann, Neuilly-sur-Seine. — 1922. Bozo Georges, 32, rue du Cours, Alençon. — 1921. BRARD, F., avocat, à Alençon, 15, rue d'Avesgo. — 1893. BRÉBISSON Mlle DE, château des Forges, par Longny. — 1919. BRICON le chanoine P., Vicaire général honoraire. Supérieur de l'Etablissement supérieur d'Enseignement libre de Séez. — 1900. BRIDREY Emile, docteur en droit, professeur à la Faculté de Droit, 4, rue des Carmélites, Caen. BROC Mme la marquise DE, château des Feugerets, par Belléme Orne, et à Paris, 15, rue Las-Cases vne. — 1882. XII MEMBRES TITULAIRES MM. BROGLIE le prince Georges DE, château de Cui, par Argentan, et 159, boulevard de la Reine, Versailles. —1906. •BROSSARD le comte DE, château des lls-Bardels, par Pontd'Ouilly Calvados et 15, rue Saint-Didier, Paris xvie. — 1918. BROSSARD Mme la comtesse DE, mêmes adresses. •— 1923. BROUARD Emile, comptable, 12, rue de la Sénatorerie, à Alençon. — 1912. BRUNET, 18, rue de l'Adoration, Alençon. — 1921. BUFFET Mme Paul, 32, rue de Bretagne, Alençon. — 1921. BUNEL l'abbé, curé de Ticheville Orne. —1921. BUNOUST le chanoine curé-doyen de Fiers Orne. — 1918. CAIX DE CHAULIEU Mme la baronne Gérard DE, château du Hameau-Fieury, par Bazoches-en-HouIme Orne, et à Paris, 1, rue Beaujon vme. —1903. CAIIOUET le capitaine DE, 29, avenue du Mail-d'Onges, Rennes Ille-et-Vilaine et château de Monceaux, par Coutances Manche. —1924. CALENDINI l'abbé Paul, directeur des Annales Fléchoises, curé-doyen de Ballon Sarthe. — 1908. CÉNIVAL Pierre HELLOUIN DE, archiviste-paléographe, ancien membre de l'Ecole Française de Rome, conservateur de la Bibliothèque et des Archives du protectorat français du Maroc, à Rabat, école arabo-cerbtre Maroc, château de Lamarre, par Ecouché. — 1908. CÉNIVAL Adrien HELLOUIN DE, château de Lamarre, par Ecouché Orne et à Paris, 10, r*e Laborde viue. —1919. CHABERT Mme A., 49, rue des Belles-Feuilles, Paris xvie. — 1922. CHABERT Mme C, 4, square de Lamartine, Paris xvie. — 1923. CHALLEMEL Mme Wilfrid, rue Hautevie, à La Ferté-Macé Orne. — 1916. CHAMPION Edouard, — British Muséum — 5, quai Malaquais. Malaquais. vie. — 1922. CHAPIREAU Mme, 18, rue Marguerite-de-Navarre, Alençon, — 1923. CHAPPÉE Julien, au Cogner, route de Rouillon, Le Mans—1918. CHARPENTIER Paul, château des Requêtes, Valframbert, par Alençon. —1921. CHARTIER Henry, ^, avocat, à Mortagne. — 1885. CHAUVEAU Mme, 4, rue Jullien, Alençon. — 1923. CHENNEVIÈRES-POINTEL le marquis DE, conservateur-adjoint au Musée du Louvre, professeur à l'Ecole du Louvre, à Paris, 8, rue Anatole-Delaforge, Paris xvne. — 1882. CHESNEL Louis, avocat, 55, rue de Bretagne, à Alençon. — 1912. MEMBRES TITULAIRES XIII MM. CHESNES Mme Henri DES, château du Mesnil, par Nonant-le-Pin. — 1893. CHEVALIER Mme, château de Villiers, Saint-Denis-sur-Sarthon, Orne et à Paris, 42, Avenue Mozart xvie. — 1917. CHEVREUIL Maurice, clerc de notaire, rue Sadi-Carnot, Vimoutiers Vimoutiers 1922. CHOISNARD Maurice, g, à la Roussetière, Verrières Orne. —1910. CHOISNE G., à Neuville-sur-Touques, par le Sap Orne.—1910. COCHINHenri,industriel, boulevard Jules-Janin, aEvreux.—1908. COLLIÈRE Jean, 2fc, directeur de la Société Normande de banque et dépôts 69, rue de Bretagne, Alençon. — 1920. COLLIÈRE Mme Jean. 69, rue de Bretagne, Alençon. — 1921. COMMEAUCHE l'abbé Paul, licencié es lettres, professeur à l'Ecole des Roches, Verneuil Eure. — 1903. CONTADES le marquis DE, château de Montgeofîroy, par Mazé Maine-et-Loire. — 1900. COORNAÈRT }, professeur agrégé au Lycée d'Alençon, rue du Jeudi. — 1923. COQUERET André, *, $, directeur général de la Caennaise, château du Bois-de-la-Pierre, par Crulai Orne et à Caen, 29, rue Jean-Romain. — 1922. CORBIÈRE Henri, O. §?, maire de Nonant, vice-président de la Société départementale d'agriculture de l'Orne, château de Nonant-le-Pin Orne. — 1901. CORCELLE Mme DE, château de Beaufossé, Essai Orne et 118, faubourg Saint-Honoré, Paris vin8. — 1922. CORDIER Louis, à Domfront. — 1923. CORDOUE Guy DE, château du Mesnil, par Nonant-le-Pin Orne. —1913. CORNEVILLE Mme, 16, rue des Marcheries, Alençon. — 1922. COTREUIL Paul, à Mortagne, et château de Bellavilliers Orne. — 1913. COUESPEL DE BOISGENCY Mme DE, château de La FerrièreBochard, par Saint-Denis-sur-Sarthon. — 1920. COURONNE l'abbé, curé-doyen de Noce Orne. —1921. COURTILLOLES Mme DE, château deCourtiIloles,par Champfleur Sarthe. — 1920. COURTIVRON le vicomte Paul DE *, château des Lettiers, par Gacé Orne et 11, rue de Lubeck, Paris xvi". — 1919. COUSIN A., à Domfront, Grande-Rue. — 1903. CRESTE Georges, docteur en droit, trésorier de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie, à Paris, 35, rue de Bellechasse vne, et à Mortagne. — 1902. CROYER Mme DE, 25, boulevard Lenoir-Dufresne, Alençon. — 1924. XIV MEMBRES TITULAIRES MM. CURIAL Mme la comtesse, château de Chauvigny, à St-Germain-duCorbéis, St-Germain-duCorbéis, Alençon et 20, rue La Boétie, Paris vnre. —1913. CURIAL le vicomte, TJJC, château de Chauvigny, à St-Germaindu-Corbéis, St-Germaindu-Corbéis, Alençon. — 1913. DALIBERT Maurice, juge de paix, Le Mesle-sur-Sarthe Orne. — 1924. DANLOUX Mme, château des Tourelles, par Radon Orne, et 19, rue Albert-Joly, à Versailles. — 1916. DAREL le chanoine, professeur à l'Ecole Saint-François de Sales 34, rue La Billardière, à Alençon. — 1900. DARPENTIGNY René, greffier de la Justice de Paix, à Putanges, à Pont-Ecrepin Orne. — 1911. DAUGER le vicomte Guy, secrétaire de la Commission diocésaine d'Architecture et d'Archéologie, château du Jardin, par Putanges Orne. — 1903. DAUPELEY Paul, éditeur, 33, rue Gouverneur, Nogent-le-Ro trou E. et L.. — 1906. DAVID Mme Paul, Crévecoeur-en-Auge Calvados. — 1923. DAVID Henri, agent voyer subdivisionnaire à Vimoutiers. — 1924. DAVY l'abbé Georges, professeur à l'École Saint-François de Sales d'Alençon. — 1920. PAUL, avoué, 47, rue du Jeudi, Alençon. — 1924. DELAHAYE Mme PAUL, même adresse. — 1924. DELOBEL Jean, élève de l'Ecole des Sciences politiques, à ChêneGalon, près Bellême Orne et 82, boulevard dé Grenelle, Paris xve. — 1924. DENTU le docteur *, conseiller général de l'Orne, Vimoutiers Orne. — 1922 DESBOUDARD notaire honoraire, 10, rue Octave-Feuillet, Paris xvie. — 1925. DESCHAMPS Albert, 37, rue Saint-Biaise, Alençon. — 1922. DESCHAMPS Mme Albert, même adresse. — 1924. DESCHAMPS Henri, IJ 1, adjoint au maire d Alençon, conseiller d'arrondissement, 22, rue du Cours, Alençon. — 1920. DESCHAMPS René, 201, route de Dieppe, Deville-les-Rouen Seine-Inférieure. — 1920. DESCOUTURES Mme Reynold, à Alençon, 29 bis, rue de l'Ecusson. l'Ecusson. 1913. DESHAYES Louis, notaire honoraire, 5, place des Vieilles-Halles, à Argentan Orne. — 1908. DESHAYES Bernard, manoir de Bray, par Glos-sur-Lisieux Calvados. —1920. MEMBRES TITULAIRES XV MM. DOIN Paul, château de Luctières, par Longny Orne et 8, cité Vaneau, Paris vne.— 1911. DUBOURG, agent voyer à Moulins-la-Marche Orne. — 1922. Du BUISSON Emile, Longny. — 1904. DUÈME G., trésorier payeur général à Besançon. — 1920. DUHAZÉ l'abbé, pro-secrétaire de l'Evêché, Sées. — 1920, DULONG DE ROSNAY Joseph, château de Frazé Eure-et-Loir et 29, rue Daru, Paris. — 1921. DULOUT, hôtel de la Poste, Domfront. — 1923. DUPONT l'abbé Joseph, chanoine honoraire, 34, rue La Billardière, Billardière, Alençon. — 1886. DUPONT l'abbé Alexandre, curé de Montsecret Orne. •—1899. DUPRAY DE LA MAHÉRIE Lucien, membre du Conseil général de l'Orne, vice-président de la Société Percheronne d'Histoire. et d'Archéologie, à la Courtinjère, par Le Pin-la-Garenne Orne — 1899. DURAND Auguste, maire de Magny-le-Désert, par la Ferté-Macé Orne. — 1896. DURAND Georges, agent général du Soleil, 16, avenue du Président-Wilson, Alençon. — 1924. DURAND DE SAINT-FRONT, château de Clairefontaine, par Fougerolles-du-Plessis Fougerolles-du-Plessis et 18, rue Guynemer, Paris vie. — 1924. DUVAL l'abbé Eugène, aumônier des Petiies-Soeurs des Pauvres, Alençon. •— 1907. DUVAL l'abbé Adrien,curé de Crouttes, par Vimoutiers Orne. — 1912. ECUYER DE VILLERS L' Abel, La Maison, Saint-Cénery-le-Gérei Orne. — 1924. ECUYER DE VILLERS L', docteur, Manoir d'Escole-Corbin, Sougéle-Ganelon Sougéle-Ganelon — 1924. ELTRICH Docteur", à Alençon. 59, rue de Bretagne, 1923. EON Francis, J, fjl A., vice-président du Ccnseil de Préfecture de l'Orne, 11 bis, rue du Général-Fromentin, Alençon. — 1921. EON Mme Francis, 11 bis, rue du Général-Fromentin, Alençon. — 1921. ERNULT Charles, $£, p, notaire, maire de Bayeux, 12, rue Général-de-Dais, Bayeux Calvados. — 1912. ESNAULT Arthur, O. I. &$, conseiller général, maire d'Alençon, 19, rue Saint-Biaise. — 1920. FALANDRE le comte Jacques DE, château de Glatigny, par Damigny Orne. — 1912. FAUVEL l'abbé, vicaire à Notre-Dame d'Alençon, 17, rue du Bercail, Alençon. — 1919. XVI MEMBRES TITULAIRES MM. FAVIER Mme Henry, château de Montigny, par La Fresnayesous-Chédouet Sarthe et 99, boulev. Hausmann, Parisvme. — 1924. FELDTRAUER Emile, ingénieur des Ponts et Chaussées, 7, rue de l'Ecusson, Alençon. — 1922. FÉREY François, ingénieur, 9, route du Quesnoy, Marly-lesValenciennes Marly-lesValenciennes — 1923. FÉRON Jacques, place Saint-Jean, Fiers Orne. — 1921. FLEURYGabriel, I. , lauréat de l'Institut, correspondant du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, 28, place de la République, à Mamers Sarthe. — 1891. FOCCART Guillaume,château du Tertre, par Ambrières Mayenne. — 1923. FOCCART Mme, château du Tertre, par Ambiières Mayenne. — 1923. FOCET R., avoué, président' du Syndicat d'initiative, 13, rue du Jeudi, Alençon. — 1920. FONTAINE Auguste, industriel, 28, r. du Cours, à Alençon. — 1911. FONTAINE l'abbé, aumônier de l'Asile départemental, 11, rue Jullien, Alençon. — 1920, FOXTAINE DE 40, rue de Bretagne, Alençon. — 1921. FOUCAULT Albert, avocat à la Cour d'Appel, château du Tertre, par Bellême Orne,'et à Paris, 21, rue de Madrid vine, — 1905. FOULD Mme Achille, château de Vervaine, Condé-sur-Sarthe, par Alençon et 96, avenue d'iéna, Paris. — 1921. FOULON Eugène, architecte, à Laigle Orne. — 1892. FRANCE DE TERSANT André DE, à Paris, 4, rue Saint-Philippedu-Roule Saint-Philippedu-Roule et à Sannois Seine-et-Oise. — 1898. FRESSONNET Henri, chef de service au*j usines de la Fonte, rédacteur au Nouvelliste de l'Orne, à Saint-Sulpice-sur-Rille, pai- Laigle Orne. — 1921. FRILEUSE DE, 11, rue des Promenades, Alençon. — 1922. FROMONT DE BOUAILLE Mlle DE, 5, boulevard Lenoir-Dufresne, Alençon. — 1920, FRONDEVILLE le marquis DE, 25, faubourg Saint-Honoré, Paris vme. FROT Ernest, entrepreneur de travaux publics, 4, rue Déniées, Alençon. — 1921. FROTTÉ le marquis DE, château de Couterne Orne, et à Paris, 52, avenue de Tokio xvie. — 1901. GALLOT, avocat, maire de Domfront Orne. — 1923. GARIN Paul, château d'Avoise, Radon, par Alençon. — 1903. GASTÉ Maurice DE, château de la Genevraye, par Le Merlerault Orne et 24, boulevard de La Tour-Maubourg, Paris vne. — 1900. MEMBRES TITULAIRES XVII MM. GATECLOU-MAREST Charles, 15, rue de Mamers, à Alençon.—1910. GAUQUELIN l'abbé Louis, Le Lys Blanc, à Jeufosse, par Bonnières Seine-et-Oise. — 1924. GAUTIER l'abbé, vicaire à Laigle.— 1920. GAVIN, pharmacien, à Vimoutiers. — 1923. GERMAIN-BEAUPRÉ l'abbé P., curé-doyen de TrUn Orne. —1912. GERMINY le comte Maxime DE, archiviste paléographe, château de Saint-Maurice-du-Désert Orne. — 1921. GIBORY le docteur", fâ, $, à Villers-en-Ouche Orne. — 1913. GICQUEL DES TOUCHES Mme la comtesse, château de la Pouprière, Semallé, par Alençon, et 8, rue du Boccador, Paris vnie. — 1922. GICQUEL DES TOUCHES le comte, ^, château de la Pouprière, Semallé, par Alençon, et 8, rue du Boccador, Paris vme, — 1920. GILBERT Mme Suzanne, Le Mesle-sur-Sarthe Orne. — 1923, GILLET Charles, membre du Conseil général de l'Orne, à Perrou, par Juvigny-sous-Andaine, Orne. — 1903. GIRARDIN Justin, château de Chenay, par Alençon, et 65, avenue Henri-Martin, Paris xviG. — 1920. GOBILLON Mme, La Perrière Orne. — 1923. GOBILLOT René, &, 3, rue Le Verrier, Paris vie. — 1904. GOBLET l'abbé F., curé de Saint-Jean-de-la-Forêt, par Noce Orne. — 1900. GODDE Mme, 27, rue de Lancrel, Alençon. — 1923. GODET l'abbé, curé du Pas-Saint-Lhômer, par Moutiers-auPerche Moutiers-auPerche — 1882. GODOT Jules, à Bocquencé, par La Ferté-Fresnel Orne. — 1912. GOUGEON l'abbé Daniel, chanoine honoraire, curé des Tourailles, par la Carneille Orne. — 1903. GRENTE S. G. Monseigneur, C. ►{, évêque du Mans. — 1903. GRIMAL Mme, concierge, Maison d'Ozé, Alençon. GRIMBERT, membre du Conseil d'arrondissement, notaire à La Ferté-Fresnel Orne. — 1910. GUERCHAIS l'abbé Léon, pro-curé d'Echaufîour Orne. — 1903. GUÉRIN l'abbé R., chanoine prébende, aumônier du Monastère de Sainte-Claire, à Alençon, 5, rue de la Demi-Lune. — 1886. GUÉTUN-SÉGUIER Albert, >&, j, membre du conseil de la Société Archéologique de France, Le Clos de Bretosse, à Aubigny, par Falaise ; 28, rue des Sablons, Paris xvie. — 1920. GUESDON l'abbé, chanoine titulaire, supérieur des Soeurs gardesmalades gardesmalades Sainte-Marie de Gacé, à Séez. — 1891. GUESNERIE Henri, 107, rue Cazault, Alençon. — 1921. XVIII MEMBRES TITULAIRES MM. GUILLAUME Joseph, archiviste-paléographe, ancien archiviste aux Archives Nationales, conservateur de la Bibliothèque et des Archives de la ville de Gaen, 54, avenue de Breteuil, Paris viie. — 1908. GUILLEMAIN D'ECHON Mme, 44, rue du Cours, Alençon. — 1923. GUILLEMAIN D'ECHON Raymond fâ, ï, directeur de la BanqueRégionale de l'Ouest, 44, rue du Cours Alençon. — 1920. GUILLET le chanoine A., à La Chapelle-Montligeon. — 1904. GUILLEMARD l'abbé, doyen honoraire, 1, rue Croix-de-Son, Mortagne. — 1917. GUILLOCHIM Victor *, t±à A., maire d'Argentan, membre du Conseil général de l'Orne, avoué près le Tribunal civil, 5, rue de l'Orne, à Argentan. — 1901. GUYOT le chanoine, secrétaire général de l'évêchë de Sées. — 1919 HAMARD Eugène, membre du Conseil général de l'Orne, maire de Rânes Orne. — 1921. HARCOURT Mme la comtesse Amédée D', château de Beaufossé, par Essai Orne; et 118, faubourg Saint-Honoié, Paris vme. — 1924. HARCOURT comte Amédée D', ^ 5, château de Beaufossé, par Essai Orne et 118 faubourg Saint-Honoré, Paris viue. — 1924. HAREL Paul, à Echauffour Orne. — 1883. HAREL Mme Paul, à Echauffour Orne. — 1904. HAYOT l'abbé, curé de Condé-sur-Sarthe, par Alençon. — 1919. HÉBERT l'abbé Jean, au Séminaire de Saint-Sulpice, à Issy Seine. — 1924. HÉBERT Melle, 24, rue du Jeudi, Alençon. — 1922. HERBRON Maurice, savonnerie d'Alençon, 74-76, rue des Tisons, Alençon. — 1921. HERMIGNY DE BRUCE D', sous-inspecteur, de l'Assistance publique de l'Orne, à Alençon. — 1924. HEURTAUMONT le vicomte DE, membre du Conseil général de l'Orne, château de la Gohyère, par Saint-Mard-de-Réno Orne. — 1907. HOMMEY le docteur Joseph*, A. _, membre du Conseil général de l'Orne, médecin de l'hôpital de Séez. — 1897. HUBERT Gabriel, pharmacien de lre classe, 59, Grande-Rue, à Mayenne. — 1908. HUBERT J., interne en pharmacie à l'hôpital Tenon, à Paiis, rue d'Alençon, à Domfront Orne. — 1921. HUBERT DES VILETTES Guy, à Lonlay-FAbbaye. — 1924. HÛE François, tfr, , 19, rue Théophile-Gautier, Paris-xvie. —1921. HUET-DESAUNAY Henri, ^, avocat à la Cour d'appel de Paris, 28, rue Stephenson, à Paris xviue, et 12, boulevard Carnot, à Argentan. — 1921. MEMBRES TITULAIRES XIX MM. HULOT Paul, architecte, diplômé par le Gouvernement, 27, rue Singer, Paris xvie et au Buissonnet, Mortagne Orne.—1905. HUREL, Le Hameau, à Ecorches, par Trun. — 1923. IMPRIMERIE Marcheries, Alençon.—1912. JAMET, instituteur honoraire, O., 33, rue du Champ-de-Foire, Fiers Orne. — 1921. JAMET l'abbé A., curé de Sainte-Honorine-la-Chardonne, par Athis. — 1899. JAULME André, archiviste-paléographe, ancien élève de l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, 161, rue Saint-Jacques. Paris Ve et 2, rue du Buat, à Laigle. —1925. JOIN-LAMBERT Octave, archiviste-paléographe, château de Monceaux, par Couterne Orne et 1, avenue Alphonse-XIII, Paris xvie. — 1923. JOLY docteur, villa Les Lotus », à Bagnoles de-1'Orne Orne et à Paris, 39, boulevard Raspail. — 1922. JOUANNE René, I, archiviste départemental de l'Orne, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique pour les travaux historiques, Conservateur des antiquités et objets d'art du département, 10, rue Jullien. Alençon. — 1914. JOUBERT Ferdinand-Paul, négociant, 19, rue du Puits-auVerrier, Alençon. — 1921. JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE Henri, 10, rue de Bretagne, Alençon et 1 rue Delambre, Paris xive. — 1917. JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE Mme, 10, rue d» Bretagne, Alençon. — 1921. JOUVIN Henri, notaire à Villiers-le-Bel Seine-et-Oise. — 1902 KERCHNER Edouard, 7, rue Clauzel, Paris ixe, et château de Beauvais, à Hêloup, par Alençon Orne. — 1909. LA BRETÈCHE Mme DE, à Argentan, 17, rue des Vieilles-Halles. ' — 1883. LA BROUSSE Léon DE, magistrat à Neufchâtel Seine-Inférieure. — 1915. LABUTTE Paul, 15, rue Porte-Rabel, à Laigle. — 1921. LACROIX Fernand, ingénieur des Arts et Manufactures, 47, rue du Ranelagh, à Paris xvie. — 1904. LAFFILLEY Mms E., à Crûlai. — 1918. LAGARENNE Mme la Générale DE, château des Tourelles, par Radon Orne. — 1916. LAIGNEAU, directeur de la Société générale, 8, boulevard Levasseur, Le Mans Sarthe. — 1924. LANDE l'abbé, aumônier de l'Hospice d'Alençon, 22, rue de Fresnay. — 1896. LANDE Félicien, à Autheuil, par Tourouvre Orne. —1924. XX MEMBRES TITULAIRES MM. LANGLOIS Emile, imprimeur, 6, rue du Collège, Argentan Orne. — 1910. LAPORTE T., ancien sous-préfet, à Alençon, rue de Bretagne, 20, et château de La Touche, à Saint-Denis-sur-Sarthon Orne. — 1883. LA SERRE l'abbé BARBIER DE, préfet des études à l'Ecole Sainte-Croix de Neuilly-sur-Seine, 30, avenue du Roule, et château du Houssay, par Moulins-la-Marche Orne. — 1904. LA SERRE Etienne BARBIER DE ^t, 11, cité Vaneau, Paris vne, et château du Houssay, par Moulins-la-Marche Orne. — 1919. LASSEUR Georges, *, ï, agent-voyer, principal chef du bureau des Ponts-et-Chaussées, 13, place du Cours, Alençon.— 1918. LAURENT-BARRAULT, &, 120, rue de Lj'on, Paris xne. — 1913. LAUTOUR l'abbé, aumônier de l'hospice de Sées. — 1918. LAUSANNE lieutenant DE, 18, rue Candie, Alençon. — 1921. LWERERIE Mme DE, 61 ter, rue de Bretagne, A'.ençon. — 1923. LAVERNE Jacques, avoué près le Tribunal de la Seine, 66, Faubourg Saint-Honoré, Paris vine. — 1922. LEBOUCHER Jean, g, ancien pharmacien, vice-président de la Société d'Horticulture de l'Orne, 118, rue du Mans, à Alençon. — 1901. LEBOULANGER le chanoine, aumônier des Dames Bénédictines, 51, rue de l'Orne, Argentan. — 1920. LEBOURDAIS Frantz, notaire, au Pin-la-Garenue Orne. — 1908. LEBOURDAIS Mme Frantz, au Pin-la-Garenne Orne. — 1911. LEBRETON, employé de banque, Courteille, Alençon. —1924. LE CARBONNIER DE LA MORSANGLIÈRE Fernand, 31, rue des Carmélites. Caen. — 1925. LECHEVREL Joseph, licencié es lettres, maire de Saint-Paul, professeur au collège Sainte-Marie, 24, rue de l'Oratoire, Caen Calvados. — 1904, LE CHEVREL Mlle Madeleine, 129, rue du Ranelagh, Paris xvie — 1018. LECLERC Mm?, 1, rue de l'Orne, Argentan. — 1922. LECOINTRE Georges, château del'Isle, par Alençon. — 1890. LECORNEY P. Edouard, 71, via Boncompagni, Rome, 25, Italie. — 1889. LEFÈVRE Robert, avocat, 4, rue du Collège, Alençon. — 1921. LE FOYER, 1, rue Manissier, Caen. — 1923. LEFRANÇOIS Guillaume, avocat, agent de la Société Normande de Banque et Dépôts, à Vimoutiers, Le Sap Orne. — 1921. LÉGER Louis, 44, avenue de la Bourdonnais, Paris vne. —1899. MEMBRES TITULAIRES XXI MM. LEGROS l'abbé, curé d'Arçonnay Sarthe, par Champfieur. — 1909. LE GUAY le baron Robert, château de Montgoubert, par Le Mesle-sur-Sarthe Orne et 11, rue de Courcelles, Paris vme. — 1921. LE JEMTEL le docteur, 8, rue des Marcheries, à Alençon. — 1910. LE JEMTEL Mme, 8, rue des Marcheries, Alençon. — 1922. LEMAITRE l'abbé Paul, chanoine titulaire, 17, rue d'Argentré, à Sées. — 1886. LEMATRE Arsène, maître de verrerie à Saint-Evroult-NotreDame-du-Bois. Saint-Evroult-NotreDame-du-Bois. 1919. LE MAROIS le Comte Château de Lonray, par Alençon. — 1924. LE MAROIS Mme \i comtesse, château de Lonray, par Alençon, et à Paris, 51, rue de l'Université vne. — 1893. LEMARQUANT Henri, O. ^, O. I. £, O. &, M. O. de la Mutualité, directeur honoraire au Ministère de l'Intérieur, à Paris, 11, rue des Feuillantines ve, et à Ecouché Orne. — 1883. LEMÉE Mgr, protonotaire apostolique directeur général de l'OEuvre expiatoire, à La Chapelle-Montligeon Orne. —1909. LE MONNIER Romain, publiciste, Le Plain, Mantilly Orne. — 1903. LENOIR, I. 1, professeur honoraire du Lycée, 11, rue du GénéralFromentin, Alençon. — 1924. LEHMIER Georges, avocat à la Cour d'Appel 5, rue EdmondValentin, Paris vnc, et château de Saint-Gervais, par VingtHanaps Orne — 1920. LE ROUILLÉ Jules, 41, rue du Château, Alençon. — 1907. LEROUX Maurice, à Longny Orne. — 1924. LEROY Henry, notaire à Laigle — 1908. LEROY Paul, château du Hamel-Saint-Etienne, à La Carneille Orne. — 1904. LEROY le docteur, 136 bis, avenue de Neuilly, Neuilly-sur-Seine Seine et à la Carneille. — 1921. LE ROY-WHITE Mme, château de Rabodanges, par Futanges Orne et 1, Quai Voltaire, Paris vne. — 1923. LESAGE Maurice, villa des Houx, par Villerville Calvados. — 1924, LE SASSIER-BOISAUNÉ Etienne, au Buat, par Rabodanges Orne. — 1921. LESELLIER l'abbé Joseph, procureur de l'OEuvre expiatoire, St-Louis-des-Français, 197, via Babuino, à Rome. — 1914. LESSART Henry, maire de Saint-Siméon Orne, à Alençon, 9, rue de Fresnay. — 1892. XXII MEMBRES TITULAIRES MM. LEVASSORT le docteur, €$, A. ^, maire de Mortagne, vice-président de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie, rue de la Sous-Préfecture, à Mortagne Orne. — 1907. LE VAVASSEUR Mme Gustave, château de la Lande-de-Lougé, par les Yveteaux Orne. — 1896. LEVEILLÉ Mme, 3, rue de Bretagne, à Alençon. — 1914. LE VENEUR DE TILLIÈRES le comte, 20, rue des Promenades, Alençon. — 1922 LÊVÊQUE l'abbé, ^t, curé de Touquette, pa. Saiht-EvroultNotre-Dame-du-Bois Orne. —1920. LÉVESQUE le docteur, conseiller général, de l'Orne, Domfront. —1923. LÉVIS-MIREPOIX le comte DE, château de Chèreperrine Orne, par Mamers Sarthe, et à Paris, 121, rue de Lille VII. — - 1889. LOISEAU l'abbé, aumônier de l'HôtelDieu, à Mortagne Orne. — 1921. LONGIN le colonel *, 95, rue Cazault, Alençon. LONGUEMARE Paul DE *, membre du Conseil général du Calvados, directeur de V Association Normande, château de Vendes, par Noyers-Bocage Calvados, et à Caen, 23, place de la République. — 1920. LORILLEUX Pierre, château de L'Aunay, par Saint-George s-duVièvre Eure et 53, rue de Verneuil, Paris vne. — 1919. LOUVARD S. G. Mgr, évêque de Coutances et Avranches Manche. — 1904. LOUVEL Marcel, >&, O. I. pi, ancien chef d'Institution, maire de Regmalard Orne. — 1894. LOUVEL Dr Georges, La Ferté-Macé Orne. — 1924, LOYSEL DE LA BILLARDIÈRE, juge, à Pontoise Seine-et-OIse, et avenue Daniel-Lesueur, 9, Paris vne, et château de la Monnerie, à Saint-Germain-du-Corbéis, par Alençon. — 1908. LOYSEL DE LA BILLARDIÈRE Mme, mêmes adresses. — 1920. LUCAS, directeur de l'Usine d'Ozé, président de la Chambre des Métiers, 55 bis, rue de Mamers, Alençon. — 192 château de Blanchelande, par Mortrée Orne et 23, rue Galilée, Paris xvie. — 1918. PESNEL le docteur, Bagnoles-de-1'Orne Orne. — 1921. PÉTRON l'abbé, à Fresnes, par Montsecret Orne. — 1923. PEYERIMHOFF DE FONTENEILE H. de, château de Médavy par Almenèches Orne et 16, rue Séguier, Paris vie. — 1922. PICARD, libraire-éditeur, 82, rue Bonaparte, Paris vie. — 1909. PICHON Louis, rue Haute, à Trôo Loir-et-Cher. — 1908. PICOT Mme Emile, château du Mesnil, par Laigle Orne, et à Paris, avenue de Wagram, 135 XVII6. — 1909. PIERREY Mme M., château de la Guyardière, en La HauteChapelle Orne, et 30, rue Copernic, Paris xvie. — 1903. PIERREY Jacques, Le Petit-Fief, Surimeau, par Sainte-Pezenne Deux-Sèvres et 16 bis, rue Dufrénoy, Paris xvie. — 1913. POLLET, ffe, château de la Pommeraye, par Pont-d'Ouilly Calvados. — 1921. PONTHAULT André, 1, rue de l'Hôtel-de-Ville, Mayenne. — 1923. PONTHAULT Pierre, place de Hercé, Mayenne Mayenne. •—1923. PORCHER Jacques, 1, rue du Regard, Paris vie. — 1901. PORCHER Jean , archiviste-paléographe, attaché à la Bibliothèque Nationale, 6, rue Commailles, Paris vue. — 1913. PORCHET Georges, professeur au Lycée de Caen, 50, rue Ecuyère, et à La Carneille Orne. — 1925. PORÉE le chanoine, correspondant de l'Institut, curé de Bournainville, par Thiberville Eure. — 1912. XXVI v MEMBRES TITULAIRES MM. POTTIER l'abbé, curé de Bocquencé, par La Ferté-Fresnel. — 1923. POUPET capitaine Benoît, -^f, docteur en Droit, 18, rue AlexandreDelemare, AlexandreDelemare, Mons-en-Bareul, par Lille Nord. — 1912. PRIMOIS Georges, industriel, au Pont-OEuvre, par Saint-EvroulNotre-Dame-du-Bois Saint-EvroulNotre-Dame-du-Bois — 1911. PRIMOIS fllsGeorges, industrielauPont-OEuvre,par Saint-EvroulNotre-Dame-du-Bois Saint-EvroulNotre-Dame-du-Bois — 1924. PRODHOMME le docteur, maire de Putanges. — 1903. PRUNELÉ le comte Henri DE, à Sées Orne, et 35, rue du Sud, à Versailles Seine-et-Oise. — 1914. RABINEL l'abbé, missionnaire diocésain, 14, rue du Cours, "Alençon. — 1921. RATTIER le chanoine, archiprêtre d'Argentan Orne. —1924. RÉMON-BEAUVAIS Mme, rue d'Alençon, Domfront. — 1923. RENAULT Paul, notaire, 49, place du Cours. Alençon. — 1923. REVERT Eugène, agrégé de l'Université, chargé de Cours à l'Université de Helsmgfors Finlande, Professeur au lycée . de Roanne, 1919. RHEINART Mme, à la Hamardière, près Domfront Orne. — 1922. RIBLIER. notaire à Regmalard Orne. — 1924, RIBOUX l'abbé A., curé de Bonsmoulins Orne. — 1904. RIGOULAY Alphonse ££, A. O. I. ^, chef de division à la Préfecture de l'Orne, 26, rue du Château, Alençon. — 1921. RIPAULT l'abbé, professeur à l'Ecole de l'Immaculée-Conception, à Flers-de-POrne. — 1919. RIVIÈRE Albert, ïfe, ancien magistrat, château de la Gatine, par ViUiers-sous-Mortagne Orne, et à Paris, 52, rue d'Amsterdam ixe. — 1900. ROCHEFORT Mme la comtesse DE, château de Bois-Roussel, par Essai Orne, et 39, rue Saint-Dominique, Paris. — 1920. ROEDERER le comte, ifc, membre du Conseil général de l'Orne, château de Bois-Roussel, par Essai, et 5, rue Freycinet, Paris xvie. — 1903. ROGER, ancien notaire, rue Cazault, Alençon. —• 1923. ROMANET le vicomte Olivier DE, vj&, château de Frebourg, par Mamers Sarthe, et 16 bis, avenue Bosquet, Paris vne. — 1905, SEMALLÉ M"e DE, château de Semallé Orne. — 1919. SERCEY Mme la comtesse Lauient DE, château de Vaugeois, par Neuilly-le-Vendin Mayenne. — 1923. SEVRAY le chanoine, à Séez Orne. — 1882. SORNIN l'abbé, curé de Saint-Kvroull-Notre-Dame-du-Bois. — 1919. SOUANCÉ le comte DE, château de Montdoucet, par Souancé Eure-et-Loir. - 1887. SURVILLE Auguste, ^, bibliothécaire de la ville de Fiers, à la Chapelle-Biche Orne. — 1886. TABOURIER l'abbé L., curé de St-Léger-sur-Sarthe, par Le Meslesur-Sarthe Orne. - 1902. TAPFOREAU Mlles, rue des Promenades, 14, Alençon. TAUNAY Victor-Auguste, président de l'Association de la Presse judiciaire de Paris, ancien rédacteur à la Gazette de France, à Paris, 93, rue du Bac, et " La Solitude ", à Plessis-Robinson Seine. — 1912. TESSIER le chanoine, >ïe, 29, rue du Cours, Alençon. — 1920. TRÉBUciENMm,àMagny-le-Freule, par Mézidon Calvados et 185, rue de la Pompe, Paris xvp.—1913. TRIGER Robert, A. Ç, C. ^, §,docteur en droit,ancien conseiller d'arrondissement, correspondant du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, président de la Société Historique et Archéologique du Maine, aux Talvasières près Le Mans, et au Mans, 5, rue l'Ancien-Evêché. — 1882. TRIPIED l'abbé F., curé de La Lande-Patry, près Fiers Orne. — 1900. l'abbé, curé de Fresnes Orne. — 1920. TURGEON Charles, ^, O. Spf, C. %*, membre correspondant de l'Institut, professeur d'Histoire des doctrines économiques et doyen de la Faculté de Droit de l'Université de Rennes, 25, boulevard Sévigné, à Rennes. — 1883. UBALD D'ALENÇON le R. P., 46, rue de la République, Brysur-Marne, Seine. — 1903. VADÉ Paul-Emile, conseiller municipal, 11, rue Cazault, Alençon — 1920. VANNIER l'abbé, 11, rue Grande-Sarthe, Alençon. — 1924. VAUCELLES le comte Jules DE g, membre du Conseil général de l'Orne, château de Lignou, par Briouze Orne, et à Paris, 18, rue de Marignan vin. — 1892 VAUGEOIS l'abbé, vicaire à Saint-Jean de Laigle. — 1909. VAUDRON l'abbé, vicaire à Condé-sur-Huisne Orne. — 1921. VENDEL Henri, bibliothécaire de la ville de Châlons-sur-Marne et à Almenèches Orne. 1909. VÉREL M»' Charles, à Nonant-le-Pin Orne. — 1888. VERGER Marcel, inspecteur à la Caennaise, 98, boulevard des Alliés, Caen. — 1923. VEZARD René, avocat, arbitre expert près le Tribunal de Commerce de la Seine, 179, boulevard Péieire, Paris xvne. — 1921. VIALLET Paul, sous-directeur de la Banque régionale, Alençon, 40, rue Jullien. —1924. VIGAN Victor DE, capitaine honoraire, à Bellême Orne. — 1900. VIGNERAL le comte DE, château de Ri, par Habloville Orne. — 190J. VIMARD Achille, château des Tourailles, par la Carneille Orne et 12, place Rougemare, Rouen Seine-Inférieure. — 1904. VINCENT, château de La Ferté-Frênel Orne et 68, boulevard de Courcelle, Paris xvne. — 1921. VOISIN Etienne, château de la Gâtine, par Villiers-sous-Mortagne et à Paris, 67, rue d'Amsterdam viuc. — 1900. XXX MEMBRES TITULAIRES MM. YVETOT, château du Hamel, à Planches Orne. — 1924. WICKERSHEIMEP. E111., président au tribunal de première instance,. à Argentan Orne. — 1911. ZAPPA Mme E., boulevard des Alliés, Caen. — 1922. BIBLIOTHÈQUE DE FLERS. — 1911. BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE DOMFRONT. — 1922. BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE NOGENT-LE-ROTROU Eure-etLoir. — 1911. ÉCHANGES XXXI Sociétés Savantes et Établissements Publics Auxquels la Société Historique et Archéologique de l'Orne adresse ses Publications et ses Correspondances. Abbeville. — Société d'Emulation d'Abbeville. Aix. — Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d'Aix. Aix. — Bibliothèque de l'Université d'Aix.— Facultés des Lettres et de Droit. Alençon. — Archives départementales de l'Orne. Alençon. — Bibliothèque publique de la ville. Angers. — Revue de l'Anjou ; M. le Directeur, 40, rue du Cornet. Angers. — Société Nationale d'Agriculture, Sciences et Arts ancienne Académie d'Angers. Angoulême. — Société Archéologique et Historique de la Charente. Argentan. — Bibliothèque publique; M. PORCHER, 105, rue de Paris. Arles. — Société des Amis du Vieil Arles. — Poste. Auxerre. — Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 43, rue Joubert. Avranches. — Société d'Archéologie littéraire, Sciences et Arts, des arrondissements d'Avranches et Mortain. Bayeux. — Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux. Blois. — Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher. — M. Le ueur, président, rue du Palais, à Blois. Bourges. — Société des Antiquaires du Centre. Caen. — Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen. Caen. — Société des Beaux-Arts. Caen. — Société des Antiquaires de Normandie. Caen. — Comité des Assises de Caumont, 28, rue de Geôle. — Poste. Caen. — Bibliothèque municipale. — M. Huard, conservateur. Chartres. — Société Archéologique d'Eure-et-Loir. Château dun Eure-et-Loir. — Société Dunoise Archéologie, Histoire, Sciences et Arts. Chinon. — La Société des Amis du Vieux-Chinon Indre-et-Loire. Cholet. — Société des Sciences et Beaux-Arts. Evreux. — Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et BellesLettres de l'Eure, 12, rue de la Banque. Fiers. — Le Pays Bas-Normand. Granville. — Société d'Etudes historiques et économiques Le Pays de Granville. » XXXII ECHANGES Grenoble. — Bulletin de l'académie Delphinale. Guéret. — Société des Sciences Naturelles et Archéologiques de la Creuse. La Flèche. — Les Annales Fléchoises. — Poste. Laval. — Commission Historique et Archéologique de la Mayenne. Le Havre. — Les Amis du Vieux Havre. Le Havre. •— Société havraise d'études diverses. Le Mans. — Société Historique et Archéologique du Maine. Le Mans. — Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe; M. GENTIL, 86, rue de Flore. Ligugé Vienne. — M. le Directeur de la Revue Mabillon abbaye Saint-Martin, Ligugé Vienne. — 1921. Lille. — Commission historique du département du Nord, place de l'Université.— M. de Saint-Léger, président. Limoges. — Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin. Lisieux. — Société Historique. Lyon. — Société Gerson d'histoire et d'archéologie du diocèse de Lyon. Marseille. — Société Archéologique de Provence, 63, boulevard Longchamp. — M. Magnan, président. Montpellier. — Société d'Archéologie. Mortagne. — Société percheronne d'Histoire et d'Archéologie.— M. l'abbé Moulin, aumônier de l'hospice. Mouilleron-en-Pareds Vendée. — Revue du Bas-Poitou. — M. René Vallette, Logis de Beauregard. Moulins. •—• Société d'Emulation du Bourbonnais Lettres, Sciences et Arts. Nantes. — Société Archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure. Orléans. — Société Archéologique et Historique de l'Orléanais, M. le Président, 37, boulevard Alexandre-Martin. Paris. — Ministère de l'Instruction publique Direction de l'Enseignement supérieur, 5e Bureau. — 6 exemplaires. Paris.— L'Ame Normande; M. Jacques HEBERTOT, Directeur, 5, Quai Voltaire vne. Paris. — Bibliothèque Nationale, 58, rue de Richelieu ne. Paris. — Bibliothèque de la Sorbonne, rue Saint-Jacques ve. Paris. — Bibliothèque de l'Institut.— M. le secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 23, quai de Conti, Paris vie. Paris. — Bibliothèque d'Art et d'Archéologie, 11, rue Berreyer, Paris vine. Paris. — Bibliothèque de l'Institut catholique, 74, rue de Vaugirard, Vaugirard, M. l'abbé Langlois \ie. ÉCHANGES XXXIII Paris. — Le Polybiblion, 5, rue Saint-Simon.— M. Chapuis vne. Paris. — Comité des travaux historiques et des Sociétés savantes, rue Richelieu. Bibliothèque Nationale. Paris. —Touring-Club de France, 65, avenue de la Grande-Armée, Paris xvie. — M. le Secrétaire-administratif du Comité des fêtes et monuments. Paris. — Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 19, rue de la Sorbonne Sorbonne Paris. — Les Guides Bleus, librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain, Paris vne. Paris. — Revue des Questions Historiques, 5, rue Saint-Simon. — Poste vne. Paris. — .Association amicale de l'Orne, 14, rue Fontaine, Paris ixe. Paris. — La Pomme; M. LATOUCHE, secrétaire général, 65, rue Caulaincourt, Paris xvme. Paris. — Société Française d'Archéologie; M. LEFÈVRE-PONTALIS, 13, rue Phalsbourg xvne. Paris. — Bulletin héraldique de France; M. DELAPORTE, 5, rue Mornay ive. — Société de Saint-Jean pour l'encouragement de l'Art " Chrétien, 13, rue de l'Abbaye vie. Poitiers. — Société'des Antiquaires de l'Ouest. Quimper. — Diocèse de Quimper et de Léon Finistère. — Bulletin diocésain d'Histoire et d'Archéologie. — Poste. Rennes. — Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine. Rochechouart. — Société les Amis des Sciences et Arts de Rochechouart Rochechouart Rouen. — Société de l'Histoire de Normandie. Rouen. — Bibliothèque de la Ville de Rouen. Rouen. — Société Normande de Géographie. Rouen. — Commission des Antiquités de la Seine-Inférieure. Rouen. — Revue Normande, place Haute-Vieille-Tour. Rouen. — Société Normande de gravure, hôtel des Sociétés Savantes. Saint-Dié. — Société Philomatique Vosgienrie. Saint-Lô. — Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire Naturelle de la Manche, 23, rue des Images. Saint-Malo. — Société Historique et Archéologique de l'arrondissement de Saint-Malo. Saumur. — Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois. Toulouse. — Société Archéologique du Midi de la France. Tours. — Société Archéologique de Touraine. Trévières. — Société historique de Trévières Calvados, M. le chanoine Guérin, doyen.. XXXIV ECHANGES Valence. — Société d'Histoire Ecclésiastique et d'Archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers. Valognes. — Société Archéologique, Artistique, Littéraire et Scientifique de l'arrondissement de Valognes. Vannes. — Société Polymathique du Morbihan. Vendôme. — Société Archéologique, Littéraire et Scientifique du Vendômois. ECHANGES XXXV Sociétés Étrangères Aarhus Stifs Aarbager. — Société historique. M. Hangsted, président, St-Paulskirkiplads-Aarlius Danmark. Albany. - Université de l'Etat de New-York. Barcelona. — Analecta Montserratensia. Bibliotheca deMontserrat. Bergen Norvège — Bibliothèque de la ville M. Sxdth, Libliothécaire. Bruxelles. •— Analecta Bollandiana, 24, boulevard Sain -Michel. Cambridge Etats-Unis. — Harward University of Cambridge Correspondant M. PICARD, libraire, 82, rue Bonaparte, Paris vi°. Christiana. — Bibliothèque de l'Université. M. W. Munthe, bibliothécaire. Copenhague. — Bibliothèque royale M. Lange, bibliothécaire en chef. Costa-Rica Amérique Centrale.— Museo Nacional; M. A. ALFARO. Director, San-José. Davenport. — Académy of Sciences. Genève Suisse. — Bibliothèque publique et universitaire. Helsingfors Finlande, — Bibliothèque de l'Université. — 1923. Jersey. — M. Nicolle, secrétaire honoraire. —Société Jersiaise. 9, Pier Road, Saint-Hélier. —1924. Londres. — Anglo-French society, scala house, Charlotte Street, w. i. Mexico. — Museo Nacional. Monaco. — Annales du Palais de Monaco. Montevideo Uruguay. — Museo de Historia Natural. Neufchâtel Suisse. — Société Neutchàteloise de Géographie. Rio-de-Janeiro Brésil. — Museo Nacional. Stockholm Suède. — Académie Royale des Belles-Lettres, de l'Histoire et des Antiquités. Turin. — Societa piemontese di archeologia et Belle Arti, via Napione, n° 2 Correspondant M. le docteur Gino Borghezio. Washington. — Smithsonian Institution. PftOCÈS-VERBAUX Séance du 29 Janvier 1925 Présidence de M. TOURNOUER, président. Le jeudi 29 janvier 1925, à la Maison d'Ozé, la première assemblée générale de la Société historique et archéologique de l'Orne, s'est tenue sous la présidence de M. Tournouer, président. Présents Mmes DE COUESPEL, DE COURTILLOLES, DE CROYER, DESCIIAMPS, DESCOUTURES, LEVEILLÉ, DE SAINTEPREUVE, Paul ROMET et Charles ROMET et MUe BELLESSORT. MM. le docteur BEAUDOUIN, BEAUGÉ, Henri et Félix BESNARD, le chanoine DAREL, Albert DESCHAMPS, EON, les abbés GERMAIN-BEAUPRÉ et GUERCHAIS, le chanoine GUESDON, LENOIR, Paul ROMET, ROUSSEAU, l'abbé TABOURIER, TOURNOUER et VADÉ. Excusés Mme 8 la comtesse D'ANGÉLY, CHAUVEAU, EON, FAVIER, RUFFRAY et TIERCELIN ; MUes DE BRÉBISSON, DE LAVERERIE et DE SEMALLÉ. MM. Joseph BESNARD, le chanoine BIDARD, André BOUTON, CHEVREUIL, DESLOGES, DOIN, DUBOURG, le chanoine DUPONT, DURAND DE SAINT-FRONT, l'abbé GOBLET, JOUANNE, JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE, le docteur LECUYER DE VILLERS, l'abbé LEGROS, LEMARQUANT, le comte LE VENEUR, LOUVEL, le docteur ONFRAY, le chanoine ROBERT, le vicomte Pierre DE ROMANET, le marquis DE SAINT-PIERRE, le baron DE SAINTE-PREUVE, Etienne DE LA SERRE, le chanoine SEVRAY, TAUNAY, le R. P. UBALD et Etienne VOISIN. £ PROCES-VERBAUX M. LE PRÉSIDENT nous dit sa joie de constater la cordialité et l'esprit vraiment familial qui régnent de plus en plus dans la Société dont il est le Président depuis 25 ans et, à ce titre, il veut offrir, à tous, ses voeux pour la nouvelle année. Puis, très délicatement, il exprime nos vifs sentiments de condoléance à la famille de Semallé pour la mort toute récente de M. Joseph de Semallé, dont le père est membre de la Société et aussi à notre confrère, M. le docteur Levassort, maire de Mortagne, qui vient de perdre sa femme. Passant aux bonnes nouvelles, M. LE PRÉSIDENT nous fait part du mariage de M. de Cénival avec Mlle de Peyerimhoff et de celui de M. Geivais Chappée avec Mlle Compaignon de Marcheville. Il nous annonce également la promotion de M. Etienne de la Serre nommé officier de la Légion d'honneur. Par extraordinaire, nous n'avons pas aujourd'hui de nouvelles présentations ; mais, nous sommes fiers d'enregistrer les magnifiques résultats de notre recrutement 50 nouveaux membres en 1920 ; 62 en 1921 ; 37 en 1922 47 en 1923 et 55 en 1924. Nous atteignons actuellement le chiffre de 521 membres. Cela ne nous fait pas oublier nos deuils, entre autres, celui très sensible de M. René de Beauregard. Nous avons dû faire un gros effort pécuniaire pour insérer au Bulletin des articles en retard. Aussi, nous verrons-nous probablement obligés à ne donner que deux fascicules en 1925. Nos réunions ont été régulières et animées et agrémentées de communications et de causeries très intéressantes. Nos conférences ont eu un vrai succès. L'excursion fut particulièrement réussie et laissera un souvenir parmi les plus belles. Voilà le bilan de l'année qui vient de s'achever. M. LE PRÉSIDENT donne maintenant la parole à M. LE VICOMTE DU MOTEY pour une communication, qu'au nom de la Société d'Eure-et-Loir, le docteur Demantké, de Dreux, est venu lui-même le prier de nous faire. PROCES-VERBAUX 3 La Société d'Eure-et-Loir tient à ce que nous ayions connaissance d'une protestation inutile, hélas ! qu'elle a faite contre le remplacement d'une croix historique, à Anet, par le monument aux morts de la guerre. M. du Motey, avec la limpide précision de sa mémoire très sûre, nous montre l'intérêt de ce calvaire. On sait qu'au moment de l'invasion normande, les reliques de saint Latuin, premier évêque de Séez, furent mises à l'abri dans l'église d'Anet. Au xie siècle, Yves de Bellême, pour en recouvrer au moins une parcelle, se rendit à Anet et il eut beaucoup de peine à obtenir de l'évêque de Chartres et des habitants le quatrième doigt de la main droite de son saint prédécesseur. Pour le transfert de la relique, on édifia trois magnifiques reposoirs sur l'emplacement desquels furent ensuite érigés trois calvaires qui étaient encore debout au xvme siècle. De nos jours, il n'en subsistait plus qu'un. Et c'est contre la suppression de ce souvenir historique par le Conseil municipal d'Anet que la Société d'Eureet-Loir a voulu protester et elle a tenu à nous en envoyer le sjTnpathique témoignage. M. LE PRÉSIDENT remercie M. du Motey et assure la Société d'Eure-et-Loir de notre parfaite conformité de vues avec elle. M. LE PRÉSIDENT nous parle de l'organisation du Congrès des Sociétés savantes de Normandie pour lequel il y eut hier une réunion fort importante. Tout semble en bonne voie et des commissions sont nommées pour organiser en détail séances d'études, expositions, concerts et excursions. Quant à notre Assemblée générale, c'est en juillet qu'elle se tiendra et, désormais, elle ne se fera plus au cours de l'excursion. M. LE PRÉSIDENT organisera, suivant l'usage, une réunioli spéciale, en mars, pour les membres parisiens de la Société. M. LE PRÉSIDENT nous dit le succès remporté à Paris par la Schola cantorum de l'Orne et il adresse, en notre nom, des félicitations à son directeur, notre confrère, M. l'abbé Marais. Le journal,' La Vie catholique, a publié deux articles 4 PROCES-VERBAUX très élogieux pour VOratorio' de Paul Harel comme pour la musique de Bellenot. L'Oratorio de la bienheureuse Thérèse de l'Enfant-Jésus Paul HAREL La Schola Caniofum de l'Orne, sous la direction de l'abbé Marais, est venue donner dans diverses églises de Paris, notamment à Sainte-Clotilde et à Notre-Dame-des-Champs, sur la bienheureuse Thérèse de l'Enfant-Jésus, la petite sainte du Carmel de Lisieux, le très bel Oratorio composé par M. Bellenot, organiste de Saint-Sulpice, sur un ravissant poème de Paul Harel. Ce nous est une occasion de saluer une fois de plus l'infatigable jeunesse toujours renouvelée du grand poète géorgique et chrétien, que double un personnage quasi mystique, tant il semble émané du paysage même de France et de la race, dont il résume les plus délicats et les plus pittoresques aspects. Est-ce un cep bourguignon devenu homme, un Clos Vougeot ou un seigneurial Chambertin ? Est-ce un des génies de la forêt d'Ecouché, une émanation mélancolique et rieuse de sa ducale Normandie, la voix de ses échos moqueurs et tristes ? Harel est tellement vrai, tellement charmant, il exprime tellement le plaisir des heures savoureuses, qu'il nous semble avoir été extériorisé de nous-mêmes et nous représenter notre joie vivante, qui marche à nos côtés. N'est-il pas la propre bouteille qu'il nous a fait boire et qui se commente encore ? N'est-ce pas le visage du si doux et si réconfortant accueil que nous reçûmes en tel château Louis XIII ou en tel évêché xvme siècle et qui nous accompagne ? Harel est gaîté, douceur du regret, chaleur du corps et de l'âme, attente du jour savoureux, fraîcheur du matin, tristesse somptueuse du crépuscule, rêve, souvenir, vision, vie intense. Harel est le poème de la vie de France et sa poésie, où revivent Villon, Clément Marot, Virgile et La Fontaine, en est un délicieux abrégé. Harel, l'honneur des bois El des mois. Harel, la douce espérance Des fleurs... ALFRED POIZAT PROCES-VERBAUX 5 Philippe BELLENOT L'auteur de l'Oratorio de la bienheureuse Thérèse est M. Philippe Bellenot, le maître de chapelle de Saint-Sulpice. C'est un de ces modestes qui n'aiment pas qu'on les tire de l'ombre. Cependant M. Bellenot a bien voulu se souvenir qu'il me donna jadis des leçons d'harmonie, et me parler pendant quelques instants de sa nouvelle oeuvre. Elle me fut demandée, voici quelques années, me dit-il, par M. l'abbé Marais, l'infatigable fondateur de la Schola cantorum de l'Orne, dont les belles auditions religieuses ne se comptent plus. J'ai suivi fidèlement le texte de Paul Harel. Cependant j'ai cru devoir le faire précéder d'un Prélude, qui évoque la merveilleuse destinée de l'enfant et expose les principaux leitmotiv de l'oeuvre. Je me suis permis aussi d'interrompre parfois le poème pour faire entendre tout au moins un rappel de certaines hymnes, qui baignent ma musique profane dans une atmosphère liturgique. J'ai voulu aussi que ma petite sainte entrevît, dès avant sa profession, les étapes de son calvaire d'amour, et, par un procédé analogue à celui du cinéma, j'ai fait défiler sur l'écran musical les pressentiments et les rêves de l'enfant, le Mystère de l'Enfance, celui de la Passion, la souffrance, la mort précoce, le Ciel, la pluie de roses épandue sur la terre. Ce sont de grandes libertés, que certains m'ont reprochées ; j'ai conscience cependant qu'elles aideront à faire comprendre et à faire aimer la figure de la bienheureuse. Ce qu'est, musicalement, mon Oratorio ? Vous savez que, sans mépriser les novateurs, je suis un classique en écriture musicale. Vous savez combien j'admire Saint-Saëns et Gounod. Ils ont été mes maîtres. Ils demeurent mes modèles. » L'oeuvre de M. Bellenot a déjà connu un grand succès à Alençon, l'année dernière. Nul doute qu'à Paris elle ne reçoive, cette semaine, à Sainte-Clotilde et à Notre-Dame-des-Champs, le meilleur accueil du public qui aime la belle et saine musique religieuse. PAUL RENAUD IN A l'exposition du Touring-Club que nous avions annoncée, figuraient un certain nombre de vues ornaises Boulan, Portail de Notre-Dame d'Alençon peinture. Choquet, J. Vieille maison à Sées gravure. Desbois, P. Château de Couterne aquarelle. Dubout Mlle M. L'étang dans l'Orne aquarelle. Dupont, G. Saint-Céneri aquarelle. D PROCES-VERBAUX Fouques, Temps de pluie, Le vieux pont à Saint-Céneri peinture. Main-Bécret, Alice Pâturage à Bellême aquarelle. Marcis La Vée, Bagnoles-de-1'Orne peinture ; Rue de Village près Tessé-la-Madeleine. Millard, -M. Saint-Martin-du-Vieux-Bellême peinture. Montader, A. L'Orne à Argentan ; Le château d'O peinture. M. XAVIER ROUSSEAU, d'Argentan, envoie une communication qu'on lira avec intérêt à la suite du procès-verbal. M. D'HERMIGNY DE BRUCE adresse à M. le Président un travail manuscrit dont il sera rendu compte dans la Chronique du Bulletin. M. LE PRÉSIDENT recommande le concert qui sera donné au profit de la Crèche alençonnaise » dont Mme Descoutures est présidente. M. LE PRÉSIDENT remercie tout particulièrement M. Besnard qui offre à la Bibliothèque un tirage à part de son article sur ses 25 ans de présidence. M. EON nous dit que Mme Dusanne, de la ComédieFrançaise, a fait à Rennes une conférence sur Mme de Ségur. M. BROUARD nous fait maintenant le compte rendu financier et M. LE PRÉSIDENT le remercie de sa gestion si dévouée et si bien ordonnée puis il proclame le résultat des élections. Les membres sortants sont réélus. La parole est maintenant à M. le docteur BEAUDOUIN qui, pendant une demi-heure, nous tient sous le charme d'une causerie pétillante, comme toujours, de malice et d'esprit. Le programme épuisé, la séance est levée à 16 h. y2. Le Secrétaire, P. GERMAIN-BEAUPRÉ. PROCÈS-VERBAUX Communication à la Séance du 29 Janvier 1925 IPatois Ornais Je lis dans un grand quotidien sous le titre Une innovation originale M. Bruneau, professeur à la Faculté de lettres de l'Université de Nancy, vient de faire une curieuse démonstration à son cours public sur la littérature populaire en Lorraine. Dans un village du nord de la Meuse, il eut l'occasion d'entendre une brave vieille femme narrer un conte simple et naïf, mais fort dramatique, qui remontait au temps des cosaques de l'invasion de 1815 et qu'elle tenait de ses parents. Cette paysanne, qui n'avait jamais quitté son village et ne savait ni lire ni écrire, interpréta le récit d'une manière tellement émouvante, en l'entremêlant de mots patois, que le professeur Bruneau le saisit sur le vif de son pur accent de terroir, à l'aide d'un phonographe enregistreur. Et c'est ainsi qu'au grand amphithéâtre de la Faculté des lettres de l'Université de Nancy, devant un nombreux auditoire de choix, ce rustique conte lorrain fut récité par une brave femme absolument fruste, avec une audition parfaite. Le Matin, 18 janvier 1925. Le mot innovation est tout à fait inexact, l'idée est très vieille et sa réalisation remonte à près de trois lustres. Le 3 juin 1911, effectivement, on inaugurait les archives de la parole », et dans l'un des discours d'inauguration, je relève ce passage Nous avons tout autour de nous de grands vieillards qui se meurent, ce sont nos patois. Un à un, les villages, sous l'influence de l'école, de la presse, des relations commerciales, centuplées par les moyens nouveaux de communication, abandonnent leur vieux parler séculaire. Dans quelques années, il sera déformé ou aura vécu. Le français, qui n'a même pas sur ses frères le droit d'aînesse, aura pris pour lui toute la France du nord et une partie de celle du midi. Immense bienfait, sans doute, pour qui ne regarde que le côté politique et social, perte irréparable pour le curieux et l'artiste qui aime la variété pittoresque de la 8 PROCÈS-VERBAUX vie, pour le savant qui en étudie les lois... Un cylindre devant lequel un paysan, soigneusement choisi, aura parlé cinq minutes, sauvera de l'oubli et du néant les patois jusqu'ici négligés. L'initiative du distingué professeur nancéen si intéressante qu'elle soit, ne saurait donc constituer, comme le veut mon chroniqueur, une innovation. Mais on est en droit de se demander ce qu'il est advenu des Archives de la parole. Après de beaux discours, il est à craindre qu'elles n'aient fini, comme tant de choses en France, par des chansons... qui n'étaient plus en patois... Qu'importe après tout, puisque l'idée a été émise et qu'on la sait réalisable. N'appartient-il pas plutôt, d'ailleurs, aux sociétés de province de noter sur le cylindre ou le disque les parlers les plus tj'piques de leur département ou de leur région ? Sans doute, on ne saurait rien entreprendre sans argent et je sais notre groupe riche surtout de bonnes volontés et de sciences..., mais mon projet entraînerait-il de grosses dépenses ? Je ne crois pas. On pourrait tout d'abord ouvrir une souscription et limiter rigoureusement notre champ d'expériences à nos disponibilités..., puis l'étendre au fur et à mesure du développement de celles-ci. Il me semble que notre Société n'a pas dépensé beaucoup d'activité dans le domaine des parlers locaux ceci n'est pas un reproche, et on ne connaît guère que les travaux de Delestang, Le Vavasseur, Vérel. Il y a davantage à faire... Il y a même énormément à faire. J'ai observé d'un canton à l'autre, et même d'une commune à l'autre, des différences importantes... et ceci aux portes mêmes d'Alençon. Ainsi, je prends comme termes de comparaison les pronoms personnels. Moi, toi, et je note leur prononciation dans trois localités situées en pied de marmite et à moins de deux lieues l'une de l'autre. J'obtiens A Carrouges mon pays natal Mé, té, à la mode normande. A Cirai Meu, teu. A Lignières-la-Doucelle Mayenne Ma, ta. PROCÈS-VERBAUX 9 Une telle variété d'interprétation est certainement l'indice de l'existence de trois races, de trois peuplades qui sont demeurées longtemps voisines, sans se connaître, sans se fréquenter, sans s'allier. L'observation que j'ai faite relativement à ces deux mots on pourrait la tenter sur d'autres vocables. Et peutêtre arriverait-on à des conclusions intéressantes, voire inattendues. Je me hâte de dire que ces différences très accusées, il y a 25 ans seulement, se fondent dans mie uniformité désolante...' comme ont fait nos traditions, nos costumes, nos coutumes Il est temps, il est tout juste temps qu'on prenne en pitié dans l'Orne ces grands vieillards qui se meurert... Nous savons, grâce à M. Tournouer, que les Cosaques sont venus aussi dans notre département. XAVIER ROUSSEAU, Argentan. Séance du 12 Mars 1925 Présidence de M. TOURNOUER, président. Le jeudi 12 mars 1925, à lé heures, s'est tenue une réunion de la Société historique et archéologique de l'Orne à la Maison d'Ozé, sous la présidence de M. TOURNOUER, président. Etaient présents Mmes BONY, DE COUESPEL, DE COURTILLOLES, DESCOUTURES, DE FRILEUZE, A. LEVEILLÉ, Ch. ROMET, MUe BELLESSORT. MM. le docteur BEAUDOUIN, Félix et Henri BESNARD, COLLIÈRE, le chanoine DAREL, A. et H. DESCHAMPS, Fr. EON, l'abbé FONTAINE, l'abbé GUERCHAIS, R. JOUANNE, LENOIR, le comte LE VENEUR DE TILLIÈRES, l'abbé TABOURIER, TOURNOUER. Excusés Mmes la comtesse D'ANGÉLY-SÉRILLAC, BEAUGÉ, EON, TIERCELIN, TOURNOUER, Mlles BEAUGÉ et DE SEMALLÉ. 10 PROCÈS-VERBAUX MM. Jos. BESNARD, DALIBERT, Fr. FEREY, FONTAINE, l'abbé GERMAIN-BEAUPRÉ, P. HAREL, HUBERT, l'abbé LEGROS, LEMARQUANT, le vicomte DE ROMANET, Paul et Charles ROMET, le baron DES ROTOURS, SEGUIER, Et. DE LA SERRE, V. TAUNAY. Après la lecture du procès-verbal, M. LE PRÉSIDENT communique les présentations suivantes comme nouveaux membres de la Société M. Léon Boschet, à Argentan, présenté par MM. X. Rousseau et Guillochim. M. F. Le Carbonnier de La Morsanglière, étudiant, 31, rue des Carmélites, Caen, présenté par MM. l'abbé Tabourier et Coqueret. M. Desboudard, notaire honoraire, 10, rue Octave-Feuillet, Paris-16e, présenté par MM. Lemarquant et Tournouer. M. le marquis de Frondeville, 25, faubourg SaintHonoré, Paris-8e, présenté par MM. le marquis de SaintPierre et Tournouer. Par contre, M. LE PRÉSIDENT fait part du décès de M. le chanoine David de M. le bâtonnier Guillouard, l'émiiient juriste continuateur de Demolombe de M. Frémont, avocat à Domfront. Il signale également le deuil qui vient d'atteindre M. Turgeon, doyen de la Faculté de droit de Rennes, qui a perdu sa femme ; il exprime à t notre vénéré compatriote et à son fils, membre de notre société, la douloureuse sympathie de nos confrères. M. TOURNOUER donne lecture de la communication suivante de M. X. ROUSSEAU, d'Argentan A la séance du 15 janvier 1924, notre confrère, M. GuérinSéguier, demandait si en Argentan, à l'angle de la rue principale et de la dernière rue qui la croise avant d'arriver à l'église SaintGermain, il n'a pas été supprimé récemment un motif d'angle en bois sculpté représentant Adam et Eve, la boutique d'un charcutier venant d'être remise à neuf. » L'information est exacte à l'angle des rues de l'Horloge et Saint-Germain on voyait effectivement un motif d'angle, représentant ces personnages, qui a été dissimulé consciencieusement sous du lattage et du ciment, fin juin 1923 J'ai protesté dans un journal local contre cette stupide déprédation. PROCÈS- 11 L'Orne archéologique et pittoresque donne quelques renseignements sur cette curieuse sculpture Une ancienne sculpture en bois sur une maison d'Argentan nous montre encore le serpent tentateur avec la tête d'une femme. Un habitant de cette ville, M. Malfilâtre, nous fait remarquer que l'Encyclopédie, au mot Guido Reni, raconte que ce grand artiste, dans un accès de mauvaise humeur, peignit également le serpent avec une tête de femme, parce que le tentateur avait beaucoup parlé nous ne croyons pas que cette intention épigrammatique ait dirigé les artistes du moyen-âge. » P. 208. Je suppose que M. de La Sicotière parle de la sculpture qui intéresse notre confrère. Vimont ne signale pas que le démon tentateur avait figure de femme, le bois était bien rongé par le temps... et il est trop tard pour vérifier. M. TOURNOUER signale de notre confrère, M. G. HUBERT, une étude dont le Bulletin de la Société préhistorique française, séance du 23 octobre 1924 Contribution à l'étude de l'âge du cuivre. Analyse d'une hache plate du département de l'Orne ». Du même La Bague mystérieuse », séance du 27 décembre 1924. Dans Le Journal de l'Orne, notre confrère, le comte BECCI, et dans Le Courrier d'Argentan, Sées, Courtomer, M. Xavier ROUSSEAU commentent l'un et l'autre les diverses interprétations concernant les armoiries de la ville d'Argentan et leur origine. M. le vicomte DU MOTEY s'est joint, dans Le Journal de l'Orne, à ces chercheurs pour donner son appréciation autorisée sur les armes d'Argentan, Alençon, Domfront. Il avait été dit que l'original de l'acte de baptême de Charlotte Corday avait été perdu. M. le vicomte DU MOTEY signale qu'il se trouve dans les archives de la commune de Champeaux et dans notre bulletin de 1884 p. 54, l'abbé Rombeaux en a publié un fac-similé. — Notre archiviste s'est occupé de cette disparition et on assure que cette pièce historique est rentrée au bercail à Ecorches. M. l'abbé TABOURIER, continuant ses travaux sur le diocèse, étudie Le culte de saint Claude au diocèse de Sées ». Il note cette dévotion à Saint-Germain-de-Loisé, 12 PROCÈS-VERBAUX à Merry, à Saint-Pierre-de-Sommaire et au manoir de Marmouillé. M. LE PRÉSIDENT donne lecture d'un article bibliographique paru dans Le Polybiblion de janvier dernier sous la signature du baron J. A. DES ROTOURS, OÙ notre secrétaire général rend compte de l'Histoire de l'Orne » de René Poisson La Ferté-Macé, Romagné, éd. 1924, qu'il loue pour cet effort d'histoire régionale tout en faisant des réserves sur la valeur donnée aux différents époques les unes par rapport aux autres. M. TOURNOUER signale l'heureuse décision du Conseil municipal d'Argentan qui vient, pour la conserver, d'acquérir la chapelle Saint-Nicolas, désaffectée depuis 1707. M. LE PRÉSIDENT rappelle à ce propos qu'un stock important de fiches sont à la disposition des personnes qui auraient un monument, un détail d'architecture, un objet intéressant à signaler au point de vue art ou archéologie. Ces fiches qui, une fois remplies, peuvent être remises à la Société ou adressées directement au ministère des BeauxArts, donnent droit à une perception de 8 francs. M. le Président ne doute pas que l'amour du gain ne gît point dans le coeur des archéologues, mais il espère que, par ce temps de vie chère, cette prime de l'Etat aux particuliers est une heureuse compensation des impôts qui nous grèvent et servira d'appâts aux chercheurs intéressés ou même désintéressés. Le but de ces fiches n'est pas de solliciter un classement de monument, mais de faciliter une surveillance et un droit de regard des services des monuments historiques. M. TOURNOUER signale une ordonnance de Mgr l'Evêque de Sées prescrivant la recherche des écrits du R. P. MarieJoseph Coudrin et de la R. M. Henriette Aymer de la Chevalerie, pour servir aux causes de leur béatification et canonisation. Pierre Coudrin, fondateur des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie et de l'Adoration perpétuelle du Sacrement de l'autel dite de Picpus, né à Coussay-les-Bois diocèse de Poitiers PROCÈS-VERBAUX 13 le 1er mars 1768, ancien vicaire général de Sées où il organisa le séminaire diocésain et séjourna de 1806 à 1809. Louise-Victoire-Catherine-Henriette-Monique Aymer de la Chevalerie, née à Saint-Georges-de-Noisné diocèse de Poitiers le 11 août 1767, fondatrice de la Maison de l'Adoration de Séez où elle établit ses religieuses en 1807. M. LE PRÉSIDENT signale encore que M. le marquis de Frondeville, membre des Antiquaires de Normandie et de la Société d'histoire de Normandie vient de publier la vie d'Un prélat normand, évangélisateur et précurseur de V'influence française en Extrême-Orient, Pierre Lambert de la Motte, évêque de Béryte 1624-1679. Editions Spes, Paris. 94 p. grand in-8° avec portrait, qui était de sa famille. Il naquit à Lisieux le 16 janvier 1624, de Pierre Lambert, sieur de la Motte, vi-bailli d'Evreux et de Catherine de Heudey de Pommainville. Il fit toutes ses études à Caen et fit montre dès son plus jeune âge d une piété très vive. Ayant fait son droit il s'inscrivit parmi les avocats au Parlement de Paris et acquérait bientôt une charge de conseiller en la Cour des Aides de Normandie, se fixant à Rouen. Il exerça ces fonctions pendant neuf ans et avec grand succès, mais détaché des préoccupations matérielles, il songea bientôt à se consacrer à Dieu et aux oeuvres. Il songea même à l'évangélisation des âmes en pays lointains et, après avoir pris conseil, il entreprit, en 1655, pour s'y préparer, un voyage d'abjection » où il eut à subir toutes les humiliations possibles. A son retour, il fut admis à la prêtrise et commença son apostolat par la direction qui lui fut confiée de l'Hosp'ce général de Rouen. Il contribua en même temps à la fondation d'un Séminaire d'eudistes dans cette ville et à la création d'ur refuge pour les filles repenties. Entre temps il se liait avec les organisateurs des missions d'Extrême-Orient et partait bientôt pour Rome afin de négocier l'envoi de vicaires apostoliques en Chine. Il fut nommé lui-même l'un de ces vicaires en 1658. L'oeuvre des missions françaises était fondée. Pierre Lambert, devenu évêque de Béryte, quitta la France en 1660 pour n'y jamais revenir. On le suit au Siam, au Tonkin, en Cochinchine où son activité débordante fit des merveilles. Il mourut le 15 juin 1679 à Siam, avec la réputation d'un véritable saint. De la famille Lambert sortirent les branches de Formentin, d'Argence, de Sanville et de Frondeville ; cette dernière seule subsiste aujourd'hui. Un de nos membres distingués, M. Emile PICOT, vient d'être l'objet d'une notice lue à la séance du 11 juillet 1924 14 PROCÈS-VERBAUX de l'Académie des Inscriptions dont l'auteur est M. JeanAuguste Brutails, membre libre de l'Académie des Inscriptions. Voici le résumé de cette notice Emile Picot était né à Paris, le 23 septembre 1844. Il mourut en 1918. M. Brutails le fait, par erreur, d'origine normande. Ses grandsparents habitaient Chartres. Après son droit, il fut admis en 1866 au barreau de Paris. En 1867, il devint le secrétaire français de Charles de Hohenzollern, prince de Roumanie. En 1868, il fut nommé agent vice-consul à Hermannstadt et peu après à Témesvar. Rentré en France en 1873, il s'y maria et fut chargé de travaux particuliers. En 1875, il professa un cours libre de langue roumaine à l'Ecole des langues orientales vivantes. En 1891, le duc d'Aumale l'emmène à Francfort pour négocier l'acquisition des miniatures de Fouquet que le prince paya francs. En 1897, il remplaçait M. de Mas-Latrie à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettrse. Ses oeuvres sont nombreuses. On lui doit, entre autres, le Catalogue de la Bibliothèque fameuse du baron James de Rothschild. S'il n'était pas Normand de famille, il le devint en achetant le château du Mesnil, près Laigle, où il reçut avec tant d'amabilité notre Société en 1913 après les fêtes de Saint-Evroul. Il laissa environ 300 000 fiches, sources merveilleuses pour les travailleurs, remises par Mme Picot à la Bibliothèque Nationale. M Omont s'occupe de les rassembler en 85 volumes qui seront mis à la disposition du public. Il commença un dictionnaire normand resté manuscrit, cme Mme Picot a l'intention de nous offrir. M. LEBOUCHER, agent voyer à Argentan écrit que les surélévations du niveau d'eau de la vallée de l'Orne condamnent les menhirs qui sont situés à cet endroit. Il propose qu'ils soient déplacés. La difficulté matérielle de cette opération semble réelle et M. H. BESNARD estime qu'il faudrait er tous cas fouiller le sol à cet endroit au cas où il pourrait se trouver des objets ou des armes sous ces énormes pierres de la préhistoire. On apprend que rien n'a été conclu. M. DUMOULIN adresse une communication au sujet de pierres de silex situées dans le sol à Bocquencé et dont la disposition régulière veut à son avis signifier une intention. PROCÈS-VERBAUX 15 M. LENOIR fait appeler l'attention de la Société, par l'organe de M. Fr. EON sur les balcons anciens de fer forgé qui sont disséminés sur les vieilles demeures d'Alençon. Il désirerait les voir reproduits et édités en cartes postales. M. H. BESNARD répond que son frèce Félix Besnard, architecte, a fait avant la guerre une série de dessins au trait de ces balcons et que la reproduction en serait ainsi facilitée. M. le docteur BEAUDOUIN dit quelques mots sur JacquesRené Duval, qui fut un des premiers à tirer la profession de dentiste du discrédit qui confondait à la fois chirurgien et arracheur de dents. — Duval 1758-1854 était originaire d'Argentan. M. LE PRÉSIDENT rappelle le bal qui sera donné le samedi 5 avril à la Salle des Fêtes, sur l'initiative de la Société et dont le but est de procurer des fonds pour l'organisation du Congrès des Sociétés normandes à Alençon au mois de juin. Il espère que le succès répondra aux efforts faits. Notre érudit confrère, M. Joseph BESNARD, n'ayant pu venir à Alençon faire la causerie annoncée sur Marguerite de Lorraine à la cour du roi René », c'est M. le Président qui donne lecture de cette étude, lecture grandement facilitée par un graphisme que bien des secrétaires pourraient envier. L'étude de M. J. Besnard est extrêmement vivante et documentée en même temps et elle paraîtra dans un bulletin de notre Société complétant heureusement les travaux si appréciés sur le même saint personnage de M. le chanoine Guérin. Cette étude fut extrêmement goûtée et à ce propos M. Fr. EON parle du livre d'heures de Jeanne de Laval à la bibliothèque de Poitiers, dont les miniatures sont attribuées au roi René. Il se demande si dans les gracieux personnages d'enfant ou de jeunes filles, le bon roi n'a pas pourtraicturé » sa bien aimée petite-fille. C'est un point curieux, mais difficile à préciser de la rare iconographie de Marguerite de Lorraine. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 16 h. *4. Le Secrétaire-adjoint, HeNRi BESNARD. 16 PROCÈS-VERBAUX Communication à la Séance du 12 Mars 1925 Jacques-René Duval, d'Argentan 1758-1854 Le docteur BEAUDOUIN fait savoir à l'assemblée que le 21 janvier dernier, à la séance solennelle de la Société de chirurgie de Paris, le docteur Lenormant a fait l'éloge de Jacques-René Duval, né à Argentan en 1758 et mort à Paris en 1854, donc a plus de quatre-vingt-quinze ans. Reçu en 1786 membre de l'Académie de chirurgie —fondée par Louis XV en 1731, sous la présidence de 1er chirurgien du roi, pour faire concurrence à la vieille faculté de médecine dont l'esprit frondeur déplaisait à la cour — Duval se livra surtout à l'art dentaire, que nous appellerions aujourd'hui stomatologie, et qu'il contribua beaucoup à faire sortir de l'ornière et du charlatanisme. Le 8 août 1793, alors que Duval allait être promu à la deuxième classe des académiciens il en existait trois classes, l'Académie de chirurgie fut supprimée par la Convention, comme toutes les Sociétés. Le 27 décembre 1820, Louis XVIII créa l'Académie de médecine qui comprenait médecins et chirurgiens. Le roi s'était réservé le choix des premiers titulaires, mais dès le mois de février 1821, l'Académie était autorisée à s'adjoindre onze nouveaux membres. Duval fut du inrabre, élu ainsi par ses collègues. Entre temps, il avait marié sa fille à un autre académicien, Nicolas Marjolin, chirurgien, dont le succès avait balancé celui de Dupuytren. Mais vers 1840, la jeune chirurgie se trouvait à l'étroit dans l'Académie de médecine. Elle fonda donc la Société de chirurgie. René Marjolin, petit-fils et filleul de Duval, fut un des dix-sept fondateurs, et le plus jeune. Cependant les vieux chirurgiens de l'Académie faisaient grise mine à cette société nouvelle. Un seul daigna en faire partie. René Marjolin amena son père, dit le Bon Marjolin. PROCÈS-VERBAUX 17 Celui-ci étant mort en 1850, René Marjolin amena deux ans aprèf son grand-père Duval, alors âgé de quatre-vingtquatorze ans ! Duval fut ainsi le seul membre successivement de l'Académie ro3rale de chirurgie, de l'Académie de médecine, de la Société de chirurgie. Larrey lui souhaita la bienvenue J'ai fait, dit le docteur Beaudouin, dans une autre occasion, le parallèle entre Desgenettes et Larrey. Ce dernier était un grand caractère, un beau caractère, mais n'était pas un bon caractère. Il avait un orgueil insupportable, et manquait de l'éducation et de la finesse d'esprit qui caractérisaient Desgenettes. » Il trouve que dans l'occasion, il manqua un peu de délicatesse. Il félicita Duval de vouloir rajeunir son passé en venant prendre place parmi les membres de la jeune société ». Mais il oublia du moins le docteur Lenormant n'en fait pas mention de féliciter la jeune société de s'enrichir de l'expérience de l'ancêtre. Cet âge je'parle de la jeunesse, cet âge est sans pitié ! ni vénération !!! Du reste, la Société de chirurgie ne jouit pas longtemps de l'expérience de Duval ; il mourut seize mois après. Larrey prononça son éloge. Jacques-René Duval, outre ses oeuvres de chirurgie et de stomatologie, avait composé un ouvrage qui doit le rendre cher à notre société, une notice historique sur les médecins normands depuis Gilbert Maminot, évêque de Lisieux et médecin de Guillaume le Conquérant, jusqu'à son contemporain, Vicq d'Azyr, médecin de Marie-Antoinette. Il avait fondé à la Société de chirurgie un prix de deux cents francs doublé par son petit-fils. C'est à l'occasion de ce prix que le docteur Lenormant vient de prononcer son éloge. 18 PROCÈS-VERBAUX Séance du 26 Mars 1925 A Paris, 5, boulevard Raspail. Présidence de M. TOURNOUER, président. Présents Mmes la comtesse D'ANDLAU, la comtesse BECCI, la marquise DE BROC, la comtesse DE BROSSARD, la baronne DE CAIX, CHEVALIER, DE CORCELLE, la marquise DE FRONDEVILLE, GOBILLOT, DE LAGARENNE, Etienne DE LA SERRE, DE LAVIGERIE, la comtesse LE MAROIS, MARGARITIS, Jacques MARGARITIS, PIERREY, RIVIÈRE, la baronne DES ROTOURS, THOUREAU, TOURNOUER, TRÉBUCIEN. la marquise DE VERDUN DE LA CRENNE ; MUe MOUCHEL. MM. BARILLET, BEAU, le comte BECCI, le comte DE BROSSARD, CRESTE, DELOBEL, DESBOUDARD, DOUIN, DULONG DE ROSNAY, DURAND DE SAINT-FRONT, FOUCAULT, DE FRANCE DE TERSANT, GOBILLOT, GUÉRIN-SÉGUIER, JAULME, le docteur JOLY, JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE, Etienne DE LA SERRE, LÉGER, le comte LE MAROIS, LEMARQUANT, LEROUX, le docteur LEROY, LOYSEL DE LA BILLARDIÈRE, DU MESNIL DU BUISSON, le comte DE NAZELLE, Jean PORCHER, RIVIÈRE, le baron DES ROTOURS, TAUNAY, THOUREAU, TOMERET, TOURNOUER, VÉZARD. Excusés Mmes ARROU, DANLOUX, la comtesse Amédée D'HARCOURT, LOYSEL DE LA BILLARDIÈRE, DE MALLEVOUE, Emile PICOT. MM. le comte D'ANDLAU, René BARTH, Joseph BESNARD, Adrien DE CÉNIVAL, le marquis DE FRONDEVILLE, l'abbé GERMAIN-BEAUPRÉ, le comte Amédée D'HARCOURT, l'abbé HÉBERT, KERCHNER, l'abbé DE LA SERRE, le baron LE GUAY. DE MARCÈRE MOUCHEL, PIERREY, Jacques PORCHER, le comte ROEDERER, Paul Etienne VOISIN. M. LE PRÉSIDENT remercie ses confrères d'être venus si nombreux à cette seconde réunion parisienne. Cette innovation faite l'an dernier, a été heureusement appréciée, et doit être continuée. Elle permet aux membres de la PROCÈS-VERBAUX 19 Société, éloignés d'Alençon, de se connaître et de se maintenir en liaison avec elle et entre eux. Aussi importe-t-il de les mettre au courant de la marche de la Société depuis l'année dernière. Le procès-verbal de la précédente réunion a déjà paru dans le bulletin. Rappelons brièvement que divers voeux y avaient été émis, parmi lesquels figuraient Le maintien des réunions parisiennes ; La réédition à Paris de certaines conférences faites à Alençon ; La participation des membres de la Société aux excursions de la Société Française d'archéologie ; Le recrutement de nouveaux membres. Nous nous sommes efforcés de les réaliser. C'est aujourd'hui notre seconde réunion à Paris. Une conférence va être faite par le Président, qui croit devoir ouvrir le feu. Il espère être suivi de nombreux autres conférenciers, qui seront écoutés avec grand plaisir. La proposition ayant trait aux promenades de la Société Française d'Archéologie n'a pu aboutir. Le Conseil de cette Société s'y est opposé, la considérant comme difficile à accepter en bloc, pour des membres d'une Société autre que la Société Française. Mais individuellement, le président, M. Marcel Aubert, mettra de la meilleure grâce du monde des cartes à la disposition de ceux de nos collègues qui voudront suivre les promenades. Enfin l'effectif de la Société ne cesse de s'accroître. Il atteint aujourd'hui 520, ce qui est un chiffre respectable pour une Société provinciale. Nous espérons cependant faire mieux encore. M. LE PRÉSIDENT expose ensuite en quelques mots quelles ont été en 1924 les manifestations de l'activité de la Société historique et archéologique de l'Orne et indique ce qu'il compte faire pour cette année 1925. Il rend compte tout d'abord des conférences ou causeries faites à Alençon. 20 PROCÈS-VERBAUX En janvier conférence de M. Beaugé sur La mosquée d'Omar ». En février Conférence du vicomte du Motey sur Jacques de Silly, évêque de Sées », et du baron des Rotours sur la députation de l'Orne en 1824 ». Enfin, nous avons fait l'an dernier une de nos plus belles excursions dans un pays ravissant, et nous avons visité des monuments et des églises du plus haut intérêt, en allant à Pont-Audemer, Bemay et Honneur. Le compte rendu en paraîtra dans un prochain bulletin sous la signature autorisée de M. le comte Becci. Qu'allons-nous faire cette année ? Nous préparons mie grosse manifestation. En 1923, a été créée à Honneur la Fédération des Sociétés régionalistes de Normandie. M. Léon Le Clerc, qui nous a fait visiter Honneur et nous l'a décrit avec tant de charmes, était un des promoteurs du mouvement. Il existe en effet en Normandie une centaine de Sociétés savantes, ou scientifiques, qui s'ignorent, tout en poursuivant le même but ou des buts analogues. Il semblait tout indiqué de les grouper. Arcisse de Caumont avait senti l'intérêt de cette réunion en instituant les assises de Caumont. Elles se tiennent tous les cinq ans dans un des cinq départements de la Normandie mais leur créateur est mort depuis longtemps, et les assises de Caumont sont peu suivies. C'est une idée à reprendre. Une réunion a eu lieu il y a deux ans à Honneur, nous l'avons dit, mie autre s'est tenue l'an dernier à Fécamp ; elle a eu un caractère trop local. Nous essayons de faire mieux cette année à Alençon. Des convocations ont été lancées ; nous avons déjà une cinquantaine d'adhésions venant du Calvados, de l'Eure et d'une partie de la Seine-Inférieure. Les Sociétés rouennaises observent mie certaine réserve ; celles du Havre au contraire sont très favorables. Le programme du congrès a été rendu aussi intéressant que possible. Il aura lieu, avec la participation de la Pomme » du 24 au 28 juin prochain et doit comprendre des séances d'études, des conférences, mie représentation PROCÈS-VERBAUX 21 théâtrale, mie exposition de la dentelle, des Beaux-Arts, mie exposition d'artisanat avec partie rétrospective, et exposition des oeuvres des apprentis. Le programme en a d'ailleurs été donné par la presse régionale. M. LE PRÉSIDENT fait appel aux collections particulières pour rendre ces diverses expositions aussi attirantes que possible ; les objets prêtés seront soigneusement traités et garantis par mie assurance. M. Léon Le Clerc domiera le jeudi une conférence sur la Chanson normande » avec audition de Mlle Migevant. Un opéra comique inédit, Le Royal Dindon, de Luigi Bordèse, qui se rapporte au passage de Henri IV à la Maison d'Ozé, à Alençon, y sera représenté pour la première fois, par des artistes de Paris. Le vendredi, concert par la Société philharmonique. Le samedi, excursion à Carrouges, Saint-Cénery, les Alpes Mancelles ; le soir, conférence de Gaston Rageot, Président de la Pomme, sur l'esprit normand ». Le dimanche et le lundi seront occupés par les manifestations de la Pomme ». LE PRÉSIDENT invite tous les assistants à venir à Alençon à cette occasion. Il signale en outre que le 25 avril doit avoir lieu un bal, à Alençon, organisé par la Société au profit du congrès. En ce qui a trait à l'excursion de 1925, elle aura pour but Saint-Lô et sa région, avec au nord, l'abbaye de Lessay et Coutances, au sud, Villedieu-les-Poêles. L'excursion à Jersey serait très tentante ; elle est difficile à effectuer tant que le cours de la livre restera aussi élevé ; peut-être pourrait-on la remplacer par la visite des îles Chausey, qui ne demande qu'une courte traversée. Le projet est à l'étude et les membres de la Société seront avertis en temps opportun de ce qui pourra être réalisé. Des applaudissements saluent les explications de notre président. M. TAUNAY demande la parole et rappelle la cérémonie qui a eu lieu à Alençon le 23 septembre pour fêter les vingt-cinq années de présidence de M. Tournouer. Il se fait 22 PBOCÈS-VERBAUX l'interprète de tous pour marquer à celui-ci que les sociétaires parisiens de la Société tiennent à s'associer à cette manifestation et à adresser leurs remerciements à M. Tournouer pour les services qu'il a rendus à la Société au cours de ses vingt-cinq ans de présidence. M. Tournouer remercie en quelques mots émus. Il donne alors communication de sa conférence sur Elisabeth d'Orléans, duchesse de Guise et d'Alençon », dont les Alençonnais ont eu, il y a deux ans, la primeur. A 6 h. %, la séance est levée. Le Secrétaire, Comte BECCI. Séance du 24 Avril 1925 Présidence de M. TOURNOUER, président. La séance, tenue à la Maison d'Ozé, est ouverte à 14 heures sous la présidence de M. TOURNOUER, président Etaient présents Mmes la comtesse D'ANGÉLY-SÉRILLAC, CHAUVEAU, DE CORCELLES, DE COUESPEL, DE CROYER, A DESCHAMPS, DESCOUTURES, EON, RUFFRAY, TOURNOUER. Mlles BELLESSORT, DES MAZIS, DE SEMALLÉ. Excusés Mmes Ach. FOULD, P. DAVID. MM Ch. BEAUGÉ, A. FONTAINE, LEMARQUANT, P. ROMET, le baron J. A. DES ROTOURS, Et. DE LA SERRE. M. LE PRÉSIDENT fait les présentations suivantes MUe des Mazis, Les Douves, Savigné-1'Evêque Sarthe, par M. et Mme Lebourdais. M. Gérard de Banville, à Aube Orne, par Mme la vicomtesse de Banville et le comte de Nazelle. M. le docteur Loupie, à Fresnay-sur-Sarthe, par MM. l'abbé Tabourier et l'abbé Duhazé. PROCÈS-VERBAUX 23 M. le docteur Demantké, à Dreux, par MM. l'abbé Guerchais et le docteur Miquet. M. André Jaulme, archiviste-paléographe, ancien élève de l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, 161, rue SaintJacques, Paris, et 2, rue du Buat, à Laigle, par MM. GuérinSégnier et Henry Leroy. M. Georges Porchet, agrégé d'histoire, professeur au Lycée de Caen, 50, rue Ecuyère, à Caen, et à La Carneille Orne, par Mme Tiercelin et M. Louvel. M. TOURNOUER fait part de la perte inattendue et très douloureuse de l'un nos membres les plus fidèles, le comte Le Veneur de Tillières, dont le est attaché à la plus vieille histoire de Normandie. Il adresse à sa famille la profonde sympathie de la Société. Une étude biographique sera réservée au bulletin à notre regretté confrère. Nous déplorons également la perte de M. le chanoine Robert, décédé le 14 mars 1925. M. TOURNOUER fait part de la nomination de M. Francis Eon à Angers ; il félicite notre confrère de cet avancement tout en regrettant vivement ce départ qui nous privera d'un membre au langage savoureux, à l'érudition aimable, alençonnais depuis dix-sept ans. M. Francis EON remercie le président de ses paroles sympathiques et l'assure qu'il viendra volontiers faire des conférences à Alençon il en pr met une l'hiver prochain pour ne point perdre tout contact avec l'Orne, dont il garde un vif souvenir. M. LE PRÉSIDENT signale qu'au congrès de des Sociétés savantes des communications sur notre histoire locale ont été faites, dont l'une par notre archiviste M. Jouanne. Il annonce que le Congrès de la Société française d'archéologie aura lieu dans la région de Blois du 18 au 23 mai prochain ; un congrès forestier international aura lieu à Grenoble du 22 au 30 juillet. M. LE PRÉSIDENT fait part à ce propos de l'itinéraire du congrès de notre Société vers le 23 août prochain. La 24 PROCÈS-VERBAUX Société se rendra à Saint-Lô, Coutances, Granville, les îles Chausey. L'Association normande tiendra son Congrès provincial à Valognes pour rayonner du 29 juillet au 2 août 1925. M. PATRIE nous adresse un petit guide de Château-Gonthier, dû à M. Gaucher, et dont beaucoup de croquis et illustrations sont de notre confrère, M. Patrie. Le Père UBALD D'ALENÇON envoie une note où il rectifie une erreur qui a passé inaperçue dans un de nos bulletins Bulletin 1914, où il est dit que c'est à Robert de Semallé qu'est dû le Précis sur la Paroisse, les fiefs et la famille de Semallé », Alençon, 1888, in-8°, 26 pages, extrait du Bulletin de la Société. Or c'est Roger de Semallé qu'il faut lire. A propos de la famille de Semallé, le P. UBALD communique l'extrait d'un manuscrit de la bibliothèque franciscaine de Bry-sur-Marne, à laquelle travaille notre confrère. Ce manuscrit parle de la rare piété de Mère Marie-AnneFrançois, capucine à Tours au xvir 3 siècle », et dont le P. Ubald donne brièvement les indications biographiques suivantes Françoise-Judith de Semallé était fille d'Abraham II de Semallé, sieur de la Giroudière et de Marie de la Fontaine mariés le 8 juin 1632, fille de Mathurin, sieur de Sévillé et de Marie de Pinel. Il y eut sept enfants de ce mariage dont deux filles, Anne-Gabrielle et notre Françoise-Judith Ces enfants sont mentionnés par d'Hozier, sans que l'on puisse connaître absolument l'ordre des naissances. Anne-Gabrielle de Semallé fut baptisée le 31 décembre 1637 à Notre-Dame d'Alençon Souancé Au xvie siècle, Georges de Semallé, mort en 1507, laissa deux fils Louis, qui continua la branche normande, aujourd'hui éteinte, — et Guy, qui constitua la branche du Maine C'est à cette famille du Maine qu'appartenait notre religieuse, FrançoiseJudith de Semallé, dite Mère Marie-Anne-François, capucine à Tours. Elle naquit sans doute vers 1633-1634 pour mourir vers 1691. M LEMARQUANT signale que la chapelle Saint-Nicolas d'Argentan, acquise récemment par la ville, a été désaffectée en 1767 et dépendait du château actuellement Palais de PROCÈS-VERBAUX 25 Justice. C'est dans cette chapelle que Marguerite de Lorraine prononça des voeux monastiques en 1519 II paraîtrait que la municipalité d'Argentan se propose de la faire restaurer pour en faire un marché couvert ou mie salle des fêtes ; eL l'absence de renseignements sur ces transformations, il apparaît que sa nouvelle destination semble un peu sentir le fagot M LEMARQUANT donne le résumé suivant de l'éloge prononcé le 21 janvier 1925 à la Société de Chirurgie par M. Ch. Lenormant, professeur à la Faculté de Médecine, et chirurgien de l'hôpital Saint-Louis, sur le docteur JacquesRené Duval, dont le docteur Beaudouin nous a dit quelques mots à la précédente réunion Le Docteur DUVAL Membre de l'Académie de Médecine Le 21 janvier 1925, M. Charles Lenormant, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, chirurgien à l'hôpital SaintLouis, a prononcé, à ïa Société de chirurgie, l'éloge du docteur Jacques-René Duval, né à Argentan le 12 novembre 1758, et décédé à Paris le 16 mai 1854. En voici le résumé Après avoir reçu les leçons d'un prêtre, ami de sa famille, Jacques Duval fut envoyé au collège du Mont, à Caen. Il y fit de solides études classiques, dont il garda l'empreinte toute sa vie. Il eut toujours le goût de l'érudition et de l'histoire, et ses ouvrages, tous ornés de citations grecques, latines et françaises, sont la preuve de sa connaissance approfondie des littératures ancienne et moderne. Etant à peine adolescent, il pénétra un jour, par curiosité, dans une salle où des médecins pratiquaient une autopsie ; il prit à ce spectacle un tel intérêt qu'il résolut de devenir chirurgien. Il commença ses études médicales à l'hospice d'Argentan, puis il alla à Caen et vint à Paris en 1777. Il travailla d'abord à Bicê*îe, sous la direction de Chopart, professeur royal, et ancien commissaire de l'Académie de chirurgie, l'un des meilleurs chirurgiens de l'époque, à qui il inspira assez de confiance pour que celui-ci le plaçât auprès de l'un de ses plus illustres clients d'Alembert, atteint de calculose vésicale, dont il mourut le 29 octobre 1783. 26 POOCÈS-VERBAUX Le 12 juin 1786, Duval soutint une thèse remarquable sur l'Anévrysme artério-veineux, qui lui valut le grade de maître en chirurgie, et lui ouvrit les portes de l'Académie Royale en qualité de membre libre. Duval fut assidu aux séances de l'Académie et prit une part assez active à ses travaux sous forme de communications et de rapports relatifs à des opérations chirurgicales. Le 5 mai 1791, à la séance publique annuelle, il lut un mémoire historique sur l'art du dentiste chez les anciens, pour lequel il avait mis à contribution les petits poètes et les faiseurs d'épigrammes de Rome. A partir de cette époque, il se spécialisa comme dentiste ; il aborda la dentisterie, dit Larrey, non pas comme un mécanicien ou un industriel, mais en chirurgien et en savant, parce qu'il la considérait comme partie intégrante de la médecine. » Il était devenu le gendre de Le Roy de la Faudiguière, le plus célèbre dentiste de l'époque, installé place Royale. Duval fit partie dès sa fondation, de la Société de médecine de Paris qui, créée en l'an VIII, hérita des archives de la Société de chirurgie, supprimée en 1793, comme tous les autres corps savants Duval y fit de nombreuses communications il y lut, en 1812, une notice historico-médicale sur les Normands, dans laquelle il énumère tous les médecins célèbres de la province depuis Gilbert-Maminot, qui fut le médecin de Guillaume, jusqu'à Vicq d'Azyr, membre de l'Académie des sciences, secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine, décédé en 1794. La situation scientifique et professionnelle de Duval le désignait tout naturellement pour entrer à l'Académie de Médecine, fondée le 29 décembre 1820 il fut élu en février 1829 dans la section de chirurgie, où il se montra l'un des membres les plus assidus. Il a légué à la Société de Chirurgie une somme dont les revenus sont destinés à décerner un prix de 300 francs à la meilleure thèse de chirurgie publiée dans l'année. M. TOURNOUER signale dans Le Journal des Débats du 25 mars 1925 un article de G. Allix sur Malbrouk et Villoteau », ce dernier musicographe de l'armée d'Egypte dont notre confrère, M. Beaugé, nous avait entretenu de façon fort intéressante. De même une note bibliographique de La Vie catholique du 21 mars 1925 sur La demi-heure d'Ecriture Sainte ; Evangile selon saint Matthieu, Séez, 1925 », par M. le chanoine Geslin. Une courte note émanant de notre confrère Francis EON, parue dans L'Echo d'Alençon du 24 février 1925, rappelait la mémoire de Charles Pitou, poète percheron. M. Francis PROCÈS-VERBAUX 27 Eon signale l'évocation intéressante des jardins de la Maison d'Ozé parue dans le même journal le 28 février 1925, sous la signature de M. Titard, jardinier de la Préfecture. Il y a là une intéressante suggestion pour la réfection du jardin de la Maison d'Ozé Dans le numéro de mars 1925, Le Divan publie avec un ccmmentaire approprié de M. Francis Eon trois lettres de George Sand à Mme Louise Valoiy, mère de notre membre disparu, M. Reynold Descoutures. Avec M. Eon, nous souhaitons qu'une notice fasse revivre la curieuse figure de cette femme de lettres romantique, bien alençonnaise de famille et de naissance, mais qui a renié assez brutalement la province. Elle laissa à Alençon une bourse en faveur d'un jeune artiste ou étudiant de sciences, et plusieurs de nos membres lui restent reconnaissants d'avoir aidé des débuts de carrière. M. Francis EON nous dit une pièce de vers dédiée à Fagus poète catholique venu d'assez loin, des frontières de l'aiiarchisme, en l'honneur de la bienheureuse Thérèse de l'Enfant-Jésus. De mauvaises langues prétendent que la veine païenne de Francis Jammes est supérieure à sa veine de poète converti, on n'en dira pas de même de l'autre Francis, nos confrères en'jugeront par la pièce qui se trouve dans le bulletin. M. TOURNOUER raconte que la réunion des membres parisiens a eu lieu le 26 mars dernier et se trouvait très fournie de sociétaires zélés. M. TOURNOUER parle du Congrès qui va avoir lieu à Alençon du 25 au 28 juin prochain ; déjà cinquante-cinq Sociétés normandes ont envoyé leur adhésion. M. le vicomte DU MOTEY prend la parole et fait part de la visite très curieuse qu'il a reçue du comte d'Eglington, de la famille des Montgommery ; son spirituel récit nous démontre que si son visiteur était bien anglais, l'humour est quelquefois français. 28 PROCÈS-VERBAUX Mme la comtesse d'ANGÉLY offre à nos archives une pièce d'inventaire et une affiche de 1795. M. l'abbé TABOURIER prend alors la parole pour sa communication annoncée sur Claude de Moraine, poète profane et mystique, prédicateur du Roy, évêque de Séez, 1550-1610 » ; sa très spirituelle causerie débitée avec d'expressives mimiques, fut des plus appréciée et un texte résumé sera donné au bulletin. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 16 h. l/2. Le Secrétaire-adjoint, HENRI BESNARD. Compte rendu moral et financier de la Société pour 1924 Au cours de l'année 1924, la Société historique et archéologique de l'Orne a tenu à son siège social de la Maison d'Ozé, à Alençon, six séances ordinaires ; une autre eut lieu à Paris pour les membres qui y résident. A la première réunion générale, les membres du Bureau de la Société dont les pouvoirs expiraient furent réélus à l'unanimité MM. le vicomte DU MOTEY, vice-président ; le baron Jules DES ROTOURS, secrétaire général ; Henri BESNARD, secrétaire-adjoint ; Emile BROUARD, trésorier-comptable ; Jean COLLIÈRE, trésorier-adjoint ; Albert ME ZEN, membre de la Commission du Musée ; Louis BARILLET, — — — Le recrutement de la Société a été des plus satisfaisants puisqu'elle atteint le chiffre de 521 membres avec 55 nouveaux pour l'année 1924. Malgré les dépenses considérables occasionnées par sa publication, le Bulletin de la Société a paru régulièrement. Outre les procès-verbaux des séances, on y trouve Excursion de la Société dans le Passais Normand et le Mcrtainais, par M. HUBERT. Compte rendu de la séance solennelle et publication des rapports et des discours. Notice sur M. l'abbé Letacq, par J. LEBOUCHER. Domfront et les premiers barons de Lucé, par A. SURVILLE. Guillaume-André Villoteau, par Ch. BEAUGÉ. Un médecin de Molière père d'un évêque de Sées, par le docteur BEAUDOUIN. 30 COMPTE RENDU MORAL ET FINANCIER POUR 1924 Souvenirs inédits sur Nicolas Conté, par Ch. BEAUGÉ. Services des correspondances de Regmalard à Pontl'Evêque et la ligne au temps des Celtes et des Gaulois, par MOUCHEL. La maladie et la mort de la bienheureuse Marguerite de Lorraine, par le docteur BEAUDOUIN. Le costume ecclésiastique à travers les âges, par l'abbé TABOURIER. Etude sur les noms de lieux d'origine Scandinave de l'arrondissement d'Argentan, par J. Adigard des Gautries. Le pseudo dolmen de Ceaucé, par G. HUBERT. Remise d'une médaille à M. Henri Tournouer, par René JOUANNE. La comtesse de Ségur, sa vie, son oeuvre, par René GOBILLOT. Un inventeur Alençonnais Jacques-Antoine Maurey, par René JOUANNE. Notes concernant le château de Lanchal à Semallé, par le P. UBALD. Les voies romaines, leur relation avec l'industrie gauloise et gallo-romaine, par G. DUBOURG. A propos de trois noms de communes Coulmer, Omméel, Ommoi, par J. ADIGARD DES GAUTRIES. Les réunions de la Société furent très suivies on y fit de nombreuses communications intéressant l'histoire du pays. De plus, à la salle Loutreuil, ont eu lieu, comme les années précédentes, de grandes conférences historiques et artistiques devant un public de plus en plus nombreux. On a même eu le plaisir d'entendre deux maîtres comme Claude Farrère et Henri Bordeaux, délégués par la Société des grandes conférences de Paris. Enfin, dans une réunion spéciale, le 25 septembre 1924, la Société fêta le vingt-cinquième anniversaire de présidence de M. Henri Tournouer et lui offrit une médaille grand module frappée à son effigie et due au talent de Louis Barillet, membre de la Société. Les discours qui, à cette occasion, furent prononcés par M. Paul Romet. M. le vicomte du Motev. le baron Jules COMPTE RENDU MORAL ET FINANCIER POUR 1924 31 des Rotours, M. Triger, président de la Société du Maine, M. d'Ocagne, de l'Académie des sciences professeur à l'Ecole polytechnique et M. Tournouer, ont été réunis dans une jolie plaquette par les soins du Comité d'organisation. Le Secrétaire de la Société historique et Archéologique de l'Orne, P. GERMAIN-BEAUPRÉ. Membres du Bureau Président Henri TOURNOUER. Vice-Président Vicomte du MO'TEY, — Paul HAREL, — Paul ROMET, — Chanoine GUESDON. Secrétaire Abbé GERMAIN-BEAUPRÉ. Secré taire-adjoint Henri BESNARD. Trésorier Emile BROUARD. Trésorier-adjoint Jean COLLIÈRE. Bibliothécaire JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE. Bibliothécaire-adjoint Charles BEAUGÉ. Archiviste René JOUANNE. 32 COMPTE RENDU MORAL ET FINANCIER POUR 1924 RECETTES Solde créditeur 31 décembre 1923. 99 65 Intérêts et arrérages 297 55 Cotisations » Vente de bulletins 991 85 Subvention du Conseil général. .. 450 » Frais de recouvrement remboursés. 314 » 05 DÉPENSES Impression de bulletins, brochures hors texte 25 Clichés .. 64S 80 Lettres pour convocations et frais envoi 502 10 Envoi bulletins 153 65 Frais de recouvrement, timbres, etc., etc 299 70 Achat de bulletins 120 » Souscription tombeau abbé Letacq. 100 » Assurance et impôts 54 05 Location des salles et indemnité au concierge 351 15 Divers 183 65 Dixième des cotisations pour fonds de réserve 721 50 85 Solde créditeur 370 20 Fonds de réserve 31 décembre 1924 Solde créditeur 31 décembre 1923 70 Rachat de cotisation 300 » Dixième des cotisations de 1924 721 50 Solde créditeur au 31 décembre 1924 20 Le Trésorier, E. BROUARD. PONT-AUDEMER Eglise Saint-Ouen. D'après uni» eau-forte de M. Brunet-Dcbaines. Collection de M. Tournouer. EXCURSION de la Société Historique et Archéologique DANS Le Lieuvin, le Rouraois, la plaine du Neubourg et le pays de Caux. PREMIÈRE JOURNEE Lundi 25 Août PONT-AUDEMER Si les étangs du Perche se crevaient, Pont-Audemer et Bernay périraient. Il a tant plu depuis un mois qu'on peut se demander si le dicton ne se réalisera pas, au cours de notre excursion. En fait nous n'avons été gênés à aucun moment par la pluie, et si le soleil n'a pas permis la prise de belles photographies pour illustrer ce compte rendu, nous avons pu, du moins, exécuter entièrement notre programme. L'hôtel du Lion-d'Or a été choisi comme centre ; mais les excursionnistes sont venus en si grand nombre que force a été d'en loger quelques-uns chez l'habitant. Vers deux heures et demie, tout le monde se trouve groupé, et la visite de Pont-Audemer commence, sous la conduite de M. Grégoire, avocat, président de Section à la Société libre de l'Eure, en 36 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS l'absence de M. Robert Duquesne, conservateur de la bibliothèque, qui devait primitivement nous servir de guide. Pont-Audemer 1, Pons Aldemari, qualifié parfois un peu pompeusement de Venise normande, est une vieille cité, composée surtout de trois rues presque parallèles, et qui a conservé des vestiges de son ancienneté. Nommée d'abord Breviodurum, elle fut agrandie par un seigneur normand qui s'appelait Aldemar, et dont elle prit le nom. La ville occupe une position pittoresque entre deux collines boisées, qui la dominent. Celle du sud porte le nom de mont du Gibet ; on y accède en gravissant le chemin de la Justice ; on y jouit d'une vue magnifique. Traversée par la Risle, sur le passage de la voie romaine de Lillebomie à Lisieux, Pont-Audemer paraît s'être formée dès le Xe siècle. Elle faisait partie du domaine d'un des principaux barons du duc Richard Ier, Turoff, qui le transmit à ses descendants, Onfroy, Roger à la Barbe, Robert et Waleran de Meulan, auxquels appartenait en même temps la seigneurie de Beaumont. Lorsque Rollon, maître de la Normandie, la partagea, en 914, entre ses compagnons d'armes, il donna, suivant une tradition locale, Pont-Audemer à Bernard le Danois, tige de la maison d'Harcourt. Au xie siècle un château fut construit sur la hauteur au nord-est de la ville. En 1122, Henri Ier, roi d'Angleterre, après avoir pris Montfort, vint mettre le siège devant Pont-Audemer. Il brûla d'abord la ville, qui était grande et riche, puis il fit l'attaque du château. Au bout de sept semaines, il s'en empara et le livra aux flammes. Les remparts de la ville furent reconstruits dès le xne siècle, et vers ce temps, une charte de commune fut accordée aux bourgeois. Elle fut renouvelée par Philippe-Auguste. La fondation de l'hospice remonte au xne siècle. Dix conciles provinciaux se tinrent à Pont-Audemer de 1 La ville de Pont-Audemer de gueules à un pont de trois arches d'argent crénelé de trois pièces et de deux et demi du même et maçonné de sable, chaque arche garnie d'une couliee d'or, le pont sur les eaux d'azur et un chef aussi d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or. Armoriai général, 1696. LA PLAINE DU NEUB0URG ET LE PAYS DE CAUX 37 1257 à 1321. Vers cette époque, saint Louis y vint plusieurs fois. Les Etats de Normandie s'y réunirent en 1350, à l'occasion de la guerre contre les Anglais. En 1353, le roi Jean céda à Charles le Mauvais, le château, le domaine et la ville de Pont-Audemer ; puis, trois ans après, il en vint faire le siège. Elle était, au bout de deux mois, sur le point de se rendre., lorsque le duc de Lancastre vint à son secours; et força les assiégeants à se retirer. Le roi de France racheta la place, mais, dans l'espace de deux ans, elle fut tour à tour prise deux fois par les Anglais, et deux fois par les Français, qui, en dernier lieu, en 1360, la rendirent, par traité, à Charles le Mauvais. Du Guesclin l'assiégea par terre et par eau en 1378, et il fit détruire le château avec les murailles et les tours de la ville. Les Anglais occupèrent Pont-Audemer en 1418. En 1449, les comtes de Dunois et de Saint-Pol, à la tête de quatre mille hommes, les en expulsèrent. La ville avait été brûlée en partie. Les fortifications furent relevées dans la seconde moitié du xve siècle. Quant au château, il ne fut jamais rebâti depuis 1378, et il en reste peu de vestiges. En 1512 et en 1522, les Etats de Normandie se réunirent à Pont-Audemer. Le parti protestant s'en rendit maître en 1562. Les églises furent pillées peu de temps après, le duc d'Aumale reprit la ville au nom du roi ; il y eut un pillage général et un massacre des protestants. Les ligueurs s'en emparèrent en 1589. Dans un intervalle de moins de dix-huit mois, cinq autres sièges se succédèrent et les habitants furent rançonnés tour à tour par les deux adversaires. En 1592, d'Hacqueville de Vieuxpont, gouverneur de la ville, la livra au duc de Mayenne et à l'amiral de Villars. Enfin, en 1593, elle fut définitivement soumise par Henri IV. Pendant la Fronde, les bourgeois de Pont-Audemer prirent momentanément parti pour le duc de Longueville ; mais en 1649, ils durent ouvrir leurs portes au comte d'Harcourt. Pont-Audemer était sous l'ancien régime, le siège d'une vicomte, d'un bailliage, d'une élection, d'une maîtrise particulière des eaux et forêts et d'un grenier à sel. Un certain nombre d'établissements religieux se trouvaient sur son territoire, notamment 38 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS 1. La chapelle de l'Ermitage, vers le bas de la côte de la Pierre, dépendant de l'abbaye de Corneville. 2. La chapelle de l'ancienne forteresse, qui fut, en 1421, donnée par le roi d'Angleterre à Guillaume du Désert. 3. Le prieuré de la Madeleine, dont la fondation remonte au xie siècle. 4. Le prieuré de Saint-Gilles, dont l'emplacement est aujourd'hui compris dans le territoire de Saint-GermainVillage. C'est à son bénéfice que fut créée au xvne siècle, la foire Saint-Gilles, qui existe encore aujourd'hui. Il 3r avait en outre des couvents de Carmes, de Cordeliers, d'Ursulines et de Carmélites. Les tribunaux et la prison occupent aujourd'hui les bâtiments conventuels de ces dernières, on y mit pendant une trentaine d'années les bureaux de la Sous-Préfecture. Les églises de Pont-Audemer, au nombre de quatre, avaient été données à l'abbaye Saint-Pierre de Préaux. L'église Saint-Aignan a été détruite. Celle de Notre-Dame du Pré ne possède plus que sa nef, aujourd'hui propriété particulière ; celle de Saint-Germain est devenue la paroisse de Saint-Germain-Village. Enfin l'église Saint-Ouen subsiste ; c'est par elle que nous commençons la visite de la ville. Situé rue de la République, ce beau monument, mélange de style gothique et de style Renaissance, se compose d'une tour et d'un choeur romans, et d'une nef restée inachevée, construite entre 1485 et 1518 après la reprise de la ville sur les Anglais, sur une ancienne église du xie siècle. Extérieurement, elle porte encore des traces de boulets, souvenirs de sièges anciens. Des deux côtés du choeur, on voit le départ de plusieurs arcs, et on se rend compte que les pierres étaient mises en place toutes sculptées. Nous pénétrons à l'intérieur, où un tableau immense frappe nos regards le sacrifice d'Abraham, surmontant l'arcade du choeur. Il fut commandé et mis en place par un ancien curé de la paroisse, l'abbé Brochu. Le choeur est bas et étroit ; il se compose, sur chaque côté de deux arcades inégales formant avec celles de l'entrée et de l'autel un carré long. La voûte en pierre s'appuie sur LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 39 de très forts piliers, flanqués de colonnes barbarement mutilées pour placer des bancs, et ornés de chapiteaux Renaissance. Le dernier seul, du côté de l'Evangile, est assez grossièrement sculpté. Il représente le combat de deux chevaliers. Le choeur paraît avoir appartenu à la chapelle qui existait avant l'église. Après l'érection de la nouvelle paroisse, on aurait bâti, en avant de la muraille postérieure de l'ancien monument, la nef moderne. Cette muraille est, extérieurement, ornée de lancettes aveugles, de forme ogivale, ce qui semble bien indiquer une modification de la chapelle primitive, à la fin du xie ou au commencement du xne siècle. La nef actuelle fut construite après l'expulsion des Anglais, de 1485 à 1518. Ce furent les paroissiens de Saint-Ouen qui, poussés par un zèle supérieur à leurs ressources, s'imposèrent cette lourde entreprise. Le premier maître de l'oeuvre fut Michel Gohier, dont on trouve le nom en 1488, puis ce furent,' en 1505, Guillaume Morin et Thomas Théroulde, maistres et ouvriers de la machonnerie de l'église et ville de Caudebec ». Enfin, vers 1518, les travaux s'arrêtèrent, faute d'argent, et l'église est restée inachevée. Elle avait été conçue sur un plan très vaste. Les murs d'équerre du haut de la nef indiquent qu'elle devait être en forme de croix. La hauteur de l'édifice eût peut-être été hors de proportion avec sa largeur, si les fenêtres supérieures du chancel avaient été faites, comme c'est l'usage, sur le modèle des arcades intermédiaires. Mais l'insuffisance des ressources a forcé d'y distribuer, ainsi qu'à la voûte qui aurait été en pierre, de petites fenêtres sans caractère et un maigre cintre en bois, sans harmonie avec le reste du monument. Telle qu'elle est, la nef, large de vingt-huit mètres, est formée de sept arcades. Elle est richement décorée de sculptures gothiques et Renaissance. Les bas côtés et les douze chapelles qui les accompagnent sont voûtés en pierre, sauf quelques parties inachevées, qui ont été récemment voûtées en bois etpeintes; ils sont enrichis de nervures, de culs-de-lampe et de rosaces, délicatement sculptés. 40 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Les peintres qui ont exécuté les vitraux ne méritent pas moins d'éloges que les architectes qui ont conçu le monument. Ils se sont inspirés des trois écoles française, italienne et allemande. Nous allons examiner rapidement ces vitraux en parcourant les chapelles. A la base de la tour du côté de l'épître, dans une chapelle inachevée, se trouve l'ancien maître-autel, avec deux statues en marbre du xve siècle représentant sainte Barbe et saint Ouen. Sur la muraille a été placée la liste des victimes de la grande guerre. Elle comprend deux cent quatre-vingts noms, parmi lesquels nous lisons celui du fils de notre guide, Raymond Grégoire, tombé glorieusement aux Dardanelles. Un beau christ en bcis de l'époque Renaissance, est placé contre le mur. 11 doit être mi en valeur, paraît-il, lors de la prochaine restauration d'un banc d'oeuvre. La voûte, en bois, est encore due à l'abbé Brochu. Au passage, nous admirons les beaux vitraux des chapelles. La fête du Saint-Sacrement, dans la première du côté du sud l'Annonciation et l'Ensevelissement du Christ, dans la suivante, vitrail de l'école française de 1516. Un tableau de Jouvenet représentant l'Assomption se trouve dans la troisième. Son vitrail a été brûlé par suite de l'incendie d'une maison voisine. La quatrième contient un vitrail de l'école allemande, de 1519, saint Eustache et saint Nicolas, d'un effet médiocre. Le cinquième vitrail, de l'école italienne, représentant la Dormition de la Vierge, est d'une grande beauté ; il est merveilleux comme coloris. Le sixième retrace la vie de saint Jean-Baptiste ; la chapelle renferme une statue de sainte Geneviève, mutilée à la Révolution." Un curieux tableau de 1784, représente la confrérie du SaintSacrement et porte le nom des frères à cette date. Le long du choeur, courent des frises sculptées. La partie de l'ancienne église, du xie siècle, est contemporaine de Honfroy de Vieilles et de Roger d'Epaignes. Le premier chapiteau du côté de l'Evangile rappelle leurs combats. La verrière qui se trouve derrière le maître-autel est composée de débris de vitraux anciens assemblés. L'autel est moderne. LA PLAINE DU NEUB0URG ET LE PAYS DE CAUX 41 Dans la première chapelle au nord, on nous montre un candélabre en cuivre ciselé, provenant de l'abbaye de Préaux ; il porte l'inscription suivante Les six chandeliers à pans ont été, procurés par le F. EloyLerminié à la maison des Cordeliers du Pont-Audemer. 1745. » Cette chapelle est éclairée par un beau vitrail de l'école italienne, le plus beau de l'église, daté de 1556, dont les inscriptions devant la loy, sous la loy, soubz la grâce, » indiquent le sujet. Elle renferme de merveilleuses piscines. Le vitrail de la seconde chapelle, en partie brisé, représente saint Nicolas, patron des avocats. Les murs sont ornés de peintures qui ont été retrouvées par M. Honoré, directeur des magasins du Louvre, alors qu'il était ingénieur aux papeteries de Pont-Audemer. La troisième chapelle était dédiée à saint André, apôtre le vitrail est en partie brisé. Le v itrail de la quatrième dépeint la vie de saint Honoré, et fut donné en 1536 par la corporation des boulangers. Le cinquième vitrail représente l'apparition de Jésus à ses apôtres. La sixième chapelle renferme une verrière de Pierre Le Bienvenu, datant de 1551 elle est dédiée à saint Fiacre, autrefois à saint Sébastien, l'un des patrons de la ville. On l'invoquait en cas de peste, et on faisait brûler devant sa statue une corde enduite de suif, d'une longueur égale à celle des remparts de la cité. La septième est celle des fonts baptismaux, avec un baptistère sculpté. On y a placé deux très belles statues d'albâtre • qui se trouvaient autrefois de chaque côté du maître-autel. Un tableau peu connu, faisant partie du mobilier de l'église, vient d'être identifié, grâce aux recherches de M. Assire, de Pont-Audemer. C'est un Décalogue peint sur bois, entouré d'un cadre Renaissance. Le sujet du tableau est indiqué par l'inscription suivante qui y figure Les dix commandements de la Loi de Dieu. Exode XX. On y voit les tables de la loi portant les commandements, avec de nombreux versets qui ne laissent aucun doute sur l'origine protestante du tableau. 42 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Comment se trouve-t-il à Sairt-Ouen ? L'érudit M. Robert Duquesne rappelle qu'un temple protestant qui existait à Pont-Audemer fut supprimé lors de la Révocation de l'édit de Nantes. Il est possible qu'à cette époque ou ultérieurement, pour le sauver de la destruction, on l'ait apporté à l'église catholique 1. Nous notons au passage les armes figurant sur un des vitraux, sans doute celles du donateur Coupé, au 1, d'azur à deux roses d'argent, au 2, d'argent au fer de lances de gueules. . Ce sort les armes de la famille de Fréville de Lorme, qui longtemps a joué un rôle important dans la région de PontAudemer 2. Elle est représentée aujourd'hui même au milieu de nous, par Mme la comtesse de Nazelles, née de Fréville de Lorme, qui fait partie de l'excursion, et à laquelle ce souvenir familial n'a point échappé. La principale cloche de la sonnerie de Saint-Ouen, datant de 1514-1515, est très ornée. Elle porte un buste, peut-être celui de François Ier ; une salamandre une tête de femme ; un saint Ouen, et une Egyptienne, avec l'inscription suivante Je suis qui dis la bonne avenlurc. En 1736, le clergé de Saint-Ouen se composait d'un curé, d'un vicaire et de six prêtres habitués ou chapelains. Ils officiaient comme s'ils avaient eu le titre de chanoines. L'aumusse leur avait été conférée par Philippe Cospéan, évêque de Lisieux mais Léonor de Matignon n'ayant voulu confirmer cette donation que sous certaines conditions, onéreuses pour eux, ils préférèrent abandonner leur titre plutôt que de s'exécuter. Nous sortons de l'église, et nous prenons la rue de la République. Nous passons devant la bibliothèque municipale, composée en majeure partie d'ouvrages sur la Normandie, laissés par M. Canel, le savant écrivain normand, à sa ville 1 SPALIKOWSKI Petit Journal. Edition de Normandie, 8 septembre 1924. 2 En 1789, Michel-Pierre de Fréville, sieur dé l'Orme, était procureur du roi en l'amirauté de Quillebeuf. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 43 natale. La façade toute moderne est ornée du buste de Canel. En face se trouve l'Hôtel de Ville, moderne lui aussi Toujours sous la conduite, de M. Grégoire, nous nous dirigeons, au travers d'un dédale de rues curieuses, qui ont conservé leur aspect vieillot, vers Notre-Dame du Pré. En passant, le marquis de Saint-Pierre nous signale l'ancien hôtel de sa famille, vendu vers 1840. Un peu plus loin, nous voyons la poste, malencontreusement logée dans un hôtel du xvme siècle, l'ancien hôtel de la famille Hébert, où fut élevé le ministre Emile Hébert. De l'autre côté du pont, on nous montre un garage, qui fut l'hôtel du Louvre, où logea Mme de Sévigné ; enfin notre guide nous fait v isiter une intéressante maison ancienne dont il est propriétaire, avec une tourelle intérieure, dont il active la restauration. Nous suivons l'antique rue des Pâtissiers, qui longe la rivière, et dont la succession de petits ponts évoque, avec un peu de bonne volonté, le pont des Soupirs et la lagune vénitienne.. A mi-côte, nous apercevons le château de Fréville, puis l'ancien manoir du vicomte. Nous allons voir encore l'emplacement de l'élection et du bailliage, à l'angle de la GrandeRue et de la rue des Carmes. Un souvenir personnel s'attache pour moi à cette visite. Au mois de décembre 1741, un édit du roi réunissait à perpétuité la juridiction du bailliage de Pont-Authou au bailliage de Pont-Audemer. Mon aïeul maternel, Gaspard Legrix de la Poterie 1, seigneur de Pont-Authou, était alors lieutenant général civil, lieutenant général de police, et lieutenant particulier civil du bailli de Rouen au bailliage de Pont-Audemer. Ces charges étaient dans sa famille depuis l'an 1623. La réunion de ces deux juridictions accumulait sur sa tête toutes ces fonctions en double. De gros inconvénients devaient en résulter pour les plaideurs, M. Legrix de la Poterie ne pouvant, malgré toute son activité, suffire à remplir utilement toutes ces charges. Il les assuma cependant jusqu'à sa mort, survenue en 1772. A cette date, 1 Legrix de la Poterie, de la Fontelaye, de Préville d'azur au chevron d'or, accompagné de trois serres d'aigles d'argent onglées d'or, deux en chef, une en pointe. Armoriai général, 1696. 44 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS l'accord n'ayant pu se faire entre mon bisaïeul, gendre de M. Legrix de la Poterie et l'intendant, sur la cession de ces offices, ceux-ci restèrent pendant cinq années sans titulaire et ce ne fut qu'en 1777, après avis du délégué de l'intendant, que la division en fut réalisée. M. Gibert, secrétaire du roi, et conseiller du bailliage devint lieutenant général civil ; M. de Morceng 1, avocat, lieutenant général criminel, et lieutenant particulier civil, et M. Hell lot de Bellemare, lieutenant générade police. Nous arrivons enfin à l'église du Sépulchre, ou Notre - Dame du Pré, devenue la propriété de M. Robert Duquesne, après avoir été longtemps à usage de tannerie. Nous contemplons ce qui en reste ; une des arches a été transportée à l'église Saint-Germain, il y a une quinzaine d'années. Ce qui lui a fait, dans la suite, donner le nom de Sépulchre , lisons-nous, dans les notes de Langlois, c'est une chapelle assez grande, construite à côte du choeur, aux frais d'un des vicomtes de Pont-Audemer, sur le modèle du Saint-Sépulchre de Notre-Seigneur. PONT-AUDEMER Ruines de l'église Notre-Dame du Pré. Cliché de M. Robert Duquesne. -'il Le Sens de Morceng de gueules au -chevron d'or accompagné de trois encensoirs d'argent Saint-Allais. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 45 Avant la Révolution, l'église s'étendait jusqu'à la rue du Sépulchre ; la nef était traversée par un petit canal, qui pouvait jadis avoir servi de lit à la rivière de Tourville. Une partie de la nef subsiste seule, mais ce débris est précieux, en ce qu'on y reconnaît les premières ogives qui marquèrent le passage du roman au gothique. Le roman pur y occupe encore une large place. Le portail est ce qu'il y a de plus remarquable. Entre la porte et la fenêtre qui la surmonte, la muraille forme une saillie, au-dessus de laquelle se développe une rangée de corbeaux presque continue, placés sur des plans différents, et dont certains présentent encore des traces de sculpture. Autrefois, l'église du Sépulchre renfermait un grand nombre de statues de saints. Elles ont été utilisées comme pierres de fondations, pour le bâtiment qu'on appelle la manufacture, rue de Bernay. Avant de quitter ces ruines, M. Tournouer nous donne lecture de la note suivante, parue dans la bibliothèque de l'Ecole des chartes. T. LIV, 1893, p. 790. L'église Notre-Dame du Pré, à Pont-Audemer, était un joli monument du xne siècle, d'un style simple et excellent, assez bien conservé. Elle servait, depuis le commencement du xixe siècle, de magasin à écorces. Elle a été vendue l'an dernier à de nouveaux propriétaires. Ceux-ci, sans doute égarés par une fausse esthétique,'lui ont fait subir les mutilations suivantes le toit a été enlevé ; les murs, les colonnes et les chapiteaux ont été grattés. Quelques chapiteaux et la plupart des corbeaux sculptés que M. Canel signalait en 1838 avec raison comme remaïquables, ont été descellés et on s'en est servi pour édifier dans le jardin voisin du propriétaire un jardin d'usine une construction très bizarre qui ressemble assez aux murailles d'un château de dominos. Faire de fausses ruines avec des vraies, cette opération qui aurait comblé de joie Bouvard et Pécuchet, s'il leur eût été donné de s'y livrer, a été accomplie à Pont-Audemer en 1893, sans soulever d'objection. Heureusement pour les ruines de Notre-Dame du Pré, M. Robert Duquesne s'en est rendu acquéreur, et nous n'avons plus à craindre pour l'avenir, les pratiques désastreuses que signale Langlois. 46 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS M. André Turgis prend alors la tête de notre troupe, pour nous faire visiter l'auberge du Vieux-Puits, ancienne tannerie récemment aménagée avec beaucoup de goût en hostellerie normande par "M. Harlay. La salle à manger est d'une vraie couleur locale, avec son immense cheminée son plafond à poutrelles, ses petites tables rustiques, ses étains et ses cuivres. La cour intérieure contient de nombreuses tonnelles garnies de vignes vierges et de glycines sous lesquelles il doit être fort agréable de prendre ses repas, quand la chaleur de l'été le permet. Dans un coin, un vieux puits rapporté de Rouen, et contre lequel, dit la chronique, Mme Bovary venait rêver. C'est à lui que l'hostellerie emprunte son nom. Nous passons devant l'église des Cordeliers, devenue tannerie depuis la Révolution, et nous pénétrons dans la très importante tannerie de MM. Turgis et Cariiez, que M. Turgis veut bien nous faire visiter en détail. La tannerie était dès le xme siècle, la principale industrie de PontAudemer Nous allons suivre la série des opérations qui, en quinze mois environ, permettent de transformer les peaux, reçues principalement de l'Amérique du Sud, en ce cuir qui est universellement connu et apprécié sous le nom de cuir de Pont-Audemer. Nous assistons d'abord au travail de rivière, dessalage, rinçage, et lavages, à la suite desquels la peau est grattée pour en faire tomber les poils. Mille peaux environ sont traitées par mois. Puis nous pénétrons dans la salle des cuves, où des bains successifs vont gonfler les peaux, de manière à leur donner l'épaisseur voulue et à permettre au tannin de les pénétrer, Nous visitons la salle des machines, dont la chaudière a le grand avantage de ne brûler que de la tannée préalablement séchée. Le tan est, comme on le sait, produit par les écorces de bois divers. Celles-ci sont hachées mécaniquement, quatre mille kilogrammes à l'heure environ. Au moment de la saison, l'usine reçoit de tous les pays du monde, les écorces LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 47 très variées qui lui sont nécessaires, pour son alimentation, soit sept à huit cent mille kilogrammes . Lorsque les peaux ont été ainsi préparées, on les met les unes sur les autres dans des cuves av ec le tan et le jus, dont la composition reste le secret de chaque fabricant, et on les y laisse séjourner trois ou quatre mois. Au bout de ce temps elles sont portées dans des séchoirs, soit à l'air libre, soit à l'air chaud, et enfin battues mécaniquement avant d'être livrées au commerce. Un homme peut en battre vingt-cinq par jour. Nous sortons de la tannerie et nous passons devant la plaque où sont inscrits les noms des victimes de la grande guerre ; sur la première ligne figure le nom de M. Gabriel Turgis, le frère de notre cicérone. Celui-ci veut nous montrer avant de quitter le quartier des tanneries, ce qu'était autrefois un établissement de ce genre, en nous conduisant à l'ancienne tannerie de son grand-père, toute voisine. Tout le travail s'y faisait à la main ; elle ne comprenait qu'une quinzaine de cuves le battage était fait sur une table de marbre avec un maillet de cuivre, et un ouvrier ne battait qu'une peau par jour. La plupart des tanneries étant groupées dans le même quartier, le bruit des marteaux résonnait tout le jour, avec un rythme particulier. En terminant, M. Turgis nous fait visiter chez lui une fort intéressante collection de bénitiers en faïence polychrome, au nombre d'une centaine environ, et qui fut constituée par le grand-père de Mme Turgis. Nous nous dirigeons alors vers l'église de Saint-GermainVillage. L'aspect général de l'église de Saint-Germain-Village présente une très grande analogie avec l'église Notre-Damesur-1'Eau de Domfront. Des cartes postales apportées par notre président permettent la comparaison. Les parties les plus anciennes de l'église actuelle appartiennent au Xe siècle. Cette date semble déterminée par l'orientation de l'édifice sud-ouest, nord-est. Ce n'est pas en effet au levant d'hiver qu'elle est tournée, mais au levant d'été, comme l'était l'ancienne église Saint-Paul de Rouen, qui datait du xe siècle. 48 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Une tradition locale rapporte que, comme on plaçait les fondations de cette église, un marchand, qui conduisait des boeufs à Paris, promit d'en offrir un, au profit de l'oeuvre, si, à son prochain voyage, les travaux s'élevaient à la hauteur de l'autel. Comme il les trouva très avancés, il accomplit son voeu, et en souvenir de ce don, la tête de ranimai fut représentée en relief en plusieurs endroits de la muraille extérieure. Ainsi explique-t-on les vestiges d'animaux qu'on y voit encore. L'église Saint-Germain était très grande, elle mesurait environ quarante-cinq mètres de longueur. Disposée en forme de croix, elle était terminée au nord-est par trois absides semi-circulaires, correspondant à la nef et aux bas côtés. Mais à différentes époques elle a subi de nombreux changements. Le xme siècle l'a gratifiée de plusieurs fenêtres et d'une tour carrée. Au xive siècle, l'abside du choeur et celle des bas côtés furent remplacées par une muraille droite, percée de deux grandes fenêtres. Cette partie de l'édifice a été reconstruite en 1868. La partie du xve siècle se remarque dans les deux fenêtres originales, ouvertes à l'extrémité des bras de la croix. L'antiquité de l'église Saint-Germain se reconnaît aussi à la coupe et à la nature des pierres employées dans sa construction, aux arcades intérieures, à la forme cintrée des petites fenêtres à colonnes, aux modillons ou corbeaux placés sous la corniche qui supporte le toit, à l'abside semicirculaire qui à survécu aux deux autres. Vers 1817, des travaux assez importants furent exécutés, de nouvelles fenêtres sans caractères furent percées, et on raccourcit la nef de huit mètres, détruisant un portail curieux qui eût pu être conservé. Celle-ci s'étendait jusqu'au bel if mesurant plus de trois mètres de tour, que nous admirons dans le cimetière. Elle ne comprend plus que trois arcades romanes ; un portail a_ été rapporté de l'église du Sépulchre. L'intérieur de l'église n'offre rien de remarquable on peut y voir un chandelier pascal en bois sculpté, une Vierge ancienne, et des vitraux restaurés. Dans la sacristie, se LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS, DE CAUX 49 trouve un tombeau de la famille de Malhortie de Caiideaul. Le chemin de croix, moderne, a été offert par M. Turgis père, maire de Pont-Audemer en 1870, qui a aussi largement contribué à la restauration, de l'édifice. Rappelons brièvement en quittant Saint-Germain-Village, l'histoire de l'hospice de Pont-Audemer. Avant sa fondation, il avait existé à Pont-Audemer, comme dans la plupart des villes e bourgs de Normandie, une léproserie dite de Saint-Gilles, fondée en 1135 par Galeran de Meulan qui la dota de biens importants elle était administrée par les religieux du prieuré du même nom. L'hôpital, sous le patronage de saint Jean remontait au xive siècle ; on ne possède d'ailleurs que fort peu de renseignements sur son origine, tous les anciens titres ayant disparu à la suite des guerres. Il était régi dans les premiers temps par des dames de charité pour l'intérieur, et par les officiers municipaux pour l'extérieur. En 1700, l'hôpital des malades et invalides de Pont-Audemer était tenu de recevoir les pauvres des quatre paroisses de la ville. Un arrêt du conseil lui remit le tiers des biens des léproseries de Saint-Gilles, et de la maladrerie de Saint-Jacques. A cette époque, l'hospice comptait livres de revenu dont 926 livres de fieffés d'héritages, 140 livres de rentes en grains, livres de fermages et livres environ, produit du travail des pauvres. Le seigneur d'Iclon y avait droit à trois lits, le seigneur de Tourville à une place, à cause, le premier, de la maladrerie de Saint-Christophe, fondée par ses ancêtres, le second à cause de la léproserie de Sainte-Catherine-des-Hestrées, fondée par ses prédécesseurs. La construction d'un nouveau bâtiment à l'Hôtel-Dieu de Pont-Audemer, en 1750, donna lieu à une contestation assez vive entre l'Hôtel de Ville de Pont-Audemer et Messire Sebin, prêtre prieur de l'Hôtel-Dieu. Les officiers municipaux voulurent prendre pour médiateur, dans ce différend, l'évêque de Lisieux, mais le curé de l'Hôtel-Dieu 1 De Malhortie d'azur à un chevron d'or accompagné de trois fers de pique renversés de même. Armoriai général, 1696. 50 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS s'y refusa. L'affaire fut portée devant le conseil, mais M. de Folleville, procureur général au parlement de Rouen parvint à concilier les parties. ' En 1787, l'hospice était desservi par quatre religieuses et pouvait recevoir six malades 1. La visite des monuments terminée, les uns regagnent leur home temporaire, d'autres séduits par un site aperçu trop rapidement à leur gré, veulent y jeter un coup d'oeil moins hâtif, et attendent en flânant que l'heure du dîner sonne. Tout le monde est exact, cependant, lorsque le président donne le signal de passer à la salle à manger. Pour être archéologue, on n'en est pas moins homme. Il faut songer à réparer ses forces mises à l'épreuve par les fatigues d'aujourd'hui et en conquérir de nouvelles pour affronter celles qui nous attendent demain. Le menu du dîner permet aux plus difficiles de se déclarer satisfaits et chacun peut constater que la réputation de l'hôtel du Lion-d'Or n'est point surfaite. 1 Archives de la Seine-Inférieure, ",. 1000. DEUXIÈME JOURNÉE Mardi, 26 Août Personne ne manque au rendez-vous ; nous sommes au début de l'excursion le zèle des congressistes, qui ne se dément jamais, n'est pas encore modéré par les fatigues accumulées à la suite de plusieurs étapes, et c'est pleins d'entrain que nous prenons la route d'Evreux. Nous traversons sans nous arrêter la bourgade de Corneville-sur-Risle, que l'opérette de Robert Planquette a rendue plus célèbre par ses cloches que les événements de son histoire, et nous arrivons à Appeville-Annebaut. Appeville est une petite ville fort ancienne, située sur la voie romaine de Juliobona à Noviomagus. Dès le moyen-âge, elle possédait une église, des chapelles et une léproserie. L'église fut donnée à l'abbaye du Bec par Robert de Montfort, en même temps que celles de Montfort et de Flancourt, vers la fin du XIe siècle. Elle était dédiée à saint André. Elle fut reconstruite en 1550 par l'amiral d'Annebaut. Les parties remarquables remarquables la nef, la tour carrée, et le portail qui présente d'intéressantes sculptures. La chapelle de la léproserie était sous l'invocation de sainte Marguerite. Elle était située près de la Fontaine aux Malades, entre l'église de la paroisse et celle de Corneville. APPEVILLE dit ANNEBAULT Portrait de l'église. Cliché de M. R. Duquesne. 52 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS La chapelle de Saint-Milford s'élevait dans un endroit appelé le vieux Montfort, peut-être près de l'ancienne demeure de Robert de Montfort, seigneur d'Appeville, au xie siècle. Enfin il y avait encore la chapelle de SainteCatherine, relevant de l'abbaye de Corneville. En 1387, Robert d'Annebaut 1 est indiqué pour la première fois comme seigneur d'Appeville ; mais depuis plus d'un siècle, les seigneurs d'Annebaut-en-Auge, près Lisieux, avaient dfs intérêts dans la vallée de la Risle. Le plus illustre représentant de cette famille fut Claude d'Annebaut, anr'ral et maréchal de France, qui fit bâtir le château de son nom à Appeville, de 1522 à 1546. Les proportions en étaient si énormes, que ni lui, ni ses successeurs ne purent l'achever. Le pavillon nord fut seul terminé ; de toutes ces constructions, il ne reste que des ruines. L'amiral obtint, en 1549, l'érection de la terre d'Appeville, en baronnie sous le nom d'Annebaut. La terre passa ensuite par héritage, en 1605, à Charlotte de Vieuxpont, mariée à Bernard Potier, sieur de Blerencourt, lieutenant général de la cavalerie légère de France. En 1640, la baronnie fut élevée pour ce dernier en marquisat. Il la légua à sa mort à René Po,ticr, duc de Tresme et de Gesvres 2, son frère aîné. Au décès, sans enfants, de ce dernier, en 1723, Jean-Baptiste Danican d'Annebaut 3 racheta au nom de sa femme, descendante de Madeleine d'Annebaut, le marquisat, pour la somme de quatre cent cinquante mille livres. Il rentra aussi en possession de la vicomte de Pont-Audemer, au sujet de laquelle il eut, avec le bureau des finances, royales un procès qui se prolongea pendant plus d'un siècle. La terre ' d'Appeville-Amiebaut fut achetée en 1777 par Clément de Barville, qui se rendit acquéreur aussi de la vicomte de PontAudemer. Celle-ci lui fut enlevée en 1784; et la Révolution acheva la destruction du marquisat d'Annebaut. 1 Annebaut de gueules à la croix de vair. 2 Potier de Gesvres d'azur à deux mains d'or au franc quartier échiqueté d'argent et d'azur. 3 Danican d'Annebaut d'azur à la sphère d'argent cerclée d'un zodiaque de sable, en fasce, accompagnée en chef d'une étoile d'or et d'un grand vol de même en pointe qui s'élève et enclave la sphère. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 53 Après une courte visite à l'église, nous nous engageons • dans la forêt de Montfort, dont le marquis d'Annebaut prétendit jadis être propriétaire. En lisière de la forêt se trouve le bourg de Montfort, adossé à une colline escarpée, d'où l'on aperçoit Pont-Audemer et Brionne. Le château de Montfort qui fut aux xie et xne siècles une des principales places fortes de la Normandie, n'offre plus que des ruines insignifiantes. Il existait, à Montfort une léproserie ; l'église était sous la dépendance de l'abbaye du Bec. Il y avait jadis une vicomte, supprimée lors de la réunion de ce domaine à la couronne. Par des chemins sinueux et ombragés, on gagne le BecHellouin où nous allons faire notre premier arrêt important. LE BEC-HELLOUIIM De quelque part que le vent vente, L'abbaye du Bec a rente. Le temps est assez beau lorsque nous arrivons. Nous faisons une rapide visite à l'église paroissiale, dont le choeur est du xive siècle. Elle renferme quelques épaves intéressantes de l'abbaye une porte de tabernacle en émail, du xvne siècle, des boiseries, un nombre assez important de statues de bois, quelques pierres tombales, et surtout depuis 1792, la sépulture du bienheureux Hellouin. Lorsque nous sommes tous réunis, nous nous dirigeons vers l'abbaye. Un charmant petit chemin, que longe le ruisseau du Bec, ou de Saint-Martin, y conduit. L'aspect des lieux a gardé son empreinte monastique et lorsqu'on aperçoit la grande tour du XVe siècle, les immenses constructions conventuelles du xvnr 8, on croit que les moines sont partis d'hier et reviendront demain. Nous sommes reçus par M. le vétérinaire en . premier, Anne, commandant le dépôt de remonte, qui veut bien nous autoriser à visiter l'abbaye en détail. Nous regrettons l'absence du chanoine Porée, le savant historien du Bec, mais nous aurons le plaisir de le retrouver ce soir à Bernay. M. le chanoine Porée a écrit, à notre intention, quelques notes 54 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS ' dont le président nous donne lecture, et dont je me suis inspiré, ainsi que des autres ouvrages du même auteur, pour rédiger la courte notice qu'on va lire. L'abbaye du Bec 1 n'offre pas aux regards des visiteurs les ruines grandioses et pittoresques de Jumièges, de SaintWandrille ou de Mortemer. Elle ne garde que les souvenirs de son passé, mais quels souvenirs et quels noms pourraient être comparés à ceux de Lanfranc ou de saint Anselme ? Si ses commencements furent humbles, ses écoles, devenues rapidement célèbres, firent du Bec une des abbayes les plus illustres de la chrétienté. Cantorbéry lui demanda trois archevêques, et l'un des élèves de son école, Anselme de Baggio, alla s'asseoir sur le trône pontifical, sous le nom d'Alexandre IL La fondation de l'abba5re est due à Herluin, parent des comtes de Flandre, l'un des chevaliers les plus accomplis de son temps. Il naquit à Bonneville vers 994. Ayant fait voeu, dans un combat, de se consacrer au service de Dieu, il fonda en 1035, sur son fief de Bonneville, une église en l'honneur de la Sainte Vierge. Ordonné prêtre par l'évêque de Lisieux, il groupa autour de lui plusieurs de ses compagnons d'armes, leur fit adopter la règle de saint Benoît, et devint leur abbé. Le monastère de Bonneville ne dura que cinq ans. Faute d'eau potable, les religieux durent l'abandonner pour se transporter dans la vallée voisine, à l'endroit où le ruisseau dû Bec vient se perdre dans la Risle. Bientôt, Herluin vit arriver Lanfranc qui devait jeter une si grande illustration sur l'abbaye. Italien d'origine, Lanfranc venait en France pour visiter les écoles. Il s'arrêta au Bec, et ne tarda pas à y prononcer ses voeux. Devenu prieur, il ouvrit cette fameuse école du Bec, qui pendant cinquante ans, fut la plus célèbre de l'Europe, et le centre du mouvement philosophique et intellectuel en Occident. C'est autour de sa chaire que se forma l'élite des penseurs et des savants de cette époque. 1 Le couvent des religieux bénédictins de l'abbaye du tîec de gueules semé de fleurs de lis d'argent. Armoriai général, 1G96. LA PLAINE DU NEUB0URG ET LE PAYS DE CAUX 55 Vers 1051, les moines du Bec engagèrent avec Béranger de Tours, au sujet de la présence réelle dans l'Eucharistie, une lutte dont ils devaient sortir victorieux. Peu de temps après, Anselme, Italien lui aussi, attiré par le renom de l'abbaye, vint au Bec, pour y suivre l'enseignement de Lanfranc. Le nombre des religieux s'accrut tellement que l'édification d'un établissement plus vaste s'imposa. Les nouvelles constructions furent commencées en 1060. Sur ces entrefaites, Lanfranc ayant été nommé abbé de Saint-Pierre de Caen, puis archevêque de Cantorbéry, Anselme le remplaça comme prieur. Ce fut lui qui termina les bâtiments claustraux et la basilique abbatiale, placée sous l'invocation de Notre-Dame. Lanfranc vint en faire la dédicace le 23 octobre 1077. L'année suivante Herluin mourut, et selon son désir, fut inhumé au milieu du chapitre. Son successeur fut Anselme. Celui-ci fit plusieurs voyages en Angleterre et après Lanfranc, fut nommé archevêque de Cantorbéry. L'abbaye déjà puissante s'enrichit des dons des seigneurs qui avaient suivi Guillaume à la conquête de l'Angleterre, et auxquels les terres avaient été distribuées. Ces avantages, d'ailleurs, n'allèrent pas sans inconvénients l'élite intellectuelle des moines fut appelée de l'autre côté du détroit, pour administrer les possessions nouvelles, et un troisième archevêque de Cantorbéry fut choisi dans ses rangs, en la personne de Thibaut, cinquième abbé du Bec. Sans énumérer la longue suite des abbés du Bec, nous retiendrons seulement les noms de ceux qui, par leuis travaux, ont contribué à l'illustration ou à l'embellissement de l'abbaye. Letard, sixième abbé, construisit avec les libéralités de Robert du Neubourg, un nouveau cloître en 1140. L'an 1141, la congrégation s'accrut de la célèbre collégiale de Beaumont-le-Roger, qui lui fut donnée par le comte Galleran de Meulan. Le cloître fut terminé en 1146. Roger Ier, septième abbé, agrandit considérablement l'église abbatiale dont la première pierre fut posée par l'évêque Rotrou, le 14 août 1161. Les travaux durèrent dix-sept ans ; la dédicace eut lieu en 1178 C'est à cet abbé qu'on doit la construction de l'infirmerie et de la maison des hôtes. Les possessions de l'abbaye s'accroissaient sans 56 ' EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS cesse ; son influence était considérable douze abbayes avaient pour abbés des moines du Bec l'impératrice Mathilde voulut être inhumée dans l'église de l'abbaye. Là étaient aussi les sépultures des seigneurs du Neubourg. En 1273, l'église s'effondra la chronique du Bec, relate ainsi l'événement L'an de grâce mille deux cents Sexante et treize, virent gens la maistre Tom du Bec descendre lendemain du jour de la Cendre. En tour prime tut la ruyne l'oeuvre desoubz n'était pas fine pour ce la tour se descendi Tout le cueur cassa et fendi De la nef une grande partie quassa la tour de l'abbaye niez Dieu merci, le roi chieri oncques homme n'y ont péri Ce fut au temps de l'abbé Pierres à qui eschetz maintes pierres Pour ce qu'en pierre habonda Sur ferme pierre la fonda 1. Elle s'était déjà écroulée cent ans avant Richard de Saint-Léger l'avait fait reconstruire en partie en 1215. Pierre de la Cambe, dix-septième abbé, fit reconstruire en 1276 le choeur et les transepts. En 1282, sous l'abbé Ymer de Saint-Ymer, on retrouva dans les ruines de l'église les restes de l'impératrice Mathilde, veuve de Henri Ier, roi d'Angleterre, décédée en septembre 1168 à Rouen. Les travaux de reconstruction continuèrent sous la direction du maître Robert de Fontaine. Guilbert de Saint-Etienne, dix-neuvième abbé, acheva l'abbatiale. Sous Robert des Courroyes, vingt-deuxième abbé, eut lieu l'invasion anglaise. Louis d'Harcourt, gouverneur de lai Normandie, voulut pour arrêter l'ennemi, faire démolir l'église à peine achevée, et la remplacer par deux tours fortifiées ; on se contenta d'entourer la basilique et le chapitre d'ouvrages de défense précédés d'un fossé. Trois côtés du l Chronique du Bec. n. 44. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAY'S DE CAUX 57 cloître furent abattus ainsi qu'une partie du dortoir et du cellier. Ce fut un moment de grande indigence pour le Bec. Etout d'Etoutteville, vingt-quatrième abbé, aggrava encore la situation. Fière de l'évêque de Beauvais et de l'évêque de Lisieux, il réussit à se faire nommer abbé, et contribua à la ruine de l'abbaye, par des dépenses excessives. Nommé abbé de Fécamp, il emporta du Bec tout ce qu'il put en livres et en objets précieux, et s'en servit pour fonder, avec son frère, le collège de Lisieux à Paris. Guillaume IV d'Auvillars, vingt-sixième abbé, acheva les fortifications'de l'abbaye ; Robert III du Bec, vingt-septième abbé, fut élu en 1418. Peu après, le duc de Clarence vint mettre le siège devant l'abbaye, s'en empara et la mit au pillage. Henri V d'Angleterre séjourna au Bec, après la soumission de la Normandie ; il restitua à l'abbé Robert les biens qu'il avait confisqués. Les Français ayant repris la tour du Bec en 1421, l'abbé Robeit fut considéré comme traître, et emprisonné à Rouen pendant cinq mois. Après qu'il se fut justifié, il fut remis en liberté, et le temporel de son abbaye lui fut rendu, mais les fortifications furent rasées. Thomas Frique, vingt-huitième abbé, dut, à cause de l'état de guerre continuel, résider presque constamment à Rouen. L'abbaye fut mise plusieurs .fois au pillage, et les terres restèrent incultes. Selon la Gallia Christiana, cet abbé assista à la prétendue abjuration de Jeanne d'Arc. Il fit faire par Jean Sandrin les seize statues de pierre qui sont aujourd'hui à Bernay. Geoffroy d'Epaignes, trentième abbé, 1452, marque son administration par une augmentation des possessions et des revenus de l'abbaye, la restauration de l'église et des bâtiments claustraux. Ce fut lui qui commença la grande tour Saint-Nicolas, mais tous les travaux furent interrompus par les guerres de religion. En 1562, l'abbaye fut pillée par les Huguenots. Jean IV Bochard, trente-et-unième abbé commendataire, fit achever le beffroy et dresser par Dom Pierre de Chrétienville, moine du Bec, un catalogue de la bibliothèque. Dès le milieu du xne siècle, la bibliothèque de l'école du Bec se composait de cent soixante volumes manuscrits, dont 58 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS les auteurs étaient surtout des pères et des docteurs de l'Eglise. En 1164, ce nombre fut doublé par l'adjonction de cent treize autres volumes, donnés par Philippe d'Harcourt, évêque de Bayeux 1. Adrien Gouffier, cardinal de Boissy, évêque de Coutances, trente-cinquième abbé, fit remanier la porte d'entrée. Jacques d'Annebaut, trente-huitième abbé, 1543, plus tard cardinal, fut une véritable cause de ruine pour le monastère par sa déplorable administration. Dominique de Vie, quarante-deuxième abbé,introduisit au Bec le 10 juillet 1626, les pères de la réforme de la congrégation de Saint-Maur 2. Ceux-ci purent faire faire de très importants travaux le portail de l'église abbatiale, un nouveau cloître, la réparation des bâtiments, la refonte des cloches, sont leur oeuvre. Les revenus de l'abbaye s'élevaient alors à livres. En 1550, les bénéfices, pour la France seulement comprenaient 165 cures, 18 prieurés et 22 chapelles. En 1591, la nef de l'église s'était écroulée faute d'entretien. Les travaux de restauration effectués à ce moment permirent de sauver le choeur de la ruine. Jacques-Nicolas Colbert, deuxième fils du célèbre contrôleur des finances, fut nommé abbé du Bec en 1665 il fit terminer tous les travaux commencés sous ses prédécesseurs. Il fit exhumer et recueillir les reliques du bienheureux Hellouin. A partir de 1742, on reconstruisit sur un plan simple, mais grandiose, les bâtiments conventuels qu'on admire aujourd'hui. Yves de Marbeuf fut le quarante-sixième et dernier abbé du Bec. Nommé en 1777 évêque d'Autun, puis archevêque de Lyon, il se retira en Allemagne à la Révolution et y mourut la même année. En 1791, la communauté ne comptait plus qu'une trentaine de religieux ; la plupart quittèrent de leur plein gré 1 L'abbaye possédait un magnifique chartricr, dont il reste un inventaire à la bibliothèque nationale. Il a été détruit en 1810, et on fit de la cire à brûl -r avec les sceaux des différentes pièces. 2 C'est à ce moment-là que les moines quittèrent la robe blanche pour la robe noire. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 59 L'ENTRÉE ET LA TOUR DU BEC Collection de M. le Comte Becci. l'abbaye et prêtèrent le serment constitutionnel. L'abbaye abandonnée fut mise au pillage, le mobilier fut vendu à vil prix et les cloches envoyées à Rouen pour être fondues. On peut se figurer l'influence de l'abbaye du Bec en Normandie, par l'importance de ses possessions. Celles-ci s'étendaient dans le diocèse de Rouen, dans celui de Lisieux, 60 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS dans celui d'Evreux et dans celui de Chartres. Elles comprenaient trente prieurés et cent vingt églises. Au moment de la Révolution ses revenus dépassaient cent quatre-vingt mille livres. Mais si ses revenus étaient immenses, sa charité était sans limite. Tous les jeudis, depuis la Purification jusqu'au jeudi précédant la Saint-Jean-Baptiste, inclusivement, la mense abbatiale de l'abbaye faisait une distribution d'une livre de pain à chaque pauvre des paroisses d'Aptot, Bonneville, Boscrobert, Calleville, Ecaquelon, Glos, La Haye-de-Calleville, Le Bec, Grostheil, Livet, Authou, Malleville, Pont-Authou, Saint-Eloy, Saint-Paulde-Fourques, Saint-Léger-du-Genetay, Saint-Martin-du-Parc, Saint-Taurin-des-Ifs, Thiéville et Voiscreville. Cette distribution s'élevait de douze à quatorze cents livris la semaine. Cette aumône était volontaire. Les aumônes faites par la mense conventuelle, également volontaires, étaient de toutes espèces. Elles étaient évaluées à environ six cents livres par an. Les pauvres des paroisses des environs de l'abbaye ainsi que ceux des paroisses ci-dessus désignées y trouvaient de grands secours, tant en médicaments que pour les besoins de la vie 1. Parcourons rapidement les rares témoins qui subsistent de si grands souvenirs. L'ancienne porte d'entrée de l'abbatiale fut construite par Robert d'Evreux, abbé de 14S4à 1491. Elle se compose de deux tourelles carrées à corniche feuillagée portant un comble très aigu en ardoises. La-tour de droLe servait de gêole, c lie de gauche de logement au frère portier. Audessous de l'arcade surbaissée de la porte, était une niche élégamment sculptée, abritant une statue de Notre-Dame. Le cardinal de Boissy, qui tint la commende de 1516 à 1519, y avait fait placer ses armes d'or à trois jumelles de sable. Elles se voient encore aujourd'hui très mutilées. A droite, dans un mur en damier, bâti en retour d'équerre, s'ouvrait une porte charretière au-dessus de laquelle se voit un B traversé en pal par mie crosse. Ces constructions variées forment un ensemble très pittoresque. 1 Archives de la Seine-Inférieure, abbaye du Bec, cote 995. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 61 Une plaque commémorative a été apposée en 1889, lors du Congrès archéologique pour rappeler les dates mémorables de l'abbaye elle porte ces mots ABBAYE DU BEC DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT FONDÉE PAR HERLUIN EN 1034 DES ECOLES DANS TOUT L'OCCIDENT Y FURENT FONDÉES PAR LANFRANC ET SAINT ANSELME , L'HOSPITALITÉ DES RELIGIEUX FUT LARGE LEUR CHARITÉ INÉPUISABLE LEUR SCIENCE ÉGALA LEUR PIÉTÉ L'IMPÉRATRICE MATHILDE Y FUT INHUMÉE DANS L'ÉGLISE EN 1167 SAINT LOUIS Y SÉJOURNA EN 1256 L'ABBAYE EN 1356 PILLÉE PAR LES ANGLAIS EN 1421 FUT RESTAURÉE PAR L'ABBÉ GEOFFROY' D'ÉPAIGNES . EN 1453 ELLE ADOPTA LA RÉFORME DE SAINT MAUR EN 1626 ET JETA UN DERNIER ÉCLAT DANS LES LETTRES ELLE FUT SUPPRIMÉE EN 1790 JUILLET 1889 Au fond de la cour, les bâtiments de l'abbatiale terminés en 1705 se relient aux constructions plus anciennes du prétoire de la justice. En pénétrant dans l'enceinte, on se trouve devant la tour Saint-Nicolas,vrai colosse de pierre, aujourd'hui classée, agrémentée sur ses contreforts des statues de saint André, saint Louis, saint Benoît, saint Jacques, saint Nicolas, saint Jean l'Evangéliste, saint Michel et Notre-Dame. Des inscriptions gothiques en silex noir incrusté dans la pierre, se lisent sur les flancs de la tour ; sur le côté méridional Christws est filius Dei » ; sur la face occidentale, Maria, Jésus ehristus est filius Dei », Salvator mundi miserere nostri ». Ce beffroi renfermait autrefois une .puissante sonnerie de cloches. La plus grosse ne pesait pas moins de dix mille livres. 62 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS L'église abbatiale fut abattue et rasée vers 1810. Le chemin traverse son emplacement. Il n'en res^. plus qu'une grande arcature gothique. Celle-ci ornait le mur terminal qui appartenait à la reconstruction de Pierre de la Cambe et de Ymer de Saint-Ymer. Deux bases des piliers de l'abside furent mis à jour vers 1880. Elles ont été recouvertes de nouveau par des terrassements récents. En remontant vers l'est, on remarque de nombreuses pierres encore en place, qui permettent de reconstituer par la pensée, une partie du plan des chapelles absidiales. A une trentaine de mètres de l'abside, se trouvent les restes d'une grosse tour ronde, avec d'épais murs de silex, noyés dans le mortier. Des arbres aux racines énormes, plus que centenaires, ont librement poussé dans ces ruines. Cette tour faisait partie du système de fortification élevé du xive au xve siècle par les abbés Geoffroy Harenc et Guillaume d'Auvillars, pour protéger le monastère et l'église contre les incursions des Anglais. C'était peut-être même le donjon ou citadelle, car voici ce qu'écrivait Dom Bourget au siècle dernier Tout ce qui reste de cette forteresse sont les ruines d'une tour encore visible s'élevant à huit ou dix pieds au-dessus du sol, et les fondations de quelques autres, avec des souterrains de communication. Ces souterrains ont sans doute été comblés, le souvenir en est perdu. Les caves creusées sous la colline sont une construction voûtée en berceau aigu avec doubleaux, qui peut remonter au début du xiv° siècle. Elles comprennent un très long couloir avec des retraits de chaque côté pour loger les tonneaux. En revenant vers les bâtiments conventuels, on voit une colonnette romane qui a conservé sa base, et son chapiteau à feuillages plats, avec un commencement de nervure et d'arc diagonal. C'est à peu près tout ce qui reste de l'ancien chapitre démoli en 1817, en même temps que la sacristie; mais ce fragment est précieux il fixe la date de la construction. La salle capitulaire du Bec avait été construite aux frais de Robert du Neufbourg, sénéchal de Normandie, de LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 63 1141 à 1146. Cette belle salle, divisée en trois travées presque carrées et recouverte de trois croisées d'ogives, était un modèle de hardiesse et d'élégance. Sa longueur atteignait douze mètres. Les vestiges que nous en voyons sont un des rares spécimens de l'architecture de cette époque dans la région normande. Près de là, se développe l'immense escalier, achevé en 1751, qui conduisait de l'église à l'étage des cellules. La belle rampe de fer forgé a été enlevée au moment de la Révolution. La première pierre du cloître fut posée le 6 mai 1644. Les travaux marchèrent avec une lenteur extrême, puisqu'ils ne furent achevés qu'en 1666 par Frère Guillaume de la Tremblaye qu'on peut considérer comme le véritable architecte du cloître. C'est une construction spacieuse, un peu lourde, ornée de pilastres dans le style de la Renaissance. Les voûtes en plein cintre portent à la section des nervures, de larges clefs enlacées. Au-dessous de la porte d'entrée sont sculptées les armes du jeune Colbert, abbé du Bec d'or à une couleuvre d'azur posée en pal. Autour du cloître, sur une superficie considérable, s'étendaient les bâtiments conventuels, tout en pierre de taille, d'une simplicité et d'une ampleur qui rappellent ceux de Saint-Etienne de Caen. Le 24 juin 1742, le prieur, muni de la procuration de l'abbé, comte de Clermont, posa solennellement la première pierre du réfectoire et du dortoir, placés parallèlement à l'église. On mit six ans à parfaire cet immense corps de bâtiments, qui comprend un rez-de-chaussée et un premier étage très élevé. Le pavillon qui le termine du côté du jardin, fut bâti sur pilotis, à cause de la proximité de la rivière. Dès la veille de la Pentecôte 1747, les religieux avaient inauguré le réfectoire ; cette splendide salle voûtée mesure soixantequinze mètres de long sur neuf mètres de large. En 1750, on acheva sur les mêmes plans, le retour d'équerre du bâtiment neuf de soixante-six mètres de long prolongeant le dortoir. Il y avait dans ces ailes trente-six cellules s'ouvrant sur un vaste corridor dallé, et donnant sur le parterre. 64 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Leur disposition rappelle celle des cellules de Mondaye, que nous avons visitées il y a deux ans. Aujourd'hui, le cloître sert d'écurie, comme le réfectoire et l'orangerie. Transformé en dépôt de chevaux de l'armée dès 1792, la situation du Bec-Hellouin fut régularisée par deux décrets de 1804 et de 1810. Il devint dépôt d'étalons, et l'église servit de magasin à fourrage, jusqu'à ce que sa démolition fut décidée comme devenue inutile. Depuis 1833, rétablissement a été transformé en annexe du dépôt de remonte de Caen et qualifié de dépôt de transition ». L'effectif des jeunes chevaux varie de cent cinquante à quatre cents suivant le moment de l'année. Les chevaux ne font au Bec aucun travail, ils prennent de l'exercice en liberté dans des paddocks, et nous aurons le plaisir dans un moment d'assister à leur sortie des écuries. Les arcades du cloître ont été fermées par des murs de briques. Des planches auxquelles sont fixés les râteliers et les auges dissimulent à peine d'admirables sculptures. L'église romane avait été dédiée le 29 octobre 1077 par Lanfranc, devenu archevêque de Cantorbéry. Cette première église, puis trois autres, furent successivement détruites par des incendies. Une cinquième fut construite c'est celle qui subsista durant tout le moyen-âge, jusqu'à la Révolution. Commencée en 1275, terminée en 1320, elle ne fut cependant consacrée que le 14 septembre 1342. Déjà ébranlée par un ouragan en 1551, et faute de réparations faites à temps, la nef s'écroula presque entièrement en 1591. On ne put conserver que les deux travées les plus rapprochées du transept. Lorsqu'elle était dans son intégrité, l'église abbatiale rappelait par ses proportions et son style, l'église de Saint-Ouen de Rouen. Elle avait cent trente mètres de longueur le choeur seul en mesurait quarante. Voici ce qu'Expilly en disait en 1752 Le choeur est un des plus grands et des plus riches qu'on puisse voir ; l'or y brille de toutes parts, et l'éclat en est relevé par l'azur dont il est accompagné. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 65 La décoration intérieure comprenait quatre grandes statues des apôtres, un autel très orné, un jubé et un dallage en marbre, qui, heureusement, ont été sauvés de la démolition en 1808, par arrêté du ministre de l'intérieur, Cambacérès, et donnés à l'église Sainte-Croix de Bernay, où nous pourrons les admirer. La chaire est à la cathédrale d'Evreux. L'église était vouée à la destruction, avons-nous vu, par le gouvernement impérial. On commença par enlever le plomb des couvertures. On en tira cent douze mille kilogrammes. Une voix cependant s'éleva, en 1807, pour la conservation du monument, celle du préfet de l'Eure, le baron Chambaudouin L'église forme avec les autres bâtiments un ensemble si beau, donne à ces lieux un tel caractère de majesté, que je n'ai pu réfléchir sans peine au dessein que l'on a conçu de la faire disparaître je crains qu'on ne détruise ainsi un des plus beaux monuments qui existent 1. L'église n'en fut pas moins abattue, et nous avons vu les rares vestiges qui en subsistent. Constatons en terminant que si les modifications effectuées pour transformer les bâtiments du monastère en dépôt de chevaux, sont regrettables, il convient cependant de se réjouir de cette mesure, car c'est évidemment à elle seule qu'est due la conservation de ce qui reste de l'abbaj^e. A un autre point de vue, cette affectation offre des inconvénients, car une faible partie des bâtiments est seule utilisée. A une époque où la crise du logement sévit avec tant d'intensité dans les villes, peut-être des services agricoles, ou une école d'agriculture, pourraient-ils être installés dans les bâtiments inemployés, soit par le département, soit par l'Etat, pour le plus grand bien de ceux qui bénéficieraient de cette création. Le Bec pourrait redevenir ainsi partiellement le foyer intellectuel qu'il fut jadis, et la vie renaîtrait dans ces murs qui furent témoins de tant d'activité. Nous sortons de l'abbaye en jetant encore un coup d'oeil admiratif sur la belle tour Saint-Nicolas, le seul monument 1 Archives de l'Eure. Bec-Hellouin. 66 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS classé de tout l'ensemble, et derrière, sur l'ancien logis abbatial, aujourd'hui propriété particulière du commandant Teissier. Puis nous remontons en auto, et par une série de chemins étroits et assez compliqués, nous arrivons au village d'Harcourt. Tout le monde met pied à terre, et se dirige sur le château, qu'on nous dit être très voisin et qui est, en réalité, distant encore de près d'un kilomètre. Nous pénétrons à l'intérieur, et, descendant le vieil escalier de pierre, du côté où le château a conservé presque intact son antique, aspect, je donne lecture des notes suivantes sur Harcourt et son histoire. HARCOURT Château du VrEiL-HAitcouRT. Coligction de M. Tournouer. Le Chev. Challan dei. Le village d'Harcourt, situé près de la voie romaine qui va d'Evreux à Briomie est le berceau de la maison de ce nom, illustre depuis tant d'années, en France et en Angleterre. Trois monuments seulement méritent d'être étudiés l'église, l'hospice et surtout le château. L'église a été construite d un seul jet dans le premier LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 67 quart du xnr 3 siècle. Le choeur peut passer pour un petit chef-d'oeuvre à l'extérieur, on remarque la disposition extrêmement originale et peut-être unique des contreforts, dont les parois fuyantes dégagent complètement les étroites lancettes du rond point. La sonnerie, une des plus belles de France, était dans une tour isolée de laquelle un souterrain remontait jusjusqu'au château. A l'intérieur, on admire la manière harmonieuse dont s'arrondit la muraille du sanctuaire, l'habileté avec'laquelle neuf travées ont été ménagées dans un espace relativement restreint, la légèreté des huit branches d'ogives qui,rayonnant autour d'une clef centrale, viennent, en soutenant d'étroits voûtains, reposer soit sur des colonnettes posées en encorbellement, soit sur des consoles en forme de chapiteaux. On peut y voir un grand crucifix en bois de la fin du xve siècle, des fonts baptismaux en pierre de la fin du xive et un lutrin à cariatides du xvne siècle. Le 9 avril 1695, Mme Françoise de Brancas, princesse d'Harcourt 1, dame du palais de la reine Marie-Thérèse, fonda à Harcourt, du consentement de son fils, seigneur et propriétaire du comté d'Harcourt, un hôpital pour les pauvres malades du comté, et pour les enfants des deux sexes. \ cet effet, elle fit élever des bâtiments dans lesquels elle établit des chambres séparées pour les petites filles pauvres, auxquelles on devait apprendre non seulement la piété chrétienne, mais encore l'art de la dentelle, pour qu'elles parviennent à gagner leur vie. La princesse d'Harcourt fit à ses frais toute l'installation, acheta un grand enclos avec des bâtiments et des arbres fruitiers, des pâturages qu'elle garnit de bestiaux, et légua à l'hôpital trois cents livres de rente, à prendre sur tous ses biens. En même temps, par arrêté du conseil du 13 janvier 1696, elle faisait unir au nouvel hôpital les biens et revenus de la maladrerie de Saint-Thomas d'Harcourt, de 1 Brancas d'azur au pal d'argent chargé de trois tours de gueules et accosté de quatre griffes de lion d'or affrontées et mouvantes du flanc de l'écu. La Chesnaye des Bois. 68 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUM0IS Ancien plan du château d'Harcourt. "Collection de M. le Comte Becci. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 69 l'Hôtel-Dieu, ou hôpital Saint-Antoine de Beaumont-leRoger, et de la maladrerie de Saint-Laurent de Beaumontel. Enfin par un autre arrêt du 2 mars suivant, les biens et revenus de l'ancien hôpital, de la maladrerie de Saint-Michel de Briomie, de Saint-Thomas de Cantorbéry, d'Harcourt, de Sainte-Marguerite-l'Hortier, d'Annebault et d'Orival lui étaient attribués. La princesse d'Harcourt confia la direction du nouvel établissement aux religieuses de Gentilly. Les registres de comptabilité contiennent d'intéressants détails sur l'industrie de la dentelle, jusque-là inconnue dans le pays. L'aune de petite dentelle se vendait environ une livre. Cette manufacture ne survécut guère à la mort de Mme d'Harcourt, survenue le 12 avril 1715. En 1788, l'hôpital accusait trois mille cinq cent vingtdeux livres de revenus et trois mille cinq cent quarante livres de dépenses 1. Le château d'Harcourt 2 remonte au commencement du xne siècle. Il a été remanié à plusieurs reprises, au xve et au xvne siècles, mais on distingue parfaitement le plan primitif. Huit tours flanquent les murailles de la première enceinte ; ces tours de forme demi-circula ire sont de petite dimension. Elles mesurent à peine cinq mètres de diamètre extérieur. Deux d'entre elles encadraient et défendaient chacune des deux portes ménagées aux extrémités de l'enceinte. De la porte du nord, il ne reste que des ruines. La porte du sud sert encore d'entrée. Elle a été reconstruite à la fin du xvie siècle. C'est à ce moment-là qu'on introduisit dans les pieds-droits, à l'extérieur et à l'intérieur, des croix de Lorraine en briques, à la suite de l'extinction de la branche aînée de la famille d'Harcourt dans la maison de Lorraine. Le tout forme un magnifique ensemble de tours et de tourelles qu'enlacent de toutes parts des lierres séculaires, montant jusqu'aux toitures. Au premier plan, l'entrée profonde et sombre, entre deux tours qui semblent deux senti1 senti1 de l'Orne, C. 274. 2 Toutes les notes sur le château d'Harcourt sont extraites des travaux de l'Académie d'agriculture, mis très obligeamment à ma disposition par le bibliothécaire, M. Daviet, que je tiens à remercier ici. 70 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS nelles avancées une enceinte semi-circulaire se prolonge le long des fossés encombrés de lierre, de plantes sauvages et d'arbres poussés au hasard 1. Maintenant reportez-vous par l'imagination, au temps de la splendeur de ce château grandiose ; remplacez l'agreste beauté des ruines par l'image du monument dans sa jeunesse et dans sa force ; arrachez ces voiles de verdure, creusez ces fossés, déblayez ces glacis, faites arriver une eau vive et profonde qui baigne les murailles, relevez les douze tours de l'enceinte et du donjon, rendez-leur la ceinture de mâchicoulis et la couronne de créneaux qui en faisaient la parure, ouvrez toutes ces fenêtres à croix de pierre malencontreusement murées, meu blez à l'antique ces vastes appartements aujourd'hui nus et délabrés, et faites retentir sur les dalles sonores le pas des destriers, briller les armures, sonner les cors et vous aurez Harcourt, digne demeure des barons et comtes de ce nom, issus du célèbre Bernard le Danois, de ces fidèles compagnons d'armes des ducs de Normandie, Normandie, l'histoire est celle de la France. Nous avons un témoin oculaire de ce qu'était Harcourt au xvii" siècle Thomas Corneille, dans son Dictionnaire de Géographie, écrit, ce qui suit en 1704 Château d'HARCOURT. Cliché de M. G. de Banville. 1 {Normandie illustrée, vol. I, V° Harcourt. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 71 Le château, bâti à l'antique, avec des fossés profonds, accompagné d'un donjon et d'une chapelle, est très logeable et a bel air. Les appartements ont été rétablis à la moderne avec un jardin bien ordonné et fort propre. Au pied de ce château, et d'un parc fermé de murailles, est un prieuré claustral de chanoines réguliers de Saint-Augustin, sous le titre de Notre-Dame-du-Parc. On y conseive des reliques tiès précieuses et anciennes. Le comté d'Harcourt comprend vingt paroisses. La première mention dans l'histoire du château d'Harcourt date de 917, époque à laquelle Bernard le Danois, premier baron d'Harcourt 1, conduit de son château d'Harcourt trois cents hommes d'armes au secours de Guillaume LongueEpée. En 1078, Enguerrand d'Harcourt, revenant en Normandie après avoir pris part avec Guillaume, à la conquête de l'Angleterre reconstruit son château d'Harcourt. En 1328, la baronnie d'Harcourt est érigée en comté par lettres de Philippe de Valois données à Vincennes le 9 mars. En 1124, sous Louis VI, la guerre s'allume les châteaux de Brionne, Valville, Beauficel, Harcourt sont pris et repris. En 1179, Robert d'Harcourt fonde à l'extrémité de son parc un prieuré sous l'invocation de saint Thomas de Cantorbéry et y établit la sépulture de sa famille. Pendant la captivité du comte d'Harcourt fait prisonnier à la bataille d'Azincourt en 1315, le duc de Clarence, frère de Henri V d'Angleterre, ravagea le pays d'Evreux et s'empara, en 1418, du château d'Harcourt et des richesses du comte Jean, un des plus riches seigneurs de France. Suivant Le Ferron et Boulenc, il avait plus de trois cent mille écus d'or dans son trésor, un riche cabinet d'armes, des images d'or des douze apôtres, une poule d'or, avec douze poussins d'or. Il se faisait servir par douze chevaliers, chacun faisant un mois par an il avait une chapelle de chantres et de musiciens. En 1415, il donna à l'abbaye du Mont-SaintMichel une statue d'argent du poids de soixante-seize marcs. Dépossédé de ses biens, le comte d'Harcourt assista au 1 Harcourt de gueules à deux fasces d'or. 72 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS sacre et au couronnement de Charles VII, en 1429, assis sur le banc des grands officiers de la couronne. En 1449, le sire de Talbot, poursuivi par Dunois, se réfugie dans le château d'Harcourt, qu'il laisse peu après sous la garde du chevalier de Froquenval. Après quinze jours de siège, le château doit se rendre. Repris aux Anglais la même année, le château est rendu par le roi de France au comte Jean d'Harcourt. En 1484, le comté d'Harcourt passe dans la maison de Lorraine par suite du mariage, en 1417, de Lydie d'Harcourt avec Antoine, duc de Lorraine, comte de Vaudemont, qui en rendit hommage au roi, à Tours, le 21 décembre 1464. Dans le courant du xvne siècle, le prince d'Harcourt abandonna à sa femme, Françoise de Brancas, dont il vivait séparé, le vieux château en ruines. Il avait été rebâti sous François Ier au milieu de l'enceinte de l'ancien château primitif, et comprenait un grand corps de logis, avec des tours aux angles et sur les ailes, surmonté d'un donjon très élevé, d'où on apercevait les autres châteaux du comté. La princesse d'Harcourt y fit de nombreux travaux, et le corps de logis inhabitable reçut une façade sur le parc ; le donjon fut démoli, les fossés comblés ; sur leur emplaceChâteau emplaceChâteau Cliché de M. G. de Banville. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 73 ment on fit une cour d'honneur, une terrasse et un parterre ; depuis cette date, aucune restauration n'a été tentée. En 1784, le château passa aux héritiers de la princesse de Poix, sur licitation entre Mme la princesse de NoaillesPoix et M. le duc de Richelieu-Fronsac, descendant comme elle, des anciens princes de Guise. Ceux-ci vendirent en 1786 une grande partie des terres. En 1802, M. Delamare, ancien procureur au Châtelet, se rendit acquéreur devant le tribunal de Bernay, du château du Vieil-Harcourt, sans l'avoir vu, et d'environ quatre cents hectares de terres qui l'accompagnaient. Il voulait s'y livrer à l'agriculture, et surtout à la sylviculture, pour laquelle il professait des théories particulières, qu'il voulait mettre en pratique. Il trouva le château dans un tel état de délabrement qu'il dut renoncer à toute idée de restauration. Il se contenta de faire réparer les toitures et murer toutes les fenêtres. Il replanta en arbres rares et surtout en pins, les bois abandonnés, et les landes incultes qui entouraient le château. Il mourut en 1828, laissant Harcourt à la Société royale d'Agriculture, aujourd'hui Académie d'Agriculture. Dans l'esprit du donateur, le domaine d'Harcourt devait servir'sinon d'exemple, du moins de preuve et de démonstration des immenses revenus qu'on peut tirer de la culture et de l'administration des bois méthodiquement dirigés. Il voulait créer ainsi une école théorique et pratique de la culture des bois et de leur exploitation. Les idées de M. Delamarre sont exposées dans un ouvrage dont je possède un exemplaire, et qu'il laissa, avec son château d'Harcourt, à la Société royale d'Agriculture il est intitulé Cent cinquante hectares de Pins. Histoire d'une richesse millionnaire en pins. Paris, 1827, Mme Huzard. On y lit notamment des phrases comme celle-ci Je suis parvenu à créer une richesse millionnaire en pins sur le sol le plus siliceux et le plus aride. Au chapitre XIV, il promet un produit de un million cinq cent mille francs au bout de quarante à cinquante ans, pour une plantation en pins d'une surface de trente-quatre hectares. 74 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Ces quelques indications suffisent à montrer dans quelles erreurs énormes, M. Delamarre a pu tomber, pour ses évaluations. Quand la Société royale d'Agriculture prit possession du domaine, il comprenait deux cent quatre-vingt-neuf hectares environ en bois et vingt-et-un en terre. Aujourd'hui il comprend environ quatre cent cinquante hectares. Les exploitations faites normalement à douze ans jusqu'en 1874, ont cessé d'être suivies. Le revenu a varié de fr. environ en 1870 à francs en 1888; il n'a jamais atteint les chiffres élevés que M. Delamarre escomptait. La culture des arbres y est intéressante au point de vue scientifique et offre des spécimens magnifiques de la flore de tous les pays. Le jardin, d'une contenance de quatrevingt-cinq ares environ, est occupé par une pépinière d'arbres exotiques sapins weymouth, mélèzes, épicéas, chênes d'Amérique. L'arboretum, une des curiosités du domaine, a été établi dans l'ancien verger ; on y cultive des Abies Douglasii, Nordmaniana, Pinsapo, Pin Laricio, Séquoia gigantea, etc. L'ensemble de. ces arbres splendides et rares forme un parc d'un aspect extraordinaire par ses variétés et ses coloris. En 1255, Jean, sire d'Harcourt et d'Elbeuf, fonda près de son château sous le nom de Prieuré du Parcl, un prieuré conventuel, pour servir de sépulture à sa famille, dans lequel il installa des chanoines réguliers, tirés de l'ordre du Val-des-Ecoliers. D'après l'aveu de 1684. le seigneur d'Harcourt avait le droit de présenter au prieuré ...situé près d'Harcourt, joignant notre parc, auquel piieuré il doit y avoir quinze religieux chanoines de l'ordre de SaintAugustin, qui sont maintenant entretenus de notre aumône, à iaquelle prieuré nies prédécesseurs ont fait bâtir l'église et monastère, et dans laquelle église est la sépulture de nos prédécesseurs. Au xvme siècle, le revenu du prieuré était d'environ cinq mille livres. Le clocher renfermait une sonnerie magni1 magni1 Prieuré du Parc d'Harcourt de gueules à deux fasces d'or semées de croix de Lorraine de sinople ot accompagnées de trois coquilles d'argent rangées en chef. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 75 fique de sept cloches ; dix hommes étaient nécessaires pour les mettre en branle. Les registres de catholicité donnent des indications intéressantes à l'occasion de leur baptême ; nous y lisons entre autres celles-ci Ce jourd'hui 21 décembre 1716, nous soussigné, prieur curé d'Harcourt, en vertu de la permission à nous accordée par Msgr l'évêque d'Evreux, avons fait la bénédiction de la grosse cloche de la paroisse dudit Harcourt, laquelle a été nommée Marie-Louise-Henriette, par S. A. Mgr le duc d'Elbeuf et S. A. Mme la comtesse d'Harcourt, représentez, sçavoirmondit seigneur le duc par Monsieur le Chevallier de Bethune, et madite dame par damoiselle Françoise Louise Henriette de Lorraine princesse d'Harcourt, en présence de Monseigneur le Comte d'Harcourt, de Mre Charles de Sainct Jean bailly dud. Harcouit et de Mre Claude Amtlot procureur fiscal et autres soussignez. L'an 1730, et le 14 Décembre a été faite la bénédiction de la grosse cloche, avec les cérémonies accoustumées. Le parrain est Son Altesse Monseigneur de Lorraine, prince de Guize, et la marraine haute et puissante dame Marie de Castillon Princesse de Guize son épouse. La de cérémonie faite en leur absence par Mr Homo de Bray et nous présent prieur d'Harcourt soussigné. Ladite cloche pesé deux mille cinq cents Cette belle cloche, nommée Marie-Christine, existe toujours ; elle est la tonique des trois cloches que îenferme l'antique tour de l'église. Deux autres cloches de dix mille et de sept mille livres furent transportées en 1791 à la cathédrale d'Evreux, où elles sont encore. Les autres furent fondues au moment de la Révolution. M. le chanoine Guérin, président de la Société historique de Trévières, qui fait partie de l'excursion, nous signale que la marraine de la seconde cloche fut très haute, très puissante et très excellente princesse, Madame Marie-SophieCharlotte de la Tour d'Auvergne, épouse de très haut et très puissant prince, Monseigneur Charles-Juste de Beauvau Craon, chevalier des Ordres du roy, maréchal des camps et armées du roy », en 1759. C'était une des aïeules de la comtesse d'Harcourt, la gracieuse châtelaine du Champ-de- 76 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS Bataille, qui tout à l'heure va si aimablement nous faire les honneurs de sa belle demeure. Nous regagnons les voitures et après quelques kilomètres rapidement parcourus, nous arrivons au château du Champde-Bataille. Nous sommes accueillis par le comte d'Harcourt, ancien député du Calvados, et la comtesse, née de Beauvau. Réunis dans la cour d'honneur, je donne lecture des quelques notes suivantes, pour lesquelles le comte d'Harcourt a bien voulu me documenter. LE CHAMP-DE-BATAILLE Château du CHAMP-DE-BATAILLE. Cliché de M. Mouchel. Le château du Champ-de-Bataille que nous allons visiter date de la fin du xvne siècle. Il fut commencé vers 1680 et terminé vers 1701. Il s'élevait alors au milieu d'un vaste domaine de quatre mille hectares, qui avaient fait partie de la vieille terre féodale du Neubourg, détachée elle-même de la seigneurie de Beaumont-le-Roger, à la mort de Roger de Beaumont. La terre du Neubourg, baronnie, puis marquisat en 1619, après avoir appartenu aux puissantes familles de Neu- LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 77 bourg 1, de Meulan 2 et de Vieux-Pont 3, fut divisée en 1644 en trois lots entre les enfants d'Alexandre de VieuxPont. , Le nom du Champ-de-Bataille viendrait, d'après certains historiens, d'une bataille livrée en cet endroit en 935, entre l'armée de Riouf, comte de Cotentin, venu avec quarante mille hommes demander la souveraineté de la Normandie à Guillaume Longue-Epée, et l'armée de ce prince, commandée par Bernard le Danois. Le château, construit par Alexandre, comte de Créquy 4, fils de Jean-Baptiste de Créquy, baron de Combon et de Renée de Vieux-Pont, reçut tout naturellement le nom du lieu sur lequel il fut édifié. Le comte de Créquy était fort âgé, et veuf sans enfants de Marie Maignard de Bernières 5, lorsqu'il commença les travaux ; il en vit à peine l'achèvement, puisqu'il mourut en 1702. Il laissait comme héritier un autre vieillard, son neveu, Gabriel-René, marquis de Mailloc 6, en Normandie, baron de Combon, qui avait épousé en 1720 Claude-Lydie d'Harcourt, soeur de François, duc d'Harcourt, maréchal de France, et du duc Anne-Pierre d'Harcourt, gouverneur de la province de Normandie. Ce dernier reprit le domaine à la mort de sa soeur en 1750, par droit de retrait lignager, et le donna à son second fils, Anne-François d'Harcourt, duc de Beuvron. dont le frère aîné, François-Henri, fut aussi gouverneur de la Normandie jusqu'à la Révolution. Le duc de Beuvron quitta son château au moment des troubles révolutionnaires avec sa femme. Il échappa à grand peine aux massacres successifs, se réfugia à Amiens où il mourut et fut inhumé, avec la duchesse. Le château du Champ-de-Bataille ne fut ni saisi ni pillé, malgré quelques visites des bandes révolutionnaires venues 1 De- Neubourg bandé d'or et de gueules. 2 De Meulan écartelé aux 1 et 4, échiqueté d'or et de gueules ; aux 2 et 3 de sable au lion d'argent la queue fourchue. 3 De Vieuxpont d'argent à dix annelets de gueules. 3, 3, 3 et 1. 4 De Créquy d'or à un crequier de gueules. 5 Maignard de Bernières d'azur à une bande d'argent chargée de trois roses de gueules. 6 Mailloc de gueules à trois maillets d'argent. 78 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS du Neubourg. Vers 1810, les enfants du duc de Beuvron furent contraints de le vendre. Il fut acheté par le comte de Vieux 1. Celui-ci, à la suite des méfaits d'un intendant, qui hypothéqua le domaine à l'insu de son propriétaire, dût le revendre vers 1850. M. et Mme Prieur, négociants à Elbeuf, s'en rendirent acquéreurs. M. Prieur voulait le démolir, mais Mme Prieur s'y plut et l'habita très simplement. Peu de temps après la guerre, M. Michon, ancien préfet du Loiret, dont le fils et le petitfils sont des nôtres, en devint propriétaire. Vers 1876, une famille d'Anglais catholiques, les Consett, l'acheta et y habita jusqu'en 1896. En 1903, le château fut racheté par le comte Charles d'Harcourt 2, descendant du gouverneur de Normandie, et la comtesse, née de Beauvau, qui l'ont fait restaurer avec un goût parfait, joint à un grand souci du confortable. On ignore le nom de l'architecte, maître de l'oeuvre du Champ-de-Bataille, mais c'était à coup sûr un artiste de talent. L'ensemble des bâtiments est constitué par deux vastes constructions qui s'allongent en bordure d'un quadrilatère de quatre-vingts mètres de côté par deux constructions parallèles, presque identiques, au point de vue architectonique. Le tout est relié d'un côté par un portique à galerie de l'autre par une grille à hauts piliers formant colonnade et portique monumental. Il forme un ensemble imposant, malgré la simplicité voulue des lignes de constructions. L'heureuse combinaison des briques et des pierres égayé les façades fort belles par elles-mêmes. Les quatre angles du quadrilatère tracé par les bâtiments, indiquent les quatre points cardinaux. La façade qui regarde le parc est au sud-est. Au centre, un pavillon tout en pierre, portant trois fenêtres et un étage avec attique et fronton triangulaire. Ce pavillon est coiffé d'un toit cintré surmonté d'un lanterneau. Deux grandes ailes à cinq fenêtres le flanquent 1 De Vieux Franche-Comté de gueules à la fasce d'or accompagnée de trois croisettes du même. 2 D'Harcourt de gueules à deux fasces d'or LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 79 à droite et à gauche, terminées elles-mêmes par deux pavillons moins élevés. La façade vers la cour d'honneur est d'une disposition un peu différente. Les pavillons des ailes et celui du 'centre forment des saillies moins accusées. Le portique à galerie et la grille colonnade les accompagnent heureusement. L'unité de l'ensemble est obtenue par l'aspect des communs avec pavillon central, ailes et pavillon aux extrémités, rappelant la structure du bâtiment principal. A l'intérieur, se trouve la cour de l'ancienne vénerie. Au delà de la façade du château regardant le parc, s'étend la vaste avant-cour entourée de murs que couronnent, en guise de vases et de pots à feu, d'énormes et belles pommes de pin. A son extrémité, les deux pilastres de pierre encadrant la grille, sont surmontés de trophées, moulages récents de ceux de Gabriel, au musée de la marine. De grosses boules de buis mettent çà et là leurs notes de verdure sur la blancheur de la pierre. A l'intérieur, le grand vestibule occupe au rez-de-chaussée le pavillon central. De chaque côté, un long couloir de communication dessert à gauche les salons du rez-de-chaussée du pavillon nord-est ; à droite, il conduit à la chapelle Château du CHAMP-DE-BATAH,LE. Cliché de M. Mouchel. SU EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS occupant le pavillon sud-ouest, ainsi que différentes pièces de service. Dans l'aile nord-est, après le grand vestibule, la bibliothèque, le cabinet de travail et les appartements particuliers du comte d'Harcourt ; à gauche du grand vestibule, le très bel escalier avec ses grands panneaux de stuc dans leur encadrement de pierre, et sa rampe en fer forgé de style Louis-XVI. Deux autres escaliers existent dans les ailes. Sur le palier du premier étage, s'ouvre d'un côté le couloir desservant les chambres des invités, qui regardent le parc et le salon de musique de l'autre, les appartements de réception qui s'éclairent sur les deux façades. Le salon suivant, meublé dans le style Louis XVI, tout blanc, renferme le portrait du duc François d'Harcourt, celui qu'on a appelé l'académicien, et qui est un des précurseurs des jardins à l'anglaise. Il est l'auteur de La décoration des dehors et des parcs. La salle à manger est en chêne clair, avec des tapisseries de damas vert. A la suite se trouvent les petits appartements appartements la comtesse d'Harcourt, rappelant ceux de Trianon avec de ravissants petits meubles et de très belles gravures. Une salle de théâtre est aménagée dans le bâtiment des communs. Château du CHAMP-DE-BATAILLE. Cliché de M. G. de Banville. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 81 On voit combien cette belle demeure se prête par ses dispositions heureuses, aux exigences de la grande réception, comme au charme de la vie intime. Mme la comtesse d'Harcourt veut bien, en quelques mots aimables, me dire qu'elle a été sensible à mes brèves explications. M. le Président remercie M. et Mme d'Harcourt de leur accueil si bienveillant, puis la longue file des autos s'engage dans l'avenue de quatre kilomètres, plantée d'arbres magnifiques, qui mène directement au Neubourg. Le comte d'Harcourt nous ayant fait le plaisir d'accepter l'invitation de notre président, nous aurons l'agrément de passer en sa compagnie quelques moments de plus, autour de la table de l'Hostellerie du Soleil-d'Or, où M. Harlay nous a préparé un excellent déjeuner. LE NEUBOURG Le Neubourg a obtenu le nom de ville sous la Restauration. Il doit son origine à une forteresse que le comte de Beaumont-le-Roger fit bâtir dans la plaine ou campagne du Neubourg pour affirmer sa puissance. La terre du Neubourg, dit Le Prévost, était une extension de l'immense domaine de Beaumcnt-le-Roger, enlevé à l'abbaye de Bernay par le? seigneurs de Pont-Audemer, mais elle n'en faisait pas partie à l'origine. Ce qu'il y a de certain, c'est que Roger de Beaumont la possédait et qu'elle fut démembrée pour former le lot de son second fils, le pieux et loyal comte de Warwick, pèie de Robert de Neubourg l. En 1118, Henri Ier, roi d'Angleterre, assiégea le châteaufort, l'emporta de vive force, et brûla tout le bourg. Après la mort de ce roi, en 1135, les barons normands ayant à prendre parti entre les prétendants au trône d'Angleterre, tinrent une réunion dans ce château, et s'y décidèrent en faveur d'Etienne. Ce fut là aussi qu'en 1160 fut célébré le 1 Le Neubourg bandé d'or et de gueules. Armoriai général, 1696. 82 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS mariage de Marguerite de France, fille de Louis VII, avec Henri Courmantel, fils aîné de Henri II, roi d'Angleterre. Philippe-Auguste prit le Neubourg en 1193. Jean sans Terre le brûla en 1198. Les Anglais l'occupèrent longtemps, pendant les guerres de Charles le Mauvais. En 1590, les ligueurs d'Evreux, après la prise d'Harcourt, vinrent devant le,château et le forcèrent à se rendre. Le Neubourg, bâti dans une plaine privée d'eau, est à la naissance d'un ravin qui descend à la vallée de la Risle. C'est sur le bord de ce pli de terrain que fut construit le 'château. Du côté de la campagne, subsistent une poterne et de hautes murailles, flanquées de tours et en partie couronnées de mâchicoulis ; du côté de la ville, il a été transformé en habitation. Comme la plupart des constructions militaires de cette époque, le château du Neubourg devait être une sorte de quadrilatère plus ou moins régulier formé de tours, reliées par des courtines. Du côté nord, une tour existe encore, presque intacte, dans son manteau de lierre ; le donjon, démoli en 1786, se trouvait sur l'emplacement de la rue du Champ-de-Bataille. C'était la résidence des barons du Neubourg, jusqu'au moment où ils allèrent habiter le château de ce nom. Dans le corps de bâtiment en façade sur la place eut lieu, en janvier 1661, la première représentation de La Toison d'Or, musique- de Lully, livret de Pierre Corneille. Les machines étaient d'Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac 1, baron du Neubourg, qui fit venir de Paris, à ses frais, la troupe royale du Marais. Amateur passionné de comédie, et grand inventeur de machines, le marquis de Rieux convia à ce spectacle toute la noblesse de la contrée 2. Il y a quelques années, la' salle d'opéra laissait encore voir une partie de son machinisme et de ses décorations. Le château du Neubourg est l'édifice le plus ancien de 1 De Sourdéac de Rieux d'azur à dix besans d'or 3, 3, 3 et 1. 2 La pièce fut ensuite jouée à Paris, à l'hôtel de Sourdéac, S, rue Garancière, toujours aux frais du marquis de Rieux, qui donna une série de représentations gratuites à l'occasion du mariage du roi et de la paix avec l'Espagne. C'est actuellement le siège social de La Revue Hebdomadaire. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 83 la ville. L'église date du xve siècle et est sous le vocable de saint Paul. Elle a été incendiée sous la Fronde. On y voit encore quelques restes d'une abbaye de femmes 1 fondée en 1637 et une chapelle gothique appelée le Prieuré. Le Neubourg avait eu, tout d'abord, une léproserie fondée en 1150 par Robert du Neubourg et les bourgeois de la ville, sous l'invocation de sainte Madeleine. Elle fut érigée en prieuré en 1258 ; en 1693, ses biens furent réunis à l'hospice. Celui-ci avait été fondé en 1250. En 1638, la veuve d'Alexandre de Vieux-Pont, gouverneur du Neubourg, convertit l'Hôtel-Dieu en monastère des lettres patentes d'érection furent délivrées en 1697. Il existe encore. Sur la place, devant l'église, s'élève la statue de Dupont de l'Eure 1767-1855, né au Neubourg, et qui est l'oncle de notre archiviste de l'Orne, M. René Jouanne. Réunis à l'Hostellerie du Soleil-d'Or, après avoir apprécié comme il convient, un déjeuner parfaitement servi, nous saluons de nos applaudissements le toast de notre président, exprimant au comte d'Harcourt combien nous avons été touchés de l'accueil si sympathique trouvé au Champ-deBataille. En quelques mots, M. d'Harcourt remercie le préside ît, et lui dit le plaisir qu'il a eu, ainsi que Mme d'Harcourt, à recevoir la visite de la Société historique et archéologique de l'Orne. Mais l'heure s'avance, nous avons encore beaucoup de chemin à faire et beaucoup de choses intéressantes à voir. Les voitures s'ébranlent, et sous une pluie fine qui recommence à tomber, et nous empêche de jouir complètement du paysage, nous prenons la direction de Bernay, où nous arrivons par la belle route plantée d'arbres qui relie Rouen à Alençon. Nous nous dirigeons de suite vers l'Hôtel de Ville. Nous y trouvons réunis et nous attendant. M. Vieillot, président du Tribunal civil ; M. le chanoine Moussillon, archiprêtre de Sainte-Croix ; M. Pottier, secrétaire général de la Société libre de l'Eure, section de Berna y ; M. Deshayes, trésorier M. le Président du Syndicat d'initiative, et M. le chanoine Porée, correspondant de l'Institut et 1 L'abbaye du Neubourg d'or à un créquier de gueules. 84 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUMOIS membre de notre Société, qui n'a pas craint; malgré son grand âge, d'abandonner son presbytère de Bournainville, pour venir nous faire visiter en détail l'abbatiale de Bernay dont il est le savant historien. M. Pottier nous souhaite la bienvenue, et présente les excuses du duo de Broglie, président de la Section bernayenne de la Société libre de l'Eure. Puis, guidés par M. le chanoine Porée, nous commençons la visite de la ville, rendue plus intéressante encore par les savantes explications qui l'agrémentent. BERNAY Bernay est une chenille au milieu des fleurs. M™ 1 DE STAËL. Bernay 1, Bernacum, remonte à une haute antiquité. Des inscriptions romaines ont été trouvées sur les murs de l'église actuelle. Le nom de Bernay est mentionné pour la première fois dans la charte par laquelle Richard II, duc de Normandie, établit un douaire pour sa femme, la duchesse Judith de Bretagne, en l'an 1008. Celle-ci en 1013, y jeta les fondements d'une abbaye de religieux de l'ordre de Saint-Benoît. La charte de fondation fut signée en 1026, et dès cette époque, Bernay avait un marché et plusieurs foires annuelles. Le premier prieur fut Guillaume de Dijon, remplacé bientôt par Raoul de Beaumont, fils de Honfroy de Vieilles, auquel succéda Théodoric, ou Thieriy. Celui-ci céda au père de Roger de Montgomery, son parent, la moitié du bourg de Bernay pour y loger quand il y viendrait. C'est à cette cession qu'il faut attribuer l'origine de la comté de Bernay, comprenant une partie de la ville relevant du bailliage d'Alençon. Roger de Montgomery fit élever aussitôt une forteresse dans la portion qui lui fut concédée. Les Mont1 Mont1 d'azur à un lion d'or lampassé et armé de gueules. Armoriai général. LA PLAINE DU NEUBOURG ET LE PAYS DE CAUX 85 gomery étant devenus comtes d'Alençon, la ville prit leurs armes d'azur au lion rampant d'or armé et lampassé de gueules. Le fils de Roger de Montgomery, mort en 1094. fut Robert de Bellême, surnommé le Diable ; il eut pour sa part Séez et Bernay. Ses fils, comtes d'Alençon, continuèrent à jouir de 1' honneur de Bernay », puis les domaines passèrent par mariage aux Malet de Graville 1. L'autre partie de la ville, appelée la Baronnie, était possédée par l'abbaye et relevait du bailliage d'Evreux. Elle fit retour au domaine royal et fut incorporée au xive siècle au comté d'Evreux. Au xne siècle, la ville était fortifiée. En 1231, saint Louis y vint tenir ses assises de justice. Au xme siècle, Bernay était le siège d'une vicomte ; elle était réputée pour ses étoffes. On fixe à l'an 1357 la destruction de l'église primitive de Sainte-Croix, par Charles le Mauvais, héritier d'une partie de Bernay au droit d. son père, Philippe, comte d'Evreux et roi de Navarre. Il s'empara de la ville, et la livra aux flamjnes. En 1378, Charles V, roi de France, ayant décidé d'enlever la Normandie au roi de Navarre, vint mettre le siège devant Bernay. Du Guesclin commandait les troupes d'attaque, la ville était défendue par Pierre du Celui-ci dut la rendre après un siège de quinze jours. A la mort de Pierre, comte d Alençon, sa fille, Marguerite, eut Bernay dans son lot. De là, la ville passa à Jean Ier. duc d'Alençon, et à Jean IL En 1413, une partie de la seigneurie de Bernay sortit de la maison d'Alençon et fut achetée par Jean, comte d'Harcourt et d'Aumale, moyennant huit mille livres tournois. En 1418, Bernay tomba au pouvoir des Anglais et ne fut recouvré qu'en 1449 par Charles VII, bien qu'en 1421 les Français eussent réussi momentanément à y pénétrer. Le dernier duc d'Alençon de la maison de Valois mourut en 1524. François Ier réunit, vers 1550, le duché et Bernay à la couronne. Ils ne'devaient plus en être séparés que pen1 pen1 de Graville de gueules à trois îermeaux d'or. Armoriai général. 86 EXCURSION DANS LE LIEUVIN, LE ROUM0IS dant quelques années durant lesquelles ils constituèrent le domaine de Marie de Médicis. . JACQUES DAVIEL ' 183 Le retentissement de cette communication dépassa le milieux chirurgicaux. Louis XV s'y intéressa et assista à des expériences faites sur une biche, dans le parc de la Muette. A la suite de ce mémoire, Daviel fut nommé chirurgien ordinaire, puis chirurgien-oculiste du Roi. Il est, alors, à l'apogée de sa carrière ; il a fait 206 extractions de cataractes et en a réussi 182, ce qui est une statistique excellente ; aussi, c'est maintenant l'Europe entière qui le consulte. La princesse Palatine le mande à sa cour et il y guérit quatre malades. Le roi d'Espagne, Ferdinand VI, le fait venir et veut l'attacher à sa personne. A son retour, Daviel passe par Bordeaux et y opère un paysan de 105 ans, auquel il rend la vue, pour les quatre années qui lui restent encore à vivre 1. A Liège, il opère six personnes ; à Cologne, il guérit un religieux, qui est capable de dire sa messe, quinze jours après l'intervention. Enfin, il se rend à Munich, sur l'invitation du prince Clément de Bavière. Mais il aime trop la France pour accepter de se fixer à l'étranger. Le voyage à Munich fut son dernier voyage et c'est à Paris qu'il continue ses travaux. Une de ses plus fameuses cures, fut celle du peintre François Devosge. En 1750, à l'âge de 18 ans, cet artiste, qui avait étudié la sculpture à Lyon, dans les ateliers de Perrache et de Guillaume Coustou, fut victime d'un accident, qui lui fit perdre la vue. Une première opération sur l'oeil gauche ne réussit pas ; tous les oculistes consultés refusèrent d'en tenter une sur le second oeil. Daviel, au contraire, exécuta et réussit l'extraction de la cataracte traumatique. Après six ans de cécité et d'inaction, l'artiste se remit à la peinture. Il fonda les premières écoles publiques de dessin, et fut l'un des maîtres de Prudhon et de Rude. Daviel dont la réputation croissait toujours, fut élu membre des Académies de Londres, de Stockholm, de Dijon, de Bordeaux. Mais il savait que le génie est une longue patience », toujours, il perfectionnait son opération. 1 MORAND Eloge de Daviel à l'Académie de chirurgie. 184 JACQUES DAVIEL En 1762, il prépare un second mémoire illustré, où il indique le manuel opératoire qu'il a définitivement choisi. Mais sa santé est altérée par tant de labeurs et il est frappé de paralysie du larynx. Il ne va pas pouvoir lire lui-même son mémoire à l'Académie de chirurgie ; il le fera lire. Et l'on eut, en séance publique, ce spectacle du savant, qui avait rendu la vue à tant d'aveugles, devenu lui-même muet par maladie, mais qui, d'une main vaillante, faisait suivre aux auditeurs sur une carte figurative, la description des instruments et la succession des temps opératoires Api'ès cet effort suprême, Daviel s'en fut aux eaux de Bourbon, qui ne lui procurèrent aucun soulagement ; puis il partit pour Genève, afin d'y consulter Tronchin. Depuis 1750, et après avoir étudié et professé en Angleterre et en Hollande, Tronchin 1 était revenu à Genève, sa patrie ; il y était professeur honoraire, ce qui ne l'empêchait pas de faire des cours surtout, il était le consultant de l'Europe entière ; il avait pour clients et pour amis, Voltaire, Rousseau, Diderot, Thomas. Sa renommée, sa bienveillance, quelques traVaux sur les ophtalmies devaient amener Daviel à prendre ses avis. Hélas, le mal était trop sérieux, la paralysie s'aggrava et le 30 septembre 1762, le grand oculiste mourut à Genève, entre les bras du résident de France, M. de Monpéroux. 11 avait demandé à être transporté en France, le Grand Sacconen était alors territoire français ; c'est là qu'il fut inhumé. De nos jours, on a fait élever sur l'endroit présumé de sa tombe une statue, mais elle est aujourd'hui en territoire suisse qu'importe si la gloire de Daviel appartient à la France ! En quoi consistait donc cette opération, qui a fait la gloire de Daviel ? 1 DE et WEISS in Biographie universelle de MICHAUD T. XLII, p. 200. JACQUES DAVIEL 185 Pour bien le comprendre, il faut se rappeler le siège et la forme du cristallin, puis la nature de la cataracte. Ce n'est pas ici le lieu de faire une leçon d'anatomie normale et pathologique, mais de brèves explications sont pourtant nécessaires. Le globe oculaire est un organe kystique ; c'est une boule remplie de liquides et qui contient à son intérieur le cristallin, si l'on peut employer une comparaison grossière, comme une cerise très mûre contient un noyau. Le cristallin est une lentille transparente, arrondie chez certains animaux, aplatie chez l'homme, et qui-siège en arrière du diaphragme irien et de la pupille, en avant de l'humeur vitrée. Il est maintenu dans cette situation, par une série de petits ligaments insérés à sa périphérie qui rayonnent autour de lui, en arrière de l'iris et en avant du vitré et vont s'attacher à la paroi de l'oeil, dans cette zone que les anatomistes appellent la région ciliaire. Au point de vue de sa constitution, le cristallin est formé d'une mince membrane d'enveloppe, transparente que l'on nomme cristalloïde et d'un contenu absolument transparent, dans la jeunesse et à l'état normal. Le rôle de la lentille cristallinienne est, comme l'astronome Kepler l'a montré en 1604, de réfracter les rayons lumineux, qui ont traversé la pupille et de les concentrer sur la rétine. C'est une partie de l'objectif de cette chambre noire qu'est l'oeil. Or, la cataracte est précisément la perte de transparence du cristallin et la transformation de cette lentille claire en une masse opaque. Quand Daviel commença à étudier la chirurgie en 1709, il était grand bruit du travail récent de Brisseau de Tournai 1, qui avait définitivement démontré le siège de la cataracte, sur lequel on discutait depuis longtemps. C'est un curieux chapitre de l'histoire des sciences que celui des idées successives qui eurent cours au sujet de la cataracte. Hippocrate savait que la cataracte siégeait dans 1 BRISSEAU de Tournai Traité de la Cataracte et du Glaucoma, Paris, in-12°, 1709. 186 JACQUES DAVIEL le cristallin, mais cette opinion vraie avait été faussée par Celse et pendant l'antiquité latine, le Moyen-Age et toute la Renaissance, au lieu de procéder à une vérification anatomique, des plus simples en somme, on édifia des théories obscures. On admettait que l'humeur aqueuse de l'oeil se coagulait en arrière de la pupille. Le nom même de cataracte chute d'eau, prouve que l'on ne se faisait aucune idée nette, à ce sujet ; c'était l'époque où, pour rappeler un mot fameux Les maladies des yeux étaient des maladies dans lesquelles ni le patient, ni le médecin ne vojraient rien. » Il faut en arriver au milieu du xvne siècle pour que Rémi Lasnier, chirurgien de Paris, explique la cataracte par l'opacifi cation cristallinienne. D'autres attribuent cette découverte à François Quarré 1. Quoi qu'il en soit, elle est l'explication admise par Maître-Jean, par Heister, jusqu'au jour où Brisseau, en 1705, l'établit définitivement. Quand la cataracte apparaît dans un oeil, la pupille, de noire qu'elle était, devient grise ou gris-jaunâtre et le patient, tout en percevant la lumière, cesse de voir les objets l'idée première et qui datait de l'antiquité, avait donc été d'écarter l'obstacle, créé au niveau de la pupille. C'était l'opération de l'abaissement de la cataracte ; on la pratiquait, alors même qu'on ignorait le véritable siège de la maladie. Muni d'une aiguille tranchante, le chirurgien détachait le cristallin opaque, le refoulait, le faisait basculer en arrière de l'iris, dans l'humeur vitrée. C'était c'est le cas de le dire, un procédé aveugle. Si, parfois le patient recouvrait momentanément la vision, le plus souvent, des complications tardives éclataient, ce cristallin luxé, qui se déplaçait dans la région ciliaire, était en somme un corps étranger. L'oeil devenait souvent dur, glaucomateux, comme disent les oculistes, et la perte de la vision était définitive ; parfois même, à une cécité indolore, l'opération n'avait fait que substituer une cécité, si douloureuse qu'elle nécessitait l'extirpation totale de l'oeil. 1 J. CLOQUET 1824 art. Cataracte, in Dict. de Médecine, IV, p. 364 JACQUES DAVIEL 187 On comprend que notre chirurgien normand, impressionné par les mauvais résultats de l'abaissement du cristallin, ait voulu tirer les conséquences pratiques de la découverte de Brisseau. L'idée devait, naturellement, se présenter d'extraire le cristallin opaque, comme on extrait le noyau d'une cerise. Saint-Yves, en 1707, avait ainsi enlevé un cristallin tombé sous la cornée, en avant de l'iris. Méry, dans un mémoire de l'Académie royale des sciences 1, montrait que l'opération était possible, même pour un cristallin non déplacé. Il est probable que Pourtour du Petit exécuta l'opération, mais ce n'est pas une raison pour refuser à Daviel le mérite d'en être le véritable créateur ; un inventeur a toujours eu des précurseurs et c'est la réalisation méthodique, qui importe surtout en chirurgie. Nul ne conteste donc à notre compatriote la gloire d'avoir réalisé l'extraction de la cataracte. Dès 1754, Louis écrivait dans Y Encyclopédie 2 On ne peut lui à M. Daviel refuser la gloire d'être l'inventeur de l'extraction du cristallin et, dans la supposition même, où il aurait été guidé par la lumière de M. Méry, il ne mériterait pas un moindre éloge, pour avoir pratiqué une méthode aussi utile, à la perfection de laquelle il aurait toujours essentiellement contribué, par l'invention des divers instruments, qui servent à son opération. » Les difficultés, que Daviel eut à vaincre, étaient grandes ce n'était pas un corps dur, mobile, qu'il s'agissait d'énucléer ; c'était un organe, souvent semi-fluide, enfermé dans une membrane et solidement rattaché à la paroi oculaire. Ce n'est pas la place d'indiquer comment, par des recherches patientes, il sut vaincre les obstacles, en taillant dans la cornée un lambeau, qui se cicatrise vite, en déchirant le sac cristallinien, en expulsant prudemment le noyau cataracte, en nett©3rant finalement la pupille des masses molles qui l'encombrent tout cela, sans perdre l'humeur vitrée. Daviel, patiemment, méthodiquement, se fit un outil1 outil1 R. de l'Académie royale des sciences, cit. par Louis, loc. cil. 2 Loc. cit., art. Crystallin. 188 JACQUES DAVIEL lage, une technique, dont nous admirons, aujourd'hui encore, les détails. Sans doute de nombreuses modifications ont été apportées, dans la suite, à son opération ; mais, telle qu'il la pratiquait, elle pourrait encore être exécutée aujourd'hui, sans inconvénients ; c'est tout dire. L'on ne peut qu'admirer ce grand homme qui, plus de cent ans, avant l'ère pastorienne et avant la découverte de l'anesthésie, sut, par la simplicité et la précision de sa technique, jéviter les accidents immédiats et les complications d'une opération si délicate. On comprend, maintenant, la célébrité que Daviel acquit, même de son vivant. Diderot dit, dans sa lettre sur les aveugles La bienfaisance de Daviel conduisait, de toutes les provinces du royaume, dans son laboratoire l, des malades indigents, qui venaient implorer son secours, et sa réputation y appelait une assemblée curieuse, instruite et nombreuse 2. » Il est possible, d'après les témoins du temps, de se représenter une de ces fameuses opérations 3. Dans le laboratoire, dont les larges fenêtres s'ouvrent au nord, pour qu'un rayon de soleil n'y puisse brusquement éblouir les malades, une foule se presse. Il y a là M. Diderot, qui prépare une lettre sur les aveugles ; avec lui un homme jeune, d'allure militaire, c'est son collaborateur de VEncyclopédie, le chirurgien Louis, celui qui a rédigé l'article CATARACTE » et qui prépare l'article CRYSTALLIN », où il doit parler précisément de l'opération de Daviel ; avec eux, encore, le secrétaire des Bâtiments du Roi, M. Marmontel, un autre collaborateur de Y Encyclopédie. M. Daviel a préparé ses instruments, qui sont là, sur un plateau ; une sorte de large lancette recourbée, à pointe aiguë, à bords 1 DIDEROT Lettre sur les aveugles. 2 Louis Encyclopédie, art. Cataracte, t. II, et art. Crystailin, t. IV, 1754. 3 DAVIEL Mémoires de VAcadémie royale de chirurgie, 1762. JACQUES DAVIEL 189 tranchants ; une lancette, plus petite, à pointe mousse ; de délicats ciseaux courbes ; une petite curette en or et des pinces fines. On fait entrer le malade ; c'est un homme d'âge mûr, conduit par une très vieille femme ; elle le guide, parmi la foule des assistants, et il arrive devant la fenêtre, baissant la tête, comme ébloui. On le fait asseoir sur un fauteuil, placé de biais, de façon que la lumière ne frappe pas à plomb sur sonvisage » ; un aide se place, debout, derrière le fauteuil, et maintient la tête du patient, solidement appuyée contre sa poitrine. Après quelques mots d'encouragement et d'espoir, Daviel s'installe devant le malade, sur une chaise un peu haute ; il appuie sa main gauche sur le front du patient et, du pouce et de l'index, il lui écarte, les paupières et les maintient ouvertes, en lui recommandant de regarder fortement en haut. On voit alors nettement que la pupille a un reflet grisâtre. De sa main droite, l'opérateur saisit la lance et prend un point d'appui sur la pommette ; puis, posément, il enfonce l'instrument dans le bas de l'oeil, à l'union de la cornée transparente et de la sclérotique blanche. Un liquide clair s'écoule. L'homme a fait un léger mouvement de recul et l'émotion étreint les assistants. Daviel a changé d'instrument ; vivement, au moyen de la lancette mousse, il agrandit la plaie, sur les côtés ; puis, saisissant les ciseaux courbes, il découpe la cornée transparente, demi-circulairement, à droite et à gauche. L'homme gémit, essaie de se dégager et de serrer les paupières ; alors le noyau cristallinien est tombé sur sa joue. Se tournant vers Louis, Daviel lui dit Je n'ai pas eu besoin de déchirer la cristalloïde avec l'aiguille 1. » Vivement, d'un coup de curette, il enlève quelques masses grises, qui encombraient la pupille, puis il dit Fermez doucement les paupières » ; et, très calme, il place ses mains devant les deux yeux de l'opéré. La femme âgée a suivi anxieusement les mouvements de l'opérateur ; elle 1 Louis loc. cit. PI. 1. — Reproduction d'une Planche du Premier Mémoire de Daviel 'Mém. de l'Acad. Roy. de Mr., t. II, p. 354, pi. XIX. Cliché communiqué par le Prof. Aubaret, de Marseille. Pi. 2. — Reproduction d'une Planche du Premier Mémoire de Daviel Mém. de l'Acad. Roy. de chir., t, II, p. 354, pi. XX;. Cliché communiqué par le Prof. Aubaret. 192 JACQUES DAVIEL est là, debout, qui tremble de tous ses membres. Daviel lui fait signe de s'approcher ; il la fait mettre à genoux, en face du malade, puis il éloigne ses mains. L'opéré ouvre les yeux ; il voit, il s'écrie Ah ! c'est ma mère ! » A ce cri pathétique, la vieille femme s'évanouit ; les larmes coulent des yeux des assistants et les aumônes tombent de leur bourse. » C'est Diderot, qui nous a conservé ce souvenir, mais la sensibilité du xvme siècle n'était pas nécessaire pour que l'on fût ému au spectacle d'une telle opération. Lorsqu'il eut recouvré la vue, le peintre Devosge, reconnaissant, fit graver par Le Mire une estampe représentant Daviel conduit par la Gloire, au temple de Mémoire ». Son nom y demeurera, aussi longtemps du moins que la science, ignorante des causes qui entraînent l'opacification du cristallin, ne saura pas éviter la production aies cataractes et sera réduite à les extraire. Près de la statue de Bernay, j'ai songé qu'au xvne siècle, ce fut, en somme, la même contrée, qui vit naître Corneille, grandir et penser Pascal et qui fut le berceau de Daviel. Etait-il donc permis de rapprocher ces noms ? Du grand tragique ou du génial pltysicien. La grande ombre, à coup sûr, ne s'en offensa pas, car l'habile et ingénieux chirurgien eut, en partage, comme le poète, l'imagination créatrice et le haut sentiment du devoir, comme le savant, le goût de la recherche et de la méthode. Quelle était donc la vertu de leur terre nourricière, de notre Normandie, terre de culture patiente et de chicane juridique, terre, tantôt bruineuse, tantôt ensoleillée, toujours féconde !! RENÉ ONFRAY, Secrétaire général de la Société française d'Ophtalmologie PROCES-VERBAUX Séance du 17 Juin 1925 Présidence de M. TOURNOÛER, président. Mercredi 17 juin 1925, en la Maison d'Ozé, à 14 h. %> séance ordinaire de la Société historique et archéologique de l'Orne. Présents Mmes DE COUESPEL, DE CROYER, DESCOUTURES, la baronne DE SAINTE-PREUVE, Paul ROMET, Charles ROMET et MUe BELLESSORT. MM. le docteur BEAUDOUIN, H. BESNARD, H. DESCHAMPS, les abbés GERMAIN-BEAUPRÉ, GOBLET et GUERCHAIS, JOUANNE, LENOIR, Paul ROMET, l'abbé TABOURIER et TOURNOÛER. Excusés Mmes4a comtesse D'ANGÉLY, DAVID, LEVEILLÉ et Mlle DE SEMALLÉ ; MM. BEAUGÉ, DALIBERT, GOBILLOT et le baron DES ROTOURS. Le procès-verbal de la dernière séance, lu par M. H. Besnard et approuvé, M. LE PRÉSIDENT fait les présentations suivantes M. Victor Hénault-Morel, par MM. Henri Deschamps et Tournoûer. M. Ernuh>Descoutures, notaire à Bellême, par Messieurs Lebourdais et Tournoûer. Mme Ernult-Descoutures, à Bellême, par les mêmes. La Bibliothèque Canel, à Pont-Audemer, par Messieurs Duquesne et Tournoûer. M. le commandant de Maleissye-Melun, au château de la Beuvrière, par Berd'huis Orne, par MM. le comte d'Andlau et Tournoûer. ' \ î 1 94 PROCÈS-VERBAUX M. Guillais, président de l'Union Industrielle et Commerciale, à Àlençon, par MM. Grisard et Collière. M. Maurice Renoux, avenue de la Gare, à Bagnoles, par MM. Jouanne et Tournoûer. M. LE PRÉSIDENT adresse à notre confrère, M. le vicomte Pierre de Romanet, nos vives condoléances à l'occasion de la mort soudaine de sa mère, Mme Olivier de Romanet, décédée à la clinique Saint-Joseph, à Alençon. Il nous annonce pour le mardi 23 juin, l'excursion dans les Alpes Mancelles de la Société du Maine. Les membres de notre Bureau sont invités spécialement à sa réception par M. et Mme Lecointre, au château de l'Isle, à 17 heures. La Société Dunoise excursionnera également le 30 juin à Cléry et Beaugency, avec son président, M. Dulong de Rosnay. Notre confrère, M. l'abbé GAUQUELIN, envoie une note qui voudrait rectifier l'interprétation d'origine du nom de La Goulafrière » Eui'e. Selon lui, ce vocable vient tout simplement des Goulafre, seigneurs du lieu, dont le château existait sur l'emplacement de celui actuel du Tremblay » à M. Charles Abaye. M. LE PRÉSIDENT nous dit que le barreau de Caen ouvre une souscription pour éleyer un monument à M. Guillouard, ancien bâtonnier. Mme DE COUESPEL communique' un curieux imprimé envoyé aux officiers de l'Hôtel de Ville d'Alençon. C'est un faire-part du mariage de Mgr Camus de Pontavie, intendant de Bretagne, avec Mlle de la Guibourgère. Il est signé par le frère de l'intendant, M. de la Cour, avocat au Parlement de Paris et syndic de la ville d'Alençon, 19 mars 1736. M. LE PRÉSIDENT donne maintenant quelques précisions sur les grandes lignes du programme de notre prochaine excursion dans la Manche, avec Saint-Lô Hôtel de l'Univers, comme point de ralliement, puis il nous lit l'intéressante communication de M. Joseph BESNARD sur Marguerite de Lorraine, qui sera publiée ou, tout au moins, résumée dans le Bulletin. PROCÈS-VERBAUX 195 En terminant, M. TOURNOÛER dit un mot de l'état de nos finances. Nous n'avons pas de dettes actuellement, mais il faut néanmoins restreindre nos frais. Aussi n'y aurat-il, cette année, que deux Bulletins, dont le premier paraîtra en juillet prochain. Le programme épuisé, la séance est levée vers 16 h. %• Le Secrétaire, P. GERMAIN-BEAUPRÉ. Séance du 15 Octobre 1925 Présidence de M. TOURNOÛER, président. Dans la salle de la Maison d'Ozé, s'est ouverte, à 14 h. Y2, la réunion de la Société archéologique de l'Orne, sous la présidence de M. H. Tournoûer, président. Etaient présents Mmes CHAUVEAU, DE COUESPEL, DE COURTILLOLES, A. DESCHAMPS, DESCOUTURES, la comtesse LE MAROIS-D'HAUSSONVILLE, A. ROMET, RUFFRAY, la baronne DE SAINTE-PREUVE, H. TOURNOÛER, MUe DE SEMALLÉ.H ' MM. G. DE BANVILLE, BEAUGÉ, H. BESNARD, J. COLLIÈRE, le chanoine DAREL, A. et H. DESCHAMPS, le docteur GALLIOT, GUILLEMAIN D'ECHON, R. JOUANNE, JOUSSELIN DE SAINTHILAIRE, LEBOUCHER, le comte LE MAROI§, LENOIR, P. ROMET, le baron J. A. DES ROTOURS, X. ROUSSEAU, le baron F. DE SAINTE-PREUVE, H. TOURNOÛER. Excusés MmeB la comtesse D'ANGÉLY - SÉRILLAC, A. LEVEILLÉ, LEBOURDAIS, P. ROMET; MM. F. BESNARD, CRESTE, Fr. EON, l'abbé GERMAIN-BEAUPRÉ, l'abbé GUERCHAIS, LEBOURDAIS, Phil. ROMET, l'abbé TABOURIER. Après la lecture du procès-verbal par le secrétaire. 196 PROCÈS-VERBAUX M. TOURNOÛER donne lecture d'une liste de présentations, d'une longueur inusitée et de bon augure. M. le docteur Galliot, 45, rue Saint-Biaise, Alençon, par MM. Eon et le docteur Le Jemtel. Mme Pesche, 4, place de la Halle-au-Blé, Alençon, par MM. le docteur Beaudouin et Grisard. M. Jean Tesnière, juge d'instruction, 14, rue Cazault, Alençon, par MM. Jouanne et Tournoûer. M. Joseph Le Turc, 4, rue de la Demi-Lune, Alençon, par MM. Henri Deschamps et Grisard. Mme Guillet, 3, rue Charles-Aveline, Alençon, par Mme la baronne de Sainte-Preuve et M. Collière. M. Henri Vannier, 20, avenue du Président-Wilson, Alençon, par MM. Henri Deschamps et Grisard. Mme Pierre Bozo, 1, rue Valazé, Alençon, par Mmes Godde et André Romet. Mrae Marcel Poteau, 60, rue Cazault, Alençon, par MM. de Heurtaumont et Grisard. M. Henri Verdun, substitut du procureur de la République, rue des Grandes-Poteries, Alençon, par MM. Jouanne ,et Tournoûer. M. Hamon, château de Belle-Fontaine, par Passais, par MM. G. Hubert et Tournoûer. M. le marquis Robert de Fiers, de l'Académie Française, 70, boulevard de Courcelles, Paris, par MM. Guillemain d'Echon et Tournoûer. M. Tremblai, maire de Carrouges, par MM. Focet et Tournoûer. MUe Leleu, 22, rue du Pont-Neuf, Paris, par Mme Bony et M. Taunay. Mme Zadgrodska, 40, rue de Flandres, Paris, et à MaisonMaugis Orne, par MM. Crestc et Tournoûer. M. Foucault, 15, rue Michel-Ange, Paris et à Agon Manche, par MM. Lebourdais Mme Foucault, mêmes adresses, par les mêmes. M. Robert Cousin, 27, rue Marbeuf, Paris et au Gué-auxBiches, par Tessé-la-Madeleine, par MM. Pierrey et Tournoûer. PROCÈS-VERBAUX 197 Mme la vicomtesse Dauger, château du Jardin, par Putanges, par Mmes Tournoûer et la baronne de Sainte-Preuve. Mme de Lavigerie, 10, rue de Copenhague, Paris, et 5, rue des Vieilles-Halles, à Argentan, par Mme Tournoûer et M. Deshayes. M. Jacques de Monicault, château de Croisy, par Menilles Eure, par Mme Tournoûer et M. l'abbé de la Serre. M. Pierre des Mazis, les Douves, par Savigné-l'Evêque Sarthe, par MM. Lebourdais et Tournoûer. M. l'abbé Motel, curé de Beuvron-en-Auge Calvados, par MM. Maurice Bourdon et Tournoûer. M. l'abbé Maugars, aumônier de l'Immaculée-Conception» à Nogent-le-Rotrou, par MM. le comte de Souancé et Tournoûer. M. Legendre, chirurgien-dentiste, 25, rue La Condamine, Paris, par MM. Leboucher et Tournoûer. M. Victor Hunger, secrétaire général de la Société d'encousagement pour l'amélioration du cheval, français de demirang, 53, rue des Saussaies, Paris, par MM. Guillochim et Tournoûer. Mme de Vauguion, 52, avenue Léon-Bollée, Le Mans, par Mme la comtesse d'Angély et M. Tournoûer. M. de Moloré de Saint-Paul, 3, rue du Parc, Alençon, par MM. Guillemain d'Echon et Collière. M. Emile Bouillon, les Marceaux, par Vimoutiers, par Mme Descoutures et M. Tournoûer. Mme Faure-Lacaussade, 39, rue du Cours, Alençon, par Mme Descoutures et M. Focet. MUe Lottin, 12, rue du Puits-au-Verrier, Alençon, par Mme Descoutures et M. Vadé. M. Louis Richard, directeur d'école honoraire, 36, rue de la Fuie, Le Mans, par MM. Jouanne et Tournoûer. M. Maurice Levier, au Grand-Broles, en Condeau, par Condé-sur-Huisne, par MM. d'Hermigny de Bruce et l'abbé Goblet. Parmi les nouvelles de nos membres, la nomination de notre très fidèle confrère, M. V. Taunay, au grade d'officier de la Légion d'honneur, est accueillie avec un grand plaisir. 198 PROCÈS-VERBAUX M. René Jouanne s'est vu nommer officier d'académie, distinction méritée par ses travaux. M. LE PRÉSIDENT le félicite au nom de la Société Parmi les deuils, M. LE PRÉSIDENT fait allusion à la mort récente de son beau-frère M. Margaritis, qui faisait partie depuis fort longtemps de notre groupement et s'intéressait vivement à notre effort, et dit la part que nous prenons à la disparition du père d'un de nos sociétaires, M. Henri de Fromont de Bouaille et à celle de M. Mary-Renard, artiste peintre, auquel il sera consacré une notice biographique. M. le baron J. A. DES ROTOURS, secrétaire général, donne des nouvelles de Paul Harel, qui va sensiblement mieux ; il signale l'article de Maurice Brillant dans La Vie Catholique du 4 octobre, qui relate ce petit miracle » de façon fort spirituelle. Une adresse est aussitôt envoyée à Paul Harel pour lui transmettre les voeux de la Société. M. TOURNOÛER remet à ce propos sur le bureau l'épreuve, donnée par Paul Harel qui l'a signée de son large paraphe, d'un portrait à la pointe sèclie de Henri Besnard, représentant la dernière image du poète. Cette gravure est un échange du poète et de l'artiste, un déjeuner chez le Maître » contre son portrait. C'est fait, et le débiteur reste sans doute l'artiste. M. MOULINET envoie une lettre explicative au sujet de l'Eglise de Rai, qui est fort intéressante et réclame d'importants travaux très urgents. A ce propos, M. LE PRÉSIDENT signale que le Conseil général a un tout petit crédit pour les monuments et que ce crédit trop ignoré reste intact chaque année. M. Joseph BESNARD fait part, dans une lettre, de son voyage récent à Nancy, où il s'est rendu pour suivre la trace de la bienheureuse Marguerite de Lorraine. Il a trouvé d'intéressants documents sur une période très peu connue de la vie de la bienheureuse. M. TOURNOÛER signale que René Gobillot travaille sur Marguerite de Navarre, sur laquelle il est difficile de trouver PROCÈS-VERBAUX 199 du nouveau. Notre érudit confrère prépare une conférence pour Paris, nous espérons en avoir une réédition à Alençon., Une lettre du comte DU MESNIL DU BUISSON demande ce que deviennent les débris de la tombe de l'abbesse Rouxel de Médavy, et remet une étude sur le manoir des Landes, qui sera publiée au Bulletin. M. LE PRÉSIDENT fait part du résultat financier de l'Exposition et du Congrès de juin 1925. Il déclare que le fait d'avoir bouclé un budget si difficile à balancer, est un tour de force dont il attribue tout le mérite à M. Félix Besnard, architecte, qui a été le haut économe de cette organisation, aidé en cela par MM. Jouanne, Leurson et les membres très zélés des diverses commissions. Le boni s'élève environ à francs, c'est tout à fait inattendu. M. LE PRÉSIDENT fait part de la réunion de la Fédération normande, qui s'est tenue en août dernier à Honfleur. Le projet de bulletin, organe de liaison, a été adopté. Pour son excursion annuelle, la Société percheronne s'est rendue le 27 septembre de cette année à Ceton, faisant en même temps dans le Perche une promenade, archéologique, pittoresque et même industrielle. A signaler les intéressants manoirs de La Motte et de Mongateau. M. LE PRÉSIDENT lit l'appel financier transmis par la préfecture et émanant du Sous-Secrétariat des Beaux-Arts. Cet appel est fait en faveur de l'église du prieuré de Sainte-Gauburge, près Saint-Cyr-la-Rosière. Les monuments historiques ne pouvant suffire à la réparation urgente des monuments, demandent aux groupements de les aider. En raison de l'intérêt exceptionnel présenté par cette église, il est décidé d'envoyer sur notre boni d'exposition une somme de 300 francs, c'est beaucoup pour notre caisse, et cependant environ la centième partie de ce qu'il faudrait. M. DALIBERT écrit qu'il y aurait lieu de rechercher s'il n'existe pas une note manuscrite d'un sieur Deville, vers 1850, note relative à l'inscription de la fontaine de la Herse, forêt de Bellême. Il demande que cette inscription soit relevée et qu'un moulage soit fait s'il y a lieu. 200 PROCÈS-VERBAUX A signaler dans la Revue du Touring Club de France d'octobre 1925, p. 439, Un Voyage en Normandie, par Marcel, Vandermeer et Delorme, en vélo. — Bagnoles, La FertéMacé, Carrouges, Mortain, Caen, Lisieux, Pont-1'Evêque Elbeuf, Vernon.' Le comte dans le Journal de VOrne ses études et remarques sur les armoiries des villes normandes. M. LE PRÉSIDENT dépose sur le bureau, un don de Mme Tiercelin, fidèle à la Société, qui remet un petit rouet ancien, une petite balance, des casse-noisettes en fer forgé, dont l'un sans doute de l'époque Louis XIII, est d'une jolie forme. Voilà de la belle ferronnerie. Un tirage à part, d'un article paru tronqué dans la Revue Française, de M. Henri Besnard, sur l'atelier de tapisserie de Champfleur, est remis pour la Société. Un atelier d'Art dans un Monastère, Langres, 1925, impr. Saint-Pierre et Revue Française d'août 1925. M. LE PRÉSIDENT fait admirer la médaille commémorative donnée par la Société La Pomme », à l'occasion de ses journées » de juin à Alençon. L'excursion de 1926 est projetée vers la Mayenne. Une grave question, proposition d'acquisition d'un immeuble pour la Société, est remis à une réunion spéciale et prochaine, M. Tournoûer ne voulant pas engager la Société dans une combinaison financière délicate et estimant que seule une assemblée générale est qualifiée pour trancher la question par Oui ou par Non. Après lecture de la liste des conférences de 1925-26, la séance est levée à 16 h. %. HENRI BESNARD. PROCÈS-VERBAUX 201 Séance du 10 Novembre 1925 Présidence de M. TOURNOÛER, président. Le mardi 10 novembre 1925, à 14 h. %> en la Maison d'Ozé, séance ordinaire de la Société historique et archéologique de l'Orne, sous la présidence de M. Tournoûer, président. Présents Mmes la baronne D'ABOVILLE, la comtesse D'ANGÉLY, BESNARD, CHAUVEAU, DE COUESPEL, DE COURTILLOLES, DE CROYER, DESCOUTURES, FONTAINES, GUILLET, DE LAGARENNE, Paul RuFFRAY, la baronne DE SAINTEPREUVE, Mlles DE SEMALLÉ et MOUCHELMM. MOUCHELMM. H. BESNARD, le chanoine DAREL, A. DESCHAMPS, les abbés GERMAIN-BEAUPRÉ et GUERCHAIS, les chanoines GUÉRIN et GUESDON, JOUANNE, LEBOUCHER, LENOIR, LETURC, Hubert MORAND, le vicomte DU MOTEY, Paul ROMET, l'abbé TABOURIER, TOURNOÛER. Excusés Mmes BOURDON, A. DESCHAMPS, DE LAVERERIE, DE MALLEVOUE et MUe LELEU ; MM. GÉRARD DE BANVILLE, BOURDON" Paul CHARPENTIER, CRESTE, DALIBERT, Henri DESCHAMPS, DESNOS, FONTAINE, HUBERT, LAIGNEAU, Félicien LANDE, LEGENDRE, MEZEN, DE MOLORÉ, DE PEYERIMHOFF, POUPET, DES ROTOURS, Etienne DE LA SERRE. M. LE PRÉSIDENT, le procès-verbal lu et adopté, fait les présentations suivantes Mme la comtesse d'Audiffret-Pasquier, château de Sarceaux, par Alençon, et 65, avenue d'Iéna, Paris, et M. le comte d'Audiffret-Pasquier même adresse, par MmeS la duchesse d'Audiffret-Pasquier et la comtesse Le Marois. Mme Eugène Poupet, 37 bis, rue de Bretagne, par Mrae paui David et M. Henri Besnard. M. le comte de la Font de Savines, château de Bcauvais, Hesloup Orne, par MM. Et. Kerchner et Albert Deschamps. M. de Gibert, Echauffour, par MM; Paul Harel -et Collière. 202 PROCÈS VERBAUX Nous voilà, dit M. LE PRÉSIDENT, en marche rapide vers la sixième centaine. Hâtons-nous de l'atteindre en recrutant de nouvelles adhésions. Mme SALLES, fille de notre regretté confrère M. Guillouard, écrit qu'elle ne peut prendre sa place parmi nous. M. Paul HAREL, heureusement rétabli, nous remercie de l'adresse qui lui fut envoyée lors de notre dernière séance ; il s'en déclare très touché. M. LE PRÉSIDENT nous dit que M. Turgeon, notre très distingué confrère, doyen, de la Faculté de Droit de Rennes, où il professait depuis 1881, vient d'atteindre la limite d'âge. A cette occasion, le Nouvelliste de Bretagne du 5 novembre 1925, fait de lui et, en particulier, de son, rôle durant la guerre, un éloge délicat et mérité, auquel notre Société s'associe pleinement et très cordialement. M. LE PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à M. Hubert Morand, rédacteur au Journal des Débats, qui nous fait l'honneur d'assister à la séance. M. Morand publie chaque semaine un article, toujours intéressant, sur la Province et ses Institutions savantes, et il a parlé de notre Société en termes flatteurs. Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de lui en dire notre reconnaissance. M. MORAND remercie, et dans une causerie d'une simplicité charmante, nous résume l'histoire de la fondation et du développement du Journal des Débats, et il nous montre par des faits éloquents celui du Musée de Dijon en particulier, l'heureux résultat de sa persévérante campagne pour la protection et la conservation des richesses artistiques de notre beau paj^s. M. LE PRÉSIDENT nous annonce que le prochain Congrès des Sociétés savantes de Normandie, se tiendra à Saint-Lô et que, probablement, notre excursion de l'année prochaine aura pour but la Mayenne du côté d'Evron. Le R. P. UBALD demande la permission de dédier la notice qu'il prépare sur Mme Martin, mère de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus à M. Tournoûer et à la Société historique. PROCÈS-VERBAUX 203 La Semaine religieuse de Blois, ajoute-t-il, va publier quelques pages sur les origines blésoises de sainte Thérèse de l'EnfantJésus. M. HUBERT écrit à M. le Président pour lui annoncer la mort de M. Ponthaut, de Mayenne, qui faisait partie de la Société depuis deux ans. M. LE PRÉSIDENT signale à notre attention Le Panégyrique de saint Jean Eudes, par Mgr Greivte, le 29 octobre, en la cathédrale de Rouen. Dans L'Illustration du 3 octobre 1925, un article sur Honfleur et Léon Le Clerc, par Emile Albert-Sorel, avec aquarelles de Léon Le Clerc. 'L'Histoire de la peinture française, par M. Louis Dimier. Dans la Revue historique et archéologique du Maine, 1925, 4e livre, Compte rendu de l'excursion du 23 juin 1925, qui se termina au château de l'Isle. Dans la Revue catholique de Normandie novembre 1925, article intitulé Au diocèse de Sées. Ce sont des notes envoyées à l'abbé Barruel, réfugié en Angleterre par application du décret de déportation contre les prêtres insermentés 26 avril 1794, par l'abbé Clément, curé de Saint-Malo, dans le diocèse de Sées. L'abbé Barruel demandait à ses confrères exilés comme lui, des matériaux pour composer son Histoire du clergé pendant la révolution française ». Ces notes ont été communiquées à la Revue catholique, par M. le chanoine Uzureau, directeur de L'Anjou historique. Il y est question de M. Gigon de la Berterie, curé de Putanges, de M. Léveillé, curé des Yveteaux, qui prêtèrent le serment. L'abbé Clément refusa. Il raconte les menaces dont il fut l'objet et les risques qu'il courut à Paris où il s'était réfugié. Saint-Malo-au-Houlme, paroisse supprimée, était au canton de Putanges. Vient de paraître Les capitaines de Vire aux xive et xve siècles, par M. V. Hunger. Paris Pailhé,. 1925. 204 PROCÈS-VERBAUX M. LE PRÉSIDENT nous dit que la prochaine causerie sera faite sur Lancelot Lisle, maréchal d'Angleterre, baron de Nouant, au temps de Jeanne d'Arc, par M. le vicomte du Motey. Il ajoute que M. Joseph Besnard continue activement et heureusement ses recherches à Nancy, sur Marguerite de Lorraine. L'Association française pour l'avancement des sciences, 28, rue Serpente, Paris-6e, voudrait que les Sociétés savantes de province, chacune dans son ressort, établissent une carte archéologique et préhistorique, avec fiches bibliographiques, qui serait déposée au siège de la Société préhistorique française, pour y être à la disposition des chercheurs. M. LE PRÉSIDENT nous dit que les dépenses pour le Congrès ont atteint francs et que, chose extraordinaire en pareil cas, mais qui n'étonne point quand on sait que le gestionnaire est M. Collière, nous nous en tirons, comme nous l'avons déjà remarqué, avec un boni de fr. M. LE PRÉSIDENT, revenant sur la question de l'enseignement de l'histoire locale, signale l'introduction par le cardinal Charost, d'un manuel classique de l'Histoire de Bretagne, dans les écoles libres de son diocèse. Il donne maintenant la parole à M. Jouanne, pour une causerie aussi intéressante que documentée, sur la Presse alençonnaise de la Révolution au second Empire », mais que, faute de temps, notre savant confrère a dû, malheureusement pour les auditeurs, abréger. La séance est levée à 16 h. %. Le Secrétaire, P. GERMAIN-BEAUPRÉ. PROCÈS-VERBAUX 205 Séance du 27 Novembre 1925 Présidence de M. TOURNOÛER, président. Le vendredi 27 novembre 1925, réunion ordinaire de la Société historique et archéologique de l'Orne, en la Maison d'Ozé, à Alençon, sous la présidence de M. Tournoûer, président. S'y trouvaient Mmes la comtesse D'ANGÉLY, BOURDON, CHAUVEAU, DE COUESPEL, DE CROYER, DESCOUTURES, Albert DESCHAMPS, la comtesse LE MAROIS, LE TURC* POUPET, Paul ROMET, RUFFRAY, la baronen DE SAINTEPREUVE, TOURNOÛER et MUe BELLESSORT. MM. le docteur BEAUDOUIN, DE BEAUREGARD, Henri et Félix BESNARD, Albert DESCHAMPS, DE FRILEUSE, les abbés GERMAIN-BEAUPRÉ et GUERCHAIS, JOUANNE, HUBERT, LEBOUCHER, LENOIR, le vicomte DU MOTEY, Paul ROMET, TOURNOÛER. » Assistait à la séance, M. Fernand LAUDET, de l'Institut, Excusés MmeB la comtesse DE COURTILLOLES, GUILLEMIN D'ECHON, LEVEILLÉ, la marquise DE TORCY, DE VAUGUION ; MM. Henri DESCHAMPS, GUILLEMIN D'ECHON, l'abbé LEGROS, le comte LE MAROIS, TAUNAY et le docteur TREMBLIN. La lettre d'excuse de M. le baron DES ROTOURS donne occasion à M. LE PRÉSIDENT de nous recommander YAlmanach de l'Orne pour 1926, qui vient de paraître à Argentan ; intéressant, comme d'habitude et dont notre distingué secrétaire général est le principal rédacteur. Il débute par une Hymne au Dieu du Calvaire », de Paul Harel. Articles du baron des Rotours, sur le Père Eudes. Du Journal de VOrne, sur le Congrès de la Fédération des sociétés normandes à Alençon », de M. Gérard de Banville, sur F excursion de la Société dans le Cotentin ». Nouvelles Le grand oncle », par Paul Harel ; Le mariage de Marie-Rose », broderie sur un thème historique, par le vicomte du Motey. Poésie Source limpide », par le baron des Rotours. 206 PROCÈS-VERBAUX Nous n'avons aujourd'hui qu'une présentation celle du capitaine de Villardi de Montlaur, rue Albert-Ier à Alençon, par Mme Sallantin et le docteur Beaudouin. M. LE PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à M. Fernand Laudet, de l'Académie des sciences morales et politiques, notre conférencier de ce soir, qui veut bien nous faire l'honneur d'assister à la séance. Il est, comme beaucoup du reste, parmi l'élite de la capitale, un Parisien de province -et qui reste fidèlement attaché à sa Gascogne. Il en a écrit avec amour dans un livre intitulé Souvenirs d'hier. Rome et Gascogne, et le chapitre Fin de l'automne » que nous lit M. Tournoûer, contient des notations si justes, si familières à nous tous et si harmonieusement nuancées qu'il serait à peine besoin de les transposer un peu pour les croire inspirées par notre Normandie. I M. LAUDET, avec une simplicité charmante et en quelques phrases délicates, remercie M. le Président et veut bien se dire heureux d'être au milieu de nous et d'apporter à la Société historique et archéologique de l'Orne, avec celui de l'Institut, le salut cordial de la Gascogne à la Normandie. M. LE PRÉSIDENT a reçu une lettre de M. Joseph Besnard, qui, avec la collaboration précieuse du chanoine Martin, un érudit de Nancy, continue activement ses recherches sur Marguerite de Lorraine. M. LE PRÉSIDENT nous signale un article très suggestif de . Louis Madelin, dans L'Echo de Paris, intitulé Le margouillis national, et M. Rivière, nous dit-il à ce propos, lui écrit pour lui exprimer le désir de voir quelqu'un de nos membres entreprendre une étude économique sur notre région à l'époque de la Révolution. M. LE PRÉSIDENT nous dit que M. le duc de Trévise se rend en Amérique pour y poursuivre sa campagne de conservation de nos richesses artistiques. Espérons, sans trop nous illusionner, qu'il obtiendra au moins le résultat de tempérer un peu la cupidité de nos anciens alliés. M. LE PRÉSIDENT nous parle de l'Association bourgui- PROCÈS-VERBAUX 207 gnonne des Sociétés savantes qui s'est constituée légalement à Dijon, en 1925, sous la présidence de M. Edouard Estaunié. Elle avait déjà eu des réunions à Dijon en 1914, à Mâcon en 1923 et elle a tenu un Congrès comme le nôtre à Auxerre en 1925. Elle a décidé l'entreprise d'un vaste travail La Champagne monumentale et artistique. Elle organise des sections d'études économiques et sociales pour la propagation des logements ouvriers et ruraux, le maintien des hommes à la terre, etc. Son prochain Congrès se tiendra à Dijon en 1927 et aura pour thème général Saint Bernard et son temps. M. LE PRÉSIDENT ajoute que les Sociétés de la HauteLoire viennent de se fondre en une seule. On songe à faire la même chose en Auvergne. M. Paul ROMET communique une lettre de M. HuetDesaunay, exposant l'intérêt qu'il a pris à la découverte de la chapelle de Notre-Dame de Lorette, et demandant de la signaler à l'attention. C'est bien le cas de remettre en mémoire la notice trop oubliée de l'abbé Antoine sur ce petit sanctuaire. M. LE PRÉSIDENT nous engage à lire dans Les Lettres, les articles de Henri Besnard et Paul Harel 1 et dans le Journal de Rouen, une courte étude de M. Et. Deville sur un curieux missel du xvir 3 siècle, à la Bibliothèque de Lisieux et qui, par ses notes marginales, constitue un original livre de ,raison » ayant appartenu à Gabriel de Pierres, religieux profès et sous-diacre de Saint-Pierre-de-Préaux, durant les années 1649 et 1650. Au même Journal de RouenM. Georges Dubosc a publié, le 15 novembre 1925, un, feuilleton très documenté et intéressant pour notre histoire locale sur la Mort inconnue d'un fils de Pierre Corneille, Thomas, abbé d'Aiguë-Vives. M. LE PRÉSIDENT profite de la présence de M. Hubert pour le remercier du concours très actif et très précieux 1 Les Lettres de Novembre 1925 Un baptême en 1886 », nouvelle de P. Harel. — L'Illustration du Livre à l'Exposition des Arts Décoratifs. 208 PROCÈS-VERBAUX qu'il veut bien donner à l'organisation de l'excursion de 1926 aux entours d'Evron. M. LE PRÉSIDENT cède la parole à M. le vicomte DU MOTEY, qui, une fois de plus, nous captive par la merveilleuse précision de sa mémoire et nous charme par l'intérêt d'une communication dont nous ne pouvons mieux faire que de publier le résumé écrit par lui pour le Journal de l'Orne. UN MARÉCHAL D'ANGLETERRE, BARON DE NONANT J'ai à entretenir la Société historique de l'Orne, d'un personnage, oublié depuis des siècles, qui fit beaucoup et trop parler de lui, dans notre contrée, à l'époque de Jeanne d'Arc. C'est un Anglais, sir Lancelot Lisle. On sait qu'après s'être emparé du duché d'Alençon, en octobre 1417, le roi Henri V d'Angleterre en distribua les seigneuries à ses compagnons d'armes qui firent, comme leur souverain, tout le mal possible aux habitants des campagnes et des villes. Le roi fut un parfait tyran, et ses soldats se comportèrent trop souvent en pillards et en brigands. Les documents abondent pour le démontrer. Nos contrées herbagères, où on élevait depuis longtemps, des chevaux magnifiques, furent recherchées et les officiers de marque reçurent les plus belles terres que leurs hommes ruinèrent et dépeuplèrent consciencieusement par leurs violences et leurs exactions. C'est ainsi que le légendaire Glasdal reçut Gacé, John Greene Echauffour, John Gray La Genevraj^, Thomas Rempston Le Merlerault, et enfin Lancelot Lisle Nonant. Nonant était une baronnie magnifique s'étendant sur Nouant, Saint-Germain-de-Clairefeuille, la Roche-de-Nonaht, la Cochère, Montmarcey. Ces paroisses, étaient riches et très peuplées avant l'invasion, anglaise. Les hommes d'armes d'Henri V se chargèrent à'y rendre la vie impossible. Lancelot Lisle eut un représentant à Nonant, mais ne put guère y résider, car, de 1418 à 1429, il est sans cesse en campagne contre la France, dont il est un ennemi acharné. On le trouve partout où on se bat, parvenant à la clieva- PROCÈS-VERBAUX 209 lerie, et s'élevant de grade en grade, jusqu'à celui de maréchal d'Angleterre. On ne peut lui contester ni l'activité, ni l'intelligence, ni la bravoure. Il est au siège de Honfleur en 1419, à la bataille de Cravant en 1423, à celle de Vemeuil le 17 août 1424, au siège de Vitry-en-Champagne, en octobre 1424, au siège du Mans en 1425, au siège de Montargis en 1427. Il est, en 1428, gouverneur de Montigny-le-Roi, en Bassigny, l'un des postes de commandement du général Salisbuiy, dont il est le lieutenant. Il prépare le siège de Vaucouleurs, mais en juillet 1428, il est appelé à l'armée qui se forme entre Paris, Mantes et Chartres, pour assiéger Orléans. En août et septembre 1428, Lancelot fait campagne sur la Loire et arrive devant Orléans, le 12 octobre, comme maréchal du camp. Il prend part à'I'assaut des Tourelles, et, en janvier 1429, comme maréchal d'Angleterre, il commande plusieurs bastilles. Le 29 janvier, sa carrière se termine. Il a la tête emportée par un, boulet. S'il est mort, les Anglais triomphent. Un mois après, Jeanne d'Arc, va venir et la France sera sauvée. » VICOMTE DU MOTEY. M. Henri BESNARD a reçu de M. A. TOUTAIN, la note suivante qui intéressera ceux qui s'occupent du folklore normand. Supplément au "procès-verbal du 27 novembre 1925. NOTES SUR DIFFÉRENTS USAGES DE LA RÉGION DE BRIOUZE PIQUER LA COUVERTURE. » Huit jours avant le mariage campagnard, on pique la couverture », c'est-à-dire le couvre-pieds que la mariée doit fournir pour entrer en ménage. Ce travail se fait dans une grande pièce, le plus souvent clans une grange. L'étoffe est tendue sur un métier en bois, qui mesure trois mètres sur chaque côté. La future mariée invite toutes ses amies et la couturière souvent il y a de 20 à 2 210 PROCÈS-VERBAUX 25 personnes. Le futur doit selon l'usage venir le soir faire le dernier point et il apporte une galette et du vin. Finalement, faisant le tour de toute la société, il doit embrasser toutes les personnes présentes. LE TROUSSIAU. » La veille du mariage, une voiture fourragère attelée de trois à quatre chevaux, vient chercher les meubles chez le menuisier et tous les objets de literie pour les conduire au futur domicile. Jadis sans exception c'était toujours le menuisier du pays qui faisait l'armoire, et nous recherchons maintenant ces vieilles armoires normandes, orgueil de nos grands'mères, armoires dans lesquelles le linge du ménage montrait par son plus ou moins d'abondance la situation de fortune des épouseux. Sur la voiture fourragère où tous les meubles sont emballés avec soin, on hisse un balai en paille de riz, garni de rubans. Prennent place dans la voiture, le menuisier et la couturière avec un panier rempli de bouts de rubans. Le conducteur, qui doit être bon charretier, doit savoir faire claquer son fouet à quatre reprises, il appelle cela le faire sonner quatre fois ». Il est décoré d'un grand mouchoir rouge qui pend à son épaule. Pendant le trajet, les fermiers qui se trouvent sur le parcours, attendent le passage et arrêtent le Troussiau », c'est-à-dire qu'ils viennent avec vin et liqueurs pour en offrir au conducteur, au menuisier et à la couturière, qui leur remet un bout de ruban. Je n'ai pas besoin de répéter que le conducteur doit être habile, car s'il est arrêté » bien souvent, il lui faut une fameuse capacité. Arrivés au domicile des futurs époux, on prépare la maison pour les recevoir. LE BROUETTEUX » C'est en l'occurrence celui qui a été l'heureux intermédiaire du mariage, sans doute parce qu'il a brouetté » l'un vers l'autre le gars et la fille. Le brouetteux » connaît-il deux jeunes gens susceptibles de se convenir ? Il va trouver l'un des deux, le jeune homme par exemple. Eh bien, mon gars, t'es en âge de te marier ? — Euh, oui ! — Faut te décider I — P'tètre ben ! — Je connais une jeune fille qui ferait bien ton affaire, point laide, bonne mine et sérieuse, tout ce qui faut pour ben tenir un ménage et puis avec ça, elle a de d'qué au soleu, et y en a pour y reveni ! » Mais un Normand a du mal à se décider et souvent il n'ose pas faire les premières démarches, il a peur d'être trop gauche et le brouetteux » va bien avancer les affaires. T'en fais pas, viens donc dimanche faire un tour par ià, on se fera ofïri un verre de bère. » Dans PROCES-VERBAUX 211 l'intervalle le brouetteux a été trouver la jeune fille, lui a tenu un langage analogue et tout est ainsi préparé à souhait, alors que l'un et l'autre pensent se rencontrer un peu inopinément. On passe donc le dimanche devant la porte, les parents de la jeune fille arrêtent le gars et le brouetteux au passage. Entrez donc prendre quelque chose ! » Et puis on parle de la récolte, du cidre et des bêtes, de toutes choses pour ne pas avoir l'air trop bégaud ». On s'en va en promettant de revenir prendre une bouchée la prochaine fois que Ton passera par là. Si le jeune homme est invité à souper » avec le brouetteux, c'est qu'il est agréé. Les jeunes gens se plaisent, les parents trouvent que l'un et l'autre ne sont point fainiants », que le ménage pourra marcher et le mariage réussit. Alors le brouetteux » est à l'honneur, il est invité à la noce et la coutume est qu'on lui paie un chapeau, insigne de son heureuse égide. ... Le jour du mariage, à l'aller et au retour de l'église, les fermiers viennent offrir à boire au mariage qui passe. Il faut s'arrêter sous peine d'être considéré comme un malotru et on se brouillerait pour une telle injure. Mais dans les foyers de célibataires ou de veufs, l'homme n'ayant pas de ménage, ne peut recevoir et tire des coups de fusils en signe de fête. LES RÔTIES. » Le lendemain des noces, les garçons d'honneur et les filles » d'honneur, vont indiscrètement trouver les jeunes mariés au lit et leur apportent en grande pompe du vin chaud et des tranches de pain grillé, les rôties ». On apporte pour cette dégustation un ustensile, que Labiche a appelé l'urne lacrymatoire de la décadence ». Mais rassuronsnous, il a été acheté tout neuf chez le marchand du village. Les jeunes époux doivent accepter gaiement cette collation sous cette forme originale, la tradition se gardant fidèlement avec le rite obligatoire de l'ustensile en question. Alexandre TOUTAIN. La séance est levée à 16 h. %. Le Secrétaire, P. GERMAIN-BEAUPRÉ. 212 PROCÈS-VERBAUX Séance du Mardi 15 Décembre 1925 Présidence de M. TOURNOÛER, président. La séance est ouverte à 14 h. Y2, dans la salle de la Maison d'Ozé, à Alençon, sous la présidence de M. TOURNOÛER, président. Etaient présents Mmes H. TOURNOÛER, F. BESNARD, DE COUESPEL, la comtesse LE MAROIS-D'HAUSSONVILLE, DE COURTILLOLES, CHAUVEAU, RUFFRAY, la baronne DE SAINTE-PREUVE, POUPET, DE LAVERERIE, la vicomtesse DE MOIDREY, Paul ROMET. MM. TOURNOÛER, JOUANNE, F. BESNARD, H. BESNARD, FONTAINE, BROUARD, ROUSSEAU, BARILLET, BOURDON, le chanoine DAREL, DE FRILEUZE, le vicomte DE MOIDREY. Excusés MM. P. ROMET, le baron DE SAINTE-PREUVE, l'abbé GUERCHAIS, H. DESCHAMPS, H. JOUSSELIN DE SAINT-HILAIRE, le baron DES ROTOURS, le chanoine GUESDON, DESBOUDARD, DE PEYERIMHOFF, LUCAS ; Mmes DE CROYER, LETURC. M. TOURNOÛER expose le projet d'acquisition de l'hôtel de Saint-Hilaire, qui est proposé à la Société pour la somme de francs par les héritiers. Les inconvénients de la Maison d'Ozé sont l'instabilité de notre situation, la municipalité étant libre un jour de ne pas nous relouer et d'autre part, l'insuffisance de place. L'hôtel de Saint-Hilaire a beaucoup de caractère, mais le difficile du problème est la question financière. M. LE PRÉSIDENT donne la parole à M. Félix BESNARDS qui donne lecture d'un rapport financier sur la question. M. LE PRÉSIDENT annonce les propositions de MM. Paul et Charles ROMET, qui proposent chacun à la Société une somme de francs, soit au total francs, pour permettre l'acquisition de cet immeuble. Cette somme serait un apport à la Société immobilière en, projet, sur laquelle MM. Romet renoncent à toucher provisoirement PROCÈS-VERBAUX 213 tout intérêt. De chaleureux remerciements sont adressés à MM. Romet, pour cette proposition généreuse. M. BESNARD ayant déclai'é que la solution ne peut se trouver que dans le relèvement de la cotisation et la location avantageuse d'une partie de l'immeuble. Mme la comtesse LE MAROIS-D'HAUSSONVILLE suggère la location à un antiquaire que le cadre pourrait tenter. Il est décidé d'autre part de faire une sorte de référendum sur le relèvement de la cotisation, en adressant à tous les membres un questionnaire avec un exposé de la question. Plusieurs membres ayant manifesté le désir de visiter l'hôtel St-Hilaire, la séance est levée à 15 h. %. Le Secrétaire-adjoint, H. BESNARD. MANOIR DES LANDES Pavés de céramique du Mauoir ds Landes. Je viens signaler la disparition des derniers vestiges du Manoir des Landes, situé près de Fiers, dans la commune de Saint-Paul à la limite de La Lande-Patry 1. Je dois à M. Hergault, secrétaire de mairie à La Lande-Patry et à M. Fleury, propriétaire, d'avoir eu l'an dernier la bonne fortune de visiter la vieille maison seigneuriale ; je suis heureux de vous faire profiter des quelques notes prises alors. A vrai dire, des remaniements nombreux et profonds, le changement de destination des lieux avaient déjà défiguré l'édifice, mais il n'était pas très malaisé de discerner 1 Carie E. M. 62 2" 57' 30" O. P. 4S° 44' 30" N. MAXOIR DES LANDES 215 les parties primitives et les additions ou destructions successives. La maison, dans son dernier état, était une longue construction rectangulaire de 25 à 30 mètres de façade sur 10 environ de profondeur. Les murs étaient construits de pierre du pays dite pierre de sable ; l'encadrement des portes et des fenêtres, les angles de la construction étaient faits de gros blocs de granit. Entre deux pignons élevés, régnait un toit de tuiles bosselé et moussu, supportant d'élégantes lucarnes, garnies de petits carreaux. Deux lourdes cheminées presque carrées, couronnées de grosses corniches de granit à moulure Louis XIII, surmontaient l'édifice. A l'intérieur, plusieurs salles garnies de vastes cheminées, soutenues par des piliers et des corbeaux sormnairement décorées dans le goût du xvie ou du xvne siècle, avaient attiré mon attention. Une de ces pièces, déjà\ruinée, s'éclairant de deux côtés, occupait toute l'extrémite\de la maison à droite en regardant la façade et à un niveau intermédiaire entre le rez-de-chaussée et le premier étage du reste de l'édifice. La vaste cheminée Henry II, les poutres saillantes du plafond étaient encore en place. Une fenêtre avait conservé son vitrage de petits losanges de verre glauque, enchâssés dans du plomb. Le pavage bien des fois remanié était remarquable les pavés carrés de faibles dimensions sont de terre rouge, incrustée de pâte blanche formant l'ornement ; le tout est recouvert d'un vernis grossier fig. 1. C'est le mode de fabrication usité du xme au XVe siècle. Le décor représente des animaux fantastiques, dés armoiries, des entrelacs. L'escalier que j'ai encore vu était de chêne et avait une rampe élicoïdale, il avait certainement succédé à une tourescalier extérieure. J'ai encore noté un linteau de fenêtre portant une moulure en accolade et des traces de grilles saillantes. Le manoir des Landes apparaissait donc à l'examen comme fait de morceaux d'époques différentes ; les derniers pouvaient appartenir au xvme siècle, les plus anciens au xvie ou même au xve siècle. Ce cadre nous aidera à évoquer les générations qui se 216 MANOIR DES LANDES Inscriptions funéraires de Jeanne Brémenson et de Michel du Mesnil, son fils, enterrés dam l'Eglise de La Lande-Patry. MANOIR DES LANDES 21T sont succédées là. Le premier personnage connu de nous,, qualifié seigneur des Landes, est honnête homme Julien du Mesnil, né en 1673, mais il y a toute raison de croire que son père François du Mesnil, seigneur des Domaines, 16311681, et sa mère Jeanne des Bouillons, possédaient déjà les Landes qui faisaient partie des domaines du Mesnil ; de même son arrière-grand-père, un autre François du Mesnil, qui avait épousé Jeanne Brémenson, décédée le 23 août 1622, comme l'indique l'inscription que lui dédia un de ses fils Michel, prêtre fig. 2. Julien du Mesnil des Landes, épousa en 1698, honnête femme Suzanne Gauthier des Longchamps, 1680-1752. Il avait eu au moins quatre frère et soeurs, nous lui connaissons huit enfants ; il mourut en 1746. L'aîné de ses fils, Charles, seigneur des Domaines et des Landes, 1750, né en 1699, épousa en premières noces en 1724 Anne du Désert, fille de Daniel, seigneur des Pallières ; il en eut Julien, seigneur des Pallières en 1746, et Marguerite, mariée en 1730 à Louis de Launay. Charles du Mesnil épousa en. deuxièmes noces, en 1738, Marie-Anne-Madeleine Profichet de l'Orsonnière, fille de Jean-Baptiste, seigneur du lieu et de Madeleine des Hairdonnières. De ce second mariage, naquirent Jacques-Julien, 1739-1741, Susanne-Jeanne 1741, Anne, 1742-1743, François, 1744, Charles, 1745, Louis, 1746, Anne, 1747, Marguerite, 1748. On voit que les enfants étaient toujours nombreux dans la vieille demeure. Chose étonnante, cependant, la branche dès seigneurs des Landes ne devait pas tarder à s'éteindre ; le dernier représentant qui nous soit connu est Jacques du Mesnil des Landes, mort en 1836, l'un des plus zélés fondateurs de SaintPaul. Il faut ajouter que ces du Mesnil de la Lande-Patry se prétendaient de la famille des du Mesnil d'Alençon dont le berceau serait le hameau du Mesnil, près de Fiers. Voici tout ce que j'ai pu savoir. Je serais heureux si j'ai pu empêcher quelques souvenirs locaux de s'effacer à jamais. Comte DU MESNIL DU BUISSON. ESSAI HISTORIQUE sur la paroisse de Mortrée Le 11 novembre 1900 mourait à Mortrée, à l'âge de quatre-vingt-onze ans, le docteur Nicolas Gallot, précédemment médecin à Almenesches cm il exerça pendant de longues années. C'était un vieil érudit qui avait, chose trop rare aujourd'hui, la passion de recueillir les souvenirs du passé. Il avait compulsé bon nombre d'archives dans les mairies, des minutes dans les notariats, des papiers de famille chez des particuliers, et il était arrivé ainsi à recueillir et à rédiger une certaine quantité de notes sur les communes environnantes d'Almenesches, de Médavy, du Château-d'Almenesches, de Marcei, d'Exmes, de Boissei, de Mortrée, etc. C'est de ces notes qui, d'après ses volontés, me furent remises après sa mort que'je me permettrai, en les complétant, par certaines additions, de faire quelques extraits pour essayer d'écrire l'histoire de la paroisse de Mortrée. Cette paroisse, à proprement parler, n'existe que depuis le Concordat de 1802. Le gros bouig de Mortrée, situé sur le bord de la grande route du Mans à Caen, qui devait en être le noyau, dépendait de trois paroisses, aux confins desquelles il était situé et qui se partageaient son territoire Bray, O et Marigny, bien que toutes les trois ne relevassent pas du même doyenné Bray était du doyenné de Macé Marigny de celui d'Ecouché. Pour faire -l'histoire de la paroisse actuelle de Mortrée, il nous faut donc résumer celle de chacune de ces trois paroisses. Mais auparavant, puisque nous nous occupons spécialement de Mortrée, on nous permettra de faire l'historique de la chapelle de Saint-Marc et de l'hospice qui en dépen- ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 219 •dait afin de ne pas laisser tomber complètement dans l'oubli cet Hôtel-Dieu, comme on l'appelait, et cette chapelle où les habitants du bourg remplissaient leurs devoirs religieux, humbles monuments dont il ne reste plus aujourd'hui aucune trace. L'école communale des filles tient l'emplacement de l'hospice et une auberge Hôtel de l'Espérance celui de la chapelle, au milieu du bourg de Mortrée. L'Hôtel-Dieu de Mortrée L'Hôtel-Dieu de Mortrée qu'on trouve désigné à diverses époques sous les noms de Maison-Dieu, d'Hôtel-Dieu et de Prieuré, fut fondé par les seigneurs et habitants du bourg, comme l'indique assez d'ailleurs le droit qu'ils avaient d'élire et de présenter les chapelains et administrateurs de cet établissement. Les titres anciens ayant été perdus, on ignore l'époque de sa fondation. Toutefois, si on considère, d'une part, que cette maison se trouvait située sur la paroisse de Bray qui faisait partie du grand fief de la Quatorzaine de Mortrée, dont elle était le chef-lieu, lequel appartenait en 1219 à Mme Héla de Bellême-Montgommery, héritière du duché d'Alençon, et d'autre part, les nombreuses donations que cette, dame fit aux établissements religieux de la contrée, on est porté à croire qu'elle n'aura pas été sans contribuer à la fondation, ou du moins au bien-être de cet hospice 1. 1 Mme Héla de Bellême-Montgommery donna en l'an 1221 aux religieux •de l'abbaye de Saint-Jean de Falaise, de l'ordre des Prémontrés, le patronage de l'église de Bray qui lui appartenait à cause de son fief de la Quatorzaine de Mortrée, et elle y joignit d'autres biens situés dans les paroisses de Saint-Hilaire et du Cercueil. Elle fit aussi diverses donations aux religieux de Grandmont, en la paroisse de La Bellière ; à l'abbaye de Perseigne • à l'évêché et à l'hospice de Séez ; au prieuré de Saint-Pierre-du-Gast, en la paroisse de Tanville ; à l'hospice de Saint-Jacques d'Argentan et à d'autres établissements religieux. Ce qui porterait à croire que Mme Héla aurait été du nombre des fondatours de l'hospice de Mortrée, c'est qu'on voit par plusieurs aveux rendus aux Sieurs de La Motte et particulièrement par un aveu du 20 décembre 1728, à raison des maison et emplacement de la Maison-Dieu. On voit 220 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE Le bourg de Mortrée dépendait avant la Révolution des paroisses de Bray, d'O et de Marigny, et il n'y avait que les habitants qui eussent le droit, de concert avec les seigneurs, de concourir à l'élection et à la présentation des chapelains administrateurs de cette maison, lesquels devaient autant que possible être pris parmi les prêtres nés dans le dit bourg. Les bâtiments de cet hospice consistaient en une chapelle, une maison pour le chapelain, des salles pour les malades et les voyageurs, une grange et un fuie à pigeons. Il y avait aussi une cour et un jardin assez spacieux. Ces immeubles étaient situés sur la paroisse de Bray et ils relevaient féodalement du fief de la Quatorzaine de Mortrée par le moyen des arrière-fiefs de La Motte-en-Bray et du Cercueil, ce qui explique d'une part les aveux que les chapelains-adminis- trateurs rendaient aux sieurs de La Motte, et, d'autre part, le droit qu'avaient les seigneurs de la Quatorzaine d'assister aux élections des chapelains-administrateurs. Le but que s'étaient proposé les fondateurs et bienfaiteurs de cet établissement se trouve énoncé dans plusieurs actes et notamment dans des pièces de 1674 et 1675, où il est dit Le chapelain est non seulement obligé de loger les pauvres passants, les soldats et compagnons du métier, de les coucher, de leur faire l'aumône selon son pouvoir et le bien du dit Hôtel-Dieu mais encore de loger, coucher et assister spirituellement et corporellcment les pauvres malades du bourg et du voisinage, c'est-à-dire des paroisses voisines dont dépend le dit bourg et même fournir au gouvernement des dits pauvres, selon son pouvoir et le revenu du dit Hôtel-Dieu, comme aussi de dire et célébrer quatre messes par semaine dont une, les jours de dimanche et fêtes, pour la commodité des habitants du dit bourg, outre disons-nous, que Gilles Daupeley, chapelain administrateur. Déclare tenir le tout en pure aumône sans aucunes faisance ni sujétion que de donner le présent aveu. » Or il n'y avait que les possesseurs du fief suzerain, c'està-dire de la Quatorzaine de Mortrée, qui eussent pu dispenser l'Hôtel-Dieu des redevances seigneuriales. Cette immunité ne comprenait que l'emplacement de l'hospice, les autres immeubles étaient sujets aux redevances féodales. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 221 plusieurs messes de fondation dont le dit Hôtel-Dieu est chargé, et chanter les litanies le soir, les jours de dimanche et fêtes ; comme aussi d'instruire gratuitement les enfants du dit bourg en la religion et aux bonnes lettres ; entretenir la maison et chapelle du dit Hôtel-Dieu en bonnes et dues réparations. » Les possessions de cet établissement consistaient d'après un état dressé en 1682, par le chapelain administrateur, en 1° trois corps de bâtiments avec cour et jardin ; 2° vingt-deux parcelles de terre en labour formant ensemble dix-huit acres et une vergée ; 3° le droit sur la cinquième partie du foin fané du pré au Sage ou pré Meurdron, dépendant de la ferme de la Trébucherie ; 4° sept livres, quatre sous, six deniers de rentes foncières dues pour partie par neuf particuliers ; 5° enfin deux poules et vingt oeufs 1. Le roi Louis XIV, voyant qu'il n'y avait plus de lépreux dans ses états, donna par édit de décembre 1672, aux commandeurs et chevaliers de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, les rnala-" dreries, léproseries, hôpitaux et autres établissements religieux dans lesquels l'hospitalité n'était pas observée selon l'intention des fondateurs. Le grand vicaire général, voulant, au nom de son Ordre, s'emparer de l'Hôtel-Dieu de Mortrée, fit donner, en 1674, à François Billard, qui en était chapelain administrateur, sommation de déclarer si l'hospitalité était observée dans cette maison, si elle ét?it seulement pour les pauvres et quelles aumônes on leur faisait, etc. Les seigneurs et les habitants du bourg, vo}^ant où tendaient ces demandes, prouvèrent que l'Hôtel-Dieu de Mortrée n'était pas une ancienne léproserie, comme on le prétendait et que l'hospitalité y était d'ailleurs bien observée. Ils exposèrent ensuite les obligations dont était chargé le chapelain-administrateur de cette maison charges que nous avons énumérées plus haut et ils firent voir que leur hôpital était dans les conditions de beaucoup d'autres établissements de ce genre dont les chevaliers de l'Ordre du Mont1 Mont1 à la fin Pièces justificatives. 222 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE Carmel, ne tentaient pas de s'emparer. Des visites furent faites, une enquête fut ordonnée et enfin le 24 avril 1681, cette affaire, qui durait depuis plusieurs années, se termina par un jugement de la Chambre des Comptes de Rouen, donnant au chapelain-administrateur de cette maison Pleine et entière main-levée du temporel de la, Maison-Dieu de Mortrée, pour en jouir suivant les titres de sa Déclaration, sans souffrir lui être fait aucun empêchement, lui mettant le tout en pleine et entière délivrance. » Nous avons vu plus haut que l'entretien de la chapelle et des autres bâtiments de l'Hôtel-Dieu était à la charge du chapelain-administrateur ; il paraît que plusieurs d'entre eux s'acquittèrent assez mal de cette obligation. Nous voyons, en effet, qu'après la mort du chapelain François Billard 1677, Olivier Billard, son frère, fut obligé d'abandonner à François Roger, son successeur comme chapelain, tous les engrais et fruits déposés dans les bâtiments autant qu'il pouvait en appartenir au dit Billard, après avoir été partagés avec le métayer et aussi la majeure partie de son mobilier, à la condition que le dit François Roger se chargerait de toutes les réparations tant de la chapelle que des autres bâtiments qui seraient jugées nécessaires. » François Roger, successeur de Billard, mourut en 1724. Il avait été chape'ain pendant 47 ans sans avoir fait faire de réparations aux bâtiments de l'hospice ; aussi, après sa mort, les habitants furent-ils obligés de faire saisir la portion des récoltes qui lui appartenait et son mobilier, objets sur lesquels ils avaient un privilège. Alors Jacques Roger, écuyer sic, sieur des Aulnaies, garde du corps du roi, neveu et héritier du chapelain, fit le 21 juin 1725 avec Gilles Daupeley, successeur de Roger comme chapelain, une transaction par laquelle le dit Daupeley s'obligeait à faire exécuter aux bâtiments toutes les réparations nécessaires, moyennant une somme de 330 livres qui lui serait versée par le sieur des Aulnaies. Il en fut de même après la mort d'Edmond Robert Hubert, successeur de Daupeley, décédé en 1782. Son mobilier fut saisi et vendu ; le p-oduit de cette vente fut led590 livres, 8 sous, 6 deniers, somme à même laquelle ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 223 on prit celle qui était nécessaire pour la réparation de l'hospice. Ces faits prouvent que les habitants n'exerçaient aucune surveillance sur la tenue de ces bâtiments. Le sieur Louis Goupil et autres propriétaires de la paroisse de Bray , voyant que le séquestre avait été mis sur les immeubles de l'hospice et, d'un autre côté, que les biens nationaux se vendaient à très bas prix, soumissionnèrent en 1791, une partie des terres de l'hospice de Mortrée, dont ils demandèrent la vente à l'administration départementale. Les habitants y mirent opposition, exposant que cet établissement n'était pas du nombre des prieurés dont la vente avait été autorisée ; mais une de ces maisons destinées au soulagement des pauvres et réservées comme telles par divers décrets. L'administration répondit que, sans rien préjuger, il serait sursis à cette vente et les habitants furent maintenus dans leurs droits. ' Les membres du district d'Argentan firent la même demande au mois de juillet 1796 ; l'administration départementale leur donna la même réponse. Le 11 mars 1798, les habitants firent exécuter à l'un des bâtiments de l'hospice des réparations dont le devis était de 178 livres. L'Hôtel-Dieu de Mortrée rentra en possession de ses biens qui avaient été mis au séquestre en vertu de la loi du 28 février 1801 et des arrêtés des Consuls en dates des 26 juin et 27 août de la même année. Le 15 mai 1804, on avait formé une Commission administrative des biens des pauvres de là commune de Mortrée. Cette Commiss;on, qui fut plus Lard, le Bureau de bienfaisance, demanda l'autorisation de payer annuellement une somme de 260 francs d'autres pièces portent 275 au prêtre qui serait chargé d'acquitter. les fondations créées par les fondateurs de cet établissement. Le sous-préfet d'Argentan réduisit cette somme à celle de 160 francs vu que le revenu consistait seulement en 26 hectares et demi de terre labourable, une maison, cour et jardin, une charrette de foin fané, 2 francs de rente, 2 poules' et 20 oeufs. » Cette réduction fut maintenue par le préfet. On voit par une réclamation formée le 7 novembre 1804 224 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE par les sieurs Pierre-Philippe et Edmond Hubert, membres de la Commission administrative des biens des pauvres, que la fabrique ou la commune aurait tenté de prélever sur les revenus de cet établissement la somme nécessaire au traitement du vicaire de la paroisse. Le conseil de fabrique de l'église de Mortrée, considérant que les fondateurs et bienfaiteurs de l'hospice n'avaient pas eu seulement pour but de secourir les pauvres, mais encore de procurer aux habitants quatre messes par semaine dont une les jours de fêtes et dimanches, et des prières, ces mêmes jours dans l'après-midi, d'assister spirituellement les habitants du bourg et d'instruire gratuitement leurs enfants, charges dont la Commission de bienfaisance ne se préoccupait nullement, le conseil de fabrique, disonsnous, demanda par délibération du 7 mai 1834 à l'administration départementale l'autorisation de poursuivre devant les tribunaux la restitution des biens qui avaient appartenu au Prieuré de Mortrée, et dont le Bureau de bienfaisance s'était indûment attribué la jouissance. » Le Conseil de préfecture, s'appuyant sur un avis du Conseil d'Etat, en date du 12 février 1814, et considérant d'ailleurs que la demande du conseil de fabrique n'était pas fondée, lui refusa par décision du 3 avril 1835, l'autorisation de poursuivre. Chapelle de Saint-Marc La chapelle de Saint-Marc était orientée comme les anciennes églises, c'est-à-dire que l'autel était placé au levant. D'après un devis en date du 5 novembre 1782, dressé par Pierre Gondouin, architecte à Argentan, et François Larcher, architecte à Sées, elle avait les dimensions suivantes longueur 41 pieds, largeur 19 pieds, le tout en oeuvre, hauteur des murs au-dessus du sol 15 pieds, épaisseur 3 pieds. La portion du plancher vers l'autel était une voûte en bois le tiers environ vers le bas de la nef était un plancher plat plafonné, au-dessus duquel se trou- ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 225 vait un grenier réservé- par le chapelain pour y déposer ses grains après qu'ils avaient été battus. On accédait à cette chapelle par trois portes dont la principale, de style ogival, était ouverte au bas du mur du nord vers la rue. Des deux autres situées au midi, l'une près du sanctuaire servait pour le banc seigneurial et l'autre était plus bas. Elle était éclairée par trois fenêtres, une du côté du midi et deux du côté du nord. Il y avait en outre une petite fenêtre ronde au haut et au milieu de l'abside. On voyait adossées au mur de l'abside, près de l'autel, des statues de saint Marc, de saint Luc, de saint Antoine et de saint Roch. Une petite statue de saint Vincent provenant de l'église de Marigny avait été placée dans le' sanctuaire et adossée au mur du midi 1. Cette chapelle était couverte en tuiles et le petit clocher en forme de lanterne l'était en ardoises 2. Elle était sous l'invocation de saint Marc, évangéliste. Quelques personnes, voyant que Gilles du Veyleroy, qui fut chapelain-administrateur de l'Hôtel-Dieu de 1637 à 1662, portait, dans les actes, le titre de Chapelain de SainteAnne, ont pensé que la chapelle de l'hospice avait sainte Anne pour patronne; c'est une erreur. En effet, on lit dans le procès-verbal d'élection de ce chapelain Lesquels seigneurs et habitants ont prié et requis vénérable 1 Il y avait dans cette chapelle, avons-nous dit, une ancienne statue de saint Antoine. La chapelle de Mortrée était sous l'invocation de saint Marc, et tout porte à croire que saint Antoine, d'ailleurs vénéré dans les hôpitaux, était aussi patron spécial de l'Hôtel-Dieu et que la foire qui se tient le 17 janvier à Mortrée avait été érigée comme celle de saint Marc en faveur de l'hospice • qui devait en percevoir les coutumes. 2 La cloche de la chapelle porte cette inscription Fait faire par les habitants, propriétaires présentateurs de la chapelle de Mortrée, en l'an 1787. — Bailly, fecrit. Lorsque*l'église de Mortrée fut bénite et livrée au culte 30 octobre 1834, la chapelle de Saint-Marc fut abandonnée et on cessa d'y. dire la première messe. La cloche fut placée dans la tour de l'église où elle servit à appeler les enfants au catéchisme, jusqu'à l'époque où la tour fut ornée des trois belles cloches qu'on y voit aujourd'hui. La petite cloche de la chapelle, maintenant sans usage, servit longtemps de principal timbre de l'horloge. Le son de cette cloche est si perçant qu'on l'entendait, dit,on, de la croix de Médàvy, dans la forêt d'Ecouves, à trois lieues de Mortrée. - 3 226 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE et discrète personne Gilles du Veyleroy, chapelain de SainteAnne de prendre la dite charge de chapelain-administrateur de la dite Maison-Dieu, sa vie durante..., etc. » Ce qui prouve simplement que du Veyleroy était chapelain de Sainte-Anne avant d'être élu administrateur de l'hospice 1. D'ailleurs des treize chapelains dont nous avons pu retrouver les noms de 1450 à 1790, c'est-à-dire dans l'espace de 340 ans, du Veyleroy est le seul qui ait porté le titre de Chapelain de Sainte-Anne. De plus, il est probable que la foire de Saint-Marc 25 avril qui se tient encore à Mortrée, avait été établie en faveur de cet hospice, qui dans le principe devait en recueillir les coutumes. Quelque temps après le décret du 11 novembre 1793, qui abolissait tous les cultes, la municipalité de Mortrée décida que la halle aux grains tiendrait dans la cUdevant chapelle de Saint-Marc et il paraît qu'elle ne fut rendue au culte que dans les premiers jours de l'année 1796, encore bien que M, l'abbé Lefoul, dernier chapelain-administrateur, eût demandé à ses fonctions sacerdotales le 28 juin 1795. Le dimanche 18 juin 1795, le conseil général du canton de Mortrée, en exécution du décret du 24 juillet précédent, fut installé par le citoyen Lautour, agent municipal d'Argentan, délégué par le district Cette opération dans la quelle fut proclamé pour, maire le citoyen Masson-Desgrandschamps, âgé de 36 ans, eut lieu dans la chapelle Saint-Marc. \ Le samedi 13 mars 1802, M. l'abbé Auguste-JosephDominique Ledangereux, nommé par le gouvernement sur la présentation de Mgr de Boischollet, curé de la commune de Mortrée, fut mis en possession de ce bénéfice par 1 La chapelle de Sainte-Anne, dont Gilles du Veyleroy était titulaire lorsqu'il fut élu chapelain-administrateur de l'Hôtel-Dieu de Mortrée, était située aux Aulnaies. Cette terre qui avait été donnée par les seigneurs d'Alençon à l'Ordre des Templiers passa ensuite aux Chevaliers de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel. Lorsque la chapelle fut supprimée on transféra la statue de Sainte-Anne à l'église de Bray où elle fut détruite par l'éboulement de janvier 1706. La chapelle Sainte-Anne n'existait plus depuis longtemps à l'époque où du Veyleroy fut élu chapelain de Mortrée, mais il en acquittait les fondations et alors il en prit le titre, comme il était" d'usage à l'époque. ESSAI HISTORIQUE SUR .LA PAROISSE DE MORTRÉE 227 M. Jérôme-François. Beuzelin-Duhameau, curé de Marcei, délégué de Mgr l'Evêque. M. Ledangereux prit possession de la paroisse par l'église de Bray qui était la plus grande et la plus décente. Dans l'après-midi du même jour, M. Duhameau mit aussi M. Ledangereux„en possession de la chapelle de Saint-Marc au bourg de Mortrée. Les églises d'O et de Marigny furent fermées ie 23 du même mois les clefs furent déposées à la mairie et on permit seulement d'y faire les inhumations. - Cependant les habitants des sections d'O et de Marigny qui se trouvaient, éloignés de l'église de Bray obtinrent de Mgr l'Evêque que M. Bachelier, qui était rentré de l'émigration et qui ne se trouvait pas placé, fit lés offices dans l'église d'O. Il commença le dimanche l?r août 1802. Mais les partisans de l'intrus constitutionnel troublèrent les offices et insultèrent le prêtre et les assistants pendant trois, dimanches consécutifs et alors . M. Bachelier obtint la permission de faire les offices dans la chapelle de SaintMarc. Cet. état de choses ne dura que peu de temps. M. l'abbé Pierre Langlois -fut nommé vicaire de Mortrée au mois de décembre. Il résida dans le bourg, et dit, à heure fixe; les dimanches et jours de fêtes, une messe basse pour la commodité des habitants de Mortrée et des paroisses voisines, qui, la chapelle se trouvant trop petite, se tenaient dans la rue et même dans les maisons voisines, lorsque le temps était mauvais 1. L'église de Mortrée fut bénite et livrée au. culte le 30 octobre 1834. Alors, M. Ledangereux, ne pouvant plus remplir les fonctions curiales, les deux vicaires, M. Leprieur et 1 Le 15 juin 1830 fut célébré dans la chapelle de Saint-Marc le mariage de Monsieur Jean-Guiguer-Marie-Alexis, comte d'Albon, fils majeur de André-Suzanne, marquis d'Albon, pair de France ; et de Marie-ThérèseEméliede Viennois, de la paroisse de Saint-Romain-de-Popey, canton de Tarare, arrondissement de Villefranche, département des Bouches-duRhône ; et de Demoiselle Marguerite-Thérèse-Emma Duval, fille mineure de Martin Duval, chevalier de la Légion d'honneur, maître des-forges, et de Thérèse Bailly, de la paroisse de La Gévoulde, canton de Breteuil, arrondissement d'Evreux, département de l'Eure. —Le mariage civil avait eu lieu à la mairie du 10e arrondissement de Paris, le 5 du même mois. 228 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE M. Clérambaut, desservirent la paroisse et la chapelle de Saint-Marc fut abandonnée 1. Après avoir servi de magasin, elle fut vendue à M. Leplat-Dumesnil qui la fit démolir en 1855 et la remplaça par diverses constructions. Chapelains. — Administrateurs 2 I. — BLIVET, René, fut élu le 9 octobre 1450. IL — SALLES, Robert, était chapelain en 1483. On lui donna pour coadjuteur, à cause de son âge avancé, le suivant et il continua néanmoins d'habiter la maison de l'hospice. III. — BIGOT, Marin, fut élu coadjuteur de Salles le 1er mai 1505. Il donna à l'hospice, le jour de son élection pour en jouir après sa mort, une rente annuelle et perpétuelle de 40 sous tournois, payable le jour de la SaintRémy 3. IV. — PELLERIN, Gilles, fut élu le 20 janvier 1581. Il donna à l'hospice une rente annuelle et perpétuelle d'un écu tournois, exigible après sa mort, à la condition que ses héritiers pourraient disposer des meubles qu'il aurait laissés à son décès. V. — OGER, Marin, se trouve sur les actes de 1599 à 1635, année où il donna sa démission, ne pouvant plus remplir ses fonctions à cause de son âge avancé. 1 Lorsque la chapelle de Saint-Marc fut abandonnée, on appliqua aux statues des saints qu'elle renfermait et qui, sans doute, n'étaient pas des chefs-d'oeuvres, la règle généralement suivie qui consiste à déposer en terre les objets bénits qui sont hors de service. On en a, depuis, trouvé, des débris dans le jardin du presbytère. 2 Le Pouillé du diocèse de Séez ne donne que les noms des trois derniers chapelains. Les autres nous sont connus par des pièces conservées aux archives de là mairie de Mortrée. 3 Pour trouver un ternie de comparaison qui puisse permettre d'apprécier la valeur de ce legs, nous ferons observer que le boisseau de blé de 11 pots se vendait à Argentan, en 1477, 2 sous 6 deniers, et 3 sous en 1588. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 229 VI. — LE PIN, Alexandre, prêtre de la paroisse du Repos, fut élu, en remplacement du précédent, le 30 septembre 1635. Il accepta cette place à la condition qu'il serait autorisé à démolir un ancien bâtiment de l'hospice, à en employer les matériaux aux réparations de la chapelle et autres bâtiments, et à vendre à son bénéfice le surplus des matériaux. Il donna sa démission en 1637, pour la cure de Saint-Léger de La Haie. VIL — Du VEYLEROY, Gilles, chapelain de Sainte-Anne, fut élu le 17 mars 1637 et il mourut en décembre 1662. VIII. — BILLARD, François, était chapelain de La Madeleine près de la ville de Séez, lorsqu'il fut élu prieur de Mortrée en 1663. Ce fut sous son administration que les chevaliers et commandeurs de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de-Jérusalem essayèrent de se faire envoyer en possession de l'Hôtel-Dieu de Mortrée, immeubles, meubles, rentes, etc., prétention dont ils furent déboutés, comme nous l'avons dit plus haut, par un jugement de la Cour des comptes de Rouen en date du 24 avril 1681. — Billard, François, mourut au mois de juin 1677. IX. — ROGER, François, fut élu chapelain le 11 juillet 1677. Etant âgé de plus de 80 ans et malade, il donna sa démission le 17 septembre 1719, en présence des seigneurs et des habitants du bourg qui, le même jour, nommèrent à sa place M. Lefoui-Jourdain qui était vicaire de Bois^ey depuis quatre ans. Mais ce dernier ayant obtenu la cure de Trémont, près Séez, se démit le 9 juin 1720 de ses fonctions de chapelain dans lesquelles il n'était pas du reste encore entré. Le même jour François Roger exposa à l'assemblée que, lorsqu'il avait donné sa démission, il était malade et arrêté au lit, mais que, sa santé étant meilleure, il pouvait, malgré son âge avancé, reprendre ses fonctions et qu'il le désirait ce qui lui fut accordé. Toutefois on lui donna pour coadjuteur Me Gilles Daupeley avec le droit de participer aux revenus de l'Hôtel-Dieu, en proportion des services qu'il pourait rendre au titulaire pendant qu'il vivrait. » — François Roger mourut le 23 juin 1724 à 87 ans. il fut inhumé dans l'église de Bray, l'évêque de Séez n'ayant 230 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE pas permis qu'il le fut dans la chapelle de Mortrée disant que cela tirerait à conséquence pour la cure. X. — DAUPELEY, Gilles, fils ou proche parent de Gilles Daupeley, notaire au bourg de Mortrée, paroisse de Marigny, succéda à François Roger, puis il permuta en 1744 avec le suivant. XL — HUBERT, Edmond-Robert, proche parent de Guillaume et de Louis-Guillaume Hubert, qui occupèrent successivement la cure d'O, de 1714 à 1762, était curé de la paroisse de Sainte-CoIombe-la-Petite canton de Courtomer lorsqu'il permuta le 3 juin 1744, ce bénéfice avec Gilles Daupeley pour la chapellenie de Mortrée. L'acte de collation donné par Mgr Néel de Christot, évêque de Séez, est daté du 6 juin et celui de la prise de possession du 10 du même mois. — Edmond Hubert mourut le 28 septembre 1782, à 1 âge de 82 ans. Il fut inhumé dans le cimetière de Bray le dimanche 29 septembre, en présence de plusieurs prêtres. XII. —- PROVOST, Jacques, fut vicaire de la paroisse de Bra3>- de 1776 à 1779, puis vicaire de Ferrière-Chatellier en 1781, puis chapelain-administrateur de l'Hôtel-Dieu de Mortrée en 1782. Il mourut à l'âge de 36 ans, le 7 janvier 1786. XIII. — LEFOUL, Jean-François, fut ordonné prêtre en 1754 et nommé vicaire de Bray. Nicolas Leroy étant décédé le 1er mars 1756. Lefoul desservit la paroisse pendant un an. Il était vicaire de Damigny aux années 1768-1771. de Saint-Léger de La Haie 1768-1771 et de Crames, annexe d'Urou, près d'Argentan, en 1777. Elu en 1786, chapelain de Mortrée, il fut mis en possession le 17 mars de la même année, par Pierre Ledoyen. curé et doyen de Marcel. Le 17 juin 1787, à l'issue des Vêpres, il bénit la cloche de la chapelle qui avait été refondue et dont le poids avait été un peu augmenté, ce qui avait nécessité une dépense de 21 livres. Le 15 février 1793, M. Lefoul fit à la municipalité la déclaration des blé, seigle et autres céréales qu'il pouvait avoir. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 231 Le 20 janvier 1797, l'admiristration municipale du canton de Mortrée, conformément au décret du 7 octobre 1796, et à l'arrêté du directoire exécutif du 13 novembre suivant nomma, pour administrer l'hospice, une commission composée de cinq membres. Le 3 février suivant, M. l'abbé Lefoul adressa à cette commission une pétition par laquelle il revendiquait ses droits de chapelain-administrateur. On lui répondit que Les biens des hospices devaient être employés au soulagement des pauvres et non à salarier le ministre d'un culte quelconque. » M. Lefoul fut le dernier prieur de la chapelle de SaintMarc. Il mourut le 31 mars 1797. Pièces justificatives Etat des possessions et revenus de la Maison-Dieu de Mortrée dressé le 8 juin 1682, par François Roger, Chapelain. IMMEUBLES 1° Trois corps de bâtiments dont deux sont des maisons manables ; le reste sert de grange, écurie, cave, etc., avec cour et jardin, le tout contenant une vergée. 2° Deux acres et trois vergées de terre en labour, situées au réage de Guichaumont. 3° Trois vergées de terre en labour, au réage du Boisde Sainte-Anne. 4° Une demi-acre de terre en labour au réage de LaCouplée-de-Boeufs. 5° Sept vergées de terre, au réage de la Fosse. 6° Une demi-acre de terre ou environ au réage de la Fotte. 7° Une demi-acre de terre au réage de'La Fotte. 8° Une acre de terre, au réage des Cailloux. 9° Une vergée de terre, aux Réages. 10° Cinq vergées de terre, au réage du Cupoley. 11° Une acre et demie de terre au réage des Vallées. 12° Une acre de terre, aux Réages. 232 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 13° Une demi-acre aux Carrières de Mare-Ronde. 14° Une vergée, à la Croix-de-Bray. 15° Une vergée de terre, à La Sente-de-Boust. 16° Trois vergées de terre, au réage des Cailloux. 17° Un tiers d'acre de terre, aux Réages. 18° Une acre de terre, aux Réages. 19° Une demi-acre de terre, au réage des Coudrets. 20° Une vergée de terre, au réage de La Butte. 21° Deux acres de terre, au réage des Fosseaux. 22° Une vergée de terre, à Marigny. 23° Une vergée de terre, aux Hautes-Croix de Montmerrei. Toutes ces terres étaient en labour. RENTES EN NATURE 1° La cinquième partie à choisir de la récolte du foin fané du Pré-au-Sage dépendant de la ferme de la Trébucherie. 2° Deux poules et vingt oeufs. RENTES EN ARGENT 1° Julien Beaulavon acte du 15 juin 1682... » 40 » 2° Thomas Rédrel. et Jean Angot, acte du » 1er mai 1679 » 25 » 3° Jean Lefrou et Gilles Gasteclou, reconn » 10 » 4° Michel Goupil, reconn. du 23 octobre 1681. » 8 5° Michel, René-Charles, etc., Polard. Reconn. du 24 mars 1678 » 10 » 6° Léonard Raguène. Recoin, du 23 octobre 1691 » 5 » 7° François Salles. Lots notariés du 27 décembre 1681 » 3 6 8° Charles Defrance. Sentence du 21 juin 1701. » 3 » 9° Gilles Costard ; acte du 5 octobre 1713.... » 40 » Total 144 6 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE- MORTRÉE 233 Le Bureau de bienfaisance profite aussi d'un legs qui fut fait à la paroisse de Bray. Nicolas Leroy, curé de Bray 1721-1756, donna, par acte du 17 juillet 1714, au clergé de Séez, une somme de livres à la charge de la constituer en une rente annuelle et perpétuelle de 100 Jivres pour ê'Lre touchée par une soeur de charité qui serait établie dans la paroisse pour instruire les enfants et soigner les malades. Cette rente n'ayant pas été payée pendant la Révolution, la municipalité, par délibération du 5 janvier 1804, autorisa le maire, dans l'intérêt des pauvres, à faire les poursuites nécessaires pour recouvrer les annuités arriérées et faire renouveler l'acte. - Bray Des trois paroisses, qui, réunies, ont formé celle de Mortrée, la plus importante était celle de Bray. Elle faisait très anciennement partie de la seigneurerie d'Alençon, et elle était le chef-lieu d'un fief important appelé la Quatorzaine de Mortrée qui s'étendait aux paroisses du Cercueil, de Montmerrei, de Saint-Hilaire-la-Gérard, de Tanville et de La Ferrière-Béchet. A quelle époque remontaient cette paroisse de Bray et son église, on ne saurait trop le déterminer. Quelques fragments de colonnes et de chapiteaux trouvés dans les démolitions la feraient bien dater des premiers âges de l'architecture romane, vers le vie ou le vne siècle. En tout cas, il en est fait mention en l'an 1088 dans les chartes de l'abbaye de Saint-Martin de Séez. Le titulaire de l'église était saint Pierre. Elle était d'abord sous le patronage et à la présentation de l'abbé de SaintJean de Falaise, de l'Ordre des Prémontrés. En 1251, ce patronage passa à l'évêque de Séez. En janvier 1706, l'église de Bray fut ruinée par la foudre et la tempête ; en attendant qu'elle, fût reconstruite, le service religieux se fit à Cléray. La nouvelle église, ainsi que le cimetière, fut bénite en 1708 par Thomas Besnard, curé de Saint-Pierre et doyen de Séez, délégué par Mgr Louis d'Acquin. 234 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE Elle était d'architecture très simple trois fenêtres à grandes baies rectangulaires de chaque côté, une tour carrée avec un toit en bâtière caractérisaient l'extérieur. Au dedans, trois autels avec des retables en pierre sculptés Vers 1713 par Jean Turgeot, du bourg de Mortrée. A part ces ornements, l'ameublement de l'église devait être très simple pour ne pas dire très pauvre, si l'on en juge d'après le procès-verbal de visite épiscopale par Mgr Néel de Christot que nous donnons tel, malgré le décousu de certains détails. L'an mil sept cent soixante-quatre, dimanche 12e jour de février, nous Louis François Néel de Christot, Nous étant transporté dans l'église de Bray accompagné du Sieur de Brest, docteur en Sorbonne, grand Chantre, et du sieur Claude Le Riche de Serigny, nos vicaires généraux.. ...où étant arrivés avons été reçus par Maître Le Roy, curé de la dite paroisse Suivent les réponses aux diverses questions. Environ 500 communiants. La nef en mauvais état. 2 amicts et 2 purificatoires, Les encensoirs et la pertintaille. Un curé Le Roy, Nicolas-François. Un prêtre habitué. On chante la grand'messe quand il y a des chantres. Un maître d'école charitable et une maîtresse d'école. Point de vicaire. Sur lequel procès-verbal de visite avons ordonné et - ordonnons comme s'en suit que la nef sera pavée, que l'église et le clocher seront recouverts, qu'il sera fait un confessionnal, qu'on achètera des pales et une étole noire, et puisque, n'étant pas possible de faire décemment l'office dans la dite église .jusqu'à ce qu'elle soit réparée, l'avons interdite et avons transféré l'office en l'église de Cléray. Au surplus, avons ordonné que le calice soit redoré n'ayant plus de dorure dans la coupe, que le cimetière sera clos ; la patène sera pareillement dorée et qu'on achètera un ornement noir. f L. F., évêque de Séez. » ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 235 Au Concordat, les trois paroisses de Bray, O et Marigny, ayant été réunies en une seule sous le nom de Mortrée, en attendant que le bourg qui était divisé entre les trois paroisses eut une église, celle de Bray servit pour les trois sections des anciennes'paroisses. Cet état de choses dura jusqu'en 1834, alors que fut bénite l'église de Mortrée. En 1836, la vieille église de Bray fut démolie et les matériaux furent vendus 1 il n'en resta qu'un pan de mur destiné à clore le cimetière au nord. Ce cimetière où l'on voit encore à peu près toutes les tombes, demeura propriété communale jusqu'au 2 mai 1897, où il fut vendu et racheté par un prêtre pour être préservé de la profanation qui eût pu résulter de l'enlèvement de cette terre sainte et des ossements qu'elle renfermait. Plus tard, une croix 2 de granit fut érigée au même lieu où se dressait jadis la vieille croix en bois du cimetière. Curés et vicaires de la paroisse de Bray CURÉS 1° ERNY, Jean, était curé de Bray en 15053. 2° BIGOT, Marin, mort en 1536. 3° LEFRANÇOIS, Guillaume, en 1536. 4° LECHAT, Egide. 5° DUHAMEL, François, 1er août 1538. 6° NORMAND, Marin, en 1573. 7° GIRARD, Jean, en 1586. 8° GAULTIER, Jean. 9° COMMAYE, Guillaume, en 1594. 10° CADOREL, Jean, en 1596. 1 Des trois retables qui ornaient les autels le grand fut cédé à l'église du Château-d'Almenesches ; les deux autres plus petits, que l'on voit encore aujourd'hui, ornent les deux bas-côtés de l'église de Mortrée. 2 Cette croix fut bénite solennellement le dimanche 3 septembre 1900 par M. l'abbé Charpentier, curé et doyen de Briouze, un des rares survivants de ceux qui avaient fait leur première communion en 1832 qui fut la dernière cérémonie solennelle en l'église de Bray. 3 N'est pas dans le Fouillé. 236 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 11° GOMMOIS, Guillaume. 12° LABBÉ, Claude, en 1597. 13° BOURDON, Charles, en 1598. 14° HUARD, Martin, en 1614. 15° LABBEY, Claude, était curé en 1635. 16° SINGLIN, Antoine, en 1637. 17° LAMY, François, en 1645. 18° DE LA COURSIÈRE, Léon, en 1671. 19°"GoT, sieur de la Bouverie, en 1672. 20° DUFOUR, Louis, en 1689. Le dernier acte dressé par lui est du 4 juin 1695 1. 21° CHÉRADAME, Louis, or;ginaù'e de Mortrée, succéda immédiatement au précédent en 1695. L'église, ruinée par la foudre comme nous l'avons d{t, fut rebâtie en 1708 ; il donna pour les pauvres un capital de 300 livres qui fut constitué en rentes. Décédé le 12 août 1712, il fut inhumé dans l'église par M. le Curé de Saint-Pierre de Séez, grand vicaire de Mgr Turgot de Saint-Clair. 22° MALION, Nicolas, prit possession le 15 août 1712. Ce fut par ses soins que l'église fut décorée de trois beaux autels. Il mourut le 17 septembre 1720 et fut inhumé dans l'église par M. Doucet, curé du Cercueil et doyen de Macé. 23° LEROY, Nicolas, paraît sur les registres le 1er mai 1721 ; il donna par acte du 17 juillet 1747 au clergé de Séez une somme de livres, à la charge de la constituer en une rente annuelle et perpétuelle de 100 livres au bénéfice d'une soeur de la Charité qui serait établie dans la paroisse pour instruire les enfants et soigner les malades. Il mourut le 1er mars 1756, à l'âge de 67 ans ou environ et fut inhumé dans l'église. 24° ALLAIN, François, prit possession le 7 mars 1756. 25° LEROY, Nicolas-François, neveu ou proche parent du précédent, prit "possession le 27 avril 1756 ; décédé le 1er juin 1768, il fut inhumé dans le choeur de l'église par M. Cosnard, curé de Belfonds, ainsi qu'on peut le constater 1 Le Pouillé du diocèse de Secs indique deux autres curés entre Louis Dufour et Louis Chéradame. Ce serait Girard Brivet qui donna sa démission et auquel succéda Pierre-Anne Constantin. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 237 d'après un acte où il est dit que le jeudi de la Fête Dieu deuxième jour de-juin, le corps de maître Nicolas-François Leroy, curé de cette paroisse, muni des sacrements, décédé .d'hier, âgé d'environ 46 ans, a été inhumé au choeur de l'église de Bray, en présence de plusieurs curés- et ecclésiastiques appelés à son inhumation ». Suivent les signatures de Cosnard, curé de Belfonds ; Roger, curé de La Ferrière ; Lelièvre, curé de Marcey ; Pollard, curé du Cercueil ; Lenoble, prêtre ; Boetard, prêtre. On a signé de Leroy, Nicolas-François, l'acte ci-contre d'examen et réception d'une sage-femme le 9 octobre 1759 Le neuvième jour d'octobre mil sept cent cinquanteneuf^ pour obvier à tous les inconvénients qui pourraient arriver à l'égard des femmes enceintes et à la conservation de leurs enfants, a été présentée Marie Mauny, veuve de Guillaume Thiais, devant Monsieur de Vanembras dans les visites archidiaconales pour être reçue en qualité de sage-femme, laquelle après avoir été interrogée sur ce dit ministère et être jugée suffisamment instruite, a preste le serment la main sur l'Evangile en face de l'église où cette cérémonie a coutume d'être faite, de garder avec fidélité les obligations de cet état. Ce qu'elle a promis faire, en notre présence, prêtre, curé soussigné le jour et an indiqués ci-dessus. LEROY, 1759. » 26° SOREL, Jacques, docteur en droit-canon de la Faculté de Paris, prit possession le 7 juin 1768. Il administra la paroisse jusqu'en 1773, époque à laquelle il donna sa démission. 27° SEVRAY, Pierre, originaire de Mortrée, prit possession le 7 août 1773 et il quitta la cure de Bray au mois d'octobre 1782, époque où il fut nommé prieur des Mézerets 1. Soit que la chapellenie qu'il desservait eût été supprimée, s'oit pour tout autre motif, il revint à Mortrée vers la fin de l'année 1790, 1 Saint-Vigor-des-Mézerets, du canton de Condé-sur-Noireau, arrondissement de Vire Calvados. ! 238 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 28° MARTIN, Charles-Alexandre, fut d'abord vicaire de Marcey. Il était, depuis quelques mois seulement, vicaire de Bray lorsqu'il fut nommé à la cure de cette paroisse au mois de décembre 1782. Lorsqu'on lui demanda de prêter le serment aux lois de la République, conformément à l'article 5 de la loi du 30 mai 1795, il ajouta à la formule prescrite En tout ce qui ne peut porter atteinte à la religion catholique, apostolique et romaine dans laquelle je veux vivre et mourir » et comme cette restriction annulait son serment, il lui fut défendu de reprendre ses fonctions dans l'église de Bray, comme il l'avait demandé. Il est probable que M. Martin se cacha ou partit pour l'exil. On voit en effet que le 21 novembre 1797, le citoyen Martin, ci-devant curé de Bray, et Roger, ci-devant curé de La Ferrière-Béchet, sont signalés comme émigrés, et on indique, pour les faire porter au séquestre, les biens que le dit Roger possède dans la commune de Mortrée. On croit que M. Martin fut, après la Révolution, desservant de la commune de Ticheville, canton de Vimoutiers. 29° LEDANGEREUX, Auguste-Joseph-Doininique, né dans la paroisse de Clérai, fut desservant de cette paroisse, la cure vacante, pendant les années 1786 et 1787 1. A l'époque de la Révolution, il était prêtre habitué de la paroisse de Clérai. Resté fidèle au Saint-Siège apostolique, il refusa de prêter serment à la Constitution civile du clergé et il émigra en Angleterre. Nommé par Mgr de Boischollet, de concert avec le préfet, à la cure de Mortrée, il prit possession de ce bénéfice par la cure de Bray et fut installé le samedi 13 mars 1802 par M. Jérôme-François Beuzelir-Duhameau 2, curé de Marcei, délégué de Mgr de Boischollet. Dans l'après-midi 1 M. Ledangereux était fils de Thomas Ledangereux et de MarieJeanne Gourdel, laquelle dame était originaire de la 'ville de Falaise. 2 M. Beuzelin-Duhameau était, avant la Révolution, prieur et non abbé du monastère de !a Croix-Rouge à Paris comme on l'a gravé sur sa tombe. Nommé curé de Marcei en 1802, il mourut dans cette paroisse le 23 septembre 1808, à l'âge de 61 ans. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 239 du même jour, M. Duhameau le mit aussi en possession de la chapelle de Saint-Marc, au bourg de Mortrée. Le prooès-verbal de son installation porte que les cidevant églises d'O et de Marigny seront fermées le 23 du même mois, que les clefs en seront déposées à la mairie et qu'on y fera seulement les inhumations provisoirement. Le presbytère de Bray et ses dépendances avaient été achetés par M. Thomas Ledangereux qui habitait, tout auprès de l'église, une propriété qu'il tenait du chef de dame, Louise-Françoise du Buisson du Parc, son épouse. M. Ledangereux aurait volontiers cédé le presbytère à la commune, mais lorsque son frère fut nommé curé de Mortrée, celui-ci préféra habiter avec safamille sa maison de La Perrière, située sur la commune de Clérai, quoiqu'elle fut éloignée de l'église. . < M. Ledangereux mourut à Clérai, à l'âge de 75 ans, et il fut inhumé dans le choeur de l'église de cette ancienne paroisse. On lit sur la table de marbre noir ou d'ardoise qui recouvre le lieu de sa sépulture, l'épitaphe suivante Ici repose le corps de Auguste-Joseph-Dominique Ledangereux, décédé à Clérai, curé dé Mortrée, le 31 mai 1836, à l'âge de 75 ans. Sa mort a causé de justes regrets à sa famille et à ses paroissiens. Priez Dieu pour tous priez tous pour lui. » - . VICAIRES 1° BLAISCHER, Michel, après avoir été vicaire de la paroisse d'O de 1679 à 1682, fut appelé à remplir les mêmes fonctions à Bray dans cette dernière année. 2° BÉZIER, Louis, originaire de Bray, paraît comme vicaire en 1727 et il en remplit les fonctions jusqu'en 1751. Il continua cependant à résider dans la paroisse où, comme prêtre habitué, il rédigea un grand nombre .d'actes. Nommé vicaire de Neauphes, près Séez, en 1755, il n'occupa cette place que pendant deux ans ou environ, puis il revint à Bray où il mourut en odeur de sainteté », disent les registres de la paroisse, le 28 décembre 1788. 3° LELONG, Jérôme, issu d'une honorable famille de 240 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE Bray, fut vicaire de 1751 à 1752. Il mourut le 14 février 1753. ' •* - 4° THOMMERET, Julien-Charles 1753-1754. 5° Lefoul, Jean-François, né à Bray, fut vicaire de cette paroisse de 1754 à 1757, puis de Damigny de 1758 à 1763, puis de Saint-Léger-de-la-Haye de 1768 à 1771. Il était vicaire de Crames, annexe d'Urou, près d'Argentan, en 1777. Enfin il fut élu chapelain-administrateur de l'HôtelDieu de Mortrée en 1786, fonctions qui lui furent enlevées par la Révolution. 6° BQËTARD, François, né en la paroisse d'O, fut vicaire de la même paroisse de 1736 à 1754, puis de Boissey de 1760 à 1762, puis desservant de Marigny, la cure vacante, en 1763, puis vicaire de Bray de 1766 à 1767, puis prêtre habitué de l'église d'O. Il mourut en sa maison au Marais de Bonain, le 24 septembre 1778. 7° ROUSSEL, N. 1771-1775. 8° LAUTOUR, N. 1775-1776 1. 9° PROArosT, Jacques, né à Bray en 1750, ordonné prêtre eh 1776, fut nommé vicaire de la paroisse dans la même année. Il en remplit les fonctions jusqu'en 1781 où il fut nommé vicaire de Ferrières, puis il fut élu en 1782 chapelainadministrateur de l'Hôtel-Dieu de Mortrée où il mourut à l'âgé de 36 ans, le 17 janvier 1786. 10° MARTIN, Alexandre-Charles, nommé vicaire en 1782, obtint la cure dans la même année, comme nous l'avons vu plus haut. Terre des Aulnaies La terre des Auhiaies dont le nom se trouve aussi écrit Les Aulnays et Les Aunes, située sur la paroisse de Bray. faisait partie du plein fief de la Quatorzaine de Mortrée. 1 M. Lautour était fils de Jean-Jacques, conseiller du roi, substitut aux juridictions royales d'Argentan, et de Marie Graucher. II était frère de LouisCézar Lautour-Mézeray, notaire à Argentan et maire sous l'Empire, dont le fils, Louis Lautour, fut notaire honoraire, maire d'Argentan, membre du conseil général de l'Orne et chevalier de la Légion d'honneur. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 241 Cette terre, d'après la tradition, appartenait anciennement aux Templiers. Tout porte à croire qu'elle leur fut donnée par les seigneurs d'Alençon, propriétaires de la terre de Bray. Cet Ordre ayant été supprimé en France par le roi Philippe-le-Bel 1310-1311, et aboli par le pape Clément V en 1312, à la suite du concile de Vienne en Dauphiné, les biens qu'ils possédaient furent confisqués par le gouvernement et donnés progressivement à d'autres ordres religieux et notamment aux chevaliers de Saint-Lazare de Jérusalem 1. C'est, ainsi que le roi Louis XIV, voyant qu'il n'y avait plus de lépreux dans ses états, attribua, par édit de décembre 1672, les léproseries, maladreries et autres établissements de ce genre aux chevaliers de SaintLazare. On voit encore aux Aulnaies des vestiges de cet ancien établissement. On y a trouvé les murs de fondation de deux tours, des aqueducs souterrains, etc. Il semblerait d'après l'inspection de ces restes que cet établissement des religieux de Saint-Lazare devint plus tard le manoir de la baronnie seigneuriale des évêques de Séez et dont nous trouvons la description dans le devis ci-après des réparations à y faire; conservé aux Archives de la Préfecture,' à Alençon, et c'est là l'origine de cette dénomination des Aulnays-VEvêque qui "désigne aujourd'hui ce village. ' ' ' ; Les AuInays-l'Evesque 'au Bray. Veu la maison-seigneurialle de la baronnie des Aulnays . l'Evêque située paroisse du Bray, éloignée de deux lieues de la ville de Séez, nous convenons qu'elle consiste dans un corps de bâtiments ayant 22 toises de longueur sur 12 à 20 pieds de largeur sous différents faîtages, composé de plusieurs appartements et deux étages, une chapelle de 1 Les chevaliers de l'Ordre de Saint-Lazare commencèrent à Jérusalem par des chrétiens d'Occident qui s'établirent dans la Terre Sainte. Ils exercèrent d'abord la charité envers les lépreux et ils prirent ensuite les armes pour la défense des chrétiens et des pèlerins. Chassés dans la ^suite de la Terre Sainte, ils se retirèrent en France. Cet ordre fut un Là celui de Notre-Dame du Mont-Carinel par édit dû 31 octobre 1608. 242 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 43 pieds de longueur sur 20 de largeur au côté de laquelle il y a une gallerie, une cour avancée, un jardin au derrière, aux deux angles du bas duquel il y a deux tourelles, le tout fermé de murs et clôtures. Un autre bâtiment dans la basse-cour ayant 18 pieds de longueur hors-d'ceuvre composé d'une grange et de deux étables qui était l'appartement du fermier. Les dits bâtiments construits de murs, couverts de tuille. Une autre grande cour au dedans de laquelle il y avait mie fuye dont il ne reste plus que les fondements. Un autre jardin clos de murs et nommé la garenne. Faisant la visite des dites choses, nous avons remarqué que pour récrépir et réparer les murs de la maison principale, rétablir le degré, y fournir huit pieds de marches, ce qui sera compté pour sept toises de gros murs valant soixante et dix livres, lesquelles choses sont négligées de leurs réparations depuis vingt-cinq années environ, ci » Suit l'estimation de toutes les réparations à faire en 29 articles desquels le total s'élève à la somme de livres 10 sols. La chapelle des Aulnaies était sous l'invocation de sainte Amie. Gilles du Veyleroy en était titulaire, lorsqu'il fut élu le 17 mars 1637 chapelain-administrateur de l'HôtelDieu de Mortrée, comme on le voit d'ailleurs par les anciens titres de cet hospice. On peut remarquer que le procèsverbal de son élection porte simplement Chapelain de Sainte-Anne. Il était en effet inutile de désigner le lieu où cette chapelle était située puisqu'elle se trouvait, comme l'Hôtel-Dieu de Mortrée, sur la paroisse de Bray. Lorsque la chapelle des Aulnaies fut supprimée, on transporta la statue de sainte Anne à Bray où elle fut détruite par l'éboulement de l'église au mois de janvier 1706. Ce fut pour perpétuer le culte de cette sainte qu'on fit placer dans la nouvelle église un autel avec un retable représentant en bas-relief sainte Anne instruisant la Sainte Vierge. Ce retable se voit aujourd'hui au bas du collatéral droit de l'église de Mortrée. C'est pour le même motif que M. l'abbé Delaunay, curé-doyen de Mortrée et chanoine honoraire du diocèse, a fait ériger au-devant du premier pillier de droite du choeur une belle statue de la même sainte. ESSAÎ HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 243 La chapelle des Aulnaies devait être autrefois ce qu'on appelait une chapelle curiale, c'est-à-dire que son chapelain devait avoir des droits curiaux dans le voisinage. Nous voyons en effet que les registres de l'état civil pour l'année 1766 sont délivrés pour la paroisse de Bray, celle des Aulnaies comprise et Nicolas-François Leroy, curé de Bray, mort en 1768, dit dans quelques actes qui concernent les Aulnaies de la paroisse des Aulnaies, annexée à la nôtre. » Si l'église de Mortrée a été mise sous l'invocation de saint Pierre parcç qu'il était patron de Bray et de Marigny, et de saint Martin, patron d'O, sainte Anne pourrait pour le même motif partager le patronage de cette église. Il y avait autrefois à Mortrée une foire, dite de SainteAnne, qui se tenait le 26 juillet et qui a été remise au jeudi précédent. Tout porte à croire qu'elle avait été érigée e 1 faveur des religieux des Aulnaies qui devaient en percevoir la coutume. Enfin on trouve dans l'ancienne commu/ie de Bray plusieurs réages du nom de Sainte-Anne ou du Bois de Sainte-Anne. Ces terres pouvaient avoir fait partie de celle des Aulnaies La chapelle des Aulnaies avait anciennement une statue de saint Léonard de Noblac qui, lors de la suppression de cette chapelle, fut transférée à Bray. Ce saint était en effet particulièrement vénéré par les religieux de cet établissement qui portaient le plus grand intérêt aux prisonniers. La statue de saint Léonard, transférée des Aulnaies à l'église de Bray, disparut-elle dans l'éboulement de janvier 1706 dont nous avons paclé plus haut ? On l'ignore ; niais dans le cas même de cette supposition, elle ne tarda pas à être remplacée et, après que l'église de Mortrée eut été livrée au culte 30 octobre 1834, on la plaça, provisoirement sans doute, sur l'appui d'une des fenêtres de la chapelle de Saint-Joseph resta jusqu'en 189... Elle était en pierre, sans peinture et elle avait un mètre de hauteur environ. Auprès de cette statue, était une chaîne en fer de dixhuit anneaux allongés, attachés à un cercle de même métal que les religieux des Aulnaies tenaient, dit-on, d'un captif qui avait été délivré par l'intercession de saint Léonard. 244 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE Les parents dont les enfants ne marchaient pas à l'âge ordinaire, soit qu'ils fussent noués, comme on dit vulgairement, c'est-à-dire atteints d'o^tromalasie, soit pour toute autre cause, pensant qu'ils étaient retenus par quelque lien invisible, faisaient des pèlerinages à saint Léonard et ils portaient leurs enfants qu'on faisait passer dans la chaîne dont nous venons de parler. Cet usage a été suivi de temps immémorial il existe encore aujourd'hui, et des personnes dignes de foi disent avoir été ainsi soulagées. Marigny La paroisse de Marigny faisait autrefois parti de l'archidiacoïié du Houlme et du doyenné d'Ecouché. L'église dont il est fait mention dès le xr 3 siècle paraît même antérieure à cette époque par le genre de maçonnerie que l'on remarque encore dans les restes des murs opus spicatum . Elle fut le centre de la paroisse de même nom jusqu'au Concordat qui réunit en mie seule à Mortrée les trois paroisses de Bray, 0 et Marigny. Cette église mesurait dans oeuvre 60 pieds de longueur sur 20 pieds de largeur. A l'intérieur, outre le maître-autel, on en voyait deux autres, l'un dédié à la Sainte Vierge et l'autre à saint Etienne. Il y avait aussi une statue de saint Vincent. Cette église était sous le vocable de saint Pierre, prince des apôtres. Le patronage de l'église avait été donné à l'abbaye de Silly-en-Gouffern, de l'ordre des Prémontrés, partes anciens seigneurs du lieu qui, en cédant aux religieux le patronage utile ou- productif, avaient réservé le patronage honoraire. Le temporel de la cure et les dîmes étaient assez importants, du moins relativement à l'étendue de la paroisse. La paroisse fut -longtemps desservie par des religieux de rabbaj^e de Silly qui ne touchaient que la portion congrue et qui furent, plus tard, remplacés par des prêtres séculiers. La population de la commune de Marigny devait être autrefois plus nombreuse qu'elle n'est aujourd'hui. Nous voyons en effet qu'en l'année 1719 on comptait 10 naissances et 15 décès. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 245 ' L'église de Marigny fut démolie en 1832, d'après une délibération du Conseil municipal de Mortrée en date du 10 mai 1831 dont voici la teneur 10 mai 1831. Démolition de l'église de Marigny et plantation du cimetière. Le dix mai mil huit cent trente et un à la Mairie de Mortrée le Conseil municipal réuni en session ordinaire sous la présidence de Monsieur Digeon, maire présent, MM 1° Boëtard Louis-Marin, 2° Hapel-Laehesnaye, 3° Radiguey-Longchamp, . 4° Oger, 5° Lorel-Deslongrai, 6° Lefoul-Lamotte, 7° Dumont, 8° Thorel, celui-ci secrétaire, a pris la délibération suivante . Considérant que l'église de Marigny abandonnée depuis la réunion de cette commune à celle de Mortrée qui a eu lieu l'an deux de la République, se dégrade au point expresse, est prête à tomber en ruines, le toit étant presque tout écroulé ; - - Considérant que le cimetière qui entoure cette église a servi aux sépultures des morts de la section de Marigny jusqu' et que tous les habitants de cette section désirent que ce lieu de repos de leurs parents et amis soit è, jamais respecté ; s _ . - Considérant qu'il vient d'être, établi un cimetière central proche le bourg de Mortrée, et que, dès lors, celui de Marigny devient inutile; . Pour ces motifs le Conseil municipal est d'avis unanime que , , 1° L'église de Marigny soit démolie et que les matériaux en soient vendus aux enchères publiques, d'après un devis qui en sera dressé par lé sieur Pépin, entrepreneur de bâtiments à Montmerrei que le Conseil désigne à cet effet. 246 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 2° Le cimetière soit conservé, que la clôture en soit réparée afin que les bestiaux ne puissent y arriver et qu'il soit planté d'arbres verts ainsi que l'emplacement de l'église afin que ce lieu présente un aspect plus respectable et plus imposant ; que les tombes et les inscriptions soient conservées dans leur état actuel afin que les parents et amis puissent aller visiter et honorer la dernière demeure de ceux sur les tombes desquels ils ont fait placer des signes distinctifs. » Malheureusement cette délibération si sage tomba en oubli et vers 1890 les sapins plantés en 183,2 furent abattus et en 1897 le terrain lui-même du cimetière fut mis en vente. C'est alors que, pour ne point laisser profaner cette terre bénite, afin de respecter les ossements des morts qui y reposent et d'empêcher qu'ils soient transportés et dispersés à travers la campagne, ce cimetière a été racheté avec l'intention de le laisser intact dans l'état où il se trouvait. On a cru ainsi mettre en exécution dans la mesure du possible les désirs exprimés dans la délibération ci-dessus et répondre aux voeux de tous les habitants du quartier dont les ancêtres reposent dans ce cimetière. Et c'est pour accentuer et rappeler davantage cette pensée du cimetière qu'une croix y a été élevée au lieu même où tant de fois le Sang de Notre-Seigncur Jésus-Christ coula sur l'autel au Saint-Sacrifice en faveur des défunts qui dormaient dans le cimetière auprès de l'église. Car on s'est demandé pourquoi cette croix a été placée à une extrémité et non au centre du cimetière. C'est parce qu'elle occupe la place de l'autel de' l'ancienne église de Marigny. Le Droit Canonique et les prescriptions du saint Concile de Trente veulent que si une église est démolie pour n'être pas reconstruite au même lieu, son terrain soit respecté et qu'une croix y soit érigée. Cum facultate tam dictas parochiales quam alias dirutas in projanos usus, non sordides, erecia t'amen ibi cruce, converlendi Sess. c. 7 de Rejorm. Cette croix a été bénite solennellement en présence de toute la population en la fête de Noël 1898, jour de la clôture d'une mission donnée à Mortrée. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 247 Guréset Vicaires de la Paroisse de Marigny i CURÉS I. — DE BERNARD, Pierre, écuyer, sieur de Marigny, était depuis longtemps curé de Marigny lorsqu'il donna sa démission en faveur du suivant. Il mourut le 3 février de l'année 1700 et fut inhumé dans le choeur de,l'église. IL — DE BERNARD, Pierre, neveu ou proche parent du précédent, lui succéda ; nous ignorons à quelle époque, vu que les registres les plus anciens ne remontent qu'à l'année 1693. Il mourut le 20 décembre 1722, âgé de 63 ans ou environ et fut inhumé dans le choeur de l'église par JacquesFrançois Brière, curé de Boissei et doyen d'Ecouché. III. — DE BERNARD, Jacques, prit possession au mois d'avril 1725 et mourut en 1732. ' / IV. — DE BERNARD, René-Louis, succéda au précédent au mois d'octobre 1733. Sous son administration, Jacques de Bernard, son proche parent qui était curé de Boissey depuis l'année 1740, mourut à Marigny, le 29 juillet 1749 et fut inhumé dans l'église. René de Bernard mourut le 6 avril 1753 et il fut inhumé dans l'église, par Pierre Letellier curé de Boissey. V. — GUILBERT DU MAZÉ, Jacques, prit possession de la cure au mois de novembre 1754. Il mourut le 10 mars 1755 à l'âge de 32 ans et fut inhumé d,ans le choeur de l'église, par Julien Ozanne, curé de Saint-Loyer. Après sa mort, la cure fut desservie par Louis Hubert, puis par Gervais Guillaume. VI. — LUSURIER, Michel, paraît sur les registres le 18 avril 1756. Il mourut le 17 mai 1763 âgé de 37 ans ou environ, et fut inhumé dans le choeur dé l'église, par Lelièvre, curé de Marcei, qui plus tard, prêta le serment constitutionnel. 1 Ils nous sont connus par les registres de la mairie. 248 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE VII. — VAUDORÉ, Jacques, curé d'Aunay-les-Bois nommé à la cure de Marigny, ne fit, pour ainsi dire, que passer dans cette paroisse. Il mourut le 28 juillet 1763 et fut inhumé dans le choeur de l'église, par Lelièvre, curé d,e Marcei. Après sa mort, la cure fut desservie par François Boetard, prêtre de la paroisse d'O. VIII. — DANNE, Jean, prêtres des environs d'Hareourt, passait un jour à la Petite-Mortrée, où il s'arrêta dans une des auberges qui se trouvaient sur le grand chemin d'Argentant à Séez. Là, ayant remarqué qu'on sonnait longtemps à une église voisine, il en demanda le motif. On lui dit que c'était la mort de M. Vaudoré, curé de Marigny. Alors il s'informa de ce que pouvaient valoù' de revenu, le temporel et les dîmes, et sur le rapport qu'on lui fit, il postula pour ce bénéfice, auquel son titre de Gradué » lui donnait droit, et fut nommé à cette cure dont il prit possession au mois d'avril 1764. L'église et le cimetière de Marigny furent interdits le 1er avril 1766, par ordre de Mgr Néel de Christot, évêque de Séez ; mais les registres de la mairie n'indiquent ni le motif ni la durée de cet interdit. M. Danne mourut le 8 juin 1785, à l'âge de 65 ans et son corps fut inhumé au cimetière 1. L'inhumation fut faite par M. du Moulin de Grandchamps, curé de Saint-Loyer et doyen d'Ecouché. IX. — MORICE, Gabriel, né le 12 mai 1726, était issu d'une ancienne et honorable famille de Marigny, dont le nom se rencontre sur divers actes, pendant pi'ès de trois siècles. Il était vicaire de Goulet, lorsqu'il fut nommé à la cure de Marigny, en 1785. Gabriel Morice fut le dernier curé de Marigny. 1 Une déclaration du roi en date du 19 novembre 1776, défendait d'inhumer dans les églises et dans leurs accessoires. .. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 249 VICAIRES 1° HÉBERT, Daniel, était vicaire en 1690. Il mourut le 17 mars 1717 et fut inhumé au cimetière. 2° DAUPELEY, Gilles, fils de Gilles, notaire au bourg de Mortrée, commune de Marigny, fut vicaire en 1717. En 1720, coadjuteur de François-Roger, chapelain-administrateur de l'Hôtel-Dieu de Mortrée et, en 1724, titulaire de ce bénéfice. 3° SERÉE, P., 1720-1722. - 4° LECOQ, L.,. 1722-1724. ' '' 5° RADIGOIS, 1724-1725. 6° BARBAULT, François-Louis, 1725-1728. 7° VIEL, Nicolas-Rolland, 1728-1729. " 8° DE LA LANDE, Jean-Baptiste, 1729-1729. 9° VIEL, de nouveau, 1729-1743. 10° LIARD, Achille, 1743. Mort le 9 février 1781, à l'âge de -56 ans, il fut inhumé dans l'église par M. Courmesnil, curé de la paroisse. de Saint-Cyr-la-Rosière, diocèse de - Lisieux. ; 11° VENDEL, Michel, 1571-1754. 12° DE CHEUX, 1754. 13° GUILLAUME, .Gervais, 1755-1756. 14° CHESNAYE, R., 1757-1758. 15° SICARD, 1759. 16° BOETARD, François, 1763-1767. Il fut chargé par l'évêque de rédiger un grand nombre d'actes qui avaient été oubliés 1. .17° LE VAVASSEUR, 1777. 18° DE HAUSSEY, 1780. 19° LE SAULX, 1784. 20° CUVIGNY, 1789-1790. . 21° MORICE, JeaWGabriel, fils de Jean-Louis Morice et de Françoise Bourget, naquit à Marigny, le 5 février 1761, fut baptisé le lendemain et nommé par Gabriel Morice, 1 Jean Danne, qui fut curé de 1764 à 1785, rédigea seul les actes, ce qui fait que ses vicaires noifs sont peu connus. 250 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE prêtre, son oncle, et par Marie-Jeanne Bourget, épouse de Jean-Baptiste-Nicolas Pelletier, sa tante, au maternel de la paroisse de Cuy, près d'Argentan. Nommé en 1790 vicaire de la paroisse de Marigny, dont son oncle était curé, il fut nommé curé de celle de Nonant, qu'il desservit jusqu'à l'application du décret du 11 novembre 1793, par lequel tous les cultes furent supprimés et leurs ministres, privés de leur traitement. Il vint à cette époque demeurer dans sa famille à Marigny, sans exercer le ministère. Cependant, M. Jérôme-FrançoisBeuzelin Duhameau,- curé de Marcei, étant décédé le 23 septembre 1808, M. Ledangereux, curé de Mortrée, engagea M. Morice à accepter cette desserte ce qu'il fit. Le presbytère de Marigny, ayant été vendu pendant la Révolution, M. l'abbé Morice continua d'habiter à Marigny la maison paternelle où il mourut le 8 novembre 1832. Il fut inhumé dans le cimetière de Marcei, où on voit sa tombe, avec une épitaphe entièrement effacée. O La paroisse d'O ou Oth, paraît être d'origine saxonne. On la trouve vers l'an 1100 dans Orderic Vital. Elle figure parmi les propriétés que Robert, Hughes et Ernauld, fils de Robert de Grandmesnil, donnèrent en 1050 à l'église d'Ouche, pour le salut de leur âme. Elle obtint donc au lieu qu'on nomme Oth », l'église avec toute la dîme et la terre du presbytère plus un terrain labourable de 3 charrues. La paroisse d'O faisait, avant la Révolution, partie de l'archidiaconé du Houlme et du doyenné d'Ecouché. Son église était sous l'invocation de Saint-Martin, évêque de Tours, et sous le patronage de l'abbé de Silly. Elle était située entre les jardins du château et le chemin tendant à Médavy. Elle avait une chapelle seigneuriale qui fut pendant longtemps desservie par un chapelain et sous laquelle était un caveau funéraire. < Le 7 décembre 1792, eut lieu dans l'église d'O, l'assemblée des habitants, pour l'élection du corps municipal. Le 28 octobre 1793, on descendit..une des cloches qui fut ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 251 envoyée au district d'Argentan, avec le plomb de deux cercueils qui se trouvaient dans le caveau de la chapelle seigneuriale. Tous les cultes ayant été abolis par le décret du 11 novembre 1793, l'église d'O fut choisie pour les réunions des assemblées communales, et le 8 mai 1794, on plaça au-dessus de la porte principale, cette inscription écrite en gros caractères Temple de la Raison. Les communes de Bray, d'O et de Marigny ayant été réunies par décret du 25 juillet 1794 6 thermidor, an XI, pour former sous la dénomination de Mortrée, le chef-lieu du canton, toutes les assemblées communales et cantonnâtes se firent dans l'église-d'O. Nous rappelons que les cantons organisés par la loi de 1790, furent plus nombreux qu'ils ne sont aujourd'hui. Ainsi le canton de Mortrée ne comprenait que les communes suivantes Mortrée, La Bellière, Boissei, Francheville, Médavy, Le Repos, Montmerrei, Saint-Christophe et Vrigny. Les mariages ne furent célébrés pendant quelque temps qu'au chef-lieu de canton. Comme les réunions cantonales étaient souvent tumultueuses et que les personnes qui y prenaient la parole avaient parfois de la peine à se faire entendre, l'assemblée décida, le 4 mai 1799, qu'on prendrait, en la payant à dire d'experts, la chaire de l'église de Médavy, pour la placer dans celle d'O, où elle servirait de tribune aux orateurs. L'église portait à l'époque le nom de Temple de la Décade ». M. l'abbé Ledangereux ayant été nommé, conformément au Concordat, curé de la commune de Mortrée, le conseil décida, -dans sa réunion du 11 mars 1802, que l'église de Bray .servirait provisoirement d'église paroissiale, comme étant la plus grande et la plus décente que M. l'abbé Ledangereux, en serait mis en possession le 13 ; que les églises d'O et de Marigny seraient fermées le 23 ; que les clefs seraient déposées à la mairie et qu'on y ferait provisoirement les inhumations. " Cependant, les habitants des sections d'O et de Marigny voyant, qu'éloignés de l'église de Bray, il leur était pénible d'assister à la messe, vu qu'il n'y avait pas de vicaire, prièrent Mgr de Boischollet, évêque de Séez, de bien vouloir 252 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE autoriser M., l'abbé Bachelier, à dire la messe et, à faire les offices dans l'église d'O ; ce qui leur fut accordé. Le maire conformément à une circulaire du sous-préfet, retira les clefs de l'église des mains du prêtre constitutionnel, qui avait obtenu la permission d'y dire la messe, et il les remit à M. l'abbé Bachelier. Ce dernier commença à faire l'office le 1er août 1802. Ce jour même, les partisans de l'intrus jetèrent par terre, pendant la messe, l'eau qui servait pour le baptême et ils cassèrent le vase qui la contenait. Le dimanche suivant, ils s'assemblèrent dans le cimetière et l'un d'eux frappa le sacristain qui sonnait la messe. Huit jours plus tard, ils s'emparèrent de force des livres qui servaient à l'exercice du culte et dans le courant de la semaine, ils déposèrent devant l'église, un vase rempli de son, un autre rempli de sang et une tête de boeuf ; remplirent la serrure de pierres et de clous et enduisirent la porte avec des immondices ; et comme ils menaçaient de continuer à insulter le culte, le prêtre et les assistants, Monseigneur l'Evêque, ordonna à M. Bachelier de faire les offices au bourg de Mortrée, dans la chapelle Saint-Marc. D'après le rapport du maire, les perturbateurs se citaient autorisés par des désordres semblables qui se passaient à Marcei et à Ecouehé. Mais après que le curé d'Ecouché, eût été mis en prison, les partisans de l'intrus restèrent tout à fait paisibles. Ce fut vers la même époque qu'on enleva une inscription portant Le peuple français reconnaît l'existence d'un Etre Suprême », laquelle inscription avait été placée, en exécution du décret du 7 février 1794 et avait coûté 12 livres Elle était au-dessus de l'entrée principale de l'église. L'église d'O fut achetée, ainsi que le cimetière, le 4 novembre 1809, par M. Charles-Valentin Roques,-propriétaire du château. On voit encore aujourd'hui l'ancien if du cimetière. Le prix de ces deux objets fut de 4020 livres. Voici la description que donne de cette église qui, à l'époque, servait de magasin, un titre du chartrier du château, daté de l'année 1816 C' construction ancienne, avec éperons saillants, de 29m75 de longueur. Elle a, d'un côté, six croisées et une petite porte, et, de l'autre, cinq ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 253 croisées. La couverture est en tuiles. En avant, un porche sous lequel est l'entrée une porte à deux vantaux. Audessus du porche, l'ancien clocher qui est carré et qui se - termine par une portion également carrée, laquelle est couverte en ardoises et surmontée d'un clocheton avec girouette. Des poiriers et des pêchers sont plantés entre les éperons... etc. » Il est probable d'après cette description, que la chapelle seigneuriale et la sacristie, avaient été démolies et que ce qui est appelé éperons, étaient des contreforts. Quant à l'emplacement de cette église, on pourrait le préciser, si, comme on le dit, les fonts baptismaux qu'on voit, à quelques mètres et à droite de la chapelle actuelle sont "toujours restés à la place qu'ils occupaient primitivement-. On voit dans l'emplacement de l'ancien cimetière, une sorte de tumulus recouvert d'arbres ce tumulus renferme les nombreux ossements qui furent mis à découvert par les, terrassements pratiqués pour la fondation des murs et le nivellement du terrain. -. Curés et Vicaires de la Paroisse d'O CURÉS L^— GAUTHIER, Gervais, était curé d'O, .en 1585. II. — GASCOIN, Raven, était curé en 1628 et il avait aussi le, titre de prieur de Sainte-Croix. ' On le trouve encore en 1639, mais les registres manquent depuis cette époque jusqu'à. 1666. III. —ÀUBRY, Jean, curé en 1666, mourut le 24 novembre 1669 et fut inhumé par François Bachelier, prêtre d'O, en présence de Christophe Aubry, son frère, et de Pierre Collée, vicaire d'O et chapelain de la chapelle seigneuriale. IV. — AUBRY, Christophe, frère du précédent, lui succéda, et ne paraît plus après l'année 1686. 254 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE V. — MASSÉ, Toussaint, bachelier en théologie de la Faculté de Sorbonne, succéda au précédent et fut doyen d'Ecouché. On ne le trouve plus après l'arinée 1690. VI. — MALBOUT, François, fut curé de 1690 à 1707. VIL — MOREAU, Geoffroy, succéda au précédent et fut curé jusqu'en- 1714. VIII. — HUBERT, Guillaume, prit possession en 1714 et fut doyen'd'Ecouché en 1737. Il était âgé de 75 ans environ, lorsqu'il céda sa cure enl756, à Louis-Guillaume Hubert, son neveu. Décédé au presbytère d'O, le 20 avril 1768, à l'âge de 77 ans, il fut inhumé le lendemain dans le choeur de l'église par J. Roussel, curé de la Perrière, au Perche, en présence de Pierre Richard, curé de Boissey et de MarinJacques Lenoble, vicaire d'O. IX. — HUBERT, Louis-Guillaume, était, depuis deux ans, vicaire de la paroisse d'O, lorsqu'il prit possession de la cure le 8 avril 1756. Il mourut le 14 mars 1762, à l'âge de 54 ans et fut inhumé dans le choeur de l'église, par Lenoble, vicaire. X. •— LONGUET, N.,' succéda au précédent en 1762. Son acte de décès ne se trouvant pas sur les registres qui, à l'époque, étaient tenus assez exactement, il est probable qu'il passa à une autre place. XI. — QUINION, Edme-Clair, fils de Charles et de Catherine Lami, prit-possession le 19 septembre 1775. Le 2 juin 1776, il fit faire la première communion à 52 enfants, au nombre desquels se trouvaient 27 garçons. Nommé au mois d'avril 1781, à la cure de Toucy canton de Lagny, arrondissement de Meaux, département de Seine-et-Marne, il ne tarda pas à quitter la cure d'O, qui fut desservie provisoirement par Lenoble, vicaire. XII. —LEMERCIER, Jacques-Michel, originaire de Bray ou de Saint-Christophe, prit possession au mois de mars 1782. Le 17 juillet 1788, il bénit la grosse cloche de l'église qui fut nommée Françoise-Marie, par François Perchiel, charpentier, âgé de 88 ans, et par Marie Loublier, âgée de 79 ans ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 255 et è mois, lesquels furent choisis comme les. personnes les plus âgées de la paroisse. M. Lemercier refusa de prêter serment à la Constitution du Clergé et il desservit sa paroisse jusqu'au 26 avril 1792, où il fut obligé de la quitter, emportant avec lui les regrets, . de tous ses paroissiens. C'était un prêtre fort distingué, sous tous rapports et qui laissa le meilleur souvenir dans la contrée. On a dit qu'au retour de l'émigration, il avait été nommé curé de Gacé ; si le fait est exact, il ne dut pas reste • longtemps dans cette cure, qui en 1808, était occupée par M. Goupil-Narlier. XIII. — BACHELIER, Pierre-Jacques-François, né en la paroisse d'O, fut ordonné prêtre vers l'année 1780 et nommé vicaire à Ouilty-le-Basset, doyenné d'Aubigny, près Falaise, qui faisait, avant la Révolution, partie du diocèse dé Séez. Il était à l'époque de la Révolution, vicaire de la paroisse de Saint-Germain, de la. ville de Séez. Ayant refusé de prêter le serment constitutionnel, il émigra en Allemagne et il fut du nombre des 65 prêtres du diocèse de Sées qui, avec Mgr du Plessis d'Argentré, leur évêque, reçurent une bienveillante hospitalité dans les villes et pa,ys de Munster, pendant les années 1794 et 1795. De retour de l'émigration, il. fut chargé de desservir les sections d'O et de Marigny. Il éprouva de nombreux désagréments de la part des partisans de l'intrus constitutionnel. Après avoir desservi pendant quelques mois la commune du Château d'Almenesches, il fut nommé curé de Marcei, où il est mort en l'année 1844, avec le titre de chanoine honoraire du diocèse de Séez. VICAIRES 1° LEFÈVRE, N., était vicaire aux années 1631-1633. 2° DELAUNAY, Marin, 1633-1635. 3° HOUSSEMAINE, Jacques, 1635-1638. 4° LOUBLIER, Jacques, 1638. Les registres manquent de 1639 à 1666. .256 ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 5° COLLÉE, Pierre, chapelain de la chapelle seigneuriale de l'église d'O, remplit les fonctions de vicaire de 166,6 à 1679. Il mourut le 28 mars 1718, à l'âge de 83 ans. 6° H. BARÉ. ' 7° BLAISCHER, Michel, 1679-1682. 8° LEBOURGEOIS, 1682-1685. 9° LABBÉ, Robert, 1686-1687. 10° BESNARD, François, 1688-1690. 11° OGER, René, 1691. Il mourut le 24 mars 1694 et fut inhumé dans l'église. 12° LENOBLE, Gervais, nommé au mois de mars 1694 - il mourut le 20 juillet suivant et fut inhumé dans l'église. 13° PRIEUR, Louis, 1694-1698. 14° ADAM, Louis, 1698-1700. 15° BOULLEY, Charles, 1700-1701. 16° COURTIN, François, 1701-1702. 17° LEFOUL, Charles, 1702-1715. ' 18° DESHAIES, 1716-1718. jl9° COLLET, Julien, originaire de la paroisse de la Carneille. 171,9-1720. Nommé vicaire de Boissei en 1721, il y mourut le 28 septembre 1728. 20° CHAPELAIN, Jean, 1721-1724. 21° HARDY-DUCLOS, Jacques, 1725-1727. 22° VAUCANU,"Ignace, 1727-1730. 23° DAUPELEY, Gilles, fils de Gilles, notaire au bourg de Mortrée, paroisse de Marigny, fut vicaire d'O, de 1731 à 1736, puis il fut chapelain-administrateur de l'Hôtel-Dieu de Mortrée, et en 1744, curé de la paroisse Sainte-Colombela-Petite, canton de Courtomer. 24° BOÉTARD, François, né à O, fut vicaire de cette paroisse de 1736 à 1754 ; vicaire de Boissei, de 1760 à 1762 desservant de Marigny, la cure étant vacante, en 1763 vicaire de Bray, de 1766 à 1768 et prêtre habitué de la paroisse d'O, où il mourut le 24 septembre 1778. Il fut inhumé par M. Betzais-Courmesnil, alors curé de Boissei, puis curé d'Argentan, de 1802 à 1824. ESSAI HISTORIQUE SUR LA PAROISSE DE MORTRÉE 257 25° HUBERT, Louis-Guillaume, fut vicaire d'O, de 1754 à 1756, puis curé de la même paroisse de 1756 à .1762. 26° PIGEON, Jean, fut. nommé vicaire en 1757, et il mourut le 3 septembre 1760, âgé de 54 ans. Il fut inhumé dans l'église. NOTICE sur M. L'ABBÉ H. OLIVIER de Bazoches-au-Houlme Orne, Botaniste 1 La Société historique et archéologique de l'Orne vient d'être éprouvée par la mort d'un de ses membres, sinon des plus connus, du moins des plus anciens, des plus marquants et des plus dignes de respect et de regret, M. l'abbé Olivier, de Bazoches-au-Houlme. Son nom figure sur nos listes depuis le 18 mai 1899. Sa notoriété, qui depuis longtemps avait franchi les limites de la France, ses ouvrages, toujours très recherchés des amis de la science, honorent non .seulement l'auteur, mais le pays qui l'a vu naître, où il a vécu, et les Sociétés auxquelles il appartenait. Au lendemain de sa mort, une voix s'est élevée pour rendre à la mémoire du prêtre et savant l'hommage qui lui était dû ; des revues scientifiques, des journaux régionaux ont rappelé sa vie si digne, si laborieuse et montré l'importance de son oeuvre. Mais il est du devoir de notre Société de lui donner un nouveau témoignage de sympathique affection en signalant son nom et ses travaux au souvenir de ses compatriotes. Le nom de M. l'abbé Olivier restera indissolublement attaché à cette partie de la botanique, qui traite des Lichens, ces humbles végétaux, qui ornent si gracieusement la 1 Lecture de celte notice a été donnée à la séance publique de la Société, tenue à Domfront, le 29 août 1923. Cet article est l'un des derniers, sinon le dernier, qu'écrivit M. l'abbé Letacq. Il en corrigea les épreuves sur son lit de souffrance peu de jours avant sa mort. Ce qu'il dit de M. l'abbé Olivier pourrait s'appliquer à lui-même. Publier ces pages où se reflète la vie laborieuse et modeste de notre cher confrère, c'est lui rendre un nouvel et pieux hommage NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER 259 terre, les rochers, les murs, les arbres et, comme l'a dit Augustin Cauchy, dont l'admirable organisation témoigne en "faveur de la sagesse de Dieu, aussi bien que là formation de ces étoiles, dont il a semé les voûtes du firmament. » C'est, en effet, à leur étude presque exclusive qu'il a consacré pendant près d'un demi-siècle les loisirs que lui laissait le ministère ecclésiastique et, de l'aveu de tous, il fut un de ceux qui, de notre temps, ont le plus contribué aux progrès de la Lichénologie. Il est mort le lundi 20 octobre-1922 dans sa année, au presbytère de Bazoches-au-Houlme, où il résidait à. nouveau depuis près de trente ans. Ce fut avant tout un grand laborieux. Sa santé chancelante dans ces dernières années n'avait pu l'arracher à ses chères études ; tranquille et résigné, il se refusait à l'abandon de sa tâche journalière, et conserva jusqu'à la fin la même ardeur pour le travail. La veille de sa mort, il avait encore essayé de s'asseoir à son bureau. Aimant la solitude, l'asile le plus assuré de la science, fuyant toute distraction, c'est par la ténacité dans le travail quotidien qu'il, a assuré le succès de son oeuvre. Sa vie se résume en ses travaux ; elle s'est écoulée silencieuse dans le recueillement de l'étude et du ministère ecclésiastique, sans aucun de ces ^ incidents qui éveillent l'attention publique. Jacques-François-Henri Olivier naquit à Saint-Hilaireles-Mortagne, le 6 janvier 1849, d'une famille d'humbles cultivateurs qui, obligés de gagner péniblement Leur vie, ne laissaient guère à leurs d iu're héritage que le sentiment du devoir et le respect du travail. Henri Olivier' suivit ses parents à La Chapelle-Viel et, un' peu plus tard, à Champs, où le curé, M. Godier 1, lui donna ainsi qu'à 1 Godier Jean-Baptiste, né le 13 février 1813, à La Ferrière-aux-Etangs, ordonné prêtre le 9 juin 1838 et nommé vicaire à Là Haute-Chapelle, — le 10 novembre 1838, vicaire à SainteTHonorine-la-Guillaume, —le 1er juillet 1840, vicaire à Nécy, — le 1er décembre 1846, curé de Champs, — le 25 août 1868, curé de Montreuil-au-Houlme, où il est mort le 23 mars 1886. 260 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER Jules Jouaux 1, lès premières leçons de latin. En 1862, il entrait en septième au Petit Séminaire de et il y fit toutes ses études jusqu'à la philosophie élève laborieux, consciencieux plutôt que brillant. C'est là, sous la direction d'un maître, M. l'abbé Bélin 2, qui a laissé à tous ceux qui l'ont connu le souvenir d'un savant modeste et d'un professeur dévoué, habile à discerner les vocations scientifiques, que le jeune Olivier s'occupa d'histoire naturelle et surtout de Botanique. M; Bélin faisait chaque année avec des élèves choisis un certain nombre d'excursions on commençait ainsi l'étude des plantes par celle de l'espèce et sur le terrain. Ces travaux pratiques, en initiant les étudiants aux éléments de la science, avaient l'avantage de leur donner le goût des herborisations, de leur apprendre à chercher avec méthode, c'est-à-dire en tenant compte des lois de la Géographie botanique. Ce ne fut que plus tard que M. Olivier étudia l'anatomie végétale et fit intervenir l'emploi du microscope dans ses recherches lichénographiques. Mais il avait puisé dans les leçons de M. Bélin le goût des travaux descriptifs, auxquels il s'est surtout adonné. C'est au Petit Séminaire de Sées que je connus Henri Olivier ; nous suivions les mêmes leçons ; ensemble nous fîmes bon nombre d'excursions dans la plaine de Sées, en Ecouves, aux marais de la Chapelle alors si intéressants, sur les collines de Chailloué, à l'étang de Bois-Roger, etc., et notre excellent maître, témoin de nos dispositions pour l'étude des plantes, nous demanda, au grand avantage de 1 Jouaux Jules-Ferdinand, né à Champs le 26 juillet 1849, ordonné prêtre le 22 mars 1875 et nommé vicaire à Tourouvre, — le 11 mars 1880 curé du Mesnil-Guyon, —le 1er avril 1886, curé de Tanville, — le 4 juillet 1906 retiré à Perrou, où il est mort le 19 mars 1907. Sans être ce qu'on appelle un < scientifique » M. Jouaux s'intéressait aux faits de l'histoire naturelle. La forêt d'Ecouves, qui recouvre en majeure partie la commune de Tanville offrait un vaste champ à ses observations. Ainsi il m'a fourni plusieurs notes intéressantes sur la faune. Cf. A. LETACQ. Matériaux pour servir à la jaune des vertébrés, du département de l'Orne, Annuaire normand, 1896, pp. 67-130. En géologie on lui doit la découverle du filon de porphyre de Goult. Il avait aussi recueilli en Ecouves un certain nombre d'objets préhistoriques. Cf. MESNIL l'abbé, La forêt domaniale d'Ecouves cl ses environs, Alençon, Imprimerie alençonnaise, 1911, in-8°, pp. 14 et 52. 2 A LETACQ, Résumé historique et bibliographique des travaux publics sur la flore de l'Orne, Bull. Soc, des Amis des Se. nat. de Rouen, 1908, p. 124. NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER 261 notre propre instruction, de nous occuper du jardin botanique 1. Ce travail en commun fut le principe d'une amitié qui ne devait s'éteindre qu'à la mort. Au Grand Séminaire, ses promenades et ses temps libres étaient exclusivement consacrés à la Botanique. Hâtonsnous de le dire ; elle ne lui faisait négliger ni la théologie, ni l'écriture sainte, ni l'histoire ecclésiastique, ni même la langue hébraïque, dont il voulut apprendre les éléments. Homme de devoir avant tout, il acquit par son opiniâtre et laborieuse persévérance des connaissances étendues sur toutes les branches de la science sacrée. 1 Ce jardin situé au Vieux Séminaire » est supprimé depuis longtemps. Il fut fondé par l'abbé Chichou, professeur de 1852 à 1861, qui s'occupait activement de botanique et découvrit aux environs de Sées un certain nombre de plantes citées par De Brébisson dans la 3e édition de sa Flore de Normandie 1859. Mais l'étude de l'histoire naturelle avait été inaugurée au Petit Séminaire près de vingt ans auparavant par M. l'abbé Félix Desauney, qui y enseigna les sciences, d'une façon si brillante de 1839 à 1848, et fut plus tard supérieur du Petit Séminaire de La Ferté-Macé. Le P. Debreyne, le célèbre médecin de là Grande-Trappe Orne, dans une Note sur la nécessité de l'émancipation scientifique du clergé insérée à la fur de son Essai sur la théologie morale considérée dans ses rapports avec la physiologie et la médecine, Paris, Poussielgue-Rusand, 1842, in-8°, p. 540, avait applaudi à cette heureuse initiative Nous connaissons, dit-il, un diocèse où il s'est présenté un jeune homme distingué par des talents naturels et surtout remarquable par son aptitude singulière aux sciences physiques et naturelles.'Le clergé, ayant conquis cette jeune et forte intelligence, se l'est agrégée ; il a fait plus, il a lancé ce brillant sujet dans les hautes écoles de Paris. Là, devenu en peu de temps capable d'être professeur lui-même et investi des grades universitaires, il est descendu des hautes régions de la science, s'est emparé de l'enseignement du Petit Séminaire de son pays, a fait des cours de mathématiques, de physique, de chimie, d'histoire naturelle etc., en un mot il y a opéré une véritable révolution scientifique. Ce Petit Séminaire sera sous peu, s'il ne l'est déjà, le plus fort de tous les collèges ecclésiastiques de France. » Cf. LETACQ l'abbé, Notice bibliographique sur M. l'abbé Chichou, curédoyen d'Exmes, auteur d'éléments d'histoire naturelle, Bellême, Imprimerie Levayer, 1904, in-8°, 6 p. Extr. du Bull. Soc. percheronne d'histoire et d'archéologie ; Nécrologie M. l'abbé Chichou, Almanach de l'Indépendant de l'Orne, 1905, M. Chichou fut successivement professeur aux petits séminaires de Sées et de La Ferlé et en 1871 curé-doyen d'Exmes, où il mourut le 7 juillet 1904. ROMBAULT l'abbé, Nécrologie M. l'abbé Félix Desauney, Journal d'Alençon, h° du 18 décembre 1889. FRÉBET l'abbé, Notice sur le petit séminaire de la Ferté-Macé. La FertéMacé. Typ. Vve Bouquerel. 1893, in-12, X — 142 p. LETACQ l'abbé, et Dr F. BEAUDOUIN, Notice sur le P. Debreyne, médecin de la Grande-Trappe Orne. Bellême, Imprimerie Levayer, 1912, in-8°, 52 p. — Extr. du Bull. Soc. percheronne d'histoire et d'archéologie, t. X. 1911, n° du 15 octobre, pp. 157-181 et t. XI 1912 n° du 15 janvier, pp. 33-60, 262 NOTICE SUR M. L'ABBE H. OLIVIER Il y fut d'ailleurs toujours fidèle ; plus tard, malgré la préparation de Son immense herbier, malgré ses incessantes publications botaniques il se réservait chaque jour un temps déterminé pour les études ecclésiastiques ; 'ainsi l'histoire de l'Église lui était devenue très familière. Comme l'a dit Fontenelle d'un savant de son temps Il ne se permettait pas de passer des moments oisifs, ni de s'occuper légèrement et avec une faible attention. » Les vacances, ai-je besoin de le dire, n'étaient pas pour luiun temps de repos ; il les passait tout entièresà larecherche des plantes. Ses parents ayant habité successivement La Chapelle-Viel et Champs, il put se familiariser avec la végétation de la contrée comprise entre Laigle et Mortagne, compléter les recherches déjà anciennes de Lubin-Thorèl et établir des comparaisons utiles entre les flores sagiennes et percheronnes. La Trappe, dont les marais et les étangs offraient, il y a quelques années encore, une série de plantes des plus curieuses, fut surtout l'objet d'explorations assidues elle lui fournit le sujet de son premier travail, dont la publication remonte à 1877. * * *. Ordonné prêtre le 30 mai 1874, M. Olivier fut successivement vicaire à Bazoches-au-Houlme, curé d'Autheuil 1er juin 1880, de Bivilliers 1er juillet 1886, et le 5 décembre 1892, sur sa demande, de nouveau vicaire à Bazoches. Il était heureux de revenir dans la paroisse, qui eut les prémices de son ministère, où il jouissait d'ailleurs de l'estime et de la considération générales, et où il devait encore passer trente années de la vie sacerdotale la plus laborieuse et la plus édifiante. Peu après son arrivée à Bazoches en 1874, M. Olivier commença, sous la direction de M. Husnot, dont il était presque le voisin, et dont il resta toujours l'ami, l'étude des Mousses et des Hépatiques, mais il ne tarda pas à s'engager dans une voie encore moins frayée, celle des Lichens. L'héritage de De Brébisson, d'Auguste Le Prévost, de Malbranche, qui avaient jeté les bases de cette science en Normandie, était libre ; il en prit possession. NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER ~ 263 La flore régionale l'occupa tout d'abord. Bazoches situé à la limite des terrains de cristallisation, du précambrien du silurien et du jurassique lui offrait une abondante moisson. Les Lichens étant très exigeants au point de vue des propriétés physiques et chimiques du support, la variété des stations, produit une grande variété dans la végétation. Les rochers des bords de l'Orne et de la Rouvre, Falaise, les sables siliceux du lias et le bathonien calcaire à Bazoches, Habloville et Neuvy-au-Houlme furent étudiés avec soin pendant six années. Près dé Tourouvre les forêts du ValDieu, du Perche et de la Trappe, l'argile à -silex souvent couverte de bruyères, les sables du Perche et la craie, qui s'étend sur une bonne partie de la. région, lui présentaient sans doute une flore moins riche, mais avec quelques espèces nouvelles. Le premier résultat de ces recherches fut un Herbier des Lichens de VOrne et du Calvados 1880-84, splendide collection de 450 espèces ou variétés, destinée à mettre sous les yeux de l'observateur un échantillon en nature de la plante elle-même, échantillon dont là simple vue en' dit souvent plus que ne le pourrait faire la meilleure description. L'auteur ne s'en tint pas là. On ne saurait distribuer en nombre tous les Lichens d'une région, et il est parfois nécessaire pour déterminer une espèce de recourir au microscope, de chercher dans les éléments anatomiques, dans Vinternam'fabricant suivant l'expression de Schérer, des caractères invisibles à l'oeil ou même à l'aide d'une simple loupe. Aussi tout en préparant son Jierbier, M. Olivier rédigeait des descriptions qui lui fournirent bientôt les clérrlents d'une Flore. - En 1870, Malbranche de Rouen ajoutant à ses propres observations les matériaux déjà réunis par Auguste Le Prévost, Delise, Pelvet, et surtout -De Brébisson avait publié le Catalogue descriptif des Lichens de la Normandie. Cet ouvrage commencé à l'instigation d'Auguste Le Prévost et de Camille Montagne est très précieux pour l'époque où" ,il parut, mais il suppose déjà comme les grands ouvrages 264" NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER de Fries et de Nylander une certaine connaissance de la Lichénologie. ' * Un livre élémentaire destiné à donner la clé de tous ces trésors, l'humble flore analytique et dichotomique, qui offrirait au débutant un fil précieux pour le conduire dans le dédale de ces espèces si nombreuses et souvent si rapprochées, était toujours à l'état de projet. M. Husnot venait de publier sa Flore des Mousses du Nord-Ouest et son Hepaticologia gallica où, afin de faciliter l'étude de ces végétaux, iî avait, le premier en France, ajouté aux descriptions des clés analytiques réservées jusqu'alors aux phanérogames. M. Olivier voulut introduire cette méthode nouvelle dans la lichénologie, autrement dit, compléter son Herbier de l'Orne par un travail, qui en aplanissant les piemières difficultés rendrait cette étude accessible à tous. Aussi sa Flore débute par des notions élémentaires sur l'anatomie et la physiologie des Lichens accompagnées de dessins très bien exécutés, qui permettent au lecteur de se rendre un compte plus exact des indications théoriques données dans le texte. Puis, en vrai praticien, l'auteur entre dans les détails les plus circonstanciés sur la récolte et l'analyse des végétaux, les instruments nécessaires, l'emploi de la loupe, du scalpel, du microscope, des réactifs chimiques si usités aujourd'hui, la préparation de l'herbier. Les descriptions sont faites avec le plus grand soin ; bon nombre d'auteurs se contentent de puiser dans les livres d'autrui ; M. Olivier a voulu tout vérifier pas un seul des caractères indiqués, qui n'ait été de visu observé par lui. S'il cite toujeurs dans la synonymie un grand nombre d'auteurs et s'efforce de rendre justice à chacun, ce qui prouve sa grande érudition et sa probité, il ne le fait cependant qu'à bon escient, c'est-à-dire après avoir constaté par lui-même le bien fondé de leurs affirmations. Le titre de l'ouvrage est Flore de VOme et des départements circonvoisins, c'est qu'en effet à notre département l'auteur ajoute la Seine-Inférieure, l'Eure, le Calvados, la Manche,. la Mayenne et la Sarthe, ce qui lui a permis de décrire un plus grand nombre d'espèces et ainsi d'établir les tableaux NOTICE SUR M. L'ABBÉ H..OLIVIER 265 analytiques et la répartition, géographiques sur des bases plus larges. Si je donne tant de*détails bibliographiques sur un livre déjà vieux de quarante ans c'est qu'il reçut partout le meilleur accueil ; qu'il devint rapidement le Vade-Mecum des amateurs de Lichénologie, qu'il fut bien vite épuisé et qu'aujourd'hui, simple livre d'occasion, il est encore recherché des spécialistes, tant ces matières souvent difficiles sont, exposées avec ^clarté. Un botaniste américain écrivait le 15 novembre 1883 Je viens de recevoir le livre de M. l'abbé Olivier. Ce travail me fait le plus grand plaisir. C'est ce qu'il faut à tout commençant, qui veut étudier les Lichens. Sans clef dichotomique on navigue à tâtons et la lichénologie devient un inextricable fouillis. Ce livre pour moi est un précieux fil d'Ariane pour me conduire dans le dédale des espèces. Nylander, Fries et Cle auraient bien dû en faire autant. C'est le seul moyen de ne pas rebuter les débutants. Ils ont travaillé non pour ces derniers, mais pour des savants comme eux, auxquels l'initiation des maîtres n'avait pas manqué ». Cette Flore des Lichens de'VOrne, bien qu'imprimée à Mortagne, fut distribuée par fascicules dans la de Botanique, qui venait de se fonder à Auch et contribua pour une large part au succès de ce périodique. ' - ' M. Olivier fut dès lors reconnu comme un maître en lichénologie ; son ouvrage consacra sa réputation aussi de toutes parts lui arrivaient à déterminer des échantillons reçus d'ailleurs avec l'accueil le plus empressé. Ces matériaux, en effet, amassés jour par jour lui permettaient, en augmentant ses collections, d'étendre le champ de~ ses études et il fut bientôt en mesure de publier ses monographies toujours recherchées des Cladonia, des Parmelia et des Pertusaria de la flore française. Cependant c'est sur l'Ouest qu'il possédait le plus de documents ; en outre de ses recherches personnelles dans l'Orne et le Calvados, il avait des correspondants, qui lui livraient toutes les richesses du Maine, de la Bretagne et de la Vendée. C'étaient le docteur Viaud-Grand-Marais et 266 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER l'abbé Dominique à Nantes,, l'abbé De La Godelinais à Fougères, M. Monguillon alors instituteur à Sainte-Sabine Sarthe, M. Houlbert longtemps professeur au collège d'Evron Mayenne, le docteur Picquenard dans le Finistère, l'abbé Guillonvarc'k dans le Morbihan, J. Richard dans les Deux-Sèvres. Son correspondant le plus assidu paraît avoir été le docteur Viaud-Grand-Marais, professeur à l'École de médecine de Nantes, bien connu par ses travaux sur la flore et la faune de sa région 1. Il récoltait lui-même beaucoup de Lichens, en recevait de différents points de la France, parfois même d'Amérique, mais n'ayant pas le loisir de les étudier, il les confiait à son ami. Je dis son Ami, car au bout d'un an de correspondance les lettres du docteur prennent une tournure familière. ïl appelle l'abbé Olivier mon cher curé, mon bon curé, mon vénéré ami » ; il lui écrit le 13 septembre 1883 Le hasard ou plutôt la providence du bon Dieu m'a fait rencontrer à Noirmoutier un de vos amis, M. l'abbé D., je crois, professeur au Séminaire de Sées et nous avons fait ensemble une miellée pour prendre des papillons... Que j'ai regretté que ce ne vous. » Plus tard il l'invite à venir à Nantes, à l'accompagner à Noirmoutier, à l'île d'Yeu, cette dernière bien connue des lichénologues depuis les travaux de Weddel, mais malgré ces sollicitations pressantes, malgré l'attrait des excursions, l'abbé Olivier ne put se résigner à quitter sa résidence. Retiré en lui même, isolé du monde autant que le lui permettait son ministère, il s'était imposé une vie de bénédictin. C'est à peine si malgré notre liaison ancienne et toujours des plus intimes j'aj pu l'attirer une seule fois à Alençon. . C'était le 2 mai r899 Mgr Léveillé qui dirigeait au Mans le Monde des Plantes et le Bulletin de VAssociation française de Botanique2, deux périodiques auxquels M. Olivier prêtait 1 Cf. E. GADECEAU, Notice sur la vie et les travaux de Ambroise ViaudGrand-Marais avec portrait. Bull, de la Soc. des Se. nat. de l'ouest de la France, 2e'trimestre 1913, pp. 88-110. ' 2 D' DELAUNAY, un botaniste manceau. Hector Léveillé 1863-1918. Bulletin de l'Académie de Géographie botanique, 1919, p. 57-96 . NOTICE .SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER 267 une très active collaboration, venait explorer la région de Saint-Cénery. Je décidai M. Olivier à se réunir à nous pour visiter ce village, pittoresquement assis sur un roc granitique au confluent de la Sarthe et du Sarthon, et étudier sa flore si riche, due à la variété des conditions physiques et chimiques du sol. LÏ temps fut splendide et M. Olivier fit une excursion des plus fructueuses. Avec lui du reste le travail ne perdait jamais ses droits, car après un rapide coup d'oeil sur les curiosités naturelles et sur l'église, ce beau spécimen de l'architecture romane, qui lui rappelait son église d'Autheuih il prit son marteau et son ciseau et alla s'installer sur les rochers bien connus des Toyèresl qu'il jugeait d'après leur exposition plus fertiles en Lichens, et y passa toute la journée, ce qui lui permit de publier une liste, qui contient un certain nombre d'espèces peu communes. - M. Olivier avait fait paraître en 1897 le premier volume de son Exposé des Lichens de VOuest, qui fut imprimé à Montligeon ; la publication du second, inséré par fascicules dans le Bulletin de VAssociation française de Botanique, demanda près de trois ans. Cet ouvrage par ses qualités de méthode, de précision, de clarté continuait la tradition des précédents. Les clés analytiques des genres et des espèces reposent sur des caractères faciles à constater ;-les descriptions sont faites avec cette sobriété judicieuse, qui consiste à donner à chaque partie le relief qui lui convient ; l'action des réactifs sur les lichens est très exactement indiquée, mais à juste titre présentée comme une bonne note auxiliaire, insuffisante pour distinguer mie espèce, si elle ne coïncide avec quelque caractère morphologique. La géographie botanique, complément ordinaire de toute bonne flore, est traitée avec détails stations, conditions physiques et influence minéralogique du sol, région d'habitat, localité pour les plantes rares ; rien n'est omis. - "L'Exposé systématique se répandit bien vite non seulement en France, mais en Europe et, s'il contribua dans une 1 Situés sut la rive droite de la Sarthe, ces rochers, distants de quelques centaines de mètres de l'église de Saint-Cénery, appartiennent à la commune de la Poôté Mayenne. 268 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER large mesure à vulgariser la lichénologie, il fit en même temps reconnaître au loin la maîtrise de l'auteur. Bientôt d'Angleterre, d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie, d'Espagne lui arrivaient des documents à' déchiffrer. Il reçut aussi quelques envois d'Asie et d'Amérique. C'étaient des collections recueillies dans des régions jusqu'alors inexplorées au point de vue lichénologique, qu'on lui demandait d'étudier, des espèces nouvelles à reconnaître et à décrire, des espèces critiques pour lesquelles on sollicitait son avis. Aussi son herbier jusqu'alors limité à la flore française s'accrut de façon à lui permettre d'agrandir encore le champ de ses recherches et de l'étendre à toute l'Europe. Dès ce moment M. Olivier semble avoir renoncé, je ne dis pas à tout voyage il n'en fit jamais beaucoup, ni de bien longs, mais même aux excursions dans notre région. Il se de plus en plus à Bazoches, où le retenaient ses fonctions et ses études il faut dire aussi que la marche lui était devenue assez pénible. A part les devoirs du ministère, qu'il remplissait d'ailleurs avec une exactitude exemplaire, toutes ses journées se passent dans son cabinet de travail la matinée est employée aux études microscopiques et l'aprèsmidi à la rédaction des observations. Il commence alors ses publications sur la flore d'Europe ; d'abord, à la demande de M. Corbière, pour les mémoires de la Société des sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, la liste de toutes les espèces et variétés avec clés analytiques et considérations sur leur répartition géographique, qui témoignent non seulement d'études morphologiques approfondies mais aussi d'une grande érudition botanique. Puis ce sont ses monographies des genres Lecidea Pertusaria, Opegrapha, Biatorella, Arthonia, Polyblastia, toutes rédigées sur le même plan, et dans lesquelles il faut louer uniformément le soin avec lequel il s'applique à donner des descriptions très brèves, mais suffisantes pour bien déterminer l'espèce et à indiquer avec précision les stations, la distribution géographique, la quantité de dispersion et les réactions chimiques. Il avait commencé dans les mémoires de l'Académie de Barcelone la publication d'un Prodrome de tous les lichens européens, et il est regrettable qu'il NOTICE SUR H. OLIVIER ; _ 269 n'ait pu donner que les lichens fruticuleux et foliacés, car nul n'était mieux préparé que lui à traiter ce; sujet d'une façon complète et avec plus de succès. En jetant un coup d'oeil sur l'ensemble des travaux de M. l'abbé Olivier je ne parle que de ses imprimés, car il a laissé de très nombreuses notes manuscrites,parmi lesquelles on pourrait recueillir bien des observations dignes d'être publiées, en jetant, dis-je, un coup d'oeil sur cet ensemble, exsiccata, oeuvres de vulgarisation, flores, monographies de genres, on reconnaîtra que depuis Fries et Nyiander aucun n'a apporté à l'étude de cette classe de végétaux une contribution aussi imposante, et que ces travaux assurent à leur auteur une des premières places parmi les lichénologues de notre temps 1. * * * Ainsi M.. l'abbé Olivier, loin de disperser son activité naturelle, eut l'énergie delà concentrer sur un seul objet, ou suivant l'expression courante de se spécialiser. Voilà qui explique le succès de ses travaux ; il a vulgarisé l'étude des lichens, recueilli quantité de faits .inédits sur leur structure et leur répartition géographique, reconnu et décrit des espèces et variétés nouvelles, et souvent ouvert la voie à des recherches plus hautes. Pour obtenir ces résultats, il a fallu sans doute une attention constante, une patience que ne rebute aucun obstacle, mais la nature ne livre ses secrets qu'à ceux qui les arrachent. Qu'on ne se figure pas d'ailleurs que ce travail soit dénué d'intérêt, que l'observateur penché sur son microscope puisse être comparé à l'esclave condamné aux mines. Rien n'est plus faux. Contempler la nature, analyser les phénomènes, y chercher des causes, et des lois, et des lois remonter au législateur suprême, voilà pour le naturaliste la source des plus vives jouissances, et ce qui fit le charme de la vie de M. Olivier. 1 Letacq, Rapport sur le mouvement scientifique Sciences naturelles. Assises dé Caumonl, S" session, Caen, 9 juin 1913, Caen, E. Lanier, 1913, m-8°;p. 42. ' . 270 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER Ces travaux lui méritèrent plusieurs récompenses il fut président de la Société française de botanique, lauréat de l'Académie de géographie; botanique et de plusieurs sociétés savantes, correspondant de l'Académie de Barcelone, de la Société espagnole d'histoire naturelle, etc. ; en 1912 à la suite du'congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne, il reçut les palmes académiques. Mais il faut bien le dire, toutes ces distinctions le laissaient assez indifférent ; il semblait avoir fait sienne la devise d'un naturaliste anglais Ne demandez à ce monde que du travail c'est -encore ce qu'il peut vous donner de mieux. » * * * Tout entier à ses devoirs et à ses recherches scientifiques, M. l'abbé Olivier se montrait d'un désintéressement absolu. On peut dire qu'il eut deux grandes passions celle du travail et celle de la charité. D'une extrême simplicité de vie, il devenait prodigue, quand il s'agissait d'aider mie oeuvre pieuse ou de secourir l'infortune ; ses mains étaient toujours ouvertes et il suffisait de lui exprimer un désir pour qu'il y répondît généreusement. .Il donnait aux pauvres, et s'il eût voulu être riche, c'eût été-pour domier davantage... Et c'est parce qu'il était désintéressé... que d'autres personnes non moins généreuses et plus riches se plaisaient à lui venir en aide. » Rien n'égalait son désintéressement si ce n'est son obligeance. Rendre service à un confrère le rendait heureux, et il se montrait toujours empressé de mettre sa science au service des botanistes. Le docteur Viaud-Grand-Marais, qui le consultait souvent pour déterminer ses récoltes lichénograpliiques, lui écrivait le 8 avril 1884 Vous êtes de tous mes correspondants le plus coirmlaisant et le plus actif veuillez donc me pardonner de vous bombarder ainsi de mes envois. » La douceur et la bienveillance de M. l'abbé Olivier lui gagnaient toutes les sympathies ; sa figure un peu anguleuse ne reflétait nullement les traits de son caractère et partout où il a passé, il n'a laissé que des amis. - NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER '" 271 Est-ce à dire que cette existence entièrement vouée au ministère ecclésiastique et aux études scientifiques fut exempte d'épreuves ? M. Olivier n'échappa pas à la loi commune certaines rumeurs lui furent pénibles ; il eut parfois à subir d'amères humiliations. Il supporta toutes les injustices sans se plaindre, mais ne connut point le découragement. Le travail lui fut un refuge où les chagrins et la souffrance semblaient rajeunir un zèle, qui ne vieillit jamais. La vie de périls et d'inquiétudes, écrit un pieux auteur 1, une étude constante et passionnée est comme un ange de Dieu? qui console, protège et rassure 2. » M. Olivier laisse donc une oeuvre et un exemple. * * * Les obsèques de M. l'abbé Olivier furent célébrées le 6 octobre dans l'église de Bazoches et présidées par M. le doyen de Putanges, assisté de M. le chanoine Bidard, supérieur de l'école Saint-François-de-Sales à Alençon, à laquelle le défunt a légué sa bibliothèque et son herbier ; de M. le chanoine Gougeon, curé des Tourailles ; de plusieurs de ses condisciples et amis, entre autres M. l'abbé Dumans, curé de Crulay, et des prêtres du canton. L'église était remplie comme au jour des plus grandes solennités on peut dire que toute la paroisse était là. Chaque famille du moins avait tenu à se faire représenter à la cérémonie, témoignant ainsi de sa respectueuse estime, de sa reconnaissance et de ses regrets pour le prêtre qui, pendant près de quarante années, avait exercé un si fructueux ministère, et donné l'exemple d'une vie si studieuse. Nous avons remarqué dans l'assistance M. le sénateur Oriot, conseiller général de l'Orne, maire de Bazoches, entouré de son conseil municipal; M. le baron des 1 MOUSSARD l'abbé, Le Prêtre et la Vie d'étude, Paris, Bretaux, 1890, in-8°, p. 256. — Cf. L'Elude et le Prêtre par Mgr de la Porte, ancien évêque du Mans, dans la revue L'Union apostolique, mars 1923, pp. 68-71. 2 La dernière lettre, qu'il m'adressa, 28 mai 1922, se terminait ainsi s Ma santé devient de plus en plus mauvaise, un asthme me coupe la respiration au moindre effort que je fais ; l'enflure des jambes me permet à peine de me tenir debout, it Domine, da robur, fer auxilium et j'ube quod vis. ». NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER 272 Rbtours, secrétaire général de la Société historique et archéologique de l'Orne, et plusieurs notabilités de la région. Dans une allocution très goûtée, M. le Doyen déposa sur le cercueil du défunt un éloge mérité et en dégagea de salutaires leçons. Il montra en M. Olivier le prêtre fidèle jusqu'à la mort à son règlement de séminariste; il fit ressortir le soin qu'il mettait à préparer ses instructions toujours intéressantes et solides, son zèle pour les catéchismes, son désintéressement et surtout le bon usage qu'il fit des dons que Dieu lui avait départis, en se livrant avec tant d'ardeur à l'étude des sciences. La vie de M. Olivier prouve une fois de plus que le succès ne s'obtient que par la continuité dans l'effort, et que dans la condition la plus modeste, et quelqu'isolé qu'il soit, le travailleur intelligent et consciencieux finit toujours par recevoir sa récompense, les applaudissements et la vénération de tous, alors même qu'il ne la demande pas 1 ». Elle montre en outre que l'étude est pour le prêtre le moyen d'occuper ses loisirs le plus utile à l'Église, le plus honorable pour lui et pour le corps auquel il appartient et sa meilleure sauvegarde au milieu du monde. N'est-ce pas d'ailleurs la remarque d'Ozanam Grégoire VII, dit-il voulant un clergé saint ie voulut savant. » A. LETACQ. 1 E. Forbes'; cité par Louis Figuier dans sa Notice sur le zoolagiste Michel Sars. L'Année scientifique, 1870-71, p. 546. LISTE DES ÉCRITS DE M. L'ABBÉ OLIVIER — Excursion botanique à la Grande-Trappe Orne. — Feuille des Jeunes Naturalistes, 7e année, Paris, A Dollfus, 1er mars 1877, p. 60. — Tableau ' dichotomique des genres de Lichens croissant en Normandie dressé sur le Catalogue de Malbranche. 3e série, 2e vol. 1877-78, p. 392-397. — Organographie des Lichens d'après les auteurs. Feuille des Jeunes Naturalistes, 8e année, 1er février 1878, p. 38-41, 1er mars, p. 55-58. Tir. à part, Rennes, Impr. Oberthûr, in-8°, 7 p. — Etude et analyse des Lichens. Ibid., 1er septembre 1878, p. 144-146. — Les CLADONIA de la Flore normande. Idib., 10e année, 1er avril 1880, p. 74-76. — Tableaux analytiques et dichotomiques de tous les genres et espèces de Lichens décrits dans le Lichenographia scandinavica de Th. Fries. Mortagne, Impr. Daupeley, Autheuil Orne, chez l'auteur, 1881, in-8°, 40 p. — Herbier des Lichens de l'Orne et du Calvados. Cette publication comprend 9 fascicules, chacun de 50 espèces, 1880-84. Bazoches-au-Houlme ; Autheuil. — Flore analytique et dichotomique des Lichens de l'Orne et départements circonvoisins précédée d'un Traité élémentaire de Lichénographie avec vingt-deux figures lithographiées. Unaquseque forma est propria species habenda si et quamdiu formis evidenter mediis non esse cum aliis connexa reperitur. Th. Fries, Lich. scand. P- nT. 1er, Autheuil Orne ; chez l'auteur ; Mortagne, Impr. Daupeley, 1882, in-8°, 120 p. et 1 pi. T. II Mortagne, Impr. Daupeley ; en vente à Autheuil Orne, chez l'auteur ; Paris, Savy,libr, édit.,Boulevard Saint-Germain, 77 ; Berlin, Friedlon, der et Sohn, Carlstrasse, il, 1884, in-8°, comprenant une clé analytique des Genres, p. I-IV, et la suite du 1er vol. p. 127-312 et 1 pi. Cet ouvrage fut distribué par fascicules dans la Revue de Botanique, bulletin mensuel de la Société française de Botanique, Auch, Gers, T. I et II, 1883-84. ' e 274 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER — Premier supplément à l'ouvrage précédent Revue de Botanique, t. III, 1884-85, Auch, G. Foix, in-S°, 4 p. — Substratum des Lichens réponse à M. Jules Richard ; Ibid., t. III, p. 108. — Bibliographie Exposition systématique des Lichens de Cauterets, de Lourdes et de leurs environs. Ed. Lamy de la Chapelle. Ibid., t. III, p. 169. — Etude sur les Cladonia de la Flore française. Ibid., t. IV, 1885-86, p. 212-259. Tir. à part. Tir. à part, Auch, Impr. et Lith. G. Foix, 1886, in-S°, 46 p. — En vente chez l'auteur à Autheuil Orne. — Glossologie Hellénique ou vocabulaire alphabétique et raisonné des principaux termes spéciaux à l'étude de la Lichénologie, Ibid., t. VII, 1888-89, p. 32-59. Tir. à part, Auch, G. Foix; Bivilliers Orne, chez l'auteur, 1888, in-8°, 31 p. — Etude sur les Pertusaria de la Flore française. Ibid., t. VIII 1890, p. 9-24. Tir. à part, Toulouse, Impr. Vialelle, 1890, in-8°, 16 p. — Deuxième supplément à la Flore des Lichens de l'Orne et des départements circonvoisins. Ibid., t. X 1892, février p. 611624 ; mars p. 625-640. Tir, à part, Toulouse, Impr. Vialelle, in-8°, 40 p. — Etude sur les principaux Parmelia, Parmeliopsis, Phyxia, Xanthoria de la Flore française, Ibid., t. XII 1894, n°s de février, mars et avril, p. 51-99. Tir. à part, Toulouse, Impr. Vialelle, 1894, in-8°, 52 p. — En vente chez l'auteur à Bazoches-au-Houlme Orne. — Exposé systématique et description des Lichens de l'Ouest et du Nord-Ouest de la France Normandie, Bretagne, Anjou, Maine, Vendée. T. 1er, Bazoches-au-Houlme Orne chez l'auteur ; Paul Klinsieck, Paris, 1897 in°8, XXXIV-352, et une page d'Errata graviora. Impr. La Chapelle-Montligeon Orne. T. II. Bazoches-au-Houlme; Paris, Paul Klinsieck ; 1899-1902, in-8°, 426 p. — Publié par fascicules dans le Bulletin de l'Association française de Botanique, Le Mans, Monnoyer. — Les réactifs chimiques en Lichénologie, Le Monde des Plantes, - organe de l'Académie de géographie botanique, n° 102, 1er mai. 1898,. p. 216. — Lichens du Chili, Ibid., n° 105-106, 1er août-septembre 1898, p. 193. — Contribution à la flore cryptogamique de la Mayenne. Bull, de géographie botanique, 1899, p. — Liste de Lichens trouvés sur les rochers de Toyères. — Supplément au premier volume de l'Exposé systématique NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER .275 des Lichens de l'Ouest et du Nord-Ouest de la France, Bazochesau Houlme, Paris, P. Klinckieck. 1900, in-8°, 32 p. — Extr. du Bull. Ass. fr. de Bolanjquc, Le Mans, Monnoyer. — Quelques Lichens saxicoles des Pyrénées, récoltés par feu le docteur Goulard et déterminés par l'abbé H. Olivier. Bull, de Gêogr. Botanique, 1900. Tir. à part, Le Mans, Monnoyer, 1900, in-8°, 19 p. — Ce travail est précédé d'une Notice biographique sur le docteur Goulard, p. 1-3 du tir. à part. — Quelques notes sur la structure des Lichens et leur étude pratique. Bulletin de la Société pour la diffusion des sciences physiques et naturelles, 1er février 1899. Tir. à part, Pons, Impr. Noguès, 1899, in-8°, 30 p. — Un Lichen nouveau pour la flore universelle Endocarpon Nanlïanum, H. Oliv. Bull, de Géogr- Bot, 1903, p. 568. — Lichens du Kouy-Tchéou.' Ibid., mai 1904, p. 193-196. •— Les principaux parasites de nos Lichens français. Paris, Paul Klincksieck, 3, rue Corneille, 1906, in-8°, 97 p. •— Extrait du Bull. Géogr. Bol., Le Mans, Monnoyer. — Les principaux parasites de nos Lichens français. Premier supplément. Le Mans, Monnoyer, 1907, in-8°, 24 p. — Extr. du Bull. Géogr. Bot — Lichens d'Europe. Enumération, stations et distribution géographique avec clef dichotomique des genres et des espèces. Mémoires de la Société des Sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, l<* fascicule. T. XXXVI, 1907, p. 75-274, et 2e fascicule, t. XXXVII, 1909, p. 27-200. Tir. à part des deux fascicules, Cherbourg, Emile Le Maoult ; mêmes dates et même pagination. — et géographique des Lécidées de la flore d'Europe. Bull. Géogr. Bol., juillet 1911, p. 156-210. Tir. à part, Le Mans, Monnoyer, 1911, in-8°, 54 p. — Les Pertusaria de la flore d'Europe, Le Mans, Monnoyer, 1912, in-8°, 25 p. — Extr. du Bull. Géogr. bot. — Les Opegraphia de la flore d'Europe. Etude synoptique, descriptive et géographique. Bazoche-au-Houlme Orne, chez l'auteur ; Léon Lhomme, éditeur, Paris, 3, rue Corneille, 1914, in-8°, 24 p. Extr. du Bull, géogr. bot., Le Mans,' Monnoyer. — De Biatorellis europseis brevis cominentatio. — Distributio geographica. — Publicado en agosta de 1914, Barcelona, Lopez Robert, 1914, in-fol. Extr. des Mémoires de la Real academia de Ciencias varies de Barcelona. Tercera epoca, vo. XI, unm. 15. — Les Lecidea de la flore d'Europe. Etude synoptique et géographique. Bull, geogr. bot, noS 309-312, septembre-décembre 1915. Tir. à part, Le Mans, Monnoyer ; Paris, Léon Lhomme, 3, rue Corneille, 1915, in-8°, p. 93-183, 276 NOTICE SUR M. L'ABBÉ H. OLIVIER — Les Arthonia de la flore d'Europe. Le Mans, Monnoyer, 1917, in-8°, 28 p. — Extr. du Bull, geogr. bot. — Les Lichens pyrénocarpés de la flore d'Europe. Bull, bot, janvier-mars, 1919, p. 6, avril-juin, p. 35-48. Juillet-décembre, p. 97-110 et une table des matières. — Prodromus Lichenum europoeorum. — Fruticulosi et foliacei. — Adjunetis tabulis analyticis cum omnium varietatum formarumque descriptione. — Publicada en novembre de 1921. Barceona, Lupez Robert, 1921, in-fol.", 91. Extr. des Memorias de la Real Academia de Ciencias y Artes de Barcelona. Tercera epoca, vol. XVI, num. XIV. Articles publiés sur M. l'abbé H. Olivier. — Allocution prononcée le 6 octobre 1923 par M. l'abbé Guerret, curé-doyen de Putanges, dans l'église de Bazoches-au-Houlme, aux obsèques de M. l'abbé Olivier précédée de quelques notes biographiques. Semaine catholique de Séez, n° du 27 octobre 1922, p. 685-688. — Un modeste savant M. l'abbé Henri Olivier. La Croix de l'Orne, n° du 22 octobre 1922 anonyme. — M. l'abbé H. Olivier. Bull, du Syndical Agricole d'Autheuil, par Tourouvre Orne. 4e trimestre, 1922, p. 5. Notice par M. Félicien Lande. •— Nécrologie. M. l'abbé Olivier, Le Monde des Plantes, Agen Lot-et-Garonne, Ch. Dufour, n° de septembre-octobre 1922, p. 1. M. l'abbé Letacq. Article reproduit dans YAlmanach de l'Orne, 1923, p. 89. — Nécrologie. M. l'abbé Olivier. Bull. Soc. Linn. de Normandie, 1922, procès-verbal de la séance du 29 novembre 1922 ; section d'Alençon, p. 67. TABLE DES MATIÈRES I" et 2e Bulletins Membres du Bureau depuis l'origine v Bureau et comité de Publication. vu Commission du Musée ; commission des Conférences vin Membres titulaires vin Sociétés savantes xxxi Sociétés étrangères xxxvProcès-verbaux xxxvProcès-verbaux Séances de la Société 29 janvier24 janvier24 1925 1 Compte rendu moral et financier de la Société pour 1924... 29 Excursion de la Société Historique et Archéologique de l'Orne dans le Lieuvin, le Roumois, la plaine du Neubourg et le pays de Caux, par le Comte BECCI 35 Première journée lundi 25 août 35 Deuxième journée mardi 26 août 51 Troisième journée mercredi 27 août 99 Quatrième journée jeudi 28 août 147 Bibliographie 165 Liste des Membres de la Société présents à l'excursion. 167 Les origines et la formation normandes de Frédéric Le Play, par M. Jean ADIGARD DES GAUTRIES 169 Jacques Daviel 1693-1762, par René ONFRAY 177 3e et 4e Bulletins Procès-verbaux des Séances de la Société 17 juin15 juin15 1925 • 193 Manoir des Landes, par le Comte DU MESNIL DU BUISSON. 214 Essai historique sur la paroisse de Mortrée par M. l'abbé SEVRAY 218 Notice sur M. l'abbé H. Olivier, de Bazoches-au-Houlme, botaniste, par M. l'abbé A. LËTACQ 258 Liste des écrits de M. l'abbé Olivier, par M. l'abbé A. LETACQ. 273 Table des Gravures Portrait de L. de La Sicotière Couv. Pont-Audemer Eglise Saint-Ouen 34 — Ruines de l'église Notre-Dame du Pré.... 44 Appeville dit Annebault Portail de l'église 51 L'entrée et la tour du Bec 59 Château du Vieil-Harcourt 66 Ancien plan du château d'Harcourt 08 Château d'Harcourt.. 70-72 Château du Champ-de-Bataille 76-79-80 Sainte-Croix 91 Notre-Dame de la Couture 95 En bas, vers Caudebec 99 Caudebec Arrivée en bac 100 Jumièges Entrée de l'abbaye 102 Vue générale de l'abbaye royale de Jumièges, telle qu'elle existait en 1678 * 103 Plan des ruines de l'abbaye de Jumièges 108 Jumièges Vue orienlatale des ruines de l'abbaye prise du logis abbatial en 1823 110 Saint-Wandrille Couronnement du lavabo du cloître 115 — Vue de l'abbaye et du village du même nom prise de la chapelle Saint-Saturnin. 116 — Plan de l'abbaye 118 — Lavabo du cloître 120 — 122 — Vue du cloître 123 — Vue générale des ruines 126 _ 127 Caudebec Vue de la porte Maulevrier 130 Bac du Port-Jérôme, vers Quilleboeuf j 37 Vue de Quillebceul 139 La Tour romane. 143 TABLE 279 Honneur Le vieux Port. La Lieutenance 147 — La Lieutenance 150 — Nolre-Dame-de-Grâce 158 Château de Barnevillc. 160 Statue de Jacques Daviel à Bernay 179 Reproduction d'une planche du premier Mémoire_de Daviel. 190 — — — — 191 Pavés du manoir des Landes 214 Inscriptions funéraires de Jeanne Brémenson et de Michel . du Mesnil, son fils, enterrés dans l'église de La LandePatry... , 217 Le gérant F. GHISAHD. Alençon. — Imprimerie Aleiiçonnàise, 11-13, rue des Màrcheries.
PompesFunèbres GAUQUELIN - Le Choix Funéraire (14) 120 rue Saint Martin, 14110 Condé-sur-Noireau Présentation Services Prix Horaires Présentation Les agences Pompes Funèbres GAUQUELIN sont situées dans la ville de Condé-sur-Noireau, dans le département du Calvados (14). Services Religion : ne sait pas Soins de conservation
Une ambiance électrique animait les 400 spectateurs du gala de boxe de Condé-sur-Noireau Calvados. Ce gala était organisé par les membres du club pugiliste de Condé-sur-Noireau Calvados, présidé par Christian Gauquelin. Une fois de plus, ils ont sorti le grand jeu pour que cette soirée soit une réussite totale. Des combats aux résultats serrés Quatorze combats étaient au programme de ces demi-finales du championnat de Normandie de boxe amateur élites, juniors et séniors. "Tous les combats ont été très serrés. Le travail des juges n'a pas été facile car tous les boxeurs voulaient être qualifiés en finale, samedi prochain, au Havre", a témoigné Christian Gauquelin. Les gagnants qui auront le plaisir d'y aller sont catégorie junior - 60 kg Clément Pellan Wess de Carentan Manche et Yassin Nehili, - 64 kg Badr Atmani de Rouen Orne ; - 69 kg Romain Lehot de Carentan Manche ; catégorie cadette fille - 57 kg Sidgey Veiss de Carentan Manche ; catégorie Séniors - 60 kg Bastien Brulard de Condé-sur-Noireau Calvados, Jordan Djaba de Vire Calvados ; - 64 kg Antoine Bouteiller de Barentin Seine Maritime ; - 69 kg Poaty Zeffou de Coutances Manche, Keanu Klose du Koaching BC ; - 75kg Lancelot Proton de la Chapelle de Beuzeville Eure, Zacaria Sidibe de Gisors Eur ; - 81 kg Eddie Gomes du BC St Lois et Salim Kherbouche d'Argentan Manche. A LIRE très belle victoire de Thomas Lacroix à Condé-sur-NoireauSacré champion de NormandieUne victoire de pluspour Thomas Lacroix
Avisde décès de l'Orne. Consultez le journal des derniers avis de décès publiés dans le département d'Orne. Vous avez la possibilité de rechercher facilement un avis de décès plus ancien et d’affiner votre requête (par nom et prénom du défunt ; ville ou code postal).
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Lesderniers avis de décès de la commune de Ronfeugerai. Vous trouverez ci-dessous la liste des avis de décès publiés dans la commune de Ronfeugerai, ainsi que les avis de messe, les remerciements, les avis souvenir et les hommages.Vous aurez plus de détail en cliquant sur le nom du défunt. Vous pouvez élargir votre recherche en
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See other formats *l Aà / r r L ""V LA FIN DE L'ANCIEN REGIME DANS LA GÉNÉRALITÉ DE CAEN 1787-1790 Digitized by the Internet Archive in 2013 Société de L'Histoire de la Révolution Française LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME ET LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION DANS LA GÉNÉRALITÉ DE GAEN 1787-1790 PAR FÉLIX MOURLOT Inspecteur d'Académie, Membre de la Société / 14- 1 °l fe °! r J*'lï PARIS, AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ 3, RUE DE FÙRSTENBERG, 3 1913 611 BIBLIOGRAPHIE Il me paraît indispensable de donner comme préface au présent travail une notice bibliographique très détaillée, afin de détruire les préjugés qui ont eu cours pendant un temps assez long sur la pauvreté de la documentation relative à l'histoire de la fin de l'ancien Régime et des débuts de la Révolution en France. La Révolution radicale... qui nous sépare de l'Ancien Régime en a obscurci, écrivait Tocqueville, tout ce qu'elle n'en détruisait pas. » * Et, renchérissant sur Tocqueville, Doniol ajoutait La Révolution française a jeté dans une nuit profonde tout ce qu'elle a détruit... La France de 1788 est hors de notre intel- ligence, comme hors des faits. Le moyen-âge n'a pas de coin plus obscur. » * La lecture de cette bibliographie suggérera une conclusion toute différente. Le nombre et l'importance des dépôts consultés, l'abondante masse des documents mis en œuvre, prouveront que la matière est plus riche qu'on ne l'avait cru, et que les histo- riens disposent de moyens d'information assez étendus et assez précis sur cette période. L'on examinera successivement A, les documents contenus dans les divers dépôts d'archives; — B, les documents manuscrits conservés dans les bibliothèques publiques ou privées ; — C, les travaux imprimés. A. — DOCUMENTS D'ARCHIVES Mes recherches ont porté sur six catégories de dépôts d'archi- ves, dont deux à Paris et quatre en province, savoir 1° les 1 A. de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, p. 89. 2 Doniol, La Révolution et la Féodalité, p. 1. VITI ARCHIVES NATIONALES Archives nationales ; 2° les Archives du Ministère des affaires étrangères ; 3° les Archives départementales de 1 départements de Normandie Calvados, Manche, Orne et Eure ; 4° les Archives communales de 11 villes et de 184 bourgs et villages de la Basse- Normandie ; 5° les Archives de deux greffes judiciaires du ressort de la Cour d'appel de Caen Caen et Coutances ; 6° des Archives privées. Les milliers de pièces que la consultation de ces divers dépôts m'a permis d'utiliser sont pour la plupart inédites 1]. I. ARCHIVES NATIONALES. Les Archives nationales sont riches en documents sur l'his- toire de la généralité de Caen de 1787 à 1790, surtout pour la seconde moitié de cette période &K J'y ai trouvé des renseignements utiles à la biographie du dernier intendant de Caen, Cordier de Launay, dans les séries suivantes E 999A n° 58. Collection formée par les secrétaires du Conseil, année 1725. — Ordonnance relative au paiement de l'office de receveur ancien et mi-triennal des tailles de l'élection de Paris, acquis par Jacques-René Cordier de Launay. grand- père de l'intendant de Caen, 7 avril 1725. E 1066B n° 95. Ibid., année 1731. - - Arrêt du Conseil des finances, du 20 février 1731, relatif à l'acquisition définitive de cet office. P 2462, fol. 119 v°. Mémorial de la Chambre des Comptes de Paris, année 1751. — Pièces relatives à la gestion des comptes de Jacques-René Cordier de Launay comme ci-devant trésorier de l'extraordinaire des guerres, 7 août 1751. 1 J'ai fait un unique emprunt aux archives de l'église Catherine, à Saint-Péters- bourg, qu'un ami bienveillant, feu M. Loutreuil, ancien industriel à Moscou, a compulsées à mon intention. Un des registres de décès de cette église m'a fourni la date de la mort du dernier intendant de Caen, Cordier de Launay, émigré en Russie 24 janvier 18?0. 2 J'ai été guidé, au cours de mes dernières recherches, par le précieux travail de M. Ch. Schmidt, Les Sources de l'Histoire de France depuis 17H9 aux Archives j\atio- nales, Paris, 1907, Champion. — Je dois aussi de vifs remercîments à MM. Le Grand, sous -chef de section, Viard. et Mi rot, présidents de la salle de travail des Archives, dont la grande obligeance a facilité ma tâche. ARCHIVES NATIONALES IX P 2470, fol. 345 v° Ibid., année 1755. - Pièces relatives à la gestion du même comme ancien receveur des tailles et octrois de l'élection de Paris pour l'année 1725. 9 novembre 1755. P 2479, fol. 398 Ibid., année 1760. — Lettre de décharge à Anne-Thérèse de Croezer, veuve de Jacques-René Cordier de Launay, trésorier général de l'extraordi- naire des guerres, des amendes et intérêts prononcés sur les comptes de ladite trésorerie, 7 juin 1760. X 8738, fol. 500 Patentes et ordonnances diplomatiques. — Lettre de maintenance de noblesse pour le sieur Jacques-René Cordier de Launay et sa postérité, 8 mars 1736. Y 60, fol. 379 Publications du Châtelet. — Testament et codi- cille de Mme de Launay, épouse de M. Cordier de Launay, de son vivant trésorier de l'extraordinaire des guerres, 30 mai 1772. T 1613 Séquestre. — Inventaire des papiers appartenant à Cordier de Launay, émigré, rue du Faubourg-Pois- sonnière, ci-devant maître des requêtes et intendant de Caen, 3 thermidor an III. V1 466. Provisions de maître des requêtes pour Louis-Guillaume- René Cordier de Launay, 9 juin 177,'. La première partie de mon étude les huit premiers chapitres, relative à la situation de la généralité de Caen en 1787 et au condominium de l'intendant et de l'Assemblée provinciale, a emprunté des documents aux séries suivantes C 9 Assemblée des notables de 1788 et 13 Assemblées provin- ciales. Divhis 44 Papiers du Comité de division. Dvi 64 Papiers du Comité des finances. W 1408, 1420, 1453, 1455, 1584, 1585, 1587, 1588, 1589, 1593, 1594. 1595, 1597 et 1603. Généralités, Mélanges. Cette contribution est fort modeste, en comparaison de l'abon- dante documentation que les Archives départementales du Cal- vados m'ont fournie sur le même sujet. Pour la seconde partie de ce travail, du chapitre IX au cha- pitre XVIII Convocation des Etats généraux, troubles intérieurs, division de la généralité de Caen en départements, organisation X ARCHIVES NATIONALES administrative de ceux-ci, etc., les Archives nationales ont été, au contraire, une source d'information très précieuse. J'en ai utilisé les séries suivantes 1° Pour l'histoire de la convocation des Etats généraux dans les bailliages de Caen et de Coutances chap. IX, X et XI Ba 27 et 35 Originaux et minutes. Bin 40, 53 et 54 Transcriptions de pièces, série des bailliages ; 166, 167 et 174 Ibid., série des villes. C 14, 17 et 18 Procès-verbaux des assemblées électorales et pièces annexes. 2° Pour l'étude des progrès de la Révolution dans l'opinion publique, des troubles intérieurs, des retards dans la levée de l'impôt et des manifestations locales de la vie politique en Basse- Normandie chap. XII, XIII, XIV, XVII C 88 à 120 Adresses des villes et communautés à l'Assemblée nationale, 14 mai 1789-31 juillet 1790. Dvi 24, 38 et 43 Papiers du Comité des finances. Dxi 2 Papiers du Comité de liquidation. Dxin 4 Papiers du Comité d'agriculture et du commerce. Dxiv 2, 5 et 8 Papiers du Comité des droits féodaux. Dxxix 3, 8, 18, 20, 29, 30, 31, 32, 34, 40, 58, 78, 81, 83, 84 et 91. Papiers du Comité des rapports. Dxxixbis 2, 3, 4, 6 et 7 Papiers du Comité des recherches. F4 1051 Comptabilité. F? 36611, 36823 Police générale. F11 211, 215 Subsistances. H1 1453, 1455 Mélanges. 3° Pour l'étude de la division de la généralité de Caen en départements chap. XV Divhis 1, 2, 5, 10, 12, 21, 27, 55, 60, 90. Papiers du Comité de division. NN* 10, 12, 13. Procès-verbaux du Comité de division. NN 78, 112, 123. Cartes originales. 4° Pour celle de l'organisation administrative des départe- ments du Calvados, de la Manche et de l'Orne Div 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 21, 41. Papiers du Comité de consti- tution. ARCHIVES NATIONALES XI Flbn Calvados 1, Manche, 1, Orne 1. Personnel administratif. Flcm Série départementale. Calvados, 1 et 13 ; Manche, 1 et 12 ; Orne, 1. Esprit public et élections. 5° Pour le récit de la fête de la Fédération en 1790 C 189148, 15°, 152, 133. Procès-verbaux des Assemblées nationales et pièces annexes. Je crois utile de donner ici, pour l'intelligence des annotations de cet ouvrage, l'analyse détaillée des emprunts faits à ces diverses séries, en passant successivement en revue celles - ci dans l'ordre alphabétique. SÉRIE B Élections et votes. Ba 27, liasse 45, contient 181 pièces originaux et copies rela- tives à la convocation des Etats généraux dans le bailliage de Caen. Ces pièces sont réparties entre 18 dossiers. Ba 27, 1. 451. Extrait des délibérations de l'hôtel de ville de Caen du 30 septembre 1788 et du 11 octobre 1788. Mémoire adressé au garde des sceaux par les of- ficiers municipaux de Caen, le 22 octobre 1788, avec la lettre d'envoi. Lettre de Boismartin, député du bureau des finances au garde des sceaux et à Necker, 17 no- vembre 1788. — Extrait de la délibération du bureau des finances de Caen, du 10 septembre 1788. — Minutes de réponse du garde des sceaux aux officiers municipaux de Caen 27 octobre 1788 et à Boismartin 21 novembre 1788. Mémoire des six corps de la ville de Caen sur le doublement du Tiers état, décembre 1788. Ba 27, 1. 45-. Lettre de Duperré de Lisle, lieutenant général du bailliage de Caen au garde des sceaux, 19 février 1789. — Lettres de Tirard-Deslongchamps, recteur de l'Université de Caen au garde des sceaux et à Necker, 26 février 1789. \ll ARCHIVES NATIONALES Ba 27, 1. i'y]. Copie du rallier de la corporation des mar- chands merciers, drapiers et quincailliers de la en, avec lettre d'envoi de Lentaigne, leur député, 15 mars 1789. Délibération du bureau de la nouvelle commu- nauté des marchands merciers de Caen, 2 mars 1789. Lettre de Le Fauconnier, syndic des maîtres en pharmacie de Caen au garde des sceaux, 22 fé- vrier 1789. Lettre de du Belloys, avocat au bailliage de Caen, à Necker, 15 mars 1789. Observations particulières sur le commerce de Caen, principalement sur les manufactures à y élever; — observations sur différentes parties d'admi- nistration de la généralité de Caen, adressées à Necker par Girard Laforest l'aîné, avec lettre d'envoi du 12 avril 1789. Minutes des réponses du garde des sceaux à de Lisle 9 mars 1789, Tirard-Deslong- champs 4 mars 1789 et Le Fauconnier 17 mars 1789. Ba 27, 1. 45;{. Procès-verbal de l'assemblée du clergé du bailliage de Caen. Copie collationnée sur l'original. Cahier du clergé du même bailliage. Copie. Protestation de l'abbé de Troarn. Copie, 24 mars 1789. Ba27, 1. 45*. Réclamation du chapitre de Bayeux du 14 mars 1789 copie, avec lettre d'envoi des députés du chapitre à M. de Villedeuil, 20 mars 1789. Protestation des dignitaires et chanoines de Bayeux, 14 mars 1789. Copie. Protestation de l'évêque de Bayeux, 18 mars 1789 copie. Proposition faite par les députés du chapitre de Bayeux à l'assemblée particulière du clergé de Caen du 18 mars 1789 copie. Protestation s. d. des députés du chapitre de Bayeux copie contenant le récit détaillé de l'assemblée du clergé. Kxtrait du procès-verbal de l'assemblée générale du clergé de Caen copie. ARCHIVES NATIONALES XIII Ba 27, 1. 45*. Lettre de l'évêque et du grand-chantre de Bayeux au roi s. d. — Extrait d'une lettre écrite de Caen à M. B . . . le 21 mars 1789 [par Revel de Bretteville ? pro- cureur du roi au bailliage de CaenJ copie in- forme. Ba 27, 1. 45\ Lettre de l'évêque de Bayeux à M. de Villedeuil, 21 mars 1789. — Lettre de M. de Villedeuil à M. de Lessart, 25 mars 1789 avec sa minute. Lettre du duc de Coigny à M. de Villedeuil, pour lui rendre compte de la marche des assem- blées à Caen incident Soulavie, 27 mars 1789. Lettre de M. de Lessart à M. de Villedeuil, 1er avril 1789 exprime la surprise peinée du roi à propos de l'attitude de l'évêque de Bayeux. Lettre de M. de Villedeuil à M. de Lessart envoi d'un mémoire au roi de l'évêque de Bayeux, 28 juin 1789. Lettre de M. de Lessart à M. de Villedeuil, 30 juin 1789 renvoi du mémoire ci-dessus avec désap- probation. Ba 27, 1. 45°. Procès-verbal de l'assemblée de la noblesse du bail- liage de Caen copie collationnée à l'original. Extrait du procès-verbal de l'assemblée des trois ordres, 16 et 30 mars 1789 copie collationnée sur l'original. — Mémoire lu par le baron de Wimpfen à l'assemblée de la noblesse, avec ses additions, 26 mars 1789. Cahier des pouvoirs et instructions de la noblesse, 16 mars 1789 copie collationnée à l'original. Ba 27, 1. 457. Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bail- liage de Caen, 5-6 mars 1789 copie collationnée à l'original avec lettre d'envoi du 7 mars 1789. — Etat des députés des villes et des campagnes à l'assemblée du 5 mars 1789 imprimé — Liste des députés du Tiers état du bailliage de Caen, nommés les 12, 13 et 14 mars 1789 im- primé. Ba 27, 1. 458. Liste des députés du Tiers état nommés pour assis- ter à l'assemblée des trois ordres du 16 mars 1789 imprimé. XIV ARCHIVES NATIONALES Ba 27, 1. 45H. Procès-verbal de nomination et d'élection des six députés du Tiers état du bailliage de Caen, 17 mars 1789 copie collationnée. Lettre de Duperré de Lisle au garde des sceaux, 30 mars 1789. Ba 27, 1. 459. Lettre du marquis de Than, lieutenant général d'é- pée au bailliage de Caen, au garde des sceaux, 18 février 1789, et pièces annexes réclame la présidence de l'assemblée. — Minute de la réponse du garde des sceaux au marquis de Than s. d.. Ba 27, 1. 4510. Bulletins de l'abbé Soulavie ou Journal des élections du bailliage de Caen » suite de cinq bulletins manuscrits adressés à Necker du 6 au 24 mars 1789. Ba 27, 1. 4511. Correspondance de Duperré de Lisle avec le garde des sceaux et Necker, 14 lettres du 9 février au 13 avril 1789 relatives aux opérations électo- rales. Ba 27, 1. 4512. Correspondance du duc de Coigny avec Villedeuil et Necker mars et avril 1789. Correspondance de l'intendant Cordier de Launay avec Villedeuil et le garde des sceaux 5 lettres du 15 février au 20 avril 1789. Ba 27, 1. 4513. Onze pièces relatives à la convocation de la noblesse du bailliage de Caen pour le 25 juillet 1789 pour le retrait de son mandat impératif. Ba 27, 1. 4514. Délibération de l'hôtel de ville deBayeux du 14 dé- cembre 1788 adhésion à l'adresse de Rouen, avec la réquisition des communautés et corpora- tions de la ville sur le même objet, du 8 décembre 1788. Adresse imprimée des mêmes, 21 janvier 1789. — Lettre de Le Tuai, curé de Saint-Vigor-le-Grand, à Necker, 14 mars 1789. Lettre de Duhamel de Vailly, syndic de Tracy, au garde des sceaux, 16 février 1789 demande d'instructions sur la présidence des assemblées locales. Procès-verbal de l'assemblée du bailliage particu- lier de Bayeux 4 mars 1789 copie collationnée à l'original. ARCHIVES NATIONALES XV Ba 27, 1. 4515. 12 pièces relatives aux assemblées électorales du bailliage de Falaise U. Ba 27, 1. 4516. 14 pièces relatives au procès et à l'acquittement du procureur du roi à Falaise, Bertrand de l'Hodiesnière. Ba 27, 1. 4517. Deux lettres du lieutenant général du bailliage de Torigni au garde des sceaux, 12 et 14 février 1789. — Lettre des officiers municipaux de Vire au garde des sceaux, 7 décembre 1788, avec mémoire des gardes-jurés de la manufacture de draps, négociants, marchands et autres citoyens du Tiers état, du 30 novembre 1788. — Procès-verbal de l'assemblée du bailliage particu- lier de Vire et cahier de doléances du bail- liage^ mars 1789 copie collationnée à l'original. Ba 27, 1. 4518 *. Requête deBarfleur et de son arrondissement au roi, avec lettre d'envoi des officiers municipaux, 20 décembre 1788. — Explications de Bricquebec et environs à Necker s. d.. — Doléances du curé de Bretteville-la-Pavée aux commissaires du clergé du bailliage de Caen, 20 mars 1789, avec lettre d'envoi à Necker, 12 avril 1789. — Lettre des officiers municipaux de Cherbourg à Necker, 22 décembre 1789. — Requête de la municipalité de Cherbourg au roi, 3 janvier 1789, avec lettre d'envoi à Necker pour obtenir une députation directe. — Cahier du Bocage, ou doléances et objets d'utilité publique, par Aveline, notaire à Caumont, avec lettre d'envoi à Necker, 7 février 1789. — Cahier de doléances de la paroisse de Valcongrain bailliage de Caen. 1 Les paroisses de ce bailliage, an nombre de 240. étaient presque toutes en-de- hors de la généralité de Caen, et ne rentrent point, par conséquent, dans le cadre de cette étude. 2 Plusieurs des pièces contenues dans ce dossier y sont déplacées et devraient se trouver auB" 35, 1. 70. \\l ARCHIVES NATIONALES Ba35, liasse 70, contient 106 pièces originaux et copies, ré- parties en 13 dossiers et relatives au mouvement électoral du bailliage de Cotentin ' Ba35, 1. 70*. Lettres de Desmarets de Mpntchaton, lieutenant général du bailliage de Coutances, au garde des sceaux, 12 et 14 février, 19 mai et 9 juillet 1789. Lettres de Duhamel, lieutenant général de police de Coutances, au garde des sceaux, 17 février et 9 mars 1789. L>' .'ï5, 1. 70-. Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du Tiers état du bailliage principal de Coutances, 2-14 mars 1789 copie collationnée à l'original. Ba35, 1. 703. Procès-verbal de l'assemblée générale des trois ordres, du bailliage de Coutances copie colla- tionnée à l'original, avec lettre d'envoi du lieutenant général du bailliage au garde des sceaux, 11 avril 1789. Ba35, 1. 70'*. Lettre de Mme Hébert-Lheure, châtelaine de Cam- bernon, au directeur général des finances, 17 fé- vrier 1789. Lettre de Desplanques de Ventigny, chapelain de la cathédrale de Coutances, à Necker, 25 fé- vrier 1789. Lettre d'Arnould, prieur de la Bloutière, au garde des sceaux s. d.. Cahier de la noblesse du bailliage de Cotentin imprimé, s. 1. n. d. Lettre de Frestel, curé de Saint-Floxel, au garde des sceaux, 5 mars 1789. Protestation de la minorité du clergé de Coutances imprimé s. 1. n. d., du 27 mars 1789, avec deux lettres successives d'envoi au garde des sceaux, l'une signée par Tristan-Brission, curé de Saint- Sauveur-Lendelin, du 27 mars 1789 ; l'autre, par Lejardinier des Landes, curé de la Feuillie, du 5 mai 1789. Lettre de Desmarets de Montchaton au garde des sceaux, 2 avril 1789. 1 M. E. Bridrey a su tirer mi excellent parti des principaux documents de la série If' •'!•"> dans son Recueil des Cahiers de doléances du bailliage de Cotentin. Voir son Introduction, au tome 1, p. 18-19. ARCHIVES NATIONALE- XVII Ba 35, 1. 70j. Procès-verbal de l'assemblée définitive du Tiers état du bailliage de Cotentin, 20-30 mars 1789 copie collationnée à l'original. Cahier de doléances du Tiers état du bailliage de Cotentin original signé par les commissaires le 30 mars 1789. Etat des paroisses et du nombre des feux du bailliage de Coutances et nombre des députés à l'assemblée préliminaire. Lettres de Desmarets de Montchaton au garde des sceaux, 16 mars et 1er avril 1789. Ba 35, 1. 70°. Mémoire au Roi des avocats du bailliage d'Avran- ches sur les prochains Etats généraux imprimé, avec lettre d'envoi, 31 décembre 1788, par Morin l'aîné, leur syndic en double expédition. — Lettre de Tesniére de Brémesnil, maire d' Avranches, au garde des sceaux, 7 janvier 1789 envoi de deux délibérations de la municipalité relatives aux Etats provinciaux et généraux. — Lettre des officiers municipaux d; Avranches au même, 24 février 1789 sur le partage des 8 dé- putations du Tiers entre les 10 bailliages du Cotentin. — Lettres du lieutenant général du bailliage de Carentan, Lavalley de la Hogue, au même, 12 et 15 février et 16 mars 1789. — Procès-verbal de l'assemblée du Tiers état de la ville de Carentan. — Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bail- liage de Carentan. — Liste des paroisses omises dans la liste générale. — Lettres des officiers municipaux de Granville au garde des sceaux, du 26 octobre et au Roi, du 7 décembre 1788. Ba 35, 1. 70". Réclamations de la Commission intermédiaire pro- vinciale de Caen, en faveur du bailliage de Mor- tain, 20 janvier et 7 février 1789. — Lettre du lieutenant général du bailliage de Mortain à Xecker, envoyant un Mémoire sur le comté de Mortain et sa députation en 1598 et 1614», 11 février 1789. — Lettre du même au garde des sceaux, 15 février 1789, xviil Aiuui\is NATIONALES Ba 35, 1. 70". Lettres du marquis de Géraldin, grand bailli d'é- pée de Mortain, à Necker et au garde des sceaux, 18 février 1789. Ba 35, 1. 70s. Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bail- liage de Mortain, 12 mars 1789 copie collation- née à l'original. — - Lettre du lieutenant général, Vaufleury de Saint- Cyr, au garde des sceaux, 13 mars 1789. Ba 35, 1. 70°. Extrait du procès-verbal de l'assemblée du dépar- tement de Saint-Lô, 20 octobre 1788. Mémoire des citoyens du Tiers état de Saint-Lô du 5 décembre 1788, suivi de la délibération du 7 décembre 1788, avec lettre d'envoi des offi- ciers municipaux au garde des sceaux, 7 dé- cembre 1788. Mémoire des avocats de Saint-Lô à Necker, avec lettre d'envoi de Le Menuet, syndic des avocats, 16 décembre 1788. Lettre des officiers municipaux de Saint-Lô au roi, 19 janvier 1789. Ba 35, 1. 70 10. Lettres de Robillard, lieutenant général du bailliage de Saint-Lô, au garde des sceaux, 12, 13, 18, 27 fé- vrier, 7, 19 mars et 8 avril 1789. — Cahier de doléances de Saint-Jean-d' Agneaux, avec lettre d'envoi au garde des sceaux par Gonfrey, 11 mars 1789. Ba 35, 1. 7011. Lettres de Lescaudey de Manneval, lieutenant général du bailliage de Saint-Sauveur-Lende- lin, au garde des sceaux, 13, 14 février et 10 mars 1789. — Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bail- liage de Saint-Sauveur-Lendelin, 9 mars 1789 copie collationnée à l'original. Lettres d'Ango , bailli de Saint-Sauveur-le- Vi- comte, au garde des sceaux, 17 février et 11 mars 1789. Lettre de Guillouet, lieutenant général du bailliage de Tinchebrai, au garde des sceaux, 4 mars 1789. Ba 35, Règlement du 21 juin 1777 pour l'administration municipale de Valognes copie collationnée. Arrêté de l'hôtel de ville de Valognes, 3 novembre 1788 copie collationnée. ARCHIVES NATIONALES XIX Ba 35, 1. 701"2. Lettre du bureau intermédiaire de Valognes au garde des sceaux, 5 novembre 1788. — Protestation des chirurgiens de Valognes, 14 no- vembre 1788. Protestation de la noblesse du bailliage de Valo- gnes, 15 décembre 1788 contre une délibération inconstitutionnelle des officiers du bailliage avec lettre d'envoi au garde des sceaux, du même jour. — Requête des paroissiens d'Alleaume à l'intendant, 8 novembre 1789. — Protestations de la noblesse 15 décembre, des marchands merciers 15 décembre, du clergé 18 décembre, des laboureurs 18 décembre, — copies collationnées, avec lettre d'envoi des officiers municipaux au garde des sceaux s. d.. — Requête des officiers du bailliage de Valognes à l'intendant, avec réponse des officiers munici- paux copies collationnées. — Lettre des officiers municipaux de Valognes au garde des sceaux, 20 janvier 1789 adhésion au Résultat du Conseil du 27 décembre 1783. Ba 35, 1. 7013. Lettres de Sivard de Beaulieu, lieutenant général du bailliage de Valognes, au garde des sceaux, 12, 17 février, 14 mars, 3 et 25 avril 1789. — Procès- verbal et pouvoirs des 81 députés du Tiers état du bailliage de Valognes, 9 mars 1789 co- pie collationnée* — Liste des députés des villes, bourgs et commu- nautés à l'assemblée préliminaire du bailliage de Valognes. Bin 40 registre. Transcription de nombreuses pièces relatives au mouvement électoral du bailliage de Caen et se- condaires Bayeux, Caen, Falaise, Torigni et Vire. Bin 53 registre. Transcription de documents du même ordre pour le bailliage principal de Coutances et les baillia- ges secondaires d'Avranches et Coutances. Bin 54 registre. Mêmes transcriptions pour les bailliages secondaires de Carentan, Cérences, Mortain, Saint- Lô, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Saint-Sauveur-Len- delin, Tinchebrai et Valognes. XX ARCHIVES NATIONALES Il est inutile d'analyser en détail ces trois registres, dont la plupart des pièces ne sont que des copies, souvent erronées, d'ori- ginaux existant dans les séries Ba 27 et 35, C 17 et 18 des Archives nationales ou aux greffes de la Cour d'appel de Caen et du Tribu- nal de première instance de CoutancesW. Bin 164-177, série des villes. On y trouve plusieurs documents déjà vus dans la série desBa, par exemple Bm 166. Cahier du Bocage, par Aveline. Adresse de Barfleur sur le rétablissement des Etats généraux et doléances du curé de Bretteville-la-Pavée voir Ba 27, 1. 4518. Bm 167. Adresses de Caen, 22 octobre 1788 voir Ba 27, 1. 451, de Cherbourg, 22 décembre 1788 ; de Coutances, 8 février 1789, au garde des sceaux, avec réponses de celui-ci ; lettres du prieur de la Bloutière au garde des sceaux voir Ba 35, 1. 70*. Bm 168. Adresses de Granville, 7 décembre 1788 voir Ba 35, 1. 706 et 26 février 1789. Bm 174 . Cahier de doléances de Valcongrain voir Ba 27, 1. 4518. SERIE C W Procès-verbaux des Assemblées nationales et pièces annexes. C 9, 1. 21-22, contient la Liste des personnes convoquées pour l'Assemblée des Notables du 3 novembre, remise au 6 du même mois. Paris, imprimerie royale, 1788, 7 p. de Cagny, maire de Caen, y figure comme 23e député du Tiers état sur 25, et la liste des bureaux des Notables en l'année 1788 de Cagny, 24e et dernier membre du 4e bureau, présidé par le prince de Condé. C 13, I. 28. Lettres d'envoi des procès-verbaux des Assemblées provinciales des trois généralités de Normandie ne contient que les lettres d'envoi du procès-verbal de l'Assemblée provinciale de Caen. 1 Sur cette collection des Bm, voir A. Brette, Recueil des documents relatifs à la tonvocalion des Etats généraux, Paris, 1894, in-4°, Introduction, p. cxxi sqq. 2 L'inventaire de cette série a été publié par A. Tuetey, Les Papiers des Assem- blées de la Révolution aux Archives Nationales, Paris, 1908, in-8°. ARCHIVES NATIONALES XXI C 17,1. 1{8, contient 15 pièces relatives au bailliage de Caen copies conditionnées aux originaux, et directement versées par les députés du bailliage au bureau de l'Assemblée nationale, savoir Procès-verbal de l'assemblée particulière du Tiers état du bailliage de Caen, 17 mars 1789 et jours suivants. Procès-verbal de prestation de serment des députés au bailliage de Caen, nommés aux Etats généraux. Procès-verbal de l'assemblée de l'ordre de la noblesse, 17 mars 1789 et jours suivants. Protestation de MM. du chapitre deBay eux, 16 mars 1 789, Protestation de MM. les dignitaires et chanoines du chapitre deBayeux, 14 mars 1789. Procès-verbal de l'assemblée du clergé. Déclaration de l'ordre de la noblesse, 18 mars 1789. Réponse de l'ordre de la noblesse à la déclaration du clergé pour la réunion des cahiers. — Proposition faite par les députés du chapitre de l'é- glise cathédrale deBayeux, 18 mars 1789. — Protestation de M. l'évêque deBayeux, 18 mars 1789. — Protestation de MM. les députés du chapitre de Bayeux, 19 mars 1789. — Protestation du fondé de pouvoirs de l'abbé de Troarn. — Déclaration des commissaires du bailliage de Caen du 24 mars 1789 pour remercier le clergé de sa déclara- tion sur la participation aux impôts. — Cahier du clergé du bailliage principal de Caen et bail- liages secondaires. Procès-verbal de prestation de serment des députés du bailliage de Caen. C 18,1. I62, contient 7 pièces relatives au bailliage de Coutances originaux et copies, qui proviennent des secrétariats des trois ordres, savoir — Procès-verbal de l'assemblée du clergé, 20 mars 1789 et jours suivants. — - Procès-verbal de prestation du serment des députés élus aux Etats généraux, 1er avril 1789 en double expédition. — Procès-verbal de l'assemblée des communes, et de l'é- lection des députés du Tiers ordre, 20 mars 1789 et jours suivants. XMl ARCHIVES NATIONALES C 18, 1. 11-. Procès-verbal de l'assemblée de la noblesse. — Extrait du procès-verbal de l'assemblée générale des trois ordres. — Procès-verbal de l'assemblée du Tiers état du bailliage de Saint-Lô imprimé. C 88 à 121 contient, en une série de cartons, les adresses des villes et communautés de France à l'Assemblée nationale, de mai 1789 à août 1790. Cette série m'a fourni les documents sui- vants C 88',r\ Arrêté du bailliage de Cérences, 6 juillet 1789, avec lettre d'envoi du lieutenant général Brohon, 8 juillet 1789 sur l'heureuse réunion des trois ordres. C 8833. Adresse de la ville de Bayeux à l'Assemblée nationale, 23 juillet 1789 même objet. C 8854. Adresse de la ville de Coutances à l'Assemblée nationale, 27 juillet 1789 même objet. C 893î. Adresse des communes du bailliage de Mortain à l'As- semblée nationale s. d., reçue dans la séance du 10 juillet 1789 même objet. — Adresse des officiers municipaux de Granville, 28 juil- let 1789 même objet. — Très humble et très respectueuse adresse de la ville de Saint-Sauveur-le-Vicomte à l'Assemblée nationale s. d. présentée à la séance du 29 juillet 1789 sur le retour de Necker. C 89i7. Adresse de Quinette de Cloisel, de Granville, 16 juil- let 1789. Lettre de Philippe Delleville, de Bayeux, à l'Assemblée nationale, 27 juillet 1789 demande d'élargissement, C 89G2. Arrêté pris par l'ordre de la noblesse du bailliage de Vire, le 24 juillet 1789, avec lettre d'envoi d'un gentilhomme Virois, d'Anjou de Boisnantier, 2 août 1789. G 90™. Adresse des officiers du bailliage et présidial de Cou- tances, 28 juillet 1789 sur l'heureuse réunion des ordres. — - Adresse des officiers municipaux d'Avranches, 28 juil- let 1789 sur le retour de Necker. C 9038. Adresse des citoyens de la ville de Caen, 1er août 1789 notification d'existence du Comité permanent. ARCHIVES NATIONALES XXIlt C 917,. Adresse de l'Université de Caen, 8 août 1789. C 9171, Adresse du Comité permanent de Carentan, 8 août 1789 sur le retour de Necker et le décret du 4 août. C 917'2. Lettre d'envoi par les officiers municipaux de Granville, le 14 août 1789, du procès-verbal de formation du Comité permanent. — Lettre d'envoi par le Comité permanent de Granville, le 14 août 1789, du procès-verbal de son établisse- ment, et copie de sa première délibération admi- ration pour la nuit du 4 août. C 917;{. Adresse du Comité permanent de Torigni, 12 août 1789 adhésion aux décrets de l'Assemblée. C 9174. Adresse des habitants de la ville de Coutances, 20 août 1789 adhésion du Comité permanent au décret du 4 août. C 9178, Adresse du Comité général de la ville de Saint-Lô s. d. reçue le 8 août 1789 même^objet. C 9276. Adresse du Comité permanent du bailliage de Saint- Sauveur-Lendelin, à Paris, 25 août 1789 même objet. C 9278. Adresse des citoyens des trois ordres de la ville de Caen, 31 août 1789/ — Décret du Comité général national d'Avranches, relatif à la perception des droits et impôts de tout genre, 31 août 1789. C 9281, 11 pièces relatives à Bertrand Lhodiesnière, procureur du roi au bailliage de Falaise le dossier s'est trouvé scindé par la remise de 13 pièces au garde des sceaux le 6 juin C 9382. Adresse des citoyens de Coutances cà l'Assemblée natio- nale, 1er septembre 1789 adhésion nouvelle du Comité permanent à ses décrets. C 9388. Adresse de la municipalité de Granville, réunie en Comité national, 11 septembre 1789 demande l'or- ganisation prochaine d'Etats provinciaux et de mu- nicipalités. C 94. Adresse de la municipalité d'Avranches à l'Assemblée nationale, 9 octobre 1789, avec lettre d'envoi du 14 octobre sur le décret du 26 septembre 1789. C 96l,. Lettre du Comité municipal et national de Cherbourg, 26 octobre 1789 adhésion à la loi martiale. — Adresse de 10 particuliers de Saint-Lô à l'Assemblée nationale, 23 novembre 1789 objet imprécis. XXIV ARCHIVES NATIONALES C 96 m. Adresse du Comité général et permanent de Vire, 8 no- vembre 1789 adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. C 9MI. Adresse du Comité national de Coutances, 9 novembre 1789 demande d'assemblées administratives et mu- nicipales. Envoi par la municipalité de Cherbourg du procès- verbal de proclamation de la loi martiale du 4 no- vembre, 26 novembre 1789. C 971-1. Adresse de la milice nationale de Cherbourg, 22 novem- bre 1789 adhésion aux décrets de l'Assemblée natio- nale. C 97,2\ Adresse du Comité général et permanent de la ville de Caen, 3 novembre 1789 demande d'assemblées pro- vinciales et de municipalités. C 98429. Adresse de la ville de Carentan à l'Assemblée nationale s. d. demande d'une juridiction. C 9813i. Adresse et supplique de la commune deBricquebec s. d. même objet. C 99m. Lettre de Dubois -Dubais, ancien garde du corps, 9 fé- vrier 1790. C 99iil. Plainte des officiers du régiment d'Aunis, 20 décem- bre 1789 contre la motion de Dubois Crancé inju- rieuse pour l'armée. C 100100. Lettre du Comité municipal d'Isigny, 20 décembre 1789 demande d'une juridiction. C 101162. Adresse du Comité municipal du bailliage de Saint- Sauveur-Lendelin séant à Périers, 23 décembre 1789 demande le maintien du bailliage. Adresse de la municipalité de Tinchebrai, avec lettre d'envoi du 23 décembre 1789 adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale. C 101 167. Adresse de la communauté de Sourdeval, 28 décembre 1789 demande d'un district et d'une juridiction. C101169. Adresse des officiers municipaux de Granville, 1er jan- vier 1790 vœux de nouvel an à l'Assemblée natio- nale. C102171. Adresse de la paroisse de Tourlaville, limitrophe de Cherbourg, 3 janvier 1790 remerciement pour l'obtention d'un district à Cherbourg. C102174. Adresse de la ville de Saint-Lô, 9 janvier 1790 vote d'une offrande patriotique. ARCHIVES NATIONALES XXV C 10217G. Adresse de la municipalité et des négociants de la ville de Cherbourg, 11 janvier 1790 contre le projet de suppression de l'esclavage aux colonies. C 102170. Adresse de la garde nationale du bourg de Bricquebec, 20 janvier 1790 fidélité à l'Assemblée nationale. C 102180. Adresse du Comité municipal et du corps composant la garde nationale de Bayeux, 22 janvier 1790, avec lettre d'envoi de Leboucher-Deslongsparcs, prési- dent du Comité, du 24 janvier 1790. Adresse de la garde nationale de la ville de Bayeux, 22 janvier 1790 adhésion à la constitution. C 10318l Adresse des soldats français en garnison à Valognes et à Cherbourg, janvier 1790 protestation contre la motion Dubois-Crancé. C 104188. Adresse des maire et officiers municipaux de Granville, 8 février 1790 notifie la formation de la municipalité. C 104193. Adresse des municipalités des paroisses de l'élection de Mortain, 17 février 1790 même objet. C 104194. Adresse des habitants du bourg de Creully et hameaux en dépendant, 19 février 1790 même objet. C 104196. Adresse de la municipalité de Cherbourg, 21 février 1790 même objet. — Adresse du Conseil général de la commune de Tourla- ville, 21 février 1790 même objet. C 10520G. Procès-verbal de l'élection des officiers municipaux de Saint-Lô et de la prestation du serment civique, 27 janvier, 15 février 1790. C 108222. Adresse des officiers municipaux de Caen, 28 février 1790 même objet. C 109223. Procès-verbal d'élection des officiers municipaux de Montebourg, 20-22 février 1790 même objet. C 110241. Adresse des citoyens de la commune de Gréville-à-la- Hague, Basse-Normandie, 1er mars 1790 même objet. C 110242. Adresse des membres de la municipalité d'Isigny, 2 mars 1790 même objet. C lll246. Adresse des officiers municipaux de Cherbourg, 6 mars 1790, envoi de proclamations des 2 septembre, 6 novembre 1789 et 28 février 1790, relatives à la perception des impôts indirects. C lll247. Adresse des officiers municipaux de Vire, 10 mars 1790 même objet. XXVI ARCHIVES NATIONALES C 111 -i'' . Discours prononcé par l'abbé d'Agneaux dans l'église de Villedieu pour la prestation de serment de la milice nationale des paroisses confédérées, Villedieu, Saultchevreuil et Saint-Pierre-du-Tronchet, 14 mars 1790. C 114-'S. Procès-verbal de la municipalité de Villedieu relatif à une saisie de faux tabac, 7 avril 1790. C 1 1 4iK> . Adresse de la garde nationale de Caen du 15 avril 1790 avec lettre d'envoi de Faudoas, commandant. Procès-verbal de la prestation de serment par la garde nationale de Caen, 11 avril 1790, avec lettre d'envoi des officiers municipaux du 16 avril 1790. Proclamation du Conseil général de Caen relative à l'abolition de la contrebande, 9 avril 1790. Adresse des membres de la Société patriotique et littéraire de Coutances, 17 avril 1790, pièce origi- nale annonce d'un don remis aux indigents. — La même, imprimerie Joubert, Coutances. 4 p. C 115u-. Adresse des maire et officiers municipaux d'Avranches, avec lettre d'envoi du 16 mai 1790 félicitations pour le décret du 13 avril 1790. Discours du maire d'Avranches, Tesnière de Brémes- nil, lors de la prestation du serment par les ci- toyens d'Avranches, 2 mai 1790. 2 exemplaires imprimés. C 1153i3, Adresse de la commune de Valognes, 17 mai 1790 contre le manifeste des catholiques Nîmois. Procès-verbal de prestation du serment par la garde nationale de Valognes, 6 juin 1790. Adresse des écoliers du collège de Valognes aux offi- ciers municipaux s. d. adhésion à la Constitu- tion. Discours de Ribet, étudiant de philosophie, pro- noncé le jour de la prestation du serment civique par les écoliers. Procès-verbal de prestation du serment civique sur le Roc de Granville, 13 mai 1790, avec lettre d'envoi des officiers municipaux, 17 mai 1790. C 116J1G. Adresse des officiers de la garde nationale et des volontaires de Cherbourg, 20 mai 1790, avec lettre d'envoi du 21 mai 1790 même objet. C 116318. Adresse des officiers de la sarde nationale d'Avran- ARCHIVES NATIONALES XXVII ches, 23 mai 1790, avec lettre d'envoi par Burdelot, lieutenant et secrétaire du Conseil de la garde natio- nale adhésion à tous les décrets de l'Assemblée. C 116318. Adresse de la garde nationale de Saint-Lô, avec lettre d'envoi à Vieillard, député à l'Assemblée natio- nale, 23 mai 1790 même objet. C 116323. Jugement de police prononcé le 29 mai 1790 par les officiers municipaux de Baveux contre une délibé- ration des commissaires du chapitre de la cathé- drale, imprimée, considérée comme attentatoire aux décrets de l'Assemblée nationale imprimerie veuve Nicolle, à Bayeux, 7 p., avec lettre d'envoi des officiers municipaux du 11 juin 1790. C 1173-3. Adresse de l'assemblée primaire de Mortain, signée de Duhamel, maire et président, et de 56 autres citoyens, 31 mai 1790 fidélité à l'Assemblée nationale. C 1 1 73-6 . Adresse de la section des Cordeliers, du canton de Valognes, 2 juin 1790 annonce la formation, avec les deux autres sections du canton, d'un Pacte fédéral pour la défense de la Constitution. Adresse de la 3e section du canton de Sourdeval com- munes du Fresne-Poret et de Vengeons, 2 juin 1790 même objet que Mortain. — Adresse de la lre section du canton de Villedieu, 2 juin 1790 réprobation de libelles incendiaires. C 117333, Adresse des électeurs des cantons de La Haye-du- Puits, Prétot et Lessay, 14 juin 1790 représen- tants à l'Assemblée nationale. — Adresse de la garde nationale de Valognes, 18 juin 1790 nouvelle prestation de serment. C 118340, Adresse des officiers, bas officiers et soldats de la garde nationale de Valognes, 21 juin 1790 an- nonce qu'elle portera 3 jours le deuil de Franklin. — Adresse du département de l'Orne à l'Assemblée nationale, par Le Veneur, président de l'assemblée électorale, au nom des 601 électeurs, 10 juillet 1790 adhésion à la Constitution. C 119353. Adresse des jeunes patriotes de l'Education natio- nale des sieurs Mougeot, prêtres à Saultchevreuil, près Villedieu, 4 juillet 1790 adhésion à la Consti- tution. XWIII ARCHIVES NATIONALES C 119353. Adresse de la garde nationale de Gavray aux Pères de la patrie, 4 juillet 1790 dévouement à l'Assem- blée. C 121!,,T. Lettre d'envoi par les officiers municipaux de Cher- bourg du procès-verbal de la fête du 14 juillet 1790, 25 juillet 1790. C 12137p. Proclamation du Conseil général de la commune de Saint-Lô, du 24 juillet 1790 imprimerie Jou- bert, 12 p., concernant le paiement des imposi- tions et droits, avec lettre d'envoi de la municipa- lité du 12 août 1790. C 1891**. Papiers trouvés aux Tuileries, dans l'appartement de Louis XVI, le 25 juin 1791. Liste des députés des départements et districts, envoyés à la Fédération et passés en revue par Louis XVI, les 13 et 19 juil- let 1790. C 189,1°. M. Etats, listes et procès-verbaux des députés à la Fédération de 1790, Calvados. C 189152. Id. Etats, listes, etc., de la Manche. C 189,r>{. Id. Etats, listes, etc., de l'Orne. SÉRIE D Comités des Assemblées Nationales Div Papiers du Comité de constitution, créé le 3 juillet 1789. Cette sous-série comprend la correspondance des commissaires du roi pour la formation des départements avec le comte de Saint-Priest, les réponses du Comité de constitution à des ques- tions posées par les départements ; des pièces sur la formation des corps administratifs et des procès-verbaux de formation et d'installation de ces corps. J'y ai consulté les documents suivants Div l57. Tableau général du département de la Manche divisé en districts, cantons, assemblées primaires et com- munes, avec lettre d'envoi des trois commissaires du roi pour la formation du département, 31 juil- let 1790. Div liH. Lettre de Frémin de Beaumont, commissaire du roi, au Comité de constitution, 1er juin 1790. ARCHIVES NATIONALES XXIX Div l39. Lettre du même au même Comité, 3 juin 1790. Div 212. Adresse de la ville de Granville à l'Assemblée natio- nale, 25 juillet 1790. Div 216. Lettre de Bernard, commissaire du roi, au Comité de constitution, 28 juin 1790. Div 317. Lettre des commissaires du roi, de la Manche, au Co- mité de constitution, 18 juin 1790. Lettre des commissaires du roi, du Calvados, à l'Assem- blée nationale, 16 juin 1790. Div 543. Adresse des officiers municipaux de Bayeux au Corps législatif de France s. d., entre mars et juin 1790. Div 678. Lettre de Crafton, commandant de la garde nationale de La Hougue au Comité militaire de l'Assemblée nationale, 29 août 1790. Div 711''. Procès-verbal de formation de la municipalité de Bretteville-sur-Odon copie, 24 janvier 1790. Div 9132. Protestation de la Haye du Puits auprès de l'Assem- blée nationale, 18 juillet 1790. Rapport des envoyés extraordinaires de la Haye du Puits sur l'insalubrité de Carentan, 25 juillet 1790. Div 11169. Procès-verbaux de formation de la municipalité de Cérence, 2, 7 et 21 février 1790. — Requête de la municipalité contre les entreprises illé- gales de Brohon, lieutenant général du bailliage de Cérences, 14 mars 1790. — Ma justification » imprimé, adressée par Brohon à l'Assemblée nationale. Div 11170. Lettre des commissaires du roi, du Calvados, au Comité de constitution, 3 avril 1790. Div 12173. Lettre de Cauvin, apothicaire et notable de Creully, au président de l'Assemblée nationale, 17 février 1790. Div Lettre des officiers municipaux de Tinchebrai au Comité de constitution, sur la garde nationale, 28 mars 1790. Div 21 422. Lettre d'Onfroy, procureur syndic de Tinchebrai, à l'Assemblée nationale, 14 avril 1790. — Lettre des commissaires du roi, du Calvados, à l'Assem- blée nationale, 29 mai 1790. Div 21431. Supplique des commis de l'administration provin- ciale de Basse-Normandie à l'Assemblée nationale, 24 juillet 1790. XXX ARCHIVES NATIONALES Div 21431. Lettre de Cailloué, procureur de la commune d'Ar- gences, au président de l'Assemblée nationale, 12 mars 1790. Div 21*38. Plaintes des habitants de Louvigny contre la muni- cipalité, 22 mars 1790. — Plaintes de Comin, maire de Magny, contre l'illégalité de l'assemblée primaire des Capucins, de Bayeux, 29 mai 1790. — * Mêmes plaintes des paroisses de Geffosse, Longues, Marigny, Saint-Germain-des-Entrées, Sommer- vieu, Saint-Germain-de-la-Lieue, avec délibération spéciale pour chaque paroisse. Plaintes de Brouard, avocat de Vire, contre les irrégu- larités de l'assemblée primaire des Capucins de Vire, 25 mai 1790. Plaintes de la municipalité de Tinchebrai contre l'état- major de la milice nationale, 31 mai 1790. Plaintes de Lacour, capitaine des canonniers garde- côtes, au sujet de la Fédération, 30 juin 1790. Div 21 m. Nouvelle protestation de Brouard, avocat de Vire, 9 juin 1790. Div 41I10!. Plaintes de Brohon, lieutenant général du bailliage de Cérences, à l'Assemblée nationale, 18 février 1790. Requête de Saint-Nicolas-de-Granville à l'Assem- blée nationale, 1er mars 1790, contre sa réunion à Granville. — Plaintes de Germain de Louvigny sur la formation irrégulière de la municipalité de Sainte-Marie-des- Bois, 26 mai 1790. Div 11110'1. Lettre d'un armateur de Tourlaville, 12 février 1790. Lettres de deux fermiers d'Anneville-l'Etre, mars 1790. Lettre d'Enguerran des Landes, officier municipal de Saultchevreuil s. d.. — Réclamation contre l'élection de Chantereyne comme procureur de la commune à Cherbourg, 22 juillet 1790. Div 4111!Vi. Adresse de Granville cà l'Assemblée nationale, 26 mai 1790. Div ll,l,r\ Lettre des officiers municipaux de Granville à l'As- semblée nationale, 15 février 1790. ARCHIVES NATIONALES XXXI Div 41im. Lettre des officiers municipaux de Saint-Nicolas-de- Granville à l'Assemblée nationale, 15 février 1790. — Adhésion des bas officiers et fusiliers de la garde nationale de Mortain aux décrets de l'Assemblée nationale, 23 juin 1790. Plaintes de la municipalité de Bricquebec contre l'insubordination de la garde nationale, 29 juillet 1790. Div 111117. Procès-verbal de formation de la municipalité de Coulouvray, accompagné d'une lettre de protesta- tions, 24 janvier 1790. — Lettre de la municipalité de Saint-Jean-de-Daye, janvier 1790. Lettre de la municipalité de Soulles, 31 janvier 1790. Divbis Papiers du Comité de division, 'institué, le 13 octobre 1791, par la Législative pour continuer le travail inachevé du Comité de constitution, dont il était un démembrement. Cette sous-série comprend 110 cartons, relatifs à la division adminis- trative et judiciaire de la France. J'y ai consulté Divbis l-;{. Procès-verbal de l'assemblée de la province de Nor- mandie, 17 décembre 1789. — Procès-verbal de l'assemblée des députés du Cotentin, 18 décembre 1789. Note du duc de Coigny sur la division du départe- ment de Caen en districts, 18 décembre 1789. — Limites des départements de Caen et d'Evreux, 21 décembre 1789. Limites des départements de Cotentin et d'Alençon, 22 décembre 1789. Procès-verbal de l'assemblée de la province de Nor- mandie, 23 décembre 1789. • — Procès-verbal de l'assemblée des députés du Cotentin, 24 décembre 1789. — Carte du département de Cotentin, divisé en 7 dis- tricts avec ratures, d'après la nouvelle division adoptée le 24 décembre 1789. — Limites du département de Beauvoisis et de la Nor- mandie, 1er janvier 1790. — Limites des départements d'Evreux et de Mantes et Chartres, 2 janvier 1790. ARCHIVES NATIONALES Div1,is 123. Limites des départements d'Evreux et de Chartres, 2 janvier 1790. Procès-verbal de l'assemblée des députés du Coten- tin, 3 janvier 1790. Limites des départements de Caen et de Cotentin, 7 janvier 1790. Procès-verbal de la division de la Normandie en dé- partements et en districts, dressé par Cherfils, Lindet, Goupil de Préfelne, Delauney et de Bon- vouloir, commissaires nommés par les députés de la province de Normandie, 7 janvier 1790. Mémoire sur la division du département de Cotentin, par Pouret-Roquerie, 8 janvier 1790. Rectification d'abornement entre les districts de Carentan et de Valognes, 15 janvier 1790. Etat des paroisses frontières entre les districts de Carentan et Valognes, de Carentan et Coutances, et des dix cantons à former dans le district de Carentan, 15 janvier 1790. — Division en cantons des sept districts du département de Cotentin, 22 janvier 1790. Division en cantons des six districts du département d'Alençon, 6 février 1790. Carte du département de Caen, divisée en districts, tracée sur la carte générale de Normandie traces de triangulation. Divbis 223. Constatation par les députés du département de Chartres des procès-verbaux de démarcation arrêtés précédemment avec les départements d'Evreux et d'Alençon, 20 janvier 1790. Pivbis 245. Fixation par les députés de la généralité de Tours des limites entre le département du Mans et la Nor- mandie, 12 novembre 1789. Division du Perche entre les départements d'Alençon et du Mans, 25 janvier 1790. Divbis517"2. Adresse de la municipalité de Condé-sur-Noireau à l'Assemblée nationale, 23 décembre 1789. Représentations de la ville et arrondissement du bailliage de Torigni sur la nouvelle division terri- toriale, 2 janvier 1790. — Précis pour la ville de Torigni imprimé, janvier 1790. ARCHIVES NATIONALES XXXIII Divbis5172. Suppliques des municipalités de Fresnes et Montsecret pour rester au district de Vire, 17 janvier 1790. Divbis 517;J. Réponse que fournit aux Etats généraux un habitant de Vire Michel le Besnerais, avocat, aux obser- vations de MM. de la commune de Caen sur la division territoriale de la Normandie et sur le département de Caen, 20 décembre 1789. — • Supplique du canton d'Hamars à l'Assemblée natio- nale, 11 juin 1790. — Rapport du Directoire du Calvados sur la situation de sept communes entre Dives et Orne, rattachées malgré elles au district de Pont-1'Evêque, 20 octo- bre 1790. Divbis10230. Adresses respectueuses de Saultchevreuil, Saint- Pierre-du-Tronchet, Sainte-Cécile, la Colombe, le Chefresne, Fleury, la Bloutière, Margray à l'Assemblée nationale pour avoir un district à Villedieu, novembre-décembre 1789. — Mémoire de Péiïers contre la division du département de Cotentin en six districts, 25 décembre 1789. — Réclamations de très nombreuses paroisses du Coten- tin à l'Assemblée nationale en faveur de Périers délibérations communales, du 6 décembre 1789 au 17 janvier 1790. — Protestation de Pouret-Roquerie contre la division du département de Cotentin en sept districts, 30 décembre 1789. — Adresse de Villedieu au Comité de constitution, 30 décembre 1789. — Requêtes de Percy et Montrabot pour être ratta- chées à Villedieu, 30 décembre 1789. — Réclamation de Pouret-Roquerie en faveur de Pé- riers, 21 janvier 1790. Divbis10231. Mémoire du Comité municipal et national de Cher- bourg à l'Assemblée nationale imprimé, 12 août 1789. — Copie de la délibération de l'hôtel de ville de Gran- ville, 23 novembre 1789. — Réfutation de l'imprimé ayant pour titre Obser- vations sur le chef -lieu du département de Cotentin », par Vieillard imprimé, 19 décembre 1789. \\\l\ ARCHIVES NATIONALES Div1,u10-,;il. Extrait du procès-verbal de l'assemblée des députés du Cotentin copie, 24 décembre 1789 formation d'un septième district. Cf. Div,,is l-;{. Réclamation de Perrée-Duhamel pour Granville, 2 janvier 1790 ; requête de Couraye-Duparc pour Granville, 3 janvier 1790. — .Mémoire de Valognes au Comité de constitution contre rétablissement d'un district à Cherbourg, 7 janvier 1790. — Addition à la réclamation de Perrée-Duhamel, 11 jan- vier 1790. — Lettre de Couraye-Duparc, 21 janvier 1790. Réclamation de Granville contre le projet de division de la Basse-Normandie, arrêté par les députés de cette province imprimé s. d.. Adresse de la garde nationale de Valognes à l'Assem- blée nationale, 11 mars 1790. Cahier de doléances de la Haye du Puits, 1er mars 1789, avec lettre d'envoi de Regnault de Bretel, en septembre 1789. Requête de la municipalité de Saint-Fraguaire au président de l'Assemblée nationale, 25 avril 1790. Lettre de Regnault de Bretel à l'Assemblée natio- nale, 18 juin 1790. — Requête de la municipalité de Vezins à l'Assemblée nationale, août 1790. Requête de la municipalité de Ducey contre forma- tion vicieuse de son canton s. d.. — Adresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte et paroisses voisines à l'Assemblée nationale s. d.. Cf. Divbis27^. Divl,is12-Vl. Réclamation de la municipalité de Saint - Pierre - du-Regard au Comité de constitution, 19 novem- bre 1790 pour sa réunion au Calvados ; lettre du maire de Condé au Comité de constitution s. d., même objet. — Mémoire des propriétaires fonciers de Saint-Pierre-du- Regard au Comité de constitution, 16 janvier 1791. Div,,is21,-S. Requête de Condé-sur-Noireau à l'Assemblée natio- nale, 14 février 1790. Divbis21{{M. Requête d'ïsigny à l'Assemblée nationale, jan- vier 1790. ARCHIVES NATIONALES XXXV Div,,is213-8. Supplique du maire de Croissanville à Gossin, mem- bre du Comité de constitution, 6 juin 1790. Divbis21330. Observations soumises par la Commission inter- médiaire provinciale de Caen à l'Assemblée na- tionale, s. d. pour obtenir un tribunal supérieur à Caen. Divbisi27;nw. Requête de Carentan à l'Assemblée nationale, novembre 1789 pour être chef-lieu de départe- ment. — Requête des habitants de la Lande-d'Airou, 6 dé- cembre 1789. — Requête des habitants de Tribehou et Saint-Mar- tin-des-Champs, janvier 1790. Remercîments de Carentan à l'Assemblée nationale, 30 janvier 1790. — Lettres des revendeurs de sel blanc de la Haye du Puits et de Périers à Lesage, receveur principal de Carentan, 15 et 17 février 1790. — Remontrances de la commune de Périers à l'Assem- blée nationale, 19 juillet 1790. — Mémoire des députés de la Haye du Puits à l'Assem- blée nationale, 25 juillet 1790. Divbis 27394. Plan du Haut - Cotentin divisé par cantons de 36 lieues carrées, 26 décembre 1789 en faveur de la Haye du Puits. — Mémoire de Regnault de Rretel pour la Haye du Puits, 26 décembre 1789. — Lettre de Regnault de Rretel à l'Assemblée natio- nale, 7 juin 1790. — Mémoires de Granville à l'Assemblée nationale, 31 mars, 4 août 1790, accompagnés des délibé- rations d'une trentaine de paroisses, prises du 31 décembre 1789 au 3 janvier 1790. — Adresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte à l'Assem- blée nationale s. d.. — Carte topographique des villes, bourgs et paroisses qui relèvent confusément des bailliages de Va- lognes et de Saint-Sauveur-le- Vicomte s. d.. — Carte de la presqu'île de Cotentin comprenant les • districts de Cherbourg, Valognes, Saint-Sauveur- le-Vicomte, portion des districts de Carentan et Périers s. d.. XXXVI ARCHIVÉS NATIONALES Divhis 44 . Tableaux de population de la généralité de Caen en 1787, dressés par bailliages et élections 13 ta- bleaux. Divbis 55. Liste des premiers noms donnés aux 83 départe- ments par le Comité de constitution. Div,is 60 . Instruction sur la formation de l'assemblée du dépar- tement du Calvados, par les quatre commissaires du roi imprimé, 31 mai 1790. Div1is 92A. Répertoire des décrets de l'Assemblée nationale constituante, concernant la division de la France en départements, districts, cantons et munici- palités leurs circonscriptions, la fixation des chefs-lieux et le placement des autorités admi- nistratives et judiciaires, la réunion des municipa- lités et paroisses, du 17 juin 1789 au 30 septem- bre 1791. Dvi Papiers du Comité des finances. Cette sous-série contient dans quatre cartons, 23 Calvados, 38 Manche, 43 et 44 Orne, les documents relatifs à l'assiette et à la perception des impôts dans ces trois départements. J'y emprunte les pièces suivantes Dvi 24314. Lettre des officiers municipaux de Sommervieu, élection de Bayeux, à l'Assemblée nationale, 31 mai 1790 réclamation relative aux impositions. — Mémoire de la paroisse de Rye relativement à plu- sieurs difficultés sur la répartition de l'imposition des ci-devant privilégiés, 21 juin 1790. Réclamation du chevalier de Vaudreuil contre la municipalité de Campandré, 26 mai 1790. Dvi 24345. Lettre des officiers municipaux de Rouffigny, élection d'Avranches, à l'Assemblée nationale, 23 février 1790 demande d'instructions sur la répartition des impositions. Lettre du curé de Chouains à l'Assemblée nationale, 4 août 1790 dénonciation contre la municipalité. — Lettre de l'abbé de Jumilly, ex-président du Comité national de Caen, à l'Assemblée nationale, 13 avril 1790 réclamation contre la lourdeur de là taxe représentative de la corvée imposée à la ville de Caen. ARCHIVES NATIONALES XXXVII Dvi 24315. Mémoire de la municipalité de Margray, élection de Vire, 23 février 1790 plainte contre la lourdeur des impositions. — Mémoire de la municipalité de Pontfarcy, élection de Vire, 16 février 1790 même objet. Mémoire de Cairon de la Varende, d'Amblie, 18 juil- let 1790 plainte contre l'imposition des ci-devant privilégiés. Dvi 24316. Mémoire de la municipalité de Condé-sur-Noireau, fin mars 1790 demande d'une réduction d'impôt. A l'appui de sa requête, elle a joint des lettres de Lamy, député du bailliage de Caen, et un exem- plaire imprimé du procès-verbal de la formation de la confédération de Condé du 26 août 1789, publié à Caen, Chalopin, 1789. — Mémoire des marchands aubergistes de la ville et faubourgs de Caen, 4 août 1790 plaintes contre la dureté de l'impôt. — Lettre d'Aveline, notaire et syndic de la municipalité de Caumont, élection de Bayeux, à l'Assemblée nationale, 6 février 1790 plainte de 5 paroisses rurales contre le despotisme des villes. — Plainte anonyme des habitants, laboureurs, fermiers et exploitants des communautés de campagne de la Basse-Normandie à NN. SS. de l'Assemblée nationale, 10 février 1790 plaintes contre l'ins- truction de la Commission intermédiaire de Caen du 19 janvier 1790. — Lettre de Mauduit, président du Comité national de Vire à l'Assemblée nationale, 9 décembre 1789 plaintes contre l'exécution frauduleuse du décret relatif à l'imposition des ci-devant privi- légiés. Dvi 24317. Requête des employés de l'intendance de Caen à l'Assemblée nationale, 31 décembre 1789 deman- dent à être placés dans les bureaux de l'adminis- tration nouvelle. — Lettre de Langelé-Duperrier, de Colleville près Bayeux, au Comité des finances, 8 août 1790 demande d'une manufacture pour la jeunesse. — Requête de Boutrais, marchand grainetier à Caen, au Comité des finances, 16 février 1791 demande WXYlii ARCHIVES NATIONALES d'indemnité pour le pillage de son magasin dans l'émeute du 24 avril 1789, dossier de 17 pièces. Dvi 24{8. Lettre des habitants les plus notables et les plus imposés de Bricqueville à l'Assemblée nationale, 19 février 1790 protestation contre les irrégula- rités de l'élection municipale. Dvi 24319, Lettre de Louvet, docteur-médecin à Isigny, à l'As- semblée nationale, 3 octobre 1789 demande de travaux pour le soulagement des malheureux. Dvi 24i-°. Requête de Boislandry et Bougon-Longrais, députés extraordinaires de la ville de Caen, à l'Assemblée nationale, 20 mai 1790 demande d'autorisation d'un emprunt de 50,000 livres. Dvi 38i45. Lettre des officiers municipaux de Baubigny à l'Assemblée nationale, 30 mars 1790 demande d'une réduction d'impôt. Lettre des officiers municipaux de Saint-Pierre- Eglise à l'Assemblée nationale, 12 mars 1790 plainte contre l'Instruction de la Commission in- termédiaire provinciale de Caen du 19 janvier 1790, avec exemplaire imprimé de cette Instruction. — Lettre de Chauvel, notaire à la Lande-d'Airou, à l'Assemblée nationale, 6 juin 1790 sur l'abus de la contrebande. — Lettre de Bernard, vice-président du Comité national de Saint-Lô, à l'Assemblée nationale, 25 novem- bre 1789, accompagnée d'une délibération de ce Comité du 23 novembre sur le changement appor- té à la régie des droits d'aides. — Lettre des officiers municipaux de Tinchebrai à l'Assemblée nationale, 12 mars 1790 plaintes contre la Commission intermédiaire provinciale de Caen, avec exemplaire imprimé de l'Instruction du 19 janvier 1790. — Lettre de Payen de Chavoy, membre du Bureau intermédiaire d'Avranches à l'Assemblée natio^ nale, 3 janvier 1790 sur l'assiette des impositions. Plainte de 16 paroisses de l'élection de Valognes contre l'Instruction de la Commission intermé- diaire provinciale de Caen du 19 janvier 1790, 30 mars 1790, avec un exemplaire imprimé de cette Instruction. ARCHIVES NATIONALES XXXIX Dvi 38ii0. Lettre des officiers municipaux de Cherbourg à l'Assemblée nationale, 12 juin 1790 demande d'autorisation d'un octroi sur les boissons. Dvi 38;/7. Lettre des officiers municipaux à Tourla ville à l'Assemblée nationale, 7 avril 1790 protestation contre les insinuations de Pomiès, commissaire de la Nation, accompagnée d'une proclamation de la municipalité contre la fraude, du 28 mars 1790 placard imprimé. Dvi 38r,/'8. Proclamation de la municipalité de Cherbourg rela- tive à la perception des droits, 28 février 1790 imprimé. — Mémoire pour les habitants de Cherbourg contre la régie générale des droits d'aides s. d.. Dvi 38549. Lettre de Leconte, maire de la Bonneville, à l'Assem- blée nationale, 10 avril 1790 signale l'état misé- rable du pays. — Extrait d'une délibération du Conseil général de Saint-Lô, du 25 février 1790 contre les exigences excessives du directeur des aides. Dvi 38350. Lettre de Bucaille, maire de Brevands, à l'Assemblée nationale, 12 mai 1790 sur la nouvelle élection de la municipalité. Liste des officiers municipaux de Gatteville à l'As- semblée nationale, 22 mars 1790 plaintes contre l'Instruction de la Commission intermédiaire provinciale du 19 janvier 1790. — Lettre des officiers municipaux de Tocqueville à l'Assemblée nationale, 14 mars 1790 même objet. Lettre des officiers municipaux de Canteloup à l'As- semblée nationale, 18 mars 1790 même objet. Dvi 38iy' . Lettre de Lefauqueux, greffier de la subdélégation de Saint-Lô, à l'Assemblée nationale, 2 juillet 1790 demande de secours. Dvi 3833i. Lettres écrites à l'Assemblée nationale au sujet de la contribution patriotique, par Desaunès, de Caen, 1er avril 1790 ; Lehardy, de Caen, 2 avril 1790 ; Delaville, médecin de l'hôpital des travaux de la rade de Cherbourg, 28 décembre 1789 ; de Morel, avocat à Carentan, 18 juin 1790. Dvi 43. Lettre de Guillouet, lieutenant général du bailliage de Jinchebrai, à l'Assemblée nationale, 17 février 1790 XL ARCHIVES NATIONALES sur les nouvelles exigences des curés pour les dîmes et les pailles. Dvi 64. Etals de situation des finances de la France, de l'éten- due, de la population et des contributions de chaque généralité du royaume en 1788. Dxi Papiers du Comité de liquidation. Cette sous-série ne m'a fourni de renseignements que sur un point Dxi 29. Lettres et mémoires relatifs à l'indemnité accordée à Bellissent, négociant à Caen, pour le pillage de son magasin de grains dans l'émeute du 23 avril 1789. Dxm Papiers du Comité d'Agriculture et de Commerce Dxm 4. Adresse des fermiers en général du Cotentin à l'Assem- blée nationale, s. d. 1790, 2 pièces. Dxiv Papiers du Comité des droits féodaux, comprend douze cartons, classés par ordre alphabétique de départements. Trois d'entre eux renferment d'importants documents relatifs à l'é- poque étudiée dans ce travail, à savoir Dxiv 213 pour le Calvados, 548 pour la Manche, 8 pour l'Orne. Dxiv2l* Cabourg. Détails importants et d'un intérêt marquant pour l'utilité publique, en ce qui touche et la vie la tranquillité de toutes les classes de citoyens dans les campagnes, 2 juin 1790 mémoire sur les dunes de Cabourg, par le comte de Persan, contre les habi- tants. — Landelles. Lettre de Mireaume-Deslandes au Comité des droits féodaux, 21 mars 1790. — Rots. Lettre des officiers municipaux de Rots au prési- dent de l'Assemblée nationale, 23 février 1790 contre les usurpations de l'abbaye Saint-Etienne de Caen. — Lettre de Cotelle, avocat au bailliage de Vire, 13 octo- bre sur les dîmes inféodées. Dxiv 5''8 Agon. Requête des habitants à l'Assemblée nationale, 16 janvier 1790 sur l'usurpation de biens commu- naux par le seigneur. — Avranches. Lettre de Gauquelin, prêtre, au président de l'Assemblée nationale, 18 août 1789 sur l'usur- pation des landes de Pontorson par le seigneur. ARCHIVES NATIONALES XLI Dxiv5''8 Brécey. Plaintes des habitants à l'Assemblée nationale, 28 mai 1790 sur l'abus et l'iniquité des redevances seigneuriales. — Bricquebec. Plaintes des habitants de Bricquebec, des Perques, de Quettetot et de Surtainville à l'Assem- blée nationale, 20 septembre 1789 contre l'inter- diction par les seigneurs des droits d'usage dans la forêt. — Carneville. Plaintes des habitants de Gonneville et Carneville, 30 mai 1790 contre les vexations du seigneur. — La Chapelle-Enjuger. Lettre de Dagobert, major des chevaliers royaux du Dauphiné, au président de l'Assemblée nationale, 26 février 1790 contre les vexations du seigneur. — Coutances. Lettre des officiers municipaux à l'Assem- blée nationale, 15 mars 1790 sur le droit de havage. — Gavray . Lettre d' Hervieu, avocat à Gavray , à l'Assemblée nationale, 14 février 1790 sur le droit de banalité. — Mesnil-Amant. Lettre de Cabaret, avocat à l'Assemblée nationale, 27 août 1790 sur le droit de pêche. Hautevilîe-sur-Mer. Réclamations des habitants à l'Assemblée nationale, 5 août 1790 contre l'usur- pation d'un marais par le seigneur. — La Haye-du-Puits. Lettre de Regnault de Bretel à l'Assemblée nationale, 2 mai 1790 sur le rachat des rentes seigneuriales. — Isigny, près Mortain. Lettre de Godard à l'Assemblée nationale, août 1790 sur un droit à la foire Saint- Mathieu. — Requête des habitants de Moyon, Tessy, Villebaudon, Mesnil-Opac, Beaucoudrai, Mesnil-Hermant, à l'As- semblée nationale, 17 février 1790 contre les vexa- tions des agents du prince de Monaco. — Neufmesnil. Mémoire rédigé par Lesens, mars 1790, débats avec paroisses voisines. — Torigni. Lettre de Dechevrière à l'Assemblée nationale, 4 décembre 1789 refus général du paiement des droits seigneuriaux. — Valognes. Lettre de Hubert, procureur de la maîtrise des eaux et forets, 21 novembre 1789 sur les droits de treizième. \ ARCHIVES NATIONALES Dxiv 8 Tinchebrai. Lettre de Mme Duchatel, veuve de Fierval, au président de l'Assemblée nationale, 28 août 1791 sur refus de paiement des rentes par ses vassaux. Dxxix Papiers du Comité des rapports. Cette sous-série com- prend 101 cartons, classés par ordre de départements 1 à 16 ; par ordre alphabétique des lieux 16 à 84, et des personnes 86 à 92. On y trouve d'assez nombreuses pièces relatives aux débuts de la Révolution dans la généralité de Caen Dxxix 8. Copie du registre destiné pour recevoir les plaintes et griefs des citoyens de Granville contre M. de Pré- fort, commandant du roi à Granville, ouvert le 19 juillet 1790. Mémoire à consulter pour le sieur de Préfort, comman- dant à Granville. — Lettre de la municipalité de Granville à l'Assemblée nationale, 4 octobre 1790 plaintes contre les mé- faits de Préfort. Dxxix 18. Lettre de la municipalité et du Comité réunis d' Avran- ches à l'Assemblée nationale, 26 décembre 1789 sur l'abaissement nécessaire du prix du sel blanc dans l'Avranchin. Extrait du registre des délibérations d'Avranches, 22 décembre 1789 relatif au même objet. Dxxix 29. Lettre du marquis d'Oilliamson au président de l'Assemblée nationale, 4 août 1789 sur l'incendie de son chartrier. — Lettre d'un bourgeois de Caen au président de l'As- semblée nationale, 7 octobre 1789 sur l'insubordi- nation des volontaires nationaux. Plaintes de tous les honnêtes citoyens de la ville de Caen » à l'Assemblée nationale, 18 décembre 1789 protestation contre le service de garde que le Comité veut leur imposer. . — Lettre de Boyer, directeur des aides et octrois de Caen à l'Assemblée nationale, 31 juillet 1789 sur l'é- meute du 20 juillet. Lettre du Directoire du Calvados à de Lessart, 24 juil- let 1789 avec pièces relatives à l'indemnisation de Bellissent, pour le pillage de ses grains dans l'émeute de Caen, des 23-24 avril 1789. ARCHIVES NATIONALES XLIII Dxxix 29. Lettre de Signard d'Ouffières et Bougon-Longrais, députés extraordinaires de Caen, à l'Assemblée nationale, 3 décembre 1789 protestation contre un article du Journal général de France », du 19 no- vembre, injurieux pour Caen. Lettre du comte de Vassy au président de l'Assemblée nationale, 27 juillet 1789 sur l'abandon forcé de ses droits féodaux. Lettre de la femme Sosson à l'Assemblée nationale, 21 octobre 1789 relative au meurtre de Belzunce. — Lettre de Guilbourt, ancien juge consul de Caen, à l'Assemblée nationale, 23 novembre 1789 contre la composition démocratique des assemblées pa- roissiales. — Etat, en deux tableaux, des signataires de l'assemblée de la paroisse Notre-Dame, du 18 novembre 1789, et des non signataires envoi de Guilbourt relatif au même objet. — Lettre du lieutenant général du bailliage de Caen, Duperré de Lisle, au président de l'Assemblée nationale, 16 octobre 1789 contre l'anarchie mu- nicipale. — Lettre du même, même date, sur l'impuissance du Comité national de Caen. — Lettre des principaux citoyens de Caen à l'Assemblée nationale, 27 octobre 1789 sur la situation trou- blée de cette ville. •— - Mémoire justificatif, par du Belloys, avocat, détenu au château de Caen, ms. autographe, 28 p. sur le meurtre de Belzunce, avec lettre d'envoi de du Belloys au président de l'Assemblée nationale, 1er novembre 1789. — Précis de ce qui s'est passé à Caen au Comité, les 11 et 12 août 1789, 8 p. ms., avec lettre d'envoi par le Comité deCaenàl'Assembléenationale, 19 août 1789, - — Avis important d'un citoyen de Caen à ses conci- toyens pour la réformation de leur Comité et la perfection de leur milice nationale, par Brion des Parcs fils, avec lettre d'envoi à l'Assemblée natio- nale, 7 novembre 1789. Pxxix 30. Extraits des délibérations du Conseil municipal de Carentan, des 25, 27 et 30 mai et du corps des NATIONALES volontaires nationaux, du 27 mai, avec lettre d'envoi de la municipalité, du 3 juin 1790 sur l'émeute de Carentan, du 17 mai 1790. Dxxix 32. Lettre de Garantot, ancien maire et subdélégué de Cherbourg, à l'Assemblée nationale, avec l'état des pièces qui ont pu être retrouvées chez M. de Garantot après le sac de sa maison et jointes à son adresse, 6 février 1790. Lettres nombreuses de l'intendant de Launay et de Garantot, relatives à l'approvisionnement de Cherbourg, de mars à juillet 1789. Précis de ce qui s'est passé à Cherbourg depuis le 21 juillet jusqu'au 2 août 1789, avec le procès et le jugement des brigands séditieux qui ont porté la désolation et la terreur dans cette ville. Cherbourg, imprimerie Clamorgan, 1789, 28 p. Jugement prévôtal du 31 juillet 1789 placard imprimé Compte de vente et produit net des divers envois de grains faits à Garantot par l'Assemblée nationale. Lettre des officiers municipaux de Cherbourg à l'As- semblée nationale, 25 décembre 1789 sur la contre- bande. Extrait du registre des délibérations de l'hôtel de ville de Cherbourg, du 21 juillet au 6 août 1789, avec lettre d'envoi des officiers municipaux à l'Assemblée nationale, 6 août 1789 sur les troubles de Cherbourg. Copie de l'adresse de la Société des amis de la Consti- tution de Cherbourg au corps municipal de cette ville, 19 juillet 1790 et procès- verbal de la presta- tion du serment fédéral du 14 juillet 1790 à Cher- bourg, avec lettre d'envoi des officiers municipaux à l'Assemblée nationale, 25 juillet 1790 sur les illuminations du 14 juillet. Dxxix 33. Lettre de Gourjon, pasteur de Monchamps, à l'abbé Goutte, vice-président de l'Assemblée nationale, 28 mai 1790 contre le fanatisme des prêtres catho- liques de sa région. Dxxix 34. Lettre des officiers de la milice nationale de Cou- tances à l'Assemblée nationale, 26 juin 1790, et réponses du Comité des rapports, 2 juillet et 2 août 1790 sur la destitution d'un garde national, notable de Coutances. ARCHIVES NATIONALES XLV Dxxix36. Adresse de Sauvé, maire de Ducey, à l'Assemblée nationale, 31 janvier 1790, accompagné d'un procès-verbal de délibération des citoyens actifs de Ducey contre une accusation de malversation dont il est l'objet. Dxxix39. Lettre de Gauché-Dumeslais, procureur du roi de la maîtrise des eaux et forêts de Caen, à l'Assemblée nationale, 11 décembre 1789 sur les dévastations des bois nationaux. Procès-verbal d'un sergent de la maîtrise des eaux et forêts, 3 décembre 1789 même objet. Procès-verbal du même, 4 décembre 1789 même objet. Dxxix40. Réclamation à l'Assemblée nationale par les arma- teurs, capitaines, officiers de navires, négociants, fabricants et marchands de Granville contre l'arrêté du 2 décembre 1789, pris contre eux par le soi- disant Comité national. Lettre de Couraye-Duparc, maire et ancien subdélégué de Granville, à l'Assemblée nationale, 7 septem- bre 1789 sur la formation du Comité de Granville. — Lettre des officiers municipaux de Granville à l'Assem- blée nationale, 19 juillet 1790 sur le mécontente- ment causé par le retour de Préfort, commandant du roi. — Lettre de Poulain de Boutancourt aux officiers muni- cipaux de Granville, 8 mai 1790 conflit entre Gran- ville et Saint-Nicolas. Dxxix 58. Lettre des officiers municipaux du Mont-Saint-Michel à l'Assemblée nationale, 30 juin 1790 sur la ré- pression de la contrebande. Dxxix 71. Adresse du Comité national de Saint-Lô à l'Assemblée nationale, 18 novembre 1789 sur un délit relatif aux subsistances. Pétition de Leduc, citoyen de Saint-Lô à l'Assemblée nationale, 6 janvier 1790 relative au service de la garde nationale. Dxxix78. Lettre de La Filanchère, contrôleur des vingtièmes de l'élection de Mortain, aux députés des Etats généraux, 1er août 1790 sur son exclusion de Tinchebrai. — Lettre du même au président de l'Assemblée nationale, 15 septembre 1789 même objet. \LM ARCHIVES NATIONALES Dxxix78. Lettre de la municipalité de Tinchebrai à l'Assemblée nationale, 23 décembre 1789 long exposé de griefs contre La Filanchère, contrôleur des vingtièmes. D XXIX 81. Adresse des officiers municipaux de Valognes à l'Assem- blée nationale, 22 j uillet 1789 adhésion à ses travaux. — Lettre de Pernet-Desbordes, contrôleur général des aides de Cherbourg à l'Assemblée nationale, 16 mars 1790 sur le manque d'autorité des employés. Lettre des officiers municipaux de Cherbourg à l'As- semblée nationale, 20 mars 1790 plaintes contre la délivrance de contrebandiers par les gardes nationaux de Valognes. — Procès-verbal du 7 décembre 1789 relatif à la saisie de 7 sacs de sel blanc et à la délivrance de neuf faux-sauniers par les habitants de Valognes. — Procès-verbal du 7 mars 1790 relatif à la délivrance de deux contrebandiers de tabac par la garde nationale de Valognes. — Lettre des officiers municipaux de Valognes à l'Assem- blée nationale, 16 avril 1790 protestation contre les accusations calomniatrices de Cherbourg. — Lettre des officiers municipaux de Valognes à l'Assem- blée nationale, s. d., envoi d'une délibération de l'hôtel de ville, du 9 mars 1790, sur l'insubordi- nation de la garde nationale et demande d'une réglementation générale. Dxxix 83. Adresse des municipalités de Saultchevreuil, Ville- dieu et Saint-Pierre-du-Tronchet à l'Assemblée nationale, 26 mai 1790 adhésion à ses décrets ; récit d'une saisie de tabac. Dxxix 84. Lettre de Duboscq, Brouard, Cailly et Mauduit, com- missaires de la garde nationale de Vire à l'Assem- blée nationale, 15 août 1790 récit d'un attentat dirigé contre le comte de Pontécoulant à l'assem- blée électorale de Vire, 7 juillet. Dxxix 91. Lettre de Rouhière de Fontenelle, de Cherbourg, à l'Assemblée nationale, 11 novembre 1789 au sujet de sa destitution comme aide-major de la milice nationale. Lettre de Viel, fabricant de bas au métier à Caen, à l'Assemblée nationale, 18 novembre 1789 plaintes contre la libre circulation des grains. ARCHIVES NATIONALES xLVif Dxxixbis Papiers du Comité des recherches, comprend les lettres, mémoires, procès-verbaux et délibérations des munici- palités, les dénonciations concernant les troubles dans les dépar- tements. J'y ai relevé les documents ci-après Dxxix1^ 2*4 Dxxix'^333, Dxxixbis 315 Dxxixhis 4',s, Dxxixbis 4i/., du département d'Alençon Orne, déposé le 24 mars 1790. SERIE W Tribunal révolutionnaire W 294-°. Dossier de la Roque, seigneur de Cahan, ancien subdé- légué de Mortain. W 296-47. Dossier de Gabriel de Cussy, ancien député du bail- liage de Caen aux Etats généraux, puis conven- tionnel. W 3406-1. Dossier de Lacour, comte de Balleroy, ancien procu- reur-syndic provincial de Caen. ARCHIVES DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES SÉRIE AD Bibliothèque administrative J'y ai particulièrement utilisé les sous-séries suivantes ADi 60. Régime administratif et politique. ADxvi, 27, 49 et 56. Histoire des départements. Les pièces ou brochures consultées sont mentionnées dans la partie de cette notice consacrée à la bibliographie des imprimés. IL — ARCHIVES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES L'administration de la province de Normandie relevant du secrétariat des affaires étrangères à la fin de l'Ancien régime jusqu'en 1788, les archives du ministère actuel des affaires étrangères contiennent quelques documents relatifs au début de la période qui fait l'objet de cette étude. Ils sont renfermés dans le fonds France, Affaires intérieures, et dans celui de Frange, Commerce lK J'y ai consulté France. Affaires intérieures, 1401. Registre, pièce 29. Liste des notables composant l'assemblée des notables de 1787, parta- gée en 7 bureaux. Versailles. Imprimerie D. Pierres, 1787. Le comte de Vendceuvre, maire de Caen, y figure comme 16e mem- bre sur 19 du 7e bureau, présidé par le duc de Penthièvre. Ici., 1403. Registre, pièce 53. Rapport du 7e bureau sur le Mémoire de Galonné relatif aux Assemblées provinciales. France. Commerce, 2006. Mémoires et documents, 1745- 1820, 46 pièces en un volume in-folio de 412 feuillets, pièce 35. Observations de la Chambre de commerce de Normandie sur le traité de commerce entre la France et l'Angleterre, fol0 292-323. IbicL, 2006, pièce 44. Mémoire d'Anquetil résumant 4 bro- chures de polémique relatives à ce traité de commerce, parues en 1788. 1 Inventaire sommaire des Archives du Département des Affaires Etrangères. Mémoi- res et Documents. France. Paris, Imprimerie Nationale, 1883. Inventaire supplémen- taire. — Dans cette collection, le fonds France. Affaires intérieures, occupe les articles 744 à 1415, et le fonds France, Commerce, les articles 1984 à 2020. — Le fonds intitulé Petits fonds provinces, articles 1416 à 1768, ne contient pour la généralité de Caen, aux articles 1662-1653 et 1762, que dos document-; antérieurs nu 26 août 1786. dont je n'ai pas eu à tirer parti, LVI ARCHIVES DEPARTEMENTALES France. Commerce, 2013. Mémoires et documents, 1786-1829, 49 pièces en un volume in-folio de 374 feuillets, pièce 19. Plaintes des officiers municipaux de Granville, adressée au Roi et à NN. SS. de son Conseil, contre le traité de commerce de 1786. IbicL, pièce 25. Lettre d'envoi des observations de la Chambre de commerce de Normandie au baron de Breteuil, par les syndics de cette Chambre, 15 octobre 1787 original. Ibid., pièce 26. Extrait des observations de la Chambre de com- merce, pour être placé sous les yeux du roi. Ibid., pièce 27. Lettre de remercîments de l'intendant de Rouen, de Maussion, à Breteuil, au nom de la Chambre de commerce de Normandie, 19 novembre 1787. TH. — ARCHIVES DÉPARTEMENTALES 1° Archives départementales du Calvados J'y ai utilisé de fort nombreux documents de la série C et accessoirement des séries B, E, F et L. La série C compte près de 13,000 articles-1. Elle se compose des fonds de l'ancienne intendance de Caen et de ses subdélé- gations, C 1-6957, C 9446-9565, et de la Commission intermé- diaire provinciale de Basse-Normandie, C 7610-8578. L'état de la généralité de Caen à la fin de l'ancien régime est exposé d'après C 267. Tableau nominatif des villes et communautés de la géné- ralité de Caen en 1787. C 269-292 ; 1056, 1070. Mémoires statistiques des intendants et des subdélégués au cours du XVIIIe siècle. C 6379. Tableau du sol, des productions, du commerce et des impositions de la généralité de Caen par l'intendant Fontette, 1770. 1 La série c du Calvados comprend exactement l,243arliclcs d'inventaire imprime'1 en 4 volumes et 5 feuilles ; 8,122 articles d'inventaire rédigé, pouvant donner la matière de 7 volumes à l'impression ; en outre, 1,525 registres et liasses fonds de l'enregistrement et des domaines, représentant environ 30 u/0 de la série à clas- ser. Rapport de M. Besnier, archiviste dé arlemental du Calvados, 1008, p. 274. — C'est à la complaisance inépuisable et aux savantes directions de M. Armand Bénet, ancien archiviste du Calvados, que je dois la connaissance de celle importante série C. A l'hommage de reconnaissance pie je lui rends ici, j'associe son aimable cl obligea ni successeur, M. Besnier. ARCHIVES DEPARTEMENTALES LVII C 151-190. Tableaux du mouvement de la population, 1773-1787. C 233. Tableau de l'administration de l'intendant Cordier de Launay, 1787-1790. C 6331. Tableau des départements de l'intendance de Caen, 1769. C 201-228. Documents relatifs à l'hôtel de l'Intendance 1682- 1790. C 229-234 ; 6331-6332. Documents relatifs au personnel des bu- reaux de l'intendance. C 6880-6957; 9446-9565. Fonds des subdélégations Caen et Bayeux. Sur l'organisation de l'assemblée provinciale et l'ébauche des assemblées d'élection chap. II, j'ai consulté C 110. Edit concernant la formation et convocation des Assem- blées provinciales dans la généralité de Caen im- primé, 1787. C 6341-6343. Règlements, instructions et correspondance rela- tifs à cet objet. La première session de l'Assemblée provinciale et celles des assemblées d'élection de 1787 chap. III et IV, sont retracées d'après les documents suivants C 7610-7618. Procès-verbaux des séances, rapports et mémoires de l'Assemblée provinciale, 1787. C 7643-7644. Procès-verbal de l'assemblée d'élection d'Avran- ches copies collationnées par le secrétaire Boudent. C 7654. Id. de l'assemblée d'élection de Bayeux registre original. C 7663. Id. de l'assemblée d'élection de Caen copies collationnées par le secré- taire Hainguerlot. C 7689. Id. de l'assemblée d'élection de Caren- tan copies collationnées par le secrétaire Duval. C 7698. Id. de l'assemblée d'élection de Coutan- ces copies collationnées par le secrétaire Caillard. C 7705. Id. de l'assemblée d'élection de Mortain copies collationnées par le secré- taire Monnier. LYII1 ARCHIVES DEPARTEMENTALES C7711. Procès-verbal de l'assemblée d'élection de Saint-Lô copies collationnées par le secrétaire Vieillard. C7719. Id. de l'assemblée d'élection de Valognes co- pies collationnées par le greffier Duval. C 7725. Id. de l'assemblée d'élection de Vire registre original. L'étude du régime municipal en 1787 et de la formation des municipalités rurales de 1787 chap. V, s'est éclairée des docu- ments suivants C 1049 . Edit concernant l'administration dans les villes et princi- paux bourgs delà province de Normandie, juillet 1766. C 1050, 1051. Correspondance générale de 1692 à 1785. C 1058; 1061-1064; 7649. Correspondance relative à l'adminis- tration municipale d'Avranches. C 1089-1095, 6478. Id. de Caen. C 1155-1157. Id. de Carentan. C 1168-1173. Id. de Coutances. C 1183-1186. Id. de Granville. C 1221, 6504, 7707. Id. de Mortain. C 1229, 1230. Id. de Saint-Lô. C 1241, 1242, 7724. Id. de Cherbourg. C 1253-1257, 6507. Id. de Valognes. C 1277. Id. de Vire. C 6344. Incidents relatifs à la formation des municipalités rurales, 1787-1789. C 7680-7685. Procès-verbaux des assemblées électorales des municipalités de l'élection de Caen, 1787. C 7648. Tableaux de formation des assemblées municipales de l'élection d'Avranches. G 7662. Id. de l'élection de Bayeux. C 7697. Id. de l'élection de Carentan. C 7704. Id. de l'élection de Coutances. C 7710. Etat des assemblées municipales de Mortain et mé- moire sur les assemblées municipales. C 7717. Tableau de formation des assemblées municipales de l'élection de Saint-Lô. C 7731 . Id. de l'élection de Vire. L'activité de la Commission intermédiaire provinciale, des bureaux intermédiaires de département et des procureurs-syndics chap. VI, a été étudiée d'après ARCHIVES DEPARTEMENTALES LIX C 7619-7621. Compte-rendu de la Commission intermédiaire provinciale de Basse-Normandie, 1790 3 exem- plaires imprimés. C 7622, 7623. Deux registres de correspondance de la Commis- sion intermédiaire provinciale 1° 10 février- 7 mai 1788 ; 2° 21 juin-7 octobre 1788. C 7624, 7625. Deux registres de correspondance des procureurs- syndics provinciaux 1° 29 août 1787-4 juillet 1788 ; 2o 20 décembre 1789-3 avril 1790. C 7626-7628. Lettres adressées à la Commission intermédiaire provinciale, 1787-1790. C 7729, 7730. Edits, déclarations et lettres patentes, 27 octobre 1789-25 juillet 1790. C 7778-8312. Documents relatifs aux impositions Impositions en général, 7778-7790 ; tailles, 7790-7816 ; états d'imposition de 1788 pour les élections de Caen et de Vire, 7816-9089 ; capitation, 8090-8155 ; contribution patriotique, 8156-8157 ; vingtièmes, 8158-8178 ; impôt territorial, 8179-8255 ; corvée, 8256-8312. C 8320-8517. Documents relatifs aux ponts et chaussées. C 3087-3088. Correspondance de Lefebvre, ingénieur en chef. C 7655. Registre des délibérations et arrêtés du bureau intermédiaire de Bayeux, 6 octobre 1787-7 août 1790. C 7726. Registre des délibérations du bureau intermé- diaire de Vire, 18 février 1788-30 juin 1790 avec lacune du 24 octobre 1788 au 21 novembre 1789. C 7657-7658. Deux registres de correspondance du bureau inter- médiaire de Bayeux, mars 1788-7 août 1790 *. C 7647-7649. Dossiers de correspondance du bureau intermé- diaire d'Avranches. C 7661. Id. du bureau intermédiaire de Bayeux. C 7666-7678. Id. du bureau intermédiaire de Caen. C 7693-7696. Id. du bureau intermédiaire de Carentan. C 7701-7703. Id. du bureau intermédiaire de Coutances. 1 Les archives départementales du Calvados viennent de rentrer en possession du registre des délibérations du bureau intermédiaire du département de Caen, 24 janvier 1788-6 août 1790, qu'un libraire de Tours a revendu à M. Besnier, archi- viste départemental. Cette précieuse restitution élève de 5 à 6 le nombre des dépar- tements de la généralité de Caen pour lesquels nous possédons la trace les délibé- rations des bureaux intermédiaires. Arch. dép., Calvados, C 7664 • LX ARCHIVES DÉPARTEMENTALES C 7707-7709. Dossiers de correspondance du bureau intermè- de Mortain. C 7712-7716. Id. du bureau intermédiaire de Saint-Lô. C 7722-7724. Id. du bureau intermédiaire de Valognes. C 7727-7730. Id. du bureau intermédiaire de Vire. Sur les assemblées de département de 1788 et la campagne en faveur des Etats provinciaux de Normandie, j'ai consulté C 7645. Procès-verbal des séances de l'assemblée d'Avranches 3 cahiers, copies collationnées par le secrétaire Boudent. C 7654. Id. de l'assemblée de Bayeux registre original. C 7664. Id. de l'assemblée de Caen 3 cahiers, copies collation- nées par le secrétaire Hainguerlot. G 7690. Id. de l'assemblée de Carentan registre, copies colla- tionnées par le secrétaire Duval. C 7700. Id. de l'assemblée de Coutances cahier, copie colla- tionnée par le secrétaire Caillard. C 7707 . Id. de l'assemblée de Mortain copie collationnée par le secrétaire Monnier. C 7112-7714. Id. de l'assemblée de Saint-Lô 3 cahiers, copies collationnées par le secrétaire Vieillard. G 7720, 7721. Id. de l'assemblée de Valognes 2 cahiers, copies collationnées par le secrétaire Duval. C 7725 . Id. de l'assemblée de Vire registre original. C 7631 . Etats de Normandie. Mémoires et notices, 1788-1790. C 7632-7634. Déclarations des paroisses de l'élection de Caen en faveur du rétablissement des Etats de Normandie septembre-novembre 1788. Les archives départementales du Calvados renferment d'assez nombreux documents sur le mouvement électoral, les élections et les cahiers des bailliages de Caen et de Coutances en 1789 chap. IX, X et XI. Ce sont, dans la série C C 6345. Arrêts, instructions, correspondance générale relatifs à la Convocation, 1788-1789. C 6346. Documents relatifs aux dépenses des assemblées de bailliages. C 6348-6359. Documents relatifs à la Convocation surtout rap- ports de subdélégués à l'intendant pour Avran- ches 6318 ; Bayeux 6349 ; Caen 6350 ; Caren- ARCHIVES DEPARTEMENTALES EXI tan 6351 ; Cherbourg 6352 ; Coutances 6353 Granville 6354 ; Mortain 6355 ; Saint-Lô 6356 Saint-Sauveur-le-Vicomte 6357 ; Valognes 6358 Vire 6359. La série B, non inventoriée, renferme le procès-verbal et le cahier du clergé du bailliage de Caen ; le cahier des pouvoirs et instructions de la noblesse ; le cahier d'observations et doléances de l'assemblée préliminaire du Tiers état de ce bailliage copies informes ; le cahier de l'assemblée préliminaire des bailliages de Bayeux copie collationnée, signée du lieutenant général, La Jumel- lière, de Torigni copie collationnée par le greffier Dufresne, de Vire original signé par tous les comparants avec le procès-verbal original de l'assemblée du 5 mars 1789 ; les réflexions de MM. Le Canu et Laurent ; les protestations de Letellier, avocat à Bayeux copies collationnées. Elle renferme aussi un certain nombre de cahiers paroissiaux ceux de 243 paroisses du bailliage de Fa- laise, 42 procès-verbaux et 36 cahiers de doléances du bailliage de Vire d. La série F fonds de Beaumont, contient, dans les papiers d'Eudes de la Jumellière, une série de documents relatifs à la convocation dans le bailliage de Bayeux, et notamment le cahier de doléances de Villiers-le-Sec F 782. La série E famille de Vassy, non inventoriée, renferme une lettre intéressante du comte de Vassy, sur les élections aux Etats généraux sans date $. Sur les troubles amenés par la disette des grains d'avril à juillet 1789 chap. XII, j'ai consulté C 2638-2641 ; 2663, 2665, 2670, 2674, 2675, 2679, 2684, 2685, 2688. Correspondance de l'intendant Cordier de Launay, relative à l'approvisionnement des diverses villes de la généralité. 1 J'ai consacré un article à ces procès-verbaux et cahiers, au lendemain de leur découverte dans les greniers de la mairie de Vire, par M. A. Bénet. Voir La Révôlu- lution française, tome XXXI, 1896, p. 300-346 et 414-426. 2 Ces archives contiennent aussi, dans un fonds tout récemment acquis, relatif à la famille de Savignac, une série de pièces très intéressantes sur les dernières années du régime féodal dans le Bessin. et notamment des lettres de Leprestre, régisseur du domaine de Meuvaines, au comte de Savignac, alors en résidence à Moissac, sur lea débuts de la Révolution dans la Basse-Normandie, 1786-1790. LXII ARCHIVES DÉPARTEMENTALES C 6370. Rapport de Cordier de Launay sur l'émeute de Cher- bourg, 28 mars 1790. F non inventorié. Registre de copies de lettres du directeur de la mine de Littry lettres relatives à la grande peur, juillet 1789. Sur les milices urbaines antérieures aux milices nationales C 2105-2116. Sur la formation des municipalités de 1790 chap. XIV C 1049. Lettres patentes et instructions de l'Assemblée nationale relatives à la loi municipale du 14 décembre 1789. C 7686-7688. Procès-verbaux des assemblées électorales de 1790 élection de Caen. L non inventorié. Tableau de la formation des municipalités du district de Bayeux et correspondance y relative. Sur la division de la généralité de Caen en départements, je n'ai trouvé aux Archives départementales du Calvados qu'un seul document, mais très important C 9. Carte originale de la division du département de Caen, signée par les députés de ce département, le 25 février 1790D. L'organisation administrative du département du Calvados et la liquidation des affaires relatives à la généralité de Caen font l'objet de nombreux documents de la série L, en très grande partie non inventoriée. En voici l'indication sommaire Registre des procès-verbaux de la Commission du roi pour le département du Calvados, 29 mars-13 juillet 1790. Registre des ordonnances de cette Commission, 10 avril-11 juil- let 1790. Lettres-circulaires et expéditions de cette Commission, 29 mars- 13 juillet 1790. Procès-verbaux des assemblées primaires électorales du Calvados et correspondance y relative. 1 C'est le double de la carie déposée au Comité de constitution et conservée aux Arch. nat., NN 78. Voir ci-dessus, p. u\. ARCHIVES DEPARTEMENTALES LXIII Procès-verbal de l'assemblée électorale du département du Cal- vados, 11-14 juin 1790. Procès-verbaux des assemblées électorales des trois districts de Caen, Bayeux et Vire. Procès-verbal des arrêtés de Messieurs les Commissaires des départements de la Manche, du Calvados et de l'Orne, 3 octobre 1790-6 juin 1791. Lettres d'Esmangart, ancien intendant de la généralité de Caen, à Bayeux, procureur général syndic du département du Calvados, 27 décembre 1790 et 24 février 1791. Lettre adressée au même par Feydeau de Brou, ancien intendant de la généralité de Caen, 12 janvier 1791. Tableau de partage entre les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne des diverses espèces de fonds confiés à l'administration de l'Assemblée provinciale de Basse-Nor- mandie ou de sa Commission intermédiaire, conformément au procès-verbal signé le 0 mars 1791. Procès-verbal définitif de liquidation adressé par les commissaires à Roland, ministre de l'intérieur, 10 janvier 1793. La série C renferme également deux liasses de documents rela- tifs au même objet, l'un dans le fonds de l'intendance, et l'autre dans celui de la Commission intermédiaire provinciale C 6334. Instructions relatives à la remise des papiers adminis- tratifs par l'intendant de Caen aux Directoires de la Manche, du Calvados et de l'Orne, 8 juin-5 no- vembre 1790. C 7727. Instructions relatives à la remise des papiers adminis- tratifs par la Commission intermédiaire provinciale de Basse-Normandie aux Directoires de la Manche, du Calvados et de l'Orne. 2° Archives départementales de la Manche *. J'ai eu recours à trois séries de ce dépôt les séries B, C et L. La série B inventaire manuscrit détaillé, contient des docu- ments relatifs à la convocation des Etats généraux de 1789 dans les bailliages de Carentan, Valognes et Torigni. 1 Passage en blanc dans le texte. 2 Je remercie vivement M. Dolbet, archiviste départemental de la Manche, de L'obligeant empressement qu'il a mis à me faciliter la consultation de ce dépôt. LXIV ARCHIVES DEPARTEMENTALES Pour le bailliage de Carentan, un seul procès-verbal d'assem- blée primaire, celui de Carentan, et le cahier de cette ville sur 48 cahiers rédigés dans le ressort; en outre, le cahier de l'assem- blée préliminaire du Tiers état du bailliage 0. Pour celui de Valognes, collection à peu près complète des procès-verbaux 120 et des cahiers 124 sur 129 rédigés *. Pour celui de Torigni, 40 procès-verbaux d'assemblées électo- rales, et 36 cahiers de doléances, sur 59 rédigés . La série C inventaire imprimé, 1347 articles °, relative à l'intendance d'Alençon, contient de rares documents sur les impositions de 24 paroisses de la généralité de Caen rattachées en 1790 au département de l'Orne. 1 Cf. Arch. Nat., NN* 12. Voir ci-dessus, p. liv. 2 J'exprime à M. L. Duval, ancien archiviste de l'Orne, mes sincères remerci- raents pour son obligeant concours. 3 Inventaire sommaire des Archives départemen aies antérieures à 1796 Orne, séries C et D, par Gravelle-Desulis. Paris, 1877, in-4*. LXVI ARCHIVES DÉPARTEMENTALES G 1298 1299. Rôles de la répartition faite, d'après les mandements des bureaux intermédiaires de Vire et de Mortain, de l'imposition du supplément des ci-devant pri- vilégiés pour les six derniers mois de 1789 dans ces 24 paroisses. La série L offre plus de ressources, la formation du départe- ment ayant intéressé les trois cantons d'Athis, Fiers et Tinche- bray, dont le territoire ressortissait presque entièrement, sous l'ancien régime, à la généralité de Caen. L 376. Commission royale donnée à Marescot, doyen du prési- dial d'Alençon, pour la formation du département de l'Orne, avec lettre d'envoi aux municipalités, 7 avril 1790. L 377. Inventaire des pièces que MM. les Commissaires nommés par le roi pour la formation du département de l'Orne... ont remises au secrétariat dudit départe- ment et dont ils demeurent déchargés P. L 383. Tableau de la formation et de la population active du département de l'Orne. Alençon, imprimerie veuve Malassis, 1790. L 388. Procès-verbaux des assemblées primaires des cantons d'Athis, Fiers et Tinchebray. L 391 . Procès-verbal de l'assemblée électorale du département de l'Orne, 30 juin-7 juillet 1790. L 392. Procès-verbal de la première session du Conseil du dépar- tement de l'Orne, 23 juillet 1790. L 396. Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Domfront, 16-19 juillet 1790. — Procès-verbal de la première séance du Conseil du district de Domfront. L 1022. Extrait du registre des actes et arrêtés des commissaires des départements du Calvados, de l'Orne et de 1 Parmi les pièces que mentionne cet inventaire, se trouvaient 1° un exemphrire imprimé de la Commission donnée par le roi aux sieurs vicomte de Chambra y de la Bellière, Ducoudray et Marescot, pour la formation du département de l'Orne ; — 2° une expédition du procès-verbal des limites de démarcation de' la composition du département de l'Orne, arrêté et signé le 24 mars 1790 par les députés à l'Assem- blée nationale intéressés audit département, et attesté par les commissaires-adjoints du Comité de constitution être un de ceux y déposés ». Ce précieux document, dont le double existe aux Archives nationales. NX* 13, ne ligure plus aux Archives de l'Orne. ARCHIVES DEPARTEMENTALES LXYIl la Manche, entre lesquels les paroisses de la géné- ralité sont partagées, 3-5 octobre et 13 novembre 1790. L 1023. Liquidation des affaires communes de l'ancienne géné- ralité de Caen compte de la Commission intermé- diaire provinciale, 13 février 1791. Id. compte des ci-devant intendants de la généralité, 1er mars 1791 . — Id. procès-verbal des commissaires vérificateurs, 1er juin 1791. L 1024. Tableaux des partages de dépenses et de recettes faits entre les trois départements de la généralité de Caen. Q Séquestre. Dossier relatif aux biens possédés dans l'Orne par l'intendant Cordier de Launay et son père Cordier de Montreuil seigneuries d'Echauffour, Lignières et Mesnil-Vicomte. B non classé. Cette série n'offre qu'un seul document un appel des députés, fragment du procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bailliage de Tin- chebrai. 4° Archives départementales de l'Eure !. La série E supplément non inventoriée de ce dépôt contient le fonds important du Chartrier du Champ de bataille marquisat de Neubourg, provenant des archives de la famille d'Harcourt. J'y ai trouvé des documents relatifs au rôle joué par le duc de Beuvron, commandant en second, puis en chef, de la province de Normandie, pendant les troubles de l'année 1789. En voici l'é- numération succincte Dossier relatif aux troubles de Saint-Lô, mai 1789. — Lettre du comte deBalleroy à l'intendant Cordier de Launay, 3 mai 1789 ; de Bernard, avocat du roi au bailliage de Saint-Lô, au duc de Beuvron, 10 mai 1789 ; de Robillard, lieutenant-général du même bailliage, au premier président du Parlement de Normandie, 13 mai 1789 ; du Comité d'approvisionnement de Saint-Lô, à l'intendant de Caen, 18 juin 1789. 1 J'adresse mes sincères remerciements à M. Besnier qui, étant archiviste dépar- temental de l'Eure à l'époque de mes recherches, ma, par son extrême ohligeance, facilité celles-ci. LXVIII ARCHIVES COMMUNALES Dossier relatif aux troubles d'Isigny et d'Osmanville, juillet 1789. — Lettres du duc deBeuvron à Paysant, lieutenant général du bailliage de Bayeux, et au chevalier de Gualy, chef du déta- chement d'Isigny. Lettre de Vaufleury de Saint-Cyr, lieutenant général du bail- liage de Mortain, au duc deBeuvron, 5 juillet 1789. Lettre de Lentaigne de Logivièré, receveur général des finances, à Guyard, premier secrétaire de l'intendance de Caen, 1er juil- let 1789. Pièces relatives au désarmement de braconniers à Robehomme, 19 mai 1789 ; Mesnil-Patry, 21 juin 1789 ; Saint-Fromond, 1er juil- let 1789. Lettres de Necker au duc de Beuvron et à l'intendant Cordier de Launay, 23 juin 1789 sur la désobéissance du lieutenant géné- ral du bailliage de Bayeux aux édits concernant les grains. Etat général des armes et munitions de guerre qui ont été délivrées depuis le 1er juillet jusqu'au 1er octobre 1789 par Du- fresne, garde d'artillerie de Saint-Lô, 1er octobre 1789. Relation de ce qui s'est passé à Cherbourg les 21 et 22 juil- let 1789 » récit, malheureusement fragmentaire, d'un témoin oculaire. IV. ARCHIVES COMMUNALES 1° Archives communales de Caen. Les archives communales de Caen, qui sont situées dans les combles de l'hôtel de ville, sont assez riches en documents sur les débuts de la Révolution. Elles n'avaient jusqu'ici été l'objet que d'un classement tout à fait rudimentaire ; mais l'inventaire vient d'en être terminé pour la partie antérieure à 1790. Les précieuses indications que M. Sauvage, archiviste, chargé de ce travail, m'a fournies, me permettent de donner une cote ferme à un certain nombre des documents utilisés. La série AA contient les documents suivants AA 42. Adresse de la ville de Caen au roi, relative aux Etats provinciaux, 1788. A A 43. Mémoire au roi, par les 6 corps de la ville de Caen, 1788 imprimé. ARCHIVES COMMUNALES LXIX AA 44. Lettres et règlement relatifs à la convocation des Etats généraux, 1789 6 pièces. AA 47. Procès-verbaux des délibérations des assemblées de corps et corporations de Caen, 1789. AA 48. Réflexions relatives aux cahiers de doléances, arrêtées par MM. les Maires et Echevins de Caen, et lues à l'assemblée du 28 février 1789 imprimé. AA 49. Cahiers de doléances des corps et corporations, 1789. AA 50. Cahier d'observations et doléances du Tiers état de la ville de Caen original, 4 mars 1789 *. AA 51. Doléances du curé et des prêtres de la paroisse Saint- Sauveur-de-Caen, 1789 2 pièces. AA 52. Doléances et sentiments du curé d'Amayé-sur-Orne. AA 53. Cahier de doléances de la paroisse de Moult original, 1er mars 1789. AA 54. Projet de cahier en 22 articles ms, sans date et sans nom d'auteur. AA 55. Discours de Revel de Bretteville, procureur du roi et de Duperré-Delisle, lieutenant général du bailliage, 22 octobre 1788 imprimé. Lettre de Cagny, maire de Caen, à Saffrey, prieur juge consul, 20 février 1789. Discours de l'évêque de Bayeux à l'ouverture de l'assem- blée du clergé, 17 mars 1789 copie ms. — Lettre à la noblesse de Caen par l'un de ses membres, Néel de Tontuit, 23 mars 1789 copie ms. — Lettre de Necker aux officiers municipaux de Caen, 19 août 1789. — Lettres du duc d'Harcourt sur le même objet, 24 août, 3 septembre 1789. — Lettres de l'intendant Cordier de Launay aux officiers municipaux de Caen sur le même objet, 2 août, 30 septembre, 20 décembre 1789. — Arrêtés du Bureau des subsistances de Caen, 28 septem- bre, 10 novembre 1789. il Je donnerai, sur le contenu des articles AA 47, 49 et 50, des renseignement; plus détaillés dans la Notice bibliographique de ma thèse complémentaire, intitulée Le Cahier d'observations et doléances 1249. 40. Avis des bons Normands suite de /' dédié aux Assemblées de bailliages, sur la rédaction du cahier des pouvoirs et instructions [par le mêmej. Bibl. nat., Lb391250. 41. Circulaire adressée aux curés au nom du duc d'Orléans par M. de Limon, 7 mars 1789, s. 1., in-4°. Bibl. nat., Lb391378. 42. Considération du Tiers état de la province de Normandie sur la forme des futurs Etats généraux [par Chartier, avo- cat]. 1788, in-8°. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Généralités, carton 3. 43 . Instructions envoyées par S. A. Mgr le duc d' Orléans, s. 1. n. d. in-8°. Bibl. nat., Lb*4379. 44. Lettre d'un Bas-Normand au sujet de l'assemblée des Etats généraux, 12 mars 1789. Imp., 47 p. Bibl. nat., Lb»140û. 45. Lettre de M. Duperré de Lisle, lieutenant général au bailliage de Caen, à M.... député aux Etats généraux. Arch. nat., ADxvi 27. 46. Prenez-y garde, ou avis à toutes les Assemblées d'élection qui seront convoquées pour nommer les représentants des trois ordres aux Etats généraux, précédé d'une observation importante pour les Normands sans nom d'auteur. Rouen, 1788, in-8°. 47. Projet d'un cahier général destiné à l'instruction des députés aux Assemblées générales des bailliages et sièges provin- ciaux et des députés aux Etats généraux, fait par un gentilhomme de Normandie, ami de la Nation. Rouen, 1789, in-8. XCVIII IMPRIMÉS 48. Requête au roi, par un avocat de V ordre du Tiers, demeurant et exerçant son état dans l'enclave du grand bailliage de Cotenlin, 26 avril 1789. Imprimé chez un bon citoyen, in-12. Bibl. nat., Lb^lGl?. 49. Tiers état de Normandie éclairé Le, ou ses droits justifiés. 1789, in-8°. Bibl. nat., Lb>1106. 50. Tribut d'un gentilhomme Normand aux Notables de France assemblés le 4 novembre 1788 i par Achard de Bon- vouloir , publié par Hippeau, Le gouvernement de Normandie. Voir n° 52, t, VI., p. 167-171. VI Recueils des cahiers de doléances rédigés dans l'étendue du ressort des deux bailliages de Caen et de Coutances. 51 . Procès-verbal de rassemblée du Tiers état de la ville de Saint- Lô, s. 1., 1789, in-12. 52. Hippeau, Le gouvernement de Normandie aux XVIIe et X VIIIe siècles. Documents inédits tirés des archives du château d'Harcourt. Caen, 1863-1869, 9 vol. in-8°. Le t. VI, consacré aux élections de 1789 en Normandie ; les t. VII et VIII, aux cahiers de 1789 en Normandie. Cette publication a été l'objet d'une sévère, mais juste critique de M. Bridrey, Les cahiers du Cotentin, t. I. Introduction, p. 48-54. 53. Anquetil E., Etats généraux de 1789, cahier du Tiers état de Bayeux. Bayeux, 1883, in-8°. 54. Bridrey, Les cahiers de doléances du bailliage de Cotentin. Paris, Impr. Nationale, 2 vol. in-8° 1907-1909. Le 3e volume de cette excellente publication est sous presse. 55. Mourlot, Le Cahier d'Observations et Doléances de la ville de Caen. Paris, Cornély, 1911, in-8°. Société de l'his- toire de la Révolution fiançaise. VII Comités permanents et gardes nationales. 56. Adresse du Comité municipal de Bayeux à ses concitoyens, 25 novembre 1789. Bibl. comm., Caen, pièces sur Bayeux, I 26. IMPRIMES XCIX 57 . Adresse gratis aux citoyens de la ville de Caen. Caen, Le Roy, 1790. Bibl. comm., Caen. pièces sur Caen. 58. Arrêté pris par les notables de la ville de Caen, assemblés à Vhotel de M. le duc de Beuvron, concernant le soulage- ment des pauvres, 7 mars 1789. Caen, Le Roy, 1789. Arch. nat, ADxvi 27. 59. Arrêté du Comité général de Coutances, 7 septembre 1789. Coutances, Joubert, 1789. Arch. nat., ADxvi 49. 60. Arrêté de Vassembtée générale de la municipalité et milice nationale de la ville de Mortain, 10 septembre 1789. Avranches, Lecourt, 1789. Arch. nat., ADxvi49. 61. Compte-rendu à leurs commettants par les députés de la no- blesse du grand bailliage de Cotentin aux Etats généraux de France de 1789. Paris, de l'imprimerie Rain- ville, 1791, in-8o. Bibl. nat., Lb395455. 62. Décret du Comité général et national d' Avranches, 31 août 1789. Avranches, Lecourt. Arch. nat., ADxvi 49. 63. Décret du Comité général de Saint- Sauveur-le- Vicomte rela- tif au maintien des droits. Cherbourg, Clamorgan, 1789. Arch. nat., ADxvi 49. 64. Discours prononcé dans V église de V abbaye royale de Saint- Etienne de Caen, le 13 septembre 1789, lors de la béné- diction des étendards de MM. les Volontaires nationaux, par dom Mesnilgrand, prieur de la même abbaye. Bibl. comm., Caen. 65. Discours de Vévêque de Bayeux au sujet de la bénédiction des drapeaux de la garde nationale de cette ville, 22 novem- bre 1789. Bayeux, veuve Nicole, 1789. Bibl. comm., Caen, Bayeux, I, pièce 25. 66. Extrait du procès-verbal du comité général et national de la ville de Caen relatif à la mort de M. de Belzunce. Caen, Le Roy, 1789. Arch. nat., AD xvi 27, et Bibl. nat., Lb392278. 67. Lettre de l'honorable Jean Rablu, maître crocheteur et caporal major de la milice de Céna, à l'honorable Pierre Tubœuf, garçon boucher de Poissy, 1790. Bibl. comm., Caen, pièces sur la Révolution à Caen. 68. Police intérieure du Comité général national de Caen et des bureaux particuliers. 15 août 1789. Caen, Le Roy. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Caen sous la Révolu- tion, II, pièce 11. IMPItIMI S 69. Règlement pour la composition et l'organisation de la muni- cipalité de Cherbourg, ourle par les représentants de la commune à l'Hôtel de Ville, le 6 octobre 1789. Cherbourg, Clamorgan, 1789. Arch. nat., ADxvi 49. 70. Hemeicicmenl des comtes de Fondons et d'Osseville aux ci- toyens de Caen, 28 août 1789. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Caen sous la Révolution, II, pièce 12. 71 . Réponse du bureau militaire de la garde nationale de la ville de Bayeux à l'adresse du Comité municipal. Bibl. comm., Caen, Bayeux, pièces I, 27. 72. Révolutions de Caen, capitale de la Basse-Normandie, ou récit exact de ce qui s'est passe dans celle capitale et parti- culièrement de la prise de la forteresse, juillet 1789. Paris, 1789. Arch. nat., ADxvi 27. Cf. Bibl. nat., Lb392023. VIII Division de la Normandie en départements. 73. Aubry-Dubochet, Nouvelle division de la France en 110 dé- partements, chacun pouvant former une assemblée pro- vinciale, etc. Paris, Baudoin, 1789. Arch. nat., AD1 60. 74 . Bureaux de Pusy, Rapport sommaire sur la nouvelle division du royaume, 8 janvier 1790. Arch. nat., AD1 60. 75. Dupont de Nemours, Rapport sur le décret général relatif aux départements du royaume, fait au nom du Comité de constitution, 15 février 1790. Paris, Imp. Nat., 1790. Arch. nat, AD1 60. 76. Duquesnoy, Opinion sur la division du royaume, 5 octobre 1789. Paris, Baudoin, 1789. Arch. nat., AD*60. 77. mirabeau, Plan de division du royaume et règlement pour son organisation. Arch. nat., AD1 60, incomplet. 78. Môntier, Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative, 1789-1792. Paris, 1899, in-8°. Société de l'histoire de la Révolution française. 79. Observations sur le rapport du Comité de Constitution concer- nant la nouvelle organisation de la France, par un député à V Assemblée nationale, 2 octobre 1789. Versailles, Baudoin, 1789. Arch. nat., AD1 60. IMPRIMES CI 80. Rabaut de Saint-Etienne, Réflexions sur la division nouvelle du royaume et sur les privilèges et les assemblées des provinces d'Etals. Paris, Baudoin, 1789. Arch. nat., AD* 60. 81 . Rabaut de Saint-Etienne, Nouvelles réflexions sur la nouvelle division du royaume, adressées à ses commettants, Paris, Imp. Nat., 1790. Arch. nat., AD^O. 82. Target, Opinion sur la division du royaume, 10 novembre 1789. Paris, Baudoin, 1789. Arch. nat., AD»60. 83. Thouret, Discours à V Assemblée nationale sur la nouvelle division territoriale du royaume, les 3, 9 et 11 novem- bre 1789. Paris, imp. nat,, 1790. Arch. nat., ADl60. 84. Décrets de i Assemblée nationale concernant la division du royaume en 83 départements. Paris, Imp. Nat., 1790. Arch. nat., AD1 60. IX Adresses des villes à l'Assemblée nationale. 85. Lettre à mes commettants, par le chevalier de la Varignière, député extraordinaire de Torigni. s. d. Arch. nat., ADxvi 49. 86. Mémoire relatif à la division des deux départements de la Basse-Normandie, par trois députés extraordinaires de Carentan. Arch. nat., ADxvi 27. 87. Observations pour la ville de Cherbourg, par de Chanlereyne, avocat, député extraordinaire. Veuve Hérissant, 14 dé- cembre 1789. Arch. nat., ADxvi 49. 88 . Observations sur la division territoriale de la Normandie et sur le département de Caen en particulier, présentées par les députés extraordinaires de la commune de Caen et à NN. SS., de V Assemblée nationale et à MM. les Députés de la province de Normandie. Caen, Le Roy, 1789, in -8°. 89. Observations soumises à NN. SS. de V Assemblée nationale au nom de la commune de Caen par ses députés extraor- dinaires. Caen, 1790, imp. Le Roy. Arch. nat., ADxvi 27. 90. Observations pour la ville de Carentan. Carentan, veuve Delaguette, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. 91 . Précis pour la ville de Carentan, par Y ver de la Bruchollerie. Imp. veuve Delaguette, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. Cil IMPRIMES 92. Addition au Précis pour la ville de Carentan ou réponse aux observations pour la ville de Périers. Carentan, s. d., veuve Delaguette. Arch. nat., ADxvi 49. X Organisation administrative des départements. 93. Adresse de rassemblée électorale du Calvados à l'assemblée nationale, 19 juin 1790. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Caen sous la Révol., t. II, pièce 21. 94. Adresse du département du Calvados à V Assemblée nationale. Caen, imp. Le Roy, 1790. Arch. nat., ADxvi 27. 95. Discours de MM. les Commissaires du roi pour le départe- ment du Calvados à la municipalité de Caen, le 2 avril 1790. Caen, Le Roy, 1790. Arch. nat., ADxvi 27. 96. Extrait des procès-verbaux des assemblées primaires du dépar- tement de la Manche, contenant la liste de MM. les Elec- teurs du département. Coutances, Joubert, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. 97. Lettre circulaire des commissaires du roi aux municipalités pour la formation du département du Calvados, 29 mars 1790. Arch. nat., ADxvi 27. 98. Procès-verbal de rassemblée électorale du département de la Manche. Coutances, imp. Joubert, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. 99. Tableau du département du Calvados, contenant le nombre des citoyens éligibles et actifs de chaque paroisse. Caen, imp. Le Roy, 1790. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Caen sous la Révolution, I, pièce 20. XI Les Fêtes de la Fédération. 100. Faudoas de, Discours prononcé par Faudoas, comman- dant de la garde nationale de Caen, le 1er juillet 1790, jour de la Confédération du département du Calvados. Caen, Le Roy, 1790. Bibl. comm. de Caen, G* 15*. 101 . Précis sommaire de V ordre qui sera suivi lors de la fédération. Caen, Le Roy, 1790. Bibl. comm., Caen, Broch. norm., Caen sous la Révolution, II, pièce 23. IMPRIMES CIII 102. Procès-verbal de la confédération des gardes nationales et troupes de ligne du département du Calvados, du 1er juil- let 1790. Caen, Le Roy, 1790. Arch. nat., ADxvi 27. 103. Procès-verbal de la fédération des gardes nationales, troupes de ligne et maréchaussées du département de la Manche, du 5 août 1790. Coutances, imp. Joubert, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. 104. Procès-verbal fait par la municipalité de Cherbourg à V occa- sion du serment prêté, le 14 juillet 1790, par les troupes de ligne et du serment fédératif prêté tant par la garde nationale que les troupes de garnison, de détachement et de tous les citoyens réunis. Cherbourg, imp. Clamorgan, 1790. Arch. nat., ADxvi 49. XIXe ET XXe SIÈCLES I Histoire générale et histoire des institutions. 105. Annuaire de Normandie Annuaire des 5 départements de l'ancienne Normandie, publié par l'Association nor- mande de 1833 à nos jours. Bibl. nat., Lc1922. 106 . Annuaire du Calvados de 1829 à nos jours. 107 . Annuaire du département de la Manche de 1829 à nos jours. 108. Ardascheff, Provintsialnaia Administralsia vo Franlsie ve posliedniouiou porou staravo poriadka. Tome I Provintsialnie intendants Petersbourg, Valacheff, 1900, in-8° en russe. Tome II Lioudi, Kiev, Tchokoloff, 1906, in-8°, traduit par Jousserandot, Paris. 199. Ardascheff, Les Intendants de province sous Louis XVI, tome III. Appendice, première partie, pièces justifi- catives. Youriev, 1904, in-8°. 110. Ardascheff, Razbore knigi A. Onou Bhibori 1789 goda vo Franlzii i nakazui tretriago solsloviia slotchki zriéniia ikhe sootvietstviia istinnomou nastroenniiou straniei. Analyse du livre d'A. Onou, intitulé Les élections de 1789 en France et les cahiers du Tiers état, au point de vue de leur corrélation avec la véritable opinion du pays. Saint-Pétersbourg, 1909 en russe. CI\ IMPRIMÉS 111. àulard, Histoire politique de la Révolution française. Paris, Colin, 1901, in-8*. Bibl. nai., La762. 112. Aulard, Etudes et leçons sur la Révolution française pre- mière série. Paris, Alcan, 1905, in-18. Le programme royal aux élections de 1789, p. 41-54. Bibl. nat., La32695. 113. Bayeux, Notice sur la vie et les ouvrages de feu M. avocat au Parlement de Normandie. Caen, 1803, 1 broch. in-8°. Bibl. nal., Ln-7226. 114. Bénet Armand, Rapports annuels de i archiviste départe- mentale du Calvados, de 1886 à 1906. 115. Bernier, Essai sur le Tiers état rural, ou les paysans de Basse-Normandie au XVIIIe siècle. Mayenne, 1891, lvol. in-8°. Bibl. nal., Ll112. 116. Besnier Georges, Rapports annuels de V archiviste départe- mental du Calvados de 1907 à 1911. 117. Bloch Camille, Une Enquête sur létal des paroisses en 1788. Révolution fr., t. XXXIII, p. 145-152. 118. Bloch Camille, Les Cahiers du bailliage d'Orléans au point de vue économique. Révolution fr., t. XXXIX, p. 427-454 et p. 481-500. 119. Bloch Camille, Eludes sur l'histoire économique de la France, 1760-1789. Paris, 1900, in-8°. 120. Brette, Allas des bailliages et juridictions assimilées ayant formé unité électorale en 1789. Paris, imp. nat.,, 1904, in-foR Bibl. nat.,. L45 30. 121. Brette, Les élections du clergé de Caen en 1789. Bulletins de Vabbé Soulavie, 6-25 mars 1789. Révol. fr., t. XXVII, p. 162-169. 122. Brette, La population de la France en 1789. Révol. fr., t. XLVI, p. 481-486. 123. Brette, Les limites et les divisions territoriales de la France en 1789. Paris, Cornély, 1907, in-8°. Bibl. nat., L727. 124. Brette, La Réforme des départements. Revue politique et parlementaire, 1909, t. LXII, p. 258-281. 125. Bridrey, La représentation des professions aux assemblées graduelles du Tiers état dans le bailliage du Colentin en 1789. Paris, 1905. Extrait des comptes-rendus de l'Association française pour l'Avancement des Sciences congrès de Cherbourg. 126. Bridrey, L'assemblée générale des trois ordres à Coutances en 1789. Revue de Cherbourg et de la Basse-Norman- die, t. I, p. 92-105, 121-136. IMPRIMES CV 127. Champion, La France d'après les cahiers de 1789. Paris, 1897 Armand Colin, 1 vol. in-8°. Bibl. nat., Lb3911593. 128. Chassin, Le Génie de la Révolution. Paris, 1863, 2 vol. in-8°. Bibl. nat., La428. 129. Chérest, La chute de l'Ancien régime, 1787-1789. Paris, Hachette, 1844-1886, 3 vol. in-8°. Bibl. nat,, Lb*>11359. 130. Dansin, Notice sur les libertés provinciales et V esprit public en Normandie en 1788. Paris, 1865, in-8°. Bibl. nat., in-8. Bibl. nat., Lk7744. 175. Carel P., Histoire de la ville de Caen. Paris, 1886-1888, in-8°. CVIII IMPRIMES 176. Delauney, député à l'Assemblée constituante, Bayeux et ses environs. Bayeux, 1804. Bibl. nat., Ye 19694. 177. Deschamps, Notice historique sur Saint-Lô, Dela- marre. 178. Dumaine abbé, Tinchebrai et sa région au Bocage nor- mand. Paris, Champion, 1882-1887, 3 vol. 179. Ferrière de la, Histoire de Fiers, ses seigneurs, son indus- trie. Paris, Dumoulin, 1855, in-8°. Bibl. nat., Lk72790. 180. Ferrière de la, Histoire du canton d' Alhis et de ses com- munes. Paris, Aubry, 1858, in-8° Bibl. nat., Lk62. 181. Huet, Histoire de Condé-sur-N oireau. Caen, 1883, in-8°. 182. Hunger, Histoire de Verson Calvados. Caen, Brunet, 1910, in-8°. 183. Jamont, Mortain, 1789-1791. Esquisses d'histoire munici- pale. Annuaire des cinq départements de Normandie, 1906. 184. Lecagheux abbé, Documents pour servir à V histoire de Montebourg, de 1789 à 1807. Valognes, Martin, 1874, in-8°. 185. Le Hardy, Notice historique sur Isigny. Annuaire de l'As- sociation normande, t. XXXVI, 1870. 186. Le Lorier, Monographie historique et statistique de la paroisse de Bréville. Bréville, 1898, in-8°. Bibl. nat., Lk731345. 187. Lepingard, Une page de V histoire de Saint-Lô, ou notes sur rétablissement de V Administration départementale à Saint-Lô. Annuaire de la Manche, 1866. 188. Pezet, Bayeux à la fin du XVIIIe siècle. Bayeux, Saint- Ange-Duvant, 1857, in-8°. Bibl. nat., Lk7804. 189. Sauvage, Notice sur Saint-Hilaire-du-Harcouët. Annuaire des cinq départements de Normandie, 1871. 190. Surville, Un coin du Bocage normand. L'ancienne paroisse Sainte- Suzanne, devenue la Chapelle- Biche. Le Mans, Harel, 1893, in-8°. INTRODUCTION Comme son titre V indique, ce livre a pour objet l'étude des deux phases successives de révolution qui s'est accomplie dans V organi- sation administrative de la France, à une des époques les plus décisives de son histoire. Le domaine chronologique de cette étude est la courte période des années 1787-1790; son domaine géogra- phique, une des circonscriptions administratives de l'ancienne monarchie la généralité de Caen. Dans ce double cadre, elle em- brasse et confond les derniers jours d'un régime d'autorité qui s'effondre et les premiers jours d'un régime de liberté qui s'édifie. La première partie chapitres I à IX est consacrée à la Fin de l'Ancien Régime. Si les intendants des pays d'élection avaient été, au cours du XVIIIe siècle, les agents tout puissants de la royauté, plus d'un s'était aliéné, par des actes arbitraires, la confiance de ses administrés. L'institution était déjà condamnée par l'opinion publique, lorsque la réforme décrétée par l'édit de juin 1787 vint entamer le pouvoir du dernier des intendants de Caen, Cordier de Launay, en créant dans le ressort de sa généralité une administra- tion provinciale de Basse-Normandie, et en substituant à son autorité, jusqu'alors sans partage, un condominium gros de futurs conflits. L' Assemblée provinciale de Caen, que son mode de recru- tement et sa composition aristocratique rendirent impopulaire avant sa tenue, n'eut pas le temps de poursuivre elle-même la solution des importants problèmes qu'on avait soumis à ses délibérations, et qui concernaient l'amélioration du régime des impositions, des travaux publics, et de l'état économique du pays. Elle se borna à en effleurer l'étude, dans son unique session. Les assemblées subordonnées qui, établies aux chefs-lieux des neuf élections ou départements et dans toutes les communautés du ressort provincial, devaient être ses collaboratrices, furent aussi impuissantes qu'elle. En effet, les assemblées de département, réunies deux fois seulement, ne purent qu'ébaucher l'examen du programme de réformes dont elles devaient CX INTRODUCTION étudier le mode d'application ; quant aux assemblées municipales rurales le régime municipal des ailles n'avait pas été modifié, elles virent leur formation retardée par des causes multiples et V inexpérience de leurs membres paralysa le plus souvent leur activité. La Commission intermédiaire provinciale, qui demeura chargée de l'administration jusqu'en août 1790, vit ses efforts annihilés par des obstacles de tout genre concours insuffisant des municipalités qui s'essayaient gauchement à leur noviciat adminis- tratif ; esprit d'indépendance et parfois d'insubordination des bureaux intermédiaires de département ; hostilité sourde ou déclarée des officiers d'élection et du corps des ponts et chaussées, qui oppo- saient la résistance ou la force d'inertie à l'exécution de ses ordres ; et surtout, ombrageuse susceptibilité de l'intendant et de ses subdé- légués, source de perpétuels dissentiments où se brisaient les ressorts d'un pouvoir exécutif imprudemment divisé. La Normandie, qui avait accepté sans enthousiasme le régime des Assemblées provin- ciales, ne tarda pas à se lasser de son application. Sa protestation prit la forme d'une active propagande en faveur de la restauration de ses anciens Etats provinciaux ; mais la convocation des Etats généraux vint interrompre cette campagne en provoquant une consultation nationale qui devait élargir les données du problème de la réorganisation administrative, conformément au vœu presque unanime des représentants du pays. La seconde partie chapitres IX à XVIII, est consacrée à l'étude des circonstances critiques au milieu desquelles s'accomplit cette réorganisation, des institutions révolutionnaires qui furent alors improvisées pour la défense de l'ordre public, et enfin des institu- tions légales par lesquelles les délégués de la Nation tentèrent d'asseoir un gouvernement stable, et d'en régler le jeu normal en conciliant les principes d'autorité et de liberté. Ce sont les Débuts de la Révolution. La plupart des députés que les deux bailliages de Caen et de Coutances envoyèrent à V Assemblée nationale étaient animés d'un sincère désir de réformes ; les cahiers de doléances de leurs commettants leur traçaient un vaste programme de revendi- cations en matière politique, administrative, judiciaire, sociale et économique. La Basse- Normandie suivit avec une attention fié- vreuse les péripéties de la lutte qu'ils livrèrent pour le triomphe de la cause chère au Tiers état. Des alternatives de joie enthousiaste et d'inquiétude affolante agitèrent des populations qui souffraient déjà d'un malaise économique profond. Emeutes urbaines excitées par la disette et le chômage, tentatives isolées de Jacquerie paysanne contre les derniers droits seigneuriaux, menaces de grève fiscale INTRODUCTION CXI apparurent comme des symptômes précurseurs de catastrophes prochaines. Toute la province frémit au souffle de la Grande Peur. Pour remédier à V inertie du pouvoir royal et de ses agents d'exé- cution, incapables de réprimer les excès d'une anarchie qu'ils n'avaient pas su prévenir, des pouvoirs nouveaux surgirent, d'un élan spontané, du sein de la Nation. Des Comités locaux, véritables Comités de salut public anticipés, issus des suffrages populaires, et s'appuyant sur l'ardent civisme des jeunes milices de volontaires enrôlés à leur voix, assumèrent, au milieu de continuelles alertes, le périlleux fardeau d'une double mission V approvisionnement des villes et des campagnes et la défense de l'ordre. Cette révolution municipale, de forme si originale, ne fut pas, comme d'aucuns l'ont prétendu, une tentative insurrectionnelle, explosion malfai- sante d'une anarchie spontanée » ; ce fut, au contraire, pendant les sept mois que dura l'interrègne de l'autorité administrative en France, de juillet 1789 à février 1790, un régime improvisé d' or- ganisation spontanée », qui précéda et prépara l'organisation décrétée et légale de la Révolution. U Assemblée constituante allait accomplir cette œuvre en votant deux lois capitales la première unifiait le régime municipal dans toutes les communes du royaume ; la seconde englobait ces com- munes dans des circonscriptions administratives nouvelles, moins étendues et mieux équilibrées que les anciennes. La loi municipale multiplia les prises de la Révolution sur le pays par la création de milliers de cellules vivantes et l'appel de nombreux citoyens à l'acti- vité politique; mais, en refusant celle-ci, par ses exigences censitaires, à la masse des prolétaires, dont elle faisait des citoyens passifs, elle endigua l'élan démocratique des débuts de la Révolution, et put être regardée comme une mesure d' ostracisme de la bourgeoisie à l'égard du peuple. La réforme administrative, qui divisait la France en départements, districts et communes, substitua aux trois généralités de Normandie cinq départements, dont trois, la Manche, le Calvados et l'Orne empruntèrent leur territoire, en tout ou en partie, à la généralité de Caen ; son exécution se poursuivit pendant plusieurs mois, au milieu d'une agitation populaire qui compromit, à maintes reprises, la sécurité des particuliers et la paix sociale. Elle amena au pouvoir une bourgeoisie riche et éclairée, fidèle reflet du régime censitaire décrété par V Assemblée nationale. Elle brisa le parti- cularisme régianal au profit de l'unité politique de la France. Le J 4 juillet 1789, lendemain du jour où le Conseil général du Calvados tenant à Caen sa première séance, avait élu son Directoire, et où Ventrée en scène des nouvelles autorités administratives précipitait CXII INTRODUCTION dans la même chute la vieille institution des intendants et la jeune et éphémère institution de la Commission intermédiaire provinciale, la fête de la Fédération groupait à Paris, sur le Champ-de-Mars, des délégués venus de tous les points du royaume. Les bannières des milices nationales du Calvados, de la Manche et de V Orne flottèrent autour de V autel de la Patrie, avec celles des 80 autres départements. Le chef de la délégation caennaise, Bonnet de Meautry, en retra- çant, dans une lettre à ses concitoyens, les détails de cette fête qu*il proclamait devoir être, sa/75 contredit, une époque mémorable dans les fastes de notre histoire », traduisit les impressions optimistes de tous ses compagnons d'armes, penchés sur /' avenir avec un regard d'espérance attendrie, au souvenir de cette belle journée qui venait de cimenter limité morale de la France par l'adhésion solennelle des Français de toutes les provinces à la cause de la Révolution. F. M. SITUATION ET LIMITES DE LA GENERALITE DE CAEN CHAPITRE PREMIER L'ADMINISTRATION DE LA GÉNÉRALITÉ DE CAEN EN 1787 Situation et limites de la généralité de Caen. — Ses ressources, sa popu- lation, ses charges fiscales. — Généralité et intendance élections et subdélégations. — Le dernier intendant de Caen, Cordier de Launay ses origines. — L'hôtel de l'Intendance et ses bureaux. — Les subdé- légués leur situation sociale et leurs attributions. — Municipalités urbaines et communautés rurales double caractère des syndics paroissiaux. L'Intendance ou généralité de Caen, c'est-à-dire le ressort administratif dont Caen se trouvait le chef-lieu à la fin de l'Ancien régime, était la plus occidentale des trois généralités de la Nor- mandie !. Elle avait pour limites au nord et à l'ouest, la Manche ; au sud, la Bretagne généralité de Rennes et le Maine généralité de Tours ; à l'est, les généralités d'Alençon et de Rouen. Sa frontière maritime était de beaucoup la plus déve- loppée, par suite de la protubérance de la presqu'île du Cotentin. Sa frontière terrestre était une ligne irrégulièrement tracée de l'embouchure du Couesnon à celle de la Dives. Depuis Pontorson, situé sur la rive normande du Couesnon, jusqu'à Saint-Cyr du Bailleul, vers la source de la Sélune, la limite qui sépare actuelle- ment le département de la Manche de ses voisins bretons ou manceaux était déjà celle de l'ancienne généralité de Caen. De ce point jusqu'à l'embouchure delà Dives, la ligne de démarcation 1 Un historien russe, M. Ardaschefï, dans son ouvrage sur l'Administration pro- vinciale de la France à la fin de l'ancien régime édition russe, tome I, p. 167, propose de désigner exclusivement par le terme d'intendance, la circonscription administrative confiée à un intendant, la généralité étant, au sens strict du mot, le ressort fiscal de l'ancien Bureau des finances, et ces deux ressorts ayant parfois une étendue et des limites différentes. Comme intendance et généralité de Caen coïncidaient exacte- ment, j'ai cru pouvoir conserver l'expression de généralité, communément adoptée jusqu'ici, et d'ailleurs couramment employée dans la langue officielle du xvni" siècle. Sur ce sujet, voir A. Brette, Les limites et /es divisions territoriales de la France en 1789, p. 109-U4. 1 I LES PAYS DE LA BASSE-NORMANDIE pénétrait en Normandie, avec une direction générale nord-est ; coupant l'Egrenne et la Halouze, petits sous-affluents de la Mayenne, elle venait aboutir à l'Orne à Mesnil-Hubert, englo- bant dans la généralité de Caen une trentaine de localités dépen- dant aujourd'hui du département de l'Orne, et dont les plus importantes sont Fiers, Athis et Tinchebrai. L'Orne servait de frontière de Mesnil-Hubert à Thury-Harcourt ; de là, contournant la lisière méridionale de la forêt de Cinglais, coupant la Laize, la Muance et le Laison, la ligne conventionnelle de séparation atteignait la Dives à l'est de Croissanville et se confondait avec cette rivière, laissant le pays d'Auge, situé sur la rive droite de celle-ci, à la généralité de Rouen. Ainsi délimitée, la généralité de Caen comprenait tout le dépar- tement actuel de la Manche, la moitié occidentale de celui du Calvados'1, et un petit coin du département de l'Orne 2. La même administration réunissait des régions naturelles ou pays » de constitution géologique, d'aspects et de ressources variés, dont les noms ont survécu aux remaniements successifs des circonscriptions qu'on y a taillées. Ce sont la Campagne de Caen, le Bessin, le Cinglais, le Bocage, l'Avranchin, le Penesme, le Cotentin. La Campagne de Caen, étendue sur les deux rives de l'Orne, de la Dives à la Seulles, vaste plaine, presque dépourvue d'arbres, produisait déjà, grâce à la fertilité de son sol, des céréales en abondance. A l'ouest, le Bessin, plaine légèrement ondulée, étalait autour de Bayeux ses cultures, ses prairies où paissaient de nombreuses vaches, et fournissait le beurre déjà renommé d'Isigny. Au sud, le Cinglais, pays de forêts et de chasses médiocrement fertile, accidenté, se prolongeait, sur la rive gauche de l'Orne, par une région granitique plus tourmentée et plus pauvre, le Bocage normand. Le Bocage devait son nom aux bouquets d'arbres qui couvrent encore les pentes de ses collines, aux chênes et aux ormes plantés dans les haies vives qui en séparent les héritages pays de petite propriété et de maigres cultures, alors presque dépourvu de routes, et dont les habitants vivaient de pain noir et de bouillie de sarrasin. Les régions voi- 1 Les arrondissements de Bayeux et de Vire, l'arrondissement de Caen moins trois communes Airan, Cesny aux-Vignes, Onézy, la partie occidentale de l'arron- dissement de Falaise et trois communes de celui de Lisieux Méry-Corbcn, Crois- sanville et Bissières. 2 Trois cantons de l'arrondissement de Domfront ceux d'Athis, Fiers et Tin- chebrai, à peu près en totalité. POPULATION DE LA GENERALITE DE CAEN 6 sines, le Mortainais et l'Avranchin, véritable Suisse normande, abondaient en sites pittoresques, mais n'offraient que trop de bruyères, de rocs, de landes infertiles. C'était la partie vraiment ingrate de la généralité de Caen. Vers le centre et le nord de la presqu'île, les herbages du Penesme, situés clans l'élection de Carentan, l'élection grasse », les vallons verdoyants du Coten- t'n, le val de Saire et la Hague, aux portes de Cherbourg, se prêtaient à un élevage intensif et produisaient de belles moissons ; sur tous ces points, des plantations de pommiers faisaient ressem- bler la contrée à un immense verger. Véritable grenier d'abon- dance, région dont la richesse se serait développée, si le manque presque absolu de communications et de débouchés ne l'avait trop longtemps confinée dans un isolement funeste t1. La superficie totale de la généralité de Caen était, d'après l'état statistique qui en fut dressé au contrôle général en 1788 t2, de 583 lieues carrées et demie ; c'était plus du tiers de la Nor- mandie 3, et à peu près la quarantième partie de la France. Sa population ne peut être qu'imparfaitement évaluée ; les recen- sements ne se faisaient point alors avec la même précision qu'à notre époque 4. Ce fut surtout depuis l'abbé Terray et dans un but fiscal qu'on prescrivit aux intendants des recherches périodiques sur le mouvement de la population dans les paroisses. On envoyait des tableaux imprimés que remplissaient habi- tuellement les greffiers des bailliages, moyennant gratification 5. Les subdélégués étaient chargés de recueillir les états des pa- roisses de leur circonscription, quel que fût le ressort judiciaire de celles-ci ; les bureaux de l'intendance centralisaient les recher- ches. En 1784, Calonne ordonna aux curés de relever le nombre des baptêmes, mariages et sépultures sur leurs registres parois- lj Cet aperçu très sommaire repose sur les rapports officiels des intendants et des subdélégués de la généralité de Caen, rédigés au cours du xvmc siècle à la demande des contrôleurs généraux enquêtes de 1727, 1731, 1764, 1770, 1787, et con- servés aux arch. dép., Calvados, C 269 à 292, 1070 et 6379. Sur l'état actuel des pays formant la Basse-Normandie, considérée comme région géographique, voir R. de Felice, La Basse- Normandie. 2 Etat de situation des finances de la France, de l'étendue, de la population et des contributions de chaque généralité du royaume en 1788. » Arch. nat., D vi 64, 1. 107. 3 D'après ce même Etal, la généralité de Rouen comptait 587 lieues et demie et celle d'Alençon 464 lieues ; au total, 1,635 lieues carrées pour la Normandie. 4 Voir A. Brette, La population de la France en 1789, dans Révol. fr., tome XLVI, p. 481 sqq. 5 Une somme de 1,336 livres leur est allouée en 1782. Arch. dép., Calvados, C 151. 4 ACCROISSEMENT DE CETTE POPULATION AU XVIIIe SIECLE siaux. L'intendant de Caen, Feydeau de Brou, se heurta, dans l'exécution de cette mesure, aux protestations des greffiers de bailliages, menacés de perdre leurs gratifications, et à l'inertie des curés. Quatre ans plus tard, son successeur Cordier de Launay écrivait Les curés font mal, quand ils veulent le faire, ce travail désintéressé », et il priait les évêques de Bayeux, de Coutances et d'Avranches de stimuler sur ce point le zèle de leurs subor- donnés W. L'état statistique mentionné ci-dessus évalue la population de la généralité de Caen, pour l'année 1788, à 644,000 habi- tants 2. Des états généraux du mouvement de population des paroisses, dressés par élections, et conservés pour la période 1783-1787 3, font osciller le chiffre des naissances, pour chaque année, entre 24,000 et 25,000 unités, celui des mariages entre 5,900 et 6,500, celui des décès entre 20 et 25,000 *>. Il semble que la population de la Basse Normandie s'est accrue au cours du xvme siècle. Plusieurs indices révèlent cet accroissement. Si l'on compare les rôles des tailles de 91 paroisses de l'élection d'Avranches pour la période des années 1700 à 1785 5, on trouve que le nombre total des feux s'y est élevé, pendant cette période, de 8,999 à 10,416 feux, soit une augmentation de 1,417 feux, un sixième environ. En 1786, l'intendant Feydeau de Brou, plaidant auprès du Conseil d'Etat la cause des sauniers de l'Avran- chin et réclamant en leur faveur l'augmentation du nombre annuel des jours de fabrication du sel, attribuait la pénurie de cette denrée dans les pays de quart-bouillon au développement de la population, qui, d'après son évaluation, avait cru dans la proportion d'un cinquième au moins 6. Deux ans plus tard, ce sont les sauniers du Cotentin qui, s'appuyant sur les mêmes raisons, demandent le même privilège 7. 1 Arch. dép., Calvados, C 151. Des états de naissances et décès, dressés par les curés de l'élection de Carentan en 1785, sont toutefois accompagnés d'observations très intéressantes sur la situation de leurs paroisses. Ibid., C 169. 2 Cet état attribue 528,300 habitants à la généralité d'Alençon, et 740,700 habi- tants à celle de Rouen, au total 1,913,000 habitants à la Normandie, et 24,800,000 habi- tants à tout le royaume. Etat de situation des finances, etc. Arch. nat., D vi, 64, 1. 107. 3 Arch. dép., Calvados, C 153 à 157. 1 Un relevé officiel de la population de la généralité de Caen en 1787 13 tableaux dressés par bailliages et élections, accuse 22,830 naissances et 19,268 décès. Arch. nat., D îv bis 44. 5 Arch. dép., Manche, C 1 à 193. 6 Arch. dép., Calvados, C 5998. 7 Ibid., C 6006. LA GENERALITE, DIVISION FINANCIERE, ET LES ELECTIONS 5 Malgré l'exiguïté relative de son territoire, la généralité de Caen n'était pas une des moins importantes du royaume. A une époque où les ressources agricoles constituaient un des éléments essentiels de la richesse d'un pays, elle devait passer pour un des plus aisés, et attirer particulièrement l'attention du fisc. Le total des impositions qu'elle supportait en 1785 s'élevait, d'après l'état des finances de cette année, à 13,680,000 livres. C'était environ la trente-quatrième partie du chiffre global des impositions de la France, évalué dans le même état à 473 millions de livres *. Ce chiffre, proportionnellement assez lourd, devait exciter, aux débuts de la Révolution, les protestations des premiers représen- tants de la Basse-Normandie à l'Assemblée nationale 2. Le ressort territorial de l'intendance de Caen, tel qu'il s'est maintenu clans le cours du xvme siècle, correspondait rigou- reusement à celui de la généralité, c'est-à-dire de l'ancienne circonscription fiscale soumise à la juridiction du bureau des finances de Caen 3l La généralité de Caen datait du xvie siècle elle fut une des seize que créa François Ier par l'édit de décem- bre 1542. On avait groupé, pour la former, sept des seize anciennes élections alors comprises en Normandie les élections de Caen, Bayeux, Vire, Avranches, Coutances, Carentan et Valognes 4. Le nombre de ces élections s'était accru par la formation de deux ressorts nouveaux, ceux de Mortain et de Saint-Lô 5 ; en 1787, la généralité de Caen comptait neuf élections, avec 1,214 pa- roisses 6. L'intendance avait environ un siècle d'existence en moins. 1 Exactement à 472,415,549 livres. Arch. nat., D vi, 64, 1. 107. — D'après cet Etat, la Normandie payait 51,320,000 livres d'impôts 21,800,000 livres pour la généralité de Rouen, 12,840,000 livres pour celle d'Alençon. 2 Compte-rendu à leurs commettants par les députés de la noblesse du grand bailliage de Cotentin aux Etats-Généraux de 1789. Paris, 1791. Ils se plaignent de l'ancienne surcharge d'impôts qui écrasait la généralité de Caen avant la Révolu- tion, et dont continuent à souffrir les nouveaux départements. 3 C'est cette coïncidence qui a amené la confusion fréquente, même dans le lan- gage officiel, de ces deux termes généralité et intendance. Voir Ardascheff, Pro- vinlsialnaia administratsia, tome I, p. 170 sqq. 4 Recherche de la noblesse par Raymon Montfaoucq en 1463. Arch. dép., Calva- dos, C 6424. 5 L'élection de Mortain existait en 1597 ; celle de Saint-Lô, créée en 1639, suppri- mée en 1663, fut rétablie définitivement en 1691, surtout aux dépens de celles de Rayeux et de Carentan. Arch. dép. Calvados, C 274 et 279. 6 Etat général et nominatif des villes et communautés villageoises composant la généralité de Caen en 1787, par Hommais, ancien commis de l'intendance. Ibid., C 267. 6 l'intendance et les subdélégations Sa constitution remontait au second quart du xvir3 siècle. Les premiers commissaires départis pour l'exécution des ordres du roi que l'on trouve à Caen sont des maîtres des requêtes, investis de missions spéciales et temporaires, comme Morant du Mesnil-Garnier en 1617, Paris en 1624, Turgot de Saint-Clair en 1632 ll Les pouvoirs de ces intendants de justice et de police » 2 étaient surtout d'ordre judiciaire et n'étaient pas contenus dans' les bornes d'une généralité financière. Mais, à partir de Richelieu, les intendants de Normandie, aux attribu- tions desquels s'ajouta une compétence étendue en matière de finances, furent établis à poste fixe et d'une manière permanente au siège de chacune des trois généralités normandes, à Rouen, Caen, Alençon. Au lendemain des troubles de la Fronde, l'institu- tion, un instant suspendue, fut définitivement rétablie et l'inten- dance de Caen garda jusqu'à la Révolution les limites de la cir- conscription financière qui lui avait servi de cadre administratif. Les subdivisions administratives de l'intendance de Caen, ou subdélégations, correspondaient, à deux exceptions près, aux élections de la généralité. Les deux élections de Coutances et de Valognes présentaient un territoire très étendu et une ligne de côtes très développée. Elles contenaient des villes qui avaient dépassé en importance leurs chefs-lieux eux-mêmes telle Cher- bourg, dans l'élection de Valognes ; Granville, dans celle de Coutances. Les réclamations de ces villes, l'accroissement continu de la besogne administrative avaient déterminé l'intendant Feydeau de Brou à créer deux subdélégations nouvelles, à Gran- ville en 1783 3, à Cherbourg en 1785 4;. Partout ailleurs les élections avaient formé le cadre des subdélégations, ce qui portait le nombre de celles-ci à onze pour la généralité de Caen 5. Les 1,214 paroisses de cette généralité se répartissaient très inégale- ment selon l'étendue des divers ressorts et le mode d'habitat des diverses régions. Tandis que la subdélégation de Mortain n'en comptait que 84, celle de Bayeux en avait plus du double 172 1 Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, tome IV, p. 484 sqq. 2 C'est le titre que prend Turgot de Saint-Clair en 1632. Floquet, Histoire du Par- lement de Normandie, tome IV, p. 492. 3 Arch. dép., Calvados, C 152. Cf. Arch. nat., D xxix 40. Leltre de Couraye Duparc, subdélégué de Granville, à l'Assemblée nationale, 7 septembre 1789. Sa commission date du 27 avril 1783. 4 Ibid., C 1185. 5 Il y avait, en outre, un subdélégué spécial, établi par l'intendant Fontette, et mis à la tète de la maison de force de Bcaulieu près Caen. Ibid., C 675 et 6332. LE DERNIER INTENDANT DE CAEN / et celle de Caen près du triple 234. La plus petite de toutes, la subdélégation de Cherbourg, taillée tardivement, dans celle de Valognes, ne comptait que 34 paroisses &\ L'intendance de Caen devait être assez enviée par suite de sa proximité de Versailles et de Paris. On y débutait rarement. Esmangart y vint de Bordeaux en 1775 ; Feydeau de Brou, avant d'être nommé intendant de Caen en 1783, l'avait été à Bourges et à Dijon. Certains administrateurs y avaient fait d'assez longs séjours. Foucault y passa 17 ans 1689-1706 ; Aubry de Vastan 13 ans 1727-1740 ; Arnaud de la Briffe 12 ans 1740-1752. Fontette resta à la tête de cette généralité pendant 23 ans 1752-1775 ; il y fût resté plus longtemps, sans les scan- dales de son administration 2. En 1787, l'intendant de Caen était Louis-Guillaume-Bené Cordier de Launay. Il venait d'y succéder à Feydeau de Brou, nommé surintendant général des économats. Il était étranger à la Normandie par ses origines ; mais sa famille avait récemment fixé sa résidence dans cette province. En 1607, Etienne Cordier, sieur de Launay, avocat au Parle- ment de Dijon, obtenait la charge de conseiller secrétaire du roi en la chancellerie de Bourgogne. Il devint ensuite contrôleur ordinaire des guerres et de la compagnie des chevau-légers de Louis XIII 3. En 1634, il épousa à l'église Saint-Paul, à Paris, sa cousine, Marie Cordier, fille de Jacques Cordier, conseiller du roi, trésorier des aumônes, offrandes et dévotions de Sa Majesté. Son fils René, écuyer, contrôleur ordinaire des guerres et alter- natif de la compagnie des chevau-légers et mousquetaires de la garde depuis 1672, épousa en 1680 Marie-Madeleine Renouard, fille d'un secrétaire du roi. De ce mariage naquit Jacques -René, le grand-père de l'intendant de Caen. En 1712, Jacques-René, alors trésorier des troupes en garnison dans les villes de Bergues et Furnes, épouse Anne-Thérèse de Croeser, petite-fille du bourgmestre de Bergues i]. Il suit les armées de Louis XIV, pendant la guerre de la succession d'Es- pagne, aux Pays-Bas et sur le Rhin. Trésorier de l'extraordinaire des guerres à Arras en 1716, il achète en 1725 la charge de rece- 1 Ktat général et nominatif de 1787, par Hommais, déjà cité. 2 F. Mourlot, Un Intendant de province sous Louis XV l'intendant Fontette, a Bibl. nat., Nouveau d'Hozier, vol. 201. 4 Ibid., collection Chérin, vol 59, ms. fr. 31621. Aux Arch. nat., Y 60, f° 37i>, se trouve le testament d'Anne-Thérèse de Croëser, en date du 30 mai 1772. 8 LA FAMILLE DE CORDIER DE LAUNAY veur ancien et mi-triennal des tailles de l'élection de Paris *. Son expérience et son honnêteté dans l'exercice de cette charge » lui permettent d'obtenir l'un des deux offices de conseillers trésoriers généraux de l'extraordinaire des guerres créés en 1728 2 Le 1er février 1736, Jacques-René obtint des lettres-patentes du roi sur arrêt du Conseil du 31 décembre 1735, le maintenant lui et sa postérité dans le titre et privilège de noblesse acquise par l'exercice de la charge de conseiller secrétaire du roi autrefois octroyée à son aïeul Etienne » 3. Quelques années plus tard, en 1740, il acquit les terres et baronnies d'Echauffour et de Montreuil l'Argillé *. Son fils, Claude-René, appelé d'ordinaire Cordier de Montreuil, épousait cette année même Madeleine Masson de Plissey, fille d'un secrétaire du roi. Il fut président à la cour des Aides de Paris et mourut dans cette ville le 26 nivôse an III, dans un âge fort avancé. Sa vie s'était écoulée entre les occupations de sa charge et les loisirs de sa campagne d'Echauf- four 5. Cordier de Montreuil eut cinq enfants trois filles et deux fils. L'aînée des filles, Renée-Pélagie, épousa en 1763 le trop fameux marquis de Sade, dont elle fut séparée de corps et de biens par arrêt du Châtelet de Paris, le 9 juin 1790 °. Des deux Arch. nat., E 999A, n° 58. Ordonnance du 7 avril 1725. 2 Bibl. nat, Nouveau d'Horier, vol. 201. — Arch. nat., E 999\ n° 58 ; E 1066, n°95 P 2462, f° 119 v° ; P 2470, f° 315 v° ; P 2479, f» 398. - A cette époque vivait une jeune femme qui jouit d'une certaine célébrité dans le monde des lettres sous la Régence et qui, par une coïncidence singulière, s'appelait Marguerite-Jeanne Cordier de Launay. Malgré cette homonymie rigoureuse, on ne peut établir avec certitude que cette jeune fï lie, qui eut pour père un artiste peintre, et qui, après avoir servi la duchesse du Maine au château de Sceaux, raconta les divertissements de celte cour dans de captivants Mémoires, écrits sous son nouveau nom de baronne de Staal, ait été unie par des liens de parenté à la famille du trésorier des galères, grand-père du dernier intendant de Caen. 3 Bibl. nat., collection Chéri n 59, ras. fr. 31621. — Etienne n'avait exercé cette charge que du 16 septembre 1607 au mois d'avril 1624. II lui manquait trois ans et sept mois pour avoir droit à la noblesse, d'où la nécessité de cet arrêt du Conseil sollicité par son petit-fils. Lors de la recherche de la noblesse de 1666, Marie Cordier, veuve d'Etienne, au nom et comme tutrice de ses enfants mineurs, et René Cordier, son fils, s'étaient désistés de la qualité d écuyers. Bibl, nat., Cabinet des Titres, ms, fr. 27338. — Cf. aux Arch. nat. XJA 8738, f° 500 copie de la lettre de maintenance de noblesse pour Jacques-René Cordier de Launay, en 1736. 4 Echauffour, commune du canton de Gacé Orne; Montreuil-l'Argillé, commune du canton de Broglie Eure. 5 Arch. dép., Orne, série Q, émigrés. Dossier Cordier de Montreuil.— J'ai pu voir, au château d'Echauffour, une bibliothèque très fournie en ouvrages des xvne et xvme siècles, avec reliure du temps et aux armes de la famille d'azur, au chevron d'or, accompagné de trois croissants d'argent, deux en chef et un en pointe ». 6 Bibliothèque nationale, Cabinet des Titres, ms fr. 27338 billet de faire-part de ce mariage. Pélagie de Montreuil mourut en 1810 à Echaufiour et y fut enterrée. Une chapelle latérale de l'église d'Echauffour conserve son inscription funéraire. LA CARRIERE DE CORDIER DE LAUNAY \ fils, l'un Charles-Michel Cordier de Valéry devint colonel de cavalerie, puis maréchal de camp ; l'autre, Louis-Guillaume- René Cordier de Launay, né à Paris au mois de novembre 1746, fut destiné à la magistrature. Conseiller au Parlement de Paris en 1769, puis maître des requêtes au Conseil d'Etat en 1773 il\ il obtint l'intendance de Caen en 1787. Ce fut son premier et son unique poste dans l'administration provinciale. Il arrivait en Normandie rempli d'intentions généreuses, résolu à gérer avec zèle et équité les intérêts de sa généralité, témoin une de ses premières lettres à son secrétaire Guyard. En tout il faut aller au but sans s'affecter des passions et contradictions qu'on ren- contre sur son chemin ; dans toute espèce d'opération politique, il faut se monter sur deux sentiments qui paraissent contradic- toires, mais qui ne sont pas impossibles à concilier il faut réunir l'amour du bien public, inséparable de l'homme vertueux et l'indifférence du méchant en appliquant le premier à tout ce qui peut conduire au bien et l'autre à tout ce qui tend à nous en écarter, on surmonte tout obstacle, et on fait tôt ou tard triom- pher la vérité » 2. Sous ce style un peu guindé percent de loua- bles intentions, que Cordier de Launay n'eut guère le temps de réaliser. Il avait été nommé intendant le 14 janvier 1787 3 ; après l'édit de juin sur les Assemblées provinciales, celle de Basse-Normandie allait s'organiser au mois d'août, se réunir en novembre, et léguer ses pouvoirs à une Commission intermé- diaire provinciale permanente, destinée à contrôler l'intendant et à le supplanter dans la plupart de ses attributions. Cordier de Launay ne posséda ainsi réellement qu'une dizaine de mois l'intégralité des fonctions ci-devant attachées à son titre 4 » Il devait rester ensuite près de trois ans dans cette situation de magistrat désarmé et sans pouvoir, jusqu'au mois d'août 1790, époque où la mise en mouvement des administrations départe- 1 Provisions de maître des requêtes, pour Cordier de Launay, du 9 juin 1773, mentionnant un extrait baptistaire du 12 novembre 1746. Il avait été nommé conseil- ler au Parlement de Paris par provisions du 18 janvier 1769. Arch. nat., V1 466. — Voir A. Brette, Recueil de documents relatifs à la convocation, tome III, p. 739. 2 Arch. dép., Calvados, C 4156. 3 Je n'ai pu retrouver sa commission d'intendant dans les Lettres scellées de la maison du Roi, aux Archives nationales. La mention de sa nomination à la date du 14 janvier 1787 est consignée dans un mémoire rédigé vers cette époque et conservé aux Arch. dép., Calvados, C 2211. 4 Tableau de l'administration de Cordier de Launay, dernier intendant de la géné- ralité de Caen, ibid., C 233. 10 PROJET D'UN HÔTEL DE ^INTENDANCE A CAEN mentales nouvelles entraîna dans le même abîme la vieille insti- tution des intendants et l'institution naissante des Commissions intermédiaires. Marié depuis trois ans, Cordier de Launay avait acheté, le 26 octobre 1787, avec une partie de la dot de sa femme, la terre de Lignères et dépendances, située dans le voisinage du domaine paternel V. Il possédait aussi un hôtel à Paris, rue du faubourg Poissonnière 2. A Caen, il habitait l'hôtel de l'Intendance, situé rue des Carmes, et qui servait depuis une vingtaine d'années de résidence à ses prédécesseurs. A la fin du xvne et pendant toute la première moitié du xvme siècle, les intendants de Caen étaient logés dans une maison particulière de la rue Saint-Jean, que la ville avait louée en 1682 à un sieur de Goupillière, directeur de la Monnaie. Le quartier, marécageux, était des plus malsains ; le bâtiment, vieux de près de deux siècles, nécessitait de continuelles répa- rations qu'on avait peine à obtenir. En 1759, après avoir habité sept ans la maison de Goupillière avec la crainte constante de la voir s'écrouler, l'intendant Fontette demanda l'annulation du bail. Un arrêt du Conseil l'autorisa à se loger à sa guise moyennant une indemnité de logement de 1,500 livres que la ville de Caen devait lui fournir. C'était une mesure provisoire, en attendant le retour de la paix et la création des ressources nécessaires pour la construction d'un hôtel de l'Intendance a. Délogeant ses bu- reaux qu'il établit rue de l'Oratoire, Fontette transféra sa rési- dence au château de Tilly qu'il venait d'acquérir et où il séjourna pour épargner des dépenses de construction à Caen et à la généralité » 4. Plusieurs projets étaient mis en avant au sujet de l'emplacement du futur hôtel. Les uns proposaient le quartier Saint-Jean, plus central, plus peuplé, mais formant une sorte d'île marécageuse. D'autres avaient en vue le quartier Saint- Sauveur, plus excentrique, mais où l'air était plus pur et le terrain 1 Arch. dép., Orne, série ç», émigrés. Dossier Cordier de Launay. — Lignères, commune du canton du Merlerault Orne. Cette acquisition lui avait coûté 239,360 liv. Par son contrat de mariage, du 24 février 3781, et par des actes postérieurs, sa femme, Pétronille de la Lande, lui avait apporté une fortune de 370,000 livres. 2 Almanach royal de 1787. Cf. Inventaire des papiers trouvés dans la maison de Cordier de Launay, émigré, rue du faubourg Poissonnière, par trois commissaires de la section Poissonnière, 3 thermidor an III. Arch. nat., T 1013. Etat des gages et traitements des gens de la maison dudit émigré. Ibid., P 1G86. 3 Arch. dép., Calvados, C 201. 4 Ibid., C 204. AMÉNAGEMENT DE CET HÔTEL 11 plus solide. Le corps municipal de Caen ne manifestait pas ses préférences, et, pour éviter de nouvelles dépenses, était partisan du statu quo. Fontette se plaignit au contrôleur général de la mutinerie du corps municipal » et menaça d'établir le siège de l'Intendance soit dans sa terre de Tilly, soit à Bayeux comme l'avait fait Chamillart un siècle auparavant &>. Les douze paroisses de Caen, dans leurs assemblées particu- lières, approuvèrent en principe la construction d'un hôtel de l'Intendance, en priant Fontette d'attendre la conclusion de la paix et de faire contribuer toute la généralité à la dépense » 2. Après avoir pesé les avantages et les inconvénients des deux quartiers proposés, Fontette obtint en 1765 un arrêt du Conseil autorisant l'achat de terrains situés au bout de la place Saint- Sauveur, sur une place récemment créée, à laquelle on avait donné son nom. L'obstination de la municipalité, qui refusa de déplacer les glaciers publics » 3 établis en cet endroit et dont la ville était propriétaire, fit abandonner ce projet. Fontette demeura dans une maison qu'il avait achetée rue des Carmes et où, en 1769, il fit transférer ses bureaux. La même année, il ven- dait cet immeuble au roi ; les propriétaires de deux immeubles voisins l'imitèrent *. Le tout coûta 96,550 livres. Dès 1769 commencèrent les travaux d'appropriation qui devaient aména- ger en un seul hôtel les trois maisons réunies ; ils furent longs et onéreux. Des agrandissements furent nécessaires quand arriva le successeur de Fontette, Esmangart. Celui-ci, qui n'avait pas de château à sa portée, avait besoin d'une installation plus confor- table. Il fallut construire un pavillon sur le jardin, et une aile en retour du corps de logis principal ; une chapelle y fut élevée 5. Les dépenses s'accrurent bien au-delà des prévisions, sans appor- ter d'amélioration sérieuse. On n'avait réussi qu'à étayer un logis croulant » 6. A peine arrivé à Caen, Cordier de Launay 1 Arcli. dép., Calvados, C 205. 2 Ibid., C 206 et série G non inventoriée. Registre des délibérations des paroisses Saint-Martin, Saint-Nicolas, Saint-Sauveur, Saint-Michel, etc. 3 Ibid., C 209, 210. Les fonds qui avaient été destinés à cette dépense furent employés aux travaux de canalisation de l'Orne. 4 Ibid., C 211, 217. Ces deux propriétaires étaient Mmc de Chazot et Cairon de la Mothe. 5 Ibid., C 222, 3085, 3091. De 1776 à 1783, Esmangart obtint, à force de demandes réitérées, et tn se heurtant à une vive résistance des contrôleurs généraux des finances, des sommes qui lui furent successivement accordées sur les fonds libres de la capilation, et dont le total monta à 68,928 livres. Arch. nat., H1 1408. 6 Letlrc d'Esmangart au contrôleur général, 8 décembre 1782. Arch. nat., H1 1408. 12 LES BUREAUX DE L'INTENDANT dut faire exécuter pour plus de 13,000 livres de travaux afin de rendre habitable le taudis appelé hôtel de l'Intendance » 1. C'est dans cet hôtel de la rue des Carmes que l'intendant avait établi ses bureaux, depuis 1769. Ils ressemblaient à ceux de nos préfectures. A leur tête se trouvait un premier secrétaire de l'in- tendance, prédécesseur du secrétaire général des préfets d'au- jourd'hui. Sous Fontette, il y eut à Caen un subdélégué général, le néfaste Malafait, dont l'administration fut détestée et qui contribua à la disgrâce de son chef 2. Depuis 1775, le premier secrétaire était Guyard, avocat qu'Esmangart avait amené de son intendance de Bordeaux, et que ses successeurs avaient conservé 3. Il devait exercer ses fonctions jusqu'aux premiers jours de la Révolution, avec des appointements d'environ 5,000 livres '4. Au-dessous de lui, les bureaux, dont le personnel avait augmenté depuis quelques années, par suite des exigences crois- santes du service, comprenaient en 1787 douze secrétaires et commis, jouissant de traitements échelonnés entre 600 et 4,000 li- vres. Les employés trop âgés ou infirmes recevaient une pension annuelle de 600 livres prises sur les fonds libres de la capitation 5. Ces bureaux étaient chargés de la correspondance administra- tive que l'intendant entretenait, d'une part, avec le contrôleur général, le ministre de la province et les divers ministres 6>, et 1 Lettre de Cordier de Launay à M. de Villedeuil, mai 1787. Je suis, écrivait-il, dans une humeur inconcevable de n'être pas logé, et, tranchons le mot, de ne pou- voir jamais l'être dans la maison que M. de Fontette a si mal à propos vendue au roi et affectée à l'intendance... J'aime beaucoup M. et Mme de Fontette, mais, comme je suis forcé de le dire et comme tout le monde ici le crie, il n'est pas permis à un administrateur, pour le petit intérêt personnel, de se défaire d'une maison, d'affecter à un homme public une habitation non seulement archimalsaine, mais encore si petite, si mal tournée, qu'il est de toute impossibilité d'y demeurer les deux tiers de Tannée et d'y tenir en aucun temps l'état ni la représentation convenable. » Arch. nat., H1 1408. 2 F. Mourlot, L'Intendant Fontette, op. cité, p. 14. 3 Arch. dép., Calvados, C 231. 4 Ibid., C 229. Guyard devint, en 1789, receveur des tailles de l'élection de Valognes. Ibid., C 2805. Lamy Desvallées, qui le remplaça pendant les derniers jours de l'intendance, était le frère cadet de Michel-Louis Lamy, député du Tiers état du bailliage de Caen aux Etats généraux de 1789. 5 Arch. dép., Calvados, C 229. bj L'administration de la Normandie bureau de Pétigny de Saint-Romain ressor- tissait en 1787 au département des affaires étrangères ; voir Inventaire du ministère des affaires étrangères France, affaires intérieures, n° 1401-1403. — L'année sui- vante, on la rattacha au secrétariat d'Etat de la maison du roi qui eut pour titulaires successifs le baron de Breteuil, Laurent de Villedeuil et le comte de Saint-Priest. Voir Almanachs royaux de 1787 à 1790. TABLEAU DES DEPARTEMENTS DE LTNTENDANCE 13 d'autre part avec ses subdélégués, les officiers municipaux des villes, et les chefs des différents services de son ressort. Adminis- trateur suprême de la généralité, l'intendant y exerçait encore, au commencement de 1787, en sa qualité de commissaire départi, une autorité absolue sur toutes les parties de l'administration, et sous la triple rubrique de justice, police et finances » étaient confondus une foule d'objets dont aucun n'échappait à son contrôle. Un Tableau des départements des secrétaires de l'intendance de Caen », dressé à l'époque de Fontette, montre la diversité des affaires soumises à l'administration d'un intendant avant l'institution des Assemblées provinciales, et le mode de répartition du travail entre les départements », analogues aux divisions » de nos préfectures 0; Premier département. — M. Malafait Lettres de cachet et ordres du roi ; administration municipale de toutes les villes y compris les ouvrages publics à leur charge particulière ; mendicité ; administration des hôpitaux de charité ; affaires de l'Université et du clergé ; affaires extraordinaires ; ouvrages des ports de commerce ; fortifications de terre et de mer ; artillerie, poudres et salpêtres ; étapes, extraordinaire des guerres ; milice de terre, milice garde-côte, régiment de recrues ; maréchaussée et généralement tout ce qui a rapport au militaire. Deuxième département. — M. Marescot Capitation ; impositions extraordinaires y compris les rejets ; vingtièmes ; ponts et chaussées ; bacs et péages ; toutes les fermes du roi ; domaines, ventes et reventes ; affaires de la reli- gion prétendue réformée ; postes et messageries ; églises et pres- bytères ; huissiers priseurs et tabellionnages ; lettres de grâce et de rémission ; érections de fiefs, garde-noble, etc.; hôtel des Monnaies ; états des crimes et délits ; imprimerie et librairie ; régie des cartes. Troisième département. — M. Darras Taille ; affaires de dessèchement ; société d'agriculture ; con- cessions de terrains incultes ; manufactures ; arts et métiers et tout ce qui a rapport au commerce ; réunions des juridictions ; parties casuelles et offices ; école royale militaire ; haras ; maladies et remèdes de la Cour. 1 Arch. dép., Calvados, C 6331. 14 LE CONSEIL DE L'INTENDANCE Quatrième département. — M. Boisard Lettres de compliments et tous les détails qui lui seront confiés par les autres départements. En dehors de ces départements », l'intendant Cordier de Launay avait attaché à son cabinet, en 1787, un secrétaire parti- culier, Grandjean de Fouchy. Celui-ci était plus particulièrement chargé de la correspondance journalière sur les questions urgentes, que l'intendant croyait devoir traiter sans le concours de ses bureaux. A la même époque, l'intendance de Caen se trouvait dotée, depuis peu d'années, d'une institution qui devait laisser des traces profondes dans notre droit administratif public le Conseil de l'Intendance, véritable prototype du Conseil de préfecture actuel. Le point de départ de cette institution avait été la néces- sité d'organiser une tutelle des communautés d'habitants. Dès son arrivée à Caen, en 1775, l'intendant Esmangart avait remar- qué les mauvaises habitudes de ces communautés rurales, prêtes à intenter des procès pour les causes les plus futiles. En présence d'un esprit de chicane aussi développé, son prédécesseur Fontette avait exigé, pendant les dernières années de son intendance, la production par les communautés d'un avis, signé de deux avocats, certifiant la validité de leurs moyens juridiques. Ce fut un palliatif insuffisant. Des consultations trop souvent mendiées ne ser- vaient guère à éclairer l'administration ; le contrôle établi n'était souvent qu'une vaine vaine formalité. Pour réduire le nombre de ces procès ruineux, Esmangart résolut d'installer au siège même de l'intendance un conseil de trois avocats, chargés d'exa- miner les délibérations des communautés et toutes les pièces y ayant trait » avant qu'elles fussent soumises à son visa. Cette institution fonctionnait avantageusement à Bordeaux, d'où il arrivait ; il l'établit à Caen dès le mois de février 1776 *. Ce ne fut pas sans obstacle. Les procureurs de l'élection de Caen pro- testèrent contre l'obligation du visa du Conseil des avocats pour l Arch. dép., Calvados, C 232 et 234. Dans son ouvrage déjà cité sur l'administra- tion provinciale en France, Prou intsialnaia Admin'stratsia, etc. tome I, p. 298, note 2, M. Ardascheff, en montrant la nouveauté de cette institution, cite la date de 1778 comme la date la plus reculée où elle apparaisse, et l'intendant d'Amiens, Bruno d'Agay, comme un des initiateurs de la réforme, et il pose la question Y en eut-il d'autres avant lui ? » La date de 1776 doit être adoptée pour l'intendance de Caen, et, d'après le témoignage d'Esmangart, il faut remonter plus haut encore pour celle de Bordeaux. LES SUIÎDÉLÉGUÉS DE 1/lNTENDANT 15 les délibérations des communautés relatives au fait des tailles ». La Chambre des comptes de Rouen leur enjoignit même de pous- ser les communautés à la résistance. Mais Esmangart tint bon,' et le conseil de l'intendance était encore en activité en 1787 !. Les trois avocats-conseils » étaient alors Le Paulmier, profes- seur à la faculté des droits et subdélégué de l'intendant ; Descotils- Desjardins, aussi professeur à la faculté des droits, et Mares- cotW. Chacune des onze subdivisions administratives de la généralité de Caen, ou subdélégations, avait à sa tête un subdélégué. Tem- poraires au début, ces agents, nés des besoins, de la pratique administrative des intendants, étaient vite devenus permanents ; une résidence fixe leur avait été assignée. Ils étaient à peu près par rapport à l'intendant ce que sont aujourd'hui les sous-préfets par rapport aux préfets. Toutefois ils n'étaient pas, comme les sous-préfets, nommés par le pouvoir central c'est l'intendant qui, en vertu de sa commission, avait le droit de les nommer ; ils étaient révocables à sa guise. Ajoutons que cette autorité arbi- traire de l'intendant était toute théorique, et que celui-ci n'avait guère l'occasion de l'exercer. En fait, les subdélégués jouissaient, vis-à-vis de leur chef, d'une assez complète indépendance 3. Leur charge administrative n'était la plupart du temps qu'une fonction accessoire ajoutée à une fonction publique antérieure- ment acquise. Par l'exercice de cette première fonction, par leur degré de culture, leur état social, leur situation de fortune, ils étaient au rang des notabilités locales avec lesquelles l'intendant devait compter. Ainsi, sur les onze subdélégués de l'intendance de Caen, trois étaient lieutenants généraux de bailliages Robil- lard à Saint-Lô, Sivard de Beaulieu à Valognes, Lavalley de la Hogue à Carentan. Ferey de Montitier, subdélégué cl'Avranches, qui venait de succéder à Meslé, décédé en 1787, était lieutenant particulier au bailliage de cette ville, et lieutenant en l'élection 4. 1 On trouve des traces de l'activité de ce Conseil aux arch. dép. du Calvados pour les élections d'Avranches, C 1055 ; de Caen, C 1088; de Carentan, C 1248; de Mortain, C 1219; de Saint-Lû, C 1227-1228. 2 Chacun d'eux recevait une gi'atificalion annuelle de 400 livres, prise sur les fonds libres de la capitation. Arch. dép., Calvados, C 231. Après la mort de le Paul- mier, janvier 1788, Lepage, puis Desbordeaux, avocats, furent conseillers de l'inten- dance. 3 ArdaschefT montre très bien cette indépendance de fait des subdélégués, dans son ouvrage déjà cité Provintsialnaia Adminislratsia, etc., chap. V, Intendant v'svoei oblasli i ièuo podtchinennié. Subdelegati, p. 332 sqq. 4 Arch. dép., Calvados, C 3378. 16 CONDITION SOCIALE DES SUBDÉLÉGUÉS Le Harivel de Gonneville, subdélégué de Caen après la mort de Le Paulmier, était lieutenant général criminel au siège de police de cette ville *. Le subdélégué de Granville, Couraye Duparc, y exerçait avant sa nomination l'office de vicomte avec intelli- gence et à la satisfaction du public » et en avril 1787 il fut choisi, par le roi comme maire de cette ville 2. Démons de Garantot, subdélégué de Cherbourg, y était lieutenant général de police depuis 1761 3, et maire depuis 1781 W ; c'est en cette qualité qu'il avait reçu Louis XVI, quand celui-ci vint visiter en 1786 les travaux du port. Sivard de Beaulieu figurait en 1788 parmi les notables de l'hôtel de ville de Valognes 5, Robillard, avant d'occuper le siège de lieutenant-général du bailliage à Saint-Lô et d'y recevoir une commission de subdélégué, avait été docteur agrégé aux droits » à Caen 6. Gênas, subdélégué de Bayeux depuis 1772, conseiller au bailliage, était fils d'un ancien conseiller à l'éphémère Conseil supérieur de cette ville C. S'ils tenaient au titre de subdélégué, c'était surtout en raison du surcroît de considération et d'influence locale qu'il leur donnait. La charge, en effet, était plus honorifique que lucrative. Elle ne comportait aucune rétribution fixe. A peine les subdélégués recevaient-ils quelques gratifications, comparables aux frais de bureau ou de tournées de certains fonctionnaires actuels ; 9,000 livres leur étaient annuellement allouées en bloc dans l'intendance de Caen, ce qui réduisait à peu la part de chacun *. Aussi plus d'un la rece- vait-il avec hauteur 5. La situation matérielle et sociale de ces subdélégués explique les ménagements que les intendants étaient obligés de garder vis-à-vis d'eux 6> ; elle nous expliquera plus tard la défiance qu'inspireront à Cordier de Launay, au début de la crise révo- lutionnaire, la plupart de ces subordonnés, lorsqu'il les verra, assoiffés de repos ou avides de popularité, abdiquer leurs fonc- tions occasionnelles de subdélégués, déchues dans l'opinion pu- blique, pour se confiner dans l'exercice de leurs charges anté- rieures et fondamentales, ou pour briguer les suffrages populaires. Pour se rendre compte de la multiplicité et de la variété des attributions des subdélégués à la fin de l'Ancien Régime, il n'y a qu'à feuilleter les archives des subdélégations. Si le défaut de mesures d'ensemble prises pour la conservation et le classement 1 Meslé a tract' un portrait exact et très vivant des habitants de l'Avranchin. Arch. dép., Calvados, C 1070. 2 Sivard de Beaulieu fut subdélégué à Valognes pendant douze ans ; de Cheux de Saint-Clair, à Vire pendant dix-neuf ans 1758-1777 ; Meslé, à Avranches, pendant vingt-quatre ans 1763-1787 ; de la Roque, à Mortain, pendant vingt-huit ans 1762- 1790 ; de Mombrière, à Coutances, pendant plus de quarante ans. 3 Deux Gênas, l'oncle et le neveu, furent successivement subdélégués à Bayeux de 1736 à 1789. 4 Arch. dép., Calvados, C 231. Encore prélevait-on sur cette somme des gratifi- cations pour les secrétaires de l'intendance. 5 De la Roque, subdélégué à Mortain, se croit au-dessus de toute gratification, ne veut pas convenir en avoir reçu, n'en a pas besoin ; Gênas, de Bayeux, a 12,000 liv. de rente et est fort économe ; de Saint-Clair, à Vire, a 8,000 livres de rente ; de Varoc, à Saint-Lù, fait de la dépense pour l'éducation de sa famille et reçoit l'intendant lors de sa tournée. » Notes de l'intendant Esmangart. Ibid., C 231. 6 Ibid., C 4156. Ni Feydeau de Brou, ni Cordier de Launay n'osent transmettre à Robillard, subdélégué de Saint-Lô, une lettre de blâme de Castries, secrétaire d'Etat de la marine. Ils la trouvent trop mortifiante » à l'égard d'un homme qui sacrifie son temps et sa fortune au service public et qui offrirait immédiatement sa démis- sion ». 18 SUBDÉLÉGUÉS, AGENTS D'INFORMATION de ces archives a eu de fâcheux résultats, si les fonds des subdélé- gations sont plutôt rares W, les Archives] départementales du Calvados ont eu la bonne fortune d'acquérir les papiers des deux plus importantes subdélégations de l'intendance de Caen celles de Caen et de Bayeux *2. Représentants de l'intendant dans leur circonscription, comme celui-ci était le représentant du roi dans la sienne, les subdélégués de l'intendance de Caen nous apparaissent sous le double aspect d'agents d'information et d'agents d'exécution. Agents d'information, ils étaient les correspondants, les conseil- lers de l'intendant. Ils étaient ses yeux et ses oreilles ». On les consultait à tout propos et sur tous les objets. Les statistiques qu'ils étaient chargés de dresser à intervalles périodiques étaient déjà effrayantes par leur nombre états annuels, par paroisses, des naissances, mariages et sépultures, avec leurs observations sur les maladies épidémiques W ; états du mouvement de la population dans les maisons religieuses et hôpitaux 4 ; états annuels de la situation des récoltes avec des indications précises sur les causes qui en favorisaient ou en contrariaient l'abon- dance 5 ; états mensuels, puis bimensuels du prix des grains et des diverses denrées qui se vendaient sur les marchés de leur subdélégation 6 ; tableaux des dessèchements et des défriche- ments 7. Il ne se passait guère de semaine sans que le contrôleur général ne demandât à l'intendant, et celui-ci à ses subdélégués, un rapport sur les questions les plus diverses, surtout d'ordre économique. Quels sont les endroits où se tiennent des foires et quelle est l'importance de celles-ci ? 8 Existe-t-il dans la géné- ralité des mines de charbon ou de fer ? 9. Quels sont les princi- paux objets du commerce de la région ? 10. Quelles industries y prospéreraient ? i11. Autant de demandes auxquelles devaient répondre les subdélégués. Une société d'agriculture va-t-elle se 1 Voir Ardascheff, ouv. cité, p. 378. 2 Arch. dép., Calvados, C 6884 à 6917 subdélêgation de Caen ; C 9446 à 9565 sub- délégation de Bayeux. 3 Ibid., C 9450. 4 Ibid., C 9451. 5 Ibid., C 2689 à 2711. 6 Ibid., C 9455. 7 Ibid., C 6885, 9457. 8 Ibid., C 6886. 9 Ibid., C 6887. 10 Ibid., C 9458, 9462, 9463 et suivants. 11 Ibid., C 6887. SUBDÉLÉGUÉS, AGENTS D'EXÉCUTION 19 fonder, vite l'intendant les prie de dresser la liste des personnes capables d'en faire partie *. Supprime-t-on des communautés d'arts et métiers, voilà les subdélégués occupés à apurer leurs comptes, à dresser l'inventaire de leurs titres W. Leur avis est réclamé sur les demandes de sauf-conduits ou d'arrêts de sur- séance 3, sur les érections de fiefs W et jusque sur les moindres dé- tails des réjouissances publiques et les illuminations des villes P. Agents d'exécution, les subdélégués étaient comme les com- missaires départis » de l'intendant. Ils servaient d'intermé- diaires entre celui-ci d'une part, les corps municipaux des villes et les syndics des communautés rurales d'autre part. Ils leur transmettaient les ordres reçus et veillaient à l'accomplissement de ceux-ci. Ces ordres étaient, le plus souvent, leurs avis mêmes qui, après avoir suivi la voie hiérarchique, leur faisaient retour, à la sortie des bureaux de l'intendance ou de l'administration cen- trale, transformés, soit en ordonnances de l'intendant, soit en dé- cisions ministérielles, soit même en solennels arrêts du Conseil 6. Dans l'intendance de Caen comme dans les autres pays d'élection », l'activité des subdélégués se portait sur de multiples objets. On les voit collaborer avec les élus et les receveurs des tailles à la préparation des mandements 7 ; répartir l'imposition territoriale et celle des bâtiments de justice, spéciales à la géné- ralité de Caen 8 ; dresser les rôles des paroisses qui supportaient la taxe représentative de la corvée y ; présider aux adjudications de travaux publics 10 ; veiller à la sécurité et au bon ordre u ; organiser l'assistance et propager l'hygiène ]2l L'administration militaire leur occasionnait une surcharge accablante. Dans beaucoup d'élections où il n'y avait pas de commissaires des guerres, comme à Bayeux, Vire, Saint-Lô, etc., les subdélégués I Arch. dép., Calvados, C 2501. * Ibid., C 6889. 3 Ibid., C 6882. 4 Ibid., C 6917. 5 Ibid., C 6916. 6 Ibid., C passim. Les cartons de l'intendance de Caen renferment en abondance les preuves de la transcription littérale des rapports des subdélégués par les bureaux de 1 intendant, sous forme de projets d'arrêts du Conseil. Ardascheff a insisté sur ce point, ouv. cité, p. 366. 7 Arch. dép., Calvados, C 94 1 a 9477 8 Ibid., C 9503 à 9519. 9 Ibid., C 9490 à 9502. 10 Ibid., C 9550. II Ibid, C 9452. 12 Ibid., C 9563, 9454 '20 MUNICIPALITÉS URBAINES ET COMMUNAUTÉS RURALES en faisaient fonction. Les fournitures nécessaires -pour le transport des troupes, pour leur casernement voitures, bêtes de somme, lits militaires ; le dénombrement des garde-côtes, la levée de la milice, la police des déserteurs et des hôpitaux militaires, le ser- vice de la maréchaussée; en un mot, les mille détails d'une admi- nistration très compliquée absorbaient tous leurs instants *. L'extension progressive des attributions des subdélégués avait fait de ceux-ci les chevilles ouvrières de l'administration provin- ciale à la fin de l'Ancien Régime. Leur tâche avait quadruplé, si l'on en croit l'un d'eux, le subdélégué de Vire 2. Aussi, en plus d'un endroit, se faisaient-ils aider par des secrétaires. A Saint- Lô, le secrétaire de Robillard exerçait ces fonctions depuis 1741, .et il avait succédé à son père qui occupait cet emploi depuis 1721 3. A Avranches, Boudent était à la fois greffier de l'élection et de la subdélégation 4. Ces commis, choisis par les subdélégués, étaient, en général, exempts de capitation, des corvées, des droits d'aides et du logement des gens de guerre 5\ Entre les onze subdélégations de la généralité se répartissaient 1,214 paroisses, d'inégale importance villes, bourgs et villages. Une douzaine de villes à forme municipale, dont les constitutions respectives, unifiées par l'édit de juillet 1766, avaient été diver- sifiées par des règlements particuliers ultérieurs, et 1,200 com- munautés rurales, pourvues d'organismes encore rudimentaires et enfermées dans les étroites bornes d'une vie exclusivement locale, telles étaient au début de 1787, les dernières molécules administratives de la généralité ». Il n'y avait aucune circons- cription intermédiaire entre la subdélégation d'une part, les municipalités urbaines et les communautés rurales d'autre part. Les subdélégués correspondaient directement avec les officiers municipaux et avec les syndics paroissiaux. Les maires, chefs des municipalités, étaient nommés par le roi sur une liste de trois membres proposés par les hôtels de ville ; il est probable que 1 Voir les lettres de Demortreux, subdélégué de Vire, du 28 mai 1780, et de Robillard, subdélégué de Saint-Lù, du 18 mars 1781. Arch. dép., Calvados, C 231. .• 2 Je ne crois pas dire trop en disant que j'ai la subdélégation la plus surchar- gée et la plus attachante, et que je n'ai pas un seul jour tranquille ; mon travail, par l'extraordinaire, est quadruple du précédent. » lbid., ibid. 3 Lefauqueux de la Besnardière, greffier de la subdélégation de Saint-Lô, demanda, en raison des soixante-neuf ans de services accomplis par son père et lui, une gratification à l'Assemblée nationale, le 2 juillet 1790. Arch. nat, Dvi 38, 1. 554. Cf. Arch. dép. Calvados, C 6289. 4 Arch. dép., Calvados, C 7647. Yvert était greffier de la subdélégation de Caen, et Basley de celle de Baveux. Ibid., C 6916 et 9446. C> Ibid., C 7647. LES SYNDICS DES PAROISSES RURALES 21 l'avis de l'intendant influait sur ces choix, et que ce dernier s'en rapportait aux renseignements fournis par ses subdélégués 1>. Les syndics ruraux de la généralité de Caen étaient élus par l'assemblée générale de leurs paroissiens ; depuis 1769, ils étaient préposés d'office à la collecte des vingtièmes 2, et l'on avait joint à cette fonction de nature fiscale la levée d'autres impo- sitions récemment établies en Basse-Normandie et spéciales à cette région, comme l'imposition territoriale et celle des bâti- ments de justice 3. Comme l'intendant et comme les subdélégués, ces officiers publics des communautés urbaines et rurales étaient revêtus, mais dans un ressort de moindre étendue, d'attributions admi- nistratives, par délégation indirecte de l'Etat. C'étaient les organes administratifs du degré inférieur, les agents d'informa- tion et d'exécution placés au dernier rang de l'échelle adminis- trative, et l'on a pu dire avec raison, notamment des syndics ruraux, qu'ils étaient des vice-subdélégués » 4, et qu'ils représentaient les subdélégués dans toutes les opérations ayant trait à l'ordre public et au gouvernement » 5. Toutefois, en dehors des attributions qui leur étaient com- munes avec les intendants et les subdélégués 6, les maires et syndics en avaient d'autres qui leur étaient propres, et qu'ils n'exerçaient pas au nom de l'Etat. Ils étaient les représentants et les chefs de l'association communale ; les syndics en étaient même partout les chefs élus. Le principe de l'élection, bien qu'il fût parfois violé par l'action arbitraire des intendants, n'en subsistait pas moins comme un dernier vestige de l'indépendance locale, et il pouvait devenir le point de départ de libertés nou- velles. Il allait bientôt franchir le cercle étroit où l'absolutisme monarchique l'avait enfermé, pour régénérer, à tous les degrés de la hiérarchie, le régime administratif du pays. 1 Arch. dép., Calvados, G 1068, 1092, 1095, 1173, 1184, 1221, 1230 et 1257. 2 Ordonnance de l'intendant Fontelte concernant la nomination des syndics et préposés au recouvrement des vingtièmes. Ibid., C 5295. 3 Ces deux impositions, spéciales à la généralité de Caen, avaient été établies, la première par des arrêts successifs du Conseil, de 1769 à 1785 ; la seconde, par un arrêt du Conseil du 18 janvier 1786. Ibid., C 4398, 8172, 8174 et 8181. 4 Ardascheff, oiw. cité éd. russe, p. 524. 11 les appelle aussi des subdélégués en miniature ». 5 A. de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, p. 75. 6 Je rappelle que plusieurs subdélégués étaient en même temps maires de la ville chef-lieu de leur résidence tel Garantot à Cherbourg, Meslé à Avranches et Couraye-Duparc à Granville. Mais aucun subdélégué de la généralité de Caen ne fut syndic rural. 22 l'édit de juin 1787 CHAPITRE II LA FORMATION DE l' ASSEMBLÉE PROVINCIALE DE BASSE-NORMANDIE. AOUT 1787 La réforme administrative de 1787 en Normandie son objet. — Critiques formulées contre les intendants ce qu'elles ont de fondé dans la généralité de Caen. — Désirs et projets de réformes administratives en Normandie avant l'établissement des Assemblées provinciales. Ledit de juin 1787. — L'assemblée préliminaire d'août 1787; sa composi- tion. — Formation complémentaire de l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie ; répartition géographique et sociale de ses mem- bres assemblée de privilégiés. — Ses organes d'exécution Commis- sion intermédiaire provinciale et procureurs syndics provinciaux. — La première moitié des assemblées d'élection condition sociale de leurs membres. — Atteinte portée au pouvoir de l'intendant par la création de l'institution nouvelle. L'année 1787 vit s'opérer en Normandie, comme dans les autres pays d'élection » du royaume, une véritable révolution administrative *. Conformément à l'avis émis par l'Assemblée des notables réunie au mois de février, Louis XVI publia en juin un édit créant des Assemblées provinciales dans toutes les gêné- ralités du royaume qui n'avaient pas d'Etats provinciaux i2. La Normandie, dont les Etats, périodiquement réunis depuis le Moyen âge, avaient été suspendus par Mazarin, devait avoir en vertu de cet édit trois Assemblées provinciales, correspondant à ses trois généralités de Rouen, d'Alençon et de Caen. L'édit de juin fut suivi de deux Règlements royaux, l'un du 15 juillet 3, sur la formation et la composition des assemblées », 1 Voir le chapitre XIX de Tocqueville, L'Ancien Régime el la Révolution, intitulé Comment une grande révolution administrative avait précédé la révolution poli- tique, etc. y> 2 Arch. dép., Calvados, C 110. Cet édit fut enregistré au Parlement de Rouen le 10 avril 1787, et publié au bailliage et présidial de Caen le 5 septembre. 3 Ibid., C 6341. LE RÈGLEMENT DU 15 JUILLET 1787 23 l'autre du 5 août l\ sur leurs fonctions et leurs relations avec l'intendant ». Le Règlement du 15 juillet établissait trois sortes d'assemblées hiérarchiquement superposées municipales, d'élection et pro- vinciales. Des assemblées municipales, composées du seigneur et du curé, membres de droit, et de trois, six ou neuf membres, plus un syndic, choisis par les habitants de la paroisse, en raison du nombre des feux, devaient être formées dans toutes les com- munautés où il n'en existait pas encore. Neuf assemblées d'élec- tion » étaient créées dans la généralité » de Caen. Chaque élec- tion » était divisée en un certain nombre de circonscriptions électorales, ou arrondissements ; chaque arrondissement devait envoyer à l'assemblée d'élection quatre députés un du clergé, un de la noblesse et deux du Tiers état. L'élection de Caen, formée de 6 arrondissements, devait fournir 24 membres ; les huit autres élections, ne comprenant que 5 arrondissements, l'effectif de leurs assemblées respectives ne pouvait dépasser 20 membres. L'Assemblée provinciale, séant à Caen, chef-lieu de la géné- ralité, devait être composée de 40 membres, dont 20 ecclésias- tiques, seigneurs laïques ou gentilshommes les représentant, et 20 membres pris dans les députés des villes et des paroisses. Les neuf élections devaient collaborer à la composition de cette assemblée dans la proportion suivante 8 députés pour l'élection de Caen, 4 pour chacune des huit autres élections. Dans l'avenir, c'est le système électif qu'on devait employer au recrutement de ces trois espèces d'assemblées ; selon l'expres- sion de l'époque, elles seraient élémentaires » les unes des autres en d'autres termes, les membres de l'Assemblée provinciale devaient être choisis parmi ceux des assemblées d'élection, et ceux-ci parmi les membres des assemblées municipales. Toute- fois, pour mettre en mouvement la nouvelle institution, le roi s'était réservé le choix de la première moitié de l'Assemblée provinciale, lui laissant le soin de se compléter elle-même. Les premières assemblées d'élection devaient être formées d'après les mêmes principes la moitié des membres, à la nomination des députés provinciaux désignés par le roi, s'adjoindrait l'autre moitié par cooptation. Pour les assemblées municipales seules, 1 Arch. dép., Calvados, C 7610, reproduit dans le Procès-verbal de Basse-Nor- mandie, pages 46 à 91. 24 LE RÈGLEMENT DU 15 JUILLET 1787 le système électoral absolu était immédiatement mis en vigueur HY. On attendait du temps et de l'expérience le perfectionnement de l'institution. Ces diverses assemblées devaient avoir des réunions pério- diques. L'Assemblée provinciale, annuelle, aurait une session de trente jours au plus ; les sessions, également annuelles, des assemblées d'élection ne dépasseraient pas quinze jours. Dans l'intervalle de ces sessions des bureaux permanents, élus parmi les membres de ces diverses assemblées, et appelés Commissions intermédiaires » étaient chargés de la suite des affaires ils de- vaient rendre compte de leur mandat aux assemblées suivantes par l'organe des deux procureurs-syndics, agents d'exécution placés auprès de chacun d'eux. Les assemblées municipales, dont les réunions devaient être beaucoup plus fréquentes, n'a- vaient pas de commission intermédiaire et comme, seigneur et curé exceptés, elles étaient exclusivement issues du Tiers état, elles n'avaient qu'un seul syndic. Dans les assemblées munici- pales la majorité était partout acquise au Tiers état. Quant aux assemblées supérieures, on s'était préoccupé d'établir une pro- portion rigoureuse dans la répartition de leurs membres une moitié appartenait aux deux ordres privilégiés, clergé et noblesse ; l'autre moitié au Tiers état. Le maintien de deux procureurs- syndics rendait cette dualité plus sensible. Dans le préambule du Règlement, Louis XVI avait expressé- ment indiqué que les dispositions en étaient conformes à l'esprit qui avait dirigé les délibérations des Notables ». Le projet de Galonné, en effet, avait été modifié selon les vues des Notables, c'est-à-dire dans un sens rétrograde. La distinction des trois ordres, supprimée par ce ministre, avait été rétablie. C'était, sur un point capital, une concession faite aux ordres privilégiés. Les Notables avaient encore obtenu gain de cause sur un autre point la présidence des assemblées provinciales ou d'élection ne pou- vait être déférée qu'à un membre du clergé ou de la noblesse. Très explicite sur le mode de recrutement et la composition des assemblées, le Règlement du 15 juillet n'indiquait ni leurs fonc- tions ni les relations qu'elles devaient entretenir soit entre elles, soit avec l'intendant. Un règlement nouveau était rendu néces- saire par la juxtaposition de deux autorités sur un champ d'action où jusque-là il ne s'en était exercé qu'une seule. 1 Encore un clément non électif entrait-il dans leur composition avec les deux membres de droit représentant les deux premiers ordres, le seigneur et le curé. LE RÈGLEMENT DU 5 AOUT 1787 25 Avant l'institution de l'Assemblée provinciale, l'intendant de Caen était, on l'a vu, l'agent absolu du pouvoir central dans sa circonscription. Organe du Conseil d'Etat, dont il provoquait et préparait souvent les arrêts avant de les faire exécuter, il avait l'initiative dans la décision, l'indépendance dans l'action, l'administration sans contrôle et sans partage. Le jour où l'on plaçait près de lui, près de ses subordonnés les subdélégués et les syndics, toute une série d'assemblées pourvues d'attributions administratives, son autorité se trouvait singulièrement amoin- drie. Il fallait au moins déterminer avec précision les attributions de l'intendant et celles de l'administration nouvelle, essayer d'établir entre elles une démarcation assez nette, une barrière contre des empiétements possibles de part et d'autre, en un mot régler les relations réciproques des deux pouvoirs, de manière que la liberté qu'il convenait de laisser à l'action de chaque partie ne pût jamais altérer le concours et la surveillance mutuels qu'exigeait l'intérêt général de la province '-1 ». » Ce fut l'objet du Règlement du 5 août 1787. Son rédacteur devait avoir sous les yeux les lignes suivantes écrites en 1778 par Necker Il est sans doute des parties d'administration qui, tenant uniquement à la police, à l'ordre public, à l'exécution des ordres de Votre Majesté, ne peuvent jamais être partagées et doivent, par conséquent, reposer sur l'intendant seul ; mais il en est aussi, telles que la répartition et la levée des impositions, l'entretien et la construction des chemins, le choix des encourage- ments favorables au commerce, au travail en général et aux débouchés de la province en particulier qui, soumises à une marche plus lente et plus constante, peuvent être confiées préfé- rablement à une commission composée de propriétaires, en réser- vant à l'intendant l'importante fonction d'éclairer le gouverne- ment sur les différents règlements qui seraient proposés 2. » Telle fut précisément la division des attributions adoptée par le Règlement du 5 août. La répartition des divers impôts, la surveillance et la direction des travaux publics, les œuvres d'assis- tance, les encouragements à l'agriculture, à l'industrie et au commerce furent du ressort de l'Assemblée provinciale et de sa Commission intermédiaire. L'intendant, par rapport à l'Assem- blée, n'était plus que le commissaire du roi », c'est-à-dire un 1 Préambule du règlement du 5 août 1787. Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 46. 2 Necker, Mémoire au Roi, p. 7 et 8. 26 DESIRS DE REFORME ADMINISTRATIVE haut fonctionnaire chargé de la police et de l'ordre public. Il est vrai qu'il avait toujours le contrôle sur les opérations de l'assem- blée, qu'il transmettait au pouvoir central les délibérations de celle-ci en les accompagnant de son avis, et qu'enfin il était seul, par l'apposition de son visa, à les rendre exécutoires après leur ratification. Cette réforme administrative qui ne devait être réalisée dans la plus grande partie de la France qu'en 1787, au seuil même de la Révolution, s'accomplissait bien tardivement. Il y avait trois quarts de siècle qu'on la désirait. Depuis le jour où Fénelon avait résumé ses griefs contre l'administration de Louis XIV par ce seul cri Plus d'intendants ! » et où Boulainvilliers, dans son Etat de la France» avait accusé ceux-ci d'être les instruments de la misère du peuple », les plaintes n'avaient pas cessé. Non seulement des publicistes et des économistes comme Saint- Simon m, le marquis de Mirabeau , mais les cours souveraines, les Parlements et les Cours des aides 4l, mais les hommes d'Etat, les ministres eux-mêmes, d' Argenson 5, Tur- got 6, Necker P, avaient courageusement dévoilé les abus de la 1 Saint-Simon, Ecrits inédits publiés par Faugère. Paris, 1880-1883, tome IV, p. 36. 2 Marquis de Mirabeau, L'Ami des hommes s. 1. 1755-1760, IVe partie Mémoire sur les Etals provinciaux. Etats provinciaux calqués sur ceux du Languedoc clergé, noblesse, députés des villes ; délibérations en commun et vote par tête. Ils ren- dront compte de leurs diverses opérations au roi par 1 intermédiaire des intendants, ses commissaires, et recevront par le même canal des ordres pour le bien-être géné- ral de l'Etat. » Une Commission intermédiaire provinciale formée des syndics géné- raux, dont un à la suite de la Cour. 3 Le Trosne, De l'Administration provinciale el de la réforme de l'Impôt. Paris, 1779. Projet d'administration provinciale lié à l'établissement d'un seul impôt, la taille. Communauté d'arrondissement canton. District. Généralité. Assemblées, conseils administratifs, dont membres à vie désignés par l'élection. Plus d'intendants; des députés du Conseil national font chaque année une inspection des généralités. 4 Voir notamment les Remontrances de la Cour des aides de Paris de 1775 Les Assemblées provinciales sont le vœu unanime de la nation. » 5 Marquis d'Argenson, Considérations sur le Gouvernement ancien et présent de la France. Amsterdam, 1781, in 8°. Le chapitre VII de cet ouvrage, intitulé Plan du gouvernement proposé pour la France, comprend 52 articles ; les articles 27 à 36 concernent les intendances et subdélégations, dont l'auteur réclamait l'augmentation lune intendance par 200 paroisses, une subdélégation par 20 paroisses. 6 Turgot, Mémoire sur les municipalités à établir en France rédigé en 1775. OEuvres posthumes de Turgot. Lausanne, 1787. Ancien intendant, Turgot dit que les intendants et leurs subdélégués ne peuvent guère connaître en détail les res- sources et besoins des peuples, d'où décisions arbitraires et abus. Projet de réforme radical. Non plus des Etats avec les trois ordres, mais des asssemblées de proprié- taires fonciers municipales, de ville et village, d'élection, provinciales, générale avec simple voix consultative, agents d'enquête éclairant le pouvoir central. Ce projet ne supprime pas les intendants et n'entame pas leur autorité. 7 Necker, Mémoire au Roi sur l'établissement des Assemblées provinciales, p. 170-184, et De l'Administration des Finances de la France, t. III, p. 379-385. CRITIQUES CONTRE LES INTENDANTS 27 centralisation excessive. Longtemps avant leur disparition, les intendants étaient condamnés. De tous leurs adversaires, Necker avait frappé le plus fort et il avait porté la première atteinte grave à leur autorité en établissant, les assemblées provinciales du Berry et de la Haute-Guyenne modèles de toutes les autres. A deux reprises différentes, dans son Mémoire au Roi » de 1778, et dans son Traité de l'administration des finances de la France » publié en 1784, il s'était élevé avec la plus grande sévérité contre les vices de l'institution des intendants. Les critiques si vives qu'il formulait, avec d'autres contem- porains *, contre leur mode de recrutement, leur ignoraance, leur ambition, leur esprit ombrageux, leur désintéressement des affaires de leur province étaient-elles justes en ce qui concerne l'intendance de Caen? Premier grief un long usage appelle uniquement aux intendances les maîtres des requêtes. Pourquoi s'entêter à les prendre dans ce corps? Leur état ne forme pas particulièrement à l'administration, car ils ne sont occupés que de rapporter au Conseil des requêtes en cassation ; ils sont donc fatalement, au début, des administrateurs inexpérimentés. Si encore on les choisissait avec discernement ! Mais, ou bien l'on suit aveuglément l'ordre du tableau, ou ce qui est pis encore, des considérations de faveur amènent de trop jeunes maîtres des requêtes à la tête des intendances'2. Ce reproche était fondé pour quelques-uns des derniers intendants de Caen. Fontette et Esmangart avaient été nommés à 34 ans, Feydeau de Brou à 22 ans, après six mois au plus de présence au Conseil d'Etat 3. 1 L'Espion déualisé attribué à Baudoin de Guémadeuc, ancien maître des requêtes, p. 216 et suiv. L'Espion anglais attribué à Pidansat de Mairobert, secré- taire des commandements du duc de Chartres, membre de l'Académie royale de Caen. Tome V, p. 96 et suiv. 2 L'Espion déualisé s'exprimait ainsi Depuis 1776 on a reçu au Conseil quel- ques fils de maîtres faits pour y être, mais qui sont de plats sujets. Voilà cependant la pépinière des 33 intendants du royaume On reçoit des fils de traitants, de maçons, de trésoriers, puis on veut que les peuples respectent ces va-nu-pieds... » p. 216-217. — L'Espion anglais, tome V, p. 96, est tout aussi dur à l'égard des inten- dants. Qu'est-ce qu'un commissaire départi ? Un jeune freluquet qui sort de Paris pour la première fois, ignorant souvent comment croît le blé, ayant presque tou- jours un intérêt contraire à celui de la province, courant la carrière de la fortune avide des grâces de la cour qu'il doit obtenir par le canal du ministre des finances... » 3 Jugement de l'Espion dévalisé sur Esmangart, p. 220-221 Esmangart, fils d'un valet de chambre du Palais Royal. . . était à Bordeaux d'où on l'a chassé en 1774 parce qu'il faisait l'important; il s'était voué en bas valet à Maupeou... Sa mère, qui était auprès de Madame de Chartres, a eu le crédit, par M. le duc d'Orléans, de placer ce beau fils à Bordeaux. Je vous demande ce qu'il a fait dans celte intendance 28 CRITIQUES CONTRE LES INTENDANTS Autre accusation, également motivée. Leur ambition les pousse à changer souvent de place, à considérer l'intendance qu'on leur a- confiée comme un simple échelon, comme un lieu de passage. Présumant qu'on avance plus par les intrigues et les relations que par le travail et l'étude, ils viennent souvent à Paris, se font remplacer par leurs secrétaires ou leurs subdélégués. Leur vie se passe à courir la France, d'une intendance à l'autre, et chacun de ces changements leur fait perdre, au grand détriment de leur province, le bénéfice des connaissances qu'ils ont acquises sur elle. Là encore Necker touchait juste, et il exprimait avec une ferme modération des vérités que les pamphlétaires du temps traduisaient avec plus de véhémence rK L'intendance de Caen avait eu à souffrir de cette instabilité de ses administrateurs. Du départ de Fontette 1775 jusqu'à la Révolution, elle compta trois intendants Esmangart 1775-1783, Feydeau de Brou 1783-1787 et Cordier de Launay. Esmangart arrivait de Bor- deaux et devait quitter Caen pour Lille. Feydeau de Brou avait déjà été, de 1776 à 1783, intendant de Bourges et de Dijon il cumulait, avec ses fonctions d'intendant, celles de directeur adjoint des économats, ayant l'expectative de cette charge possé- dée par son oncle Marville. Pendant plus de cinq ans, à la fin de l'administration de Fontette, l'intendance de Caen avait été à la merci d'un subdélégué général haineux et improbe, qui avait accumulé les fautes et les scandales 2, tandis que son chef demeu- rait à la cour comme chancelier de Monsieur. Aussi la Basse-Normandie, lasse d'éprouver les mauvais effets d'une telle administration, en attendait-elle avec impatience la réforme. Depuis assez longtemps déjà, elle avait joint ses récla- mations particulières à celles de l'opinion publique. Le vieux et ce qu'il peut faire à Caen ? » Jugement, du même libelle sur Feydeau de Brou, p. 218 De Brou, qui est à Dijon en 1780, n'a pas été six mois au Conseil. Richis- sime, beau-fils, petit-fils d'un garde des sceaux par intérim,, il méprise la place et l'état. » 1 Leur antipathie pour le travail ne leur permet pas d'acquérir des connais- sances personnelles, les provinces qu'ils régissent leur demeurent toujours égale- ment inconnues. . . » Lettre de M. à M. . . conseiller au Parlement, au sujet de ledit pour l'établissement des administrations provinciales 26 avril 1781. Ne connaissant point les lieux qu'il n'a jamais habités, où il ne réside que trois à quatre mois de l'année, l'intendant sera obligé de s'en rapporter à ses subdélé- gués pour la formation des mémoires envoyés à la cour. » L'Espion anglais, p. 97. 2 Arch. dép., Calvados, C 229. Note de d'Ormesson sur Malafait, subdélégué général de Caen. M. Malafait vante ses anciens services, mais il n'a pas travaillé gratis ; bien des gens seraient contents de se retirer comme lui, à la haine publique près. PROJET DE RÉFORME DE BALLEROY 29 marquis de Balleroy, exilé dans ses terres par l'influence de la duchesse de Châteauroux, avait occupé ses loisirs à tracer le plan d'une administration provinciale nouvelle *. Il était l'ami intime du marquis d'Argenson, avec qui il entretenait une active corres- pondance'2. C'est d'après ses conseils pressants, dit-on, que d'Argenson exposa un projet d'Assemblées provinciales dans ses Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France ». L'ouvrage parut en 1764, sept ans après la mort de d'Argenson. Balleroy aurait alors à nouveau songé à leur com- mun projet et l'aurait mis sous les yeux de Fontette, intendant de Caen. Celui-ci, paraît-il, le fit agréer au ministre, et fut chargé de dresser un plan qui, oublié dans les cartons du contrôle général par des intendants de finances hostiles à la réforme, devait tom- ber plus tard sous les yeux de Necker 3. Aucun document d'ar- chives ne m'a permis de contrôler la véracité de cette assertion. Il serait peut-être excessif de faire de Fontette un partisan résolu de l'établissement des assemblées provinciales. Il avait à un trop haut degré l'ambition du pouvoir pour travailler lui-même à sa propre déchéance. Il n'est pas invraisemblable toutefois d'affirmer qu'il n'approuvait pas en tout point l'ordre de choses établi à son époque, et qu'il désira une réforme administrative assez profonde. Il eut l'occasion d'exprimer ses vues à ce sujet . en 1763. Le contrôleur général Bertin, en vue d'assurer une répar- tition plus équitable de la taille, voulait alors procéder au dénom- brement et à l'estimation de tous les biens-fonds du royaume. En réponse au questionnaire du ministre, Fontette proposa un projet de cadastre, basé sur la division de la Normandie en ser- genteries 4. Les assemblées générales des communautés rurales, auxquelles prendraient part tous les contribuables, pauvres comme riches, roturiers comme nobles, tous citoyens », devaient élire chacune trois députés. Réunie au chef-lieu de la sergenterie, l'assemblée des députés paroissiaux devait nommer à son tour 3 commis- saires dont au moins un laboureur, chargés de désigner les experts et arpenteurs, de veiller à la rédaction du cadastre de la sergen- 1 E. de Barthélémy, Les Correspondants de la Marquise de Balleroy, tome I, notice préliminaire, p. 2 D'Argenson, Journal et Mémoires Société de l'Histoire de France, Paris, 1859- 1867, tome IV, p. 112, mentionne l'exil de Balleroy dans sa terre de Normandie. 3 Abbé Bidot, Histoire de Balleroy, p. 236. 4 Arch. dép., Calvados, C 4523. Voir F. Mourlot, L'Intendant Fontette,, p. 11-12. 30 PROJET DE RÉFORME DE FONTETTE terie et de régler toutes les contestations qui naîtraient à ce sujet. Les commissaires de la sergenterie, renouvelables tous les trois ans, seraient ainsi de véritables élus ». Représentants du peuple, ils jugeraient leurs pairs avec capacité, intégrité, désin- téressement ». Les sergenteries se grouperaient pour nommer trois commissaires par élection et une assemblée générale formée des 27 commissaires de l'intendance de Caen se réunirait chaque année, sous la présidence de l'intendant, pour faire connaître au roi les besoins de la province. Les circonstances ne permirent pas au ministre Bertin de réaliser ce projet. Le caractère normand s'accommoda fort bien de ce retard, tant les esprits étaient prévenus contre l'établissement d'un cadastre. Le projet de Fontette était en apparence, révolutionnaire ; c'était, avant la lettre, les Assemblées provinciales de la fin de l'ancien régime, et même les conseils généraux de notre France contemporaine. L'élection était le mode de recrutement adopté pour ces assem- blées ; le but qu'on leur assignait était la substitution d'estima- tions équitables et fermes à l'arbitraire et aux variations des anciennes évaluations fiscales. Toutefois l'intention de Fontette n'avait jamais été d'amoindrir le prestige et la puissance des intendants. L'originalité de son projet consistait dans la demande de suppression des tribunaux d'élection et des cours des aides, c'est-à-dire des juridictions anciennes encore capables de faire obstacle, sur le terrain de l'impôt, à l'extension continue des attributions de l'intendant. Fontette espérait sans aucun doute que les assemblées futures, purement consultatives, seraient des commissions fiscales entièrement dépendantes de leur président, le commissaire départi. Considérée sous ce point de vue, cette mesure de nivellement, qu'il conseillait au contrôleur général, n'eut visé qu'à affermir le despotisme du pouvoir central sur les ruines des dernières indépendances locales. La Lettre d'un habitant de C. . . Caen à M. de 1. L. de la Londe, maire de la ville de B Bayeux sur les administra- tions provinciales^ » révélait de tout autres préoccupations. A la nouvelle que Necker avait établi une Assemblée provinciale dans le Berry et s'apprêtait à en organiser une dans le Dauphiné, l'auteur anonyme de cette brochure invitait les gentilshommes de la Basse-Normandie à s'unir pour demander au Roi, par l'in- termédiaire du duc d'Harcourt, gouverneur de la province, à ce 1 Lellre sur les administrations provinciales. Amsterdam, 1779. En épigraphe, on lit Felices sua si bona noscunt, Nortnani. » DEMANDES D'ASSEMBLEES PROVINCIALES 31 moment en tournée dans le Bessin, l'établissement d'une ou de trois assemblées normandes, au chef-lieu de chaque intendance. Cet écrit marquait une véritable défiance vis-à-vis de l'intendant Esmangart Espère-t-on, y disait l'auteur, trouver plus d'amour pour la province, plus de connaissance de ses vrais intérêts dans la personne d'un commissaire du Conseil, que dans la réunion de ses propriétaires? Croit-on que ce commissaire étranger dans sa généralité en connaisse aussi bien les besoins et les ressources que les habitants? » Il est fort probable qu'à cette époque le duc d'Harcourt, le marquis de Blangy et d'autres grands seigneurs normands firent, sans succès d'ailleurs, de nouvelles démarches auprès du ministre pour obtenir l'extension à la Normandie du régime accordé au Berry tt. L'idée d'une réforme administrative n'en avait pas moins continué à faire son chemin et, en 1781, l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen avait proposé pour sujet d'un de ses prix la question suivante Déterminer les avantages qui devraient résulter pour la Normandie de l'établissement d'une Assemblée provinciale » 2. En 1787, à l'Assemblée des notables, l'intendant de Rouen, Laurent de Villedeuil, qui allait devenir ministre, insista lui-même sur la nécessité d'établir des Assemblées provinciales, a ne dissi- mulant pas que la foule des occupations dont se trouvaient inves- tis les intendants les exposait à de fréquentes surprises » 3. A la même époque, un Bas-Normand saluait la prochaine réunion de ces assemblées comme devant affranchir la France de la tyran- nie ordinaire des intendants, subdélégués et autres suppôts 4V 1 On saisit la trace d'un mouvement général de la province de Normandie dans un extrait du registre de délibérations de l'hôtel de ville de Carentan, conservé aux archives du château d'Harcourt, carton 264. Par cette délibération, datée du 17 août 1779, Carentan déclare s'unir aux autres villes de la province pour obtenir les mêmes avantages que le Berry et le Dauphiné ». — En 1781, le comte de Faudoas, premier échevin noble de Caen, dénonçait en ces termes l'ambition de Duperré de Lisle, alors avocat du roi au bailliage et son concurrent à l'échevinat C'est un ambitieux, qui croit que les Assemblées provinciales auront lieu bientôt et compte y jouer un rôle intéressant ». Arch. dép., Calvados, C 1093. 2 Procès-verbal des séances de l'Assemblée provinciale de Haute-Normandie, séance du 11 décembre 1787 ; discours de Bayeux, directeur de l'Académie, secrétaire de rassemblée. 3 Nouvelles à la main, du 19 mars 1787. Journal manuscrit donnant au vicomte d'Hautefeuille, brigadier des armées du Boi, toutes les nouvelles politiques et autres de Versailles et de Paris ; du 23 janvier 1787 au 20 février 1788 Arch. dép., Calvados, E, famille d'Hautefeuille. 4 Lettre d'un candidat à Larcher de la Londe, maire de Bayeux, du 25 avril 1787. Citée dans Pezet, Bayeux à la fin du XVIIIe siècle, p. 78.. note 1. CARACTÈRE FISCAL DE LA RÉFORME 32 Ainsi, en Normandie, l'esprit public était favorable à cette institution. On y voyait un heureux essai de décentralisation administrative ; on en attendait la résurrection des anciennes libertés provinciales, dont l'exercice était depuis si longtemps suspendu. A la considérer en effet dans ses traits généraux, l'Assemblée provinciale de Caen semblait une satisfaction donnée à l'opinion publique. Son titre même révélait les préoccupations qui avaient dû guider le roi et le gouvernement. Par une habile tactique, on avait effacé les anciens noms des intendances, qui rappelaient une administration détestée, pour lui substituer des dénomi- nations provinciales. Aux anciennes généralités de Rouen, de Caen et d'Alençon, succédaient des ressorts administratifs dont les noms faisaient vibrer plus d'un cœur provinces de haute, basse et moyenne Normandie. Ce nom de Normandie, systéma- tiquement écarté du langage officiel et administratif par le despo- tisme de Louis XIV, y réapparaissait victorieusement comme une formule magique annonçant le réveil du vieux duché et le retour de ses libertés. L'étiquette nouvelle semblait prédire, à des esprits superficiels, l'avènement du régime d'autonomie tant convoité. Mais, à y regarder de plus près, l'illusion ne pouvait guère durer. Calonne, le ministre inspirateur de l'édit de 1787 *, avait, dans l'établissement des Assemblées provinciales, pour- suivi surtout un but fiscal. A ses yeux, l'association des provinces à l'administration était un expédient devenu nécessaire et un moyen efficace de parer au déficit des finances. Il faut, disait-il, faire participer les contribuables à l'assiette de leurs contribu- tions pour les leur faire paraître plus supportables et plus justes. » En réalité, l'ancienne province de Normandie restait désarti- culée, dépecée en trois tronçons, et si on lui accordait un sem- blant de décentralisation et d'institutions libres, des espèces d'assemblées délibérantes, c'était uniquement pour en tirer des subsides dont la royauté avait besoin, et qu'elle aurait voulu obtenir sans faire appel aux Etats généraux. Il y avait donc, dès le début, un désaccord complet entre les intentions du Roi et les espérances de la province, et la réforme de 1787 allait apparaître bientôt comme une demi-mesure, impuissante à satisfaire les exigences de l'opinion publique et à produire les effets qu'on s'en était promis. 1 Cet édit avait été promulgué, après la chute de Calonne, par son successeur Brienne. RECRUTEMENT DE L'ASSEMBLEE PROVINCIALE 33 L'édit de juin 1787 fut enregistré sans résistance au Parlement de Rouen, le 10 août suivant ; cette cour se plaignit plus tard, il est vrai, que l'enregistrement avait été surpris pendant que beaucoup de ses membres étaient en vacances et dans leurs terres. Dès le début, elle garda une certaine réserve, considérant sans doute cette mesure comme un acheminement vers les Etats provinciaux, dont elle ne cessait de réclamer le rétablissement 1. L'Assemblée provinciale de Basse-Normandie pouvait dès lors s'organiser. Il est incontestable que l'intendant Cordier de Launay $ et ses subdélégués ont pris une part indirecte, mais réelle, à sa formation. Le 17 juin 1787, le secrétaire de l'inten- dance priait les subdélégués de lui adresser une liste des personnes de leur ressort qu'ils jugeraient, en leur âme et conscience, être les plus proposables, dans les trois ordres, pour former l'Assem- blée provinciale ». On leur recommandait d'avoir égard à la propriété, à la considération dont la personne jouissait dans la région, au caractère moral qui la distinguait ». D'autres listes leur étaient demandées en vue de la constitution des assemblées d'élection on les invitait à répartir leurs choix sur les différents points des élections, destinées à être divisées en cinq ou six arrondissements ou districts, et à ne proposer pour la première fois que des hommes d'extraction 3 ». Ces diverses listes durent guider le choix du roi dans la désignation de la première moitié de l'Assemblée provinciale, et plus tard, le choix de ces membres eux-mêmes appelés, dans les derniers jours d'août, à compléter leur nombre et à former le noyau des assemblées d'élection. Les subdélégués ont aussi adressé une liste de candidats à la prési- dence des assemblées d'élection et parfois même fixé les chefs- lieux des districts entre lesquels les élections devaient être par- tagées u. Ce fut le 20 août que se réunit, à l'abbaye de Saint-Etienne de Caen, l'assemblée préliminaire, sur la convocation de son prési- dent, le duc de Coigny. Marie-François-Henri de Franquetot, duc de Coigny, pair de France, lieutenant général des armées du roi, grand bailli et gouverneur des ville et château de Caen, des 1 Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. VII, p. 100-101. 2 Arch. dép., Calvados, C 6343. L'intendant eut, en juillet 1787, plusieurs entre- vues à ce sujet à Versailles, avec Brienne et Villedeuil. 3 Ibid. Listes établies par les subdélégués pour la formation de l'Assemblée provinciale et des assemblées d'élection. 4 Tels Robillard pour l'élection de Saint-Lô, et de la Roque pour celle de Moi- tain. Ibid., C GJ43. 'M COMPOSITION DE L'ASSEMBLEE PRÉLIMINAIRE ville et citadelle de Cambrai, bailli et capitaine des chasses de la Varenne du Louvre, était le petit-fils du célèbre maréchal de CôignyO. Sa famille était, avec celle des d'Harcourt, une des plus illustres de Normandie. La terre de Coigny, située dans le Cotentin, et qui rapportait, dit-on, livres de rente, venait d'être érigée cette année même en duché-pairie. Coigny, qui avait fait la campagne d'Allemagne pendant la guerre de Sept Ans, sous le maréchal d'Estrées, avait cinquante ans en 1787. Il jouissait d'un grand crédit à la cour, où il était un des familiers les plus écoutés de la reine Marie- Antoinette ; il était aussi connu par sa liaison avec la princesse de Guéménée. Sa situai ion bril- lante à Versailles, l'illustration de son nom, sa qualité de grand propriétaire bas-normand l'avaient désigné au choix du roi comme président de l'Assemblée provinciale de Caen. Avec lui, dix-neuf autres membres, nommés aussi par le roi, devaient composer l'assemblée préliminaire. C'étaient, dans l'ordre du clergé, les trois évêques de Basse-Normandie le vieil évêque deBayeux, du Cheylus, aumônier de la comtesse d'Artois, prélat de cour, aimant la représentation et le jeu 2, Tévêque de Coutances, Talaru de Chalmazel ;*>, et celui d'Avranches, Godard deBelbœuf, de vieille famille normande, frère cadet du procureur général au Parlement de Rouen4 ; deux autres membres du haut clergé, l'abbé de Cussy, archidiacre du Cotentin'5 et dom Verdier, prieur de l'abbaye de Savigny en Mortainais. Les repré- sentants de la noblesse étaient, outre Coigny, le marquis d'Héricy, lieutenant général des armées, dont le château de Vaussieux avait été le quartier général du camp d'invasion de l'Angleterre 1 Armand Tirette, Recueil de Documents, t. II, p. 99-100. .' Dominique de Cheylus, né à Avignon en 1719 ; successivement vicaire général , I. I, p. 510. —Belbœuf émigra pendant la Révolu- tion el mourut en Angleterre en 1868. La même année mourait aussi en Angleterre l'évêque de Coutances. Quanl à >\t\ Cheylus, il était mort en 1797 a Jersey. 5 Moii a Paris sur l'écliafaud, le thermidor an II. Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire, etc., t. V, p. 70 et 111. FORMATION COMPLEMENTAIRE DE l\\SSEMBLÉE 35 formé en 1778 * ; le comte de Balleroy, lieutenant général lui aussi, fils du vainqueur de Lawfeld, du vieil ami de d'Argenson 2 ; le marquis de Canisy, maréchal de camp ; et enfin le marquis de Chiffrevast 3. Le Tiers état avait fourni dix membres un riche industriel de religion protestante, Massieu, seigneur de Saint- Manvieu, et neuf maires des principales villes de la généralité le comte de Vendœuvre, maire de Caen, qui avait assisté à l'Assem- blée des notables ; le marquis de Colleville, maire de Valognes ; Larcher de la Londe, maire de Bayeux ; Vaufleury de Saint-Cyr, maire de Mortain ; de Bacilly, maire de Saint-Lô ; Desplanques du Mesnil, maire de Carentan ; Frémin de Beaumont, maire de Coutances ; Meslé, maire d'Avranches, et Mauduit, maire de Vire W. L'assemblée préliminaire, que l'intendant vint ouvrir le 20 août en sa qualité de commissaire départi, dans la salle du chapitre de l'abbaye Saint-Etienne, dura cinq jours. Son champ d'action était nettement déterminé par le Règlement du 15 juillet. Elle devait se compléter, nommer son greffier, sa commission inter- médiaire, ses procureurs-syndics, puis former le noyau des neuf assemblées d'élection. Pour l'aider dans la première de ces opérations, l'assemblée eut sous les yeux les listes dressées par les subdélégués 5. Les cinq membres qu'elle s'adjoignit dans l'ordre du clergé furent cinq abbés ou prieurs dom Mesnilgrancl, prieur de l'abbaye Saint-Etienne ; l'abbé Bruzeau, prieur de Tailleville ; l'abbé de Champigny, abbé de Mondaye ; de Chiffrevast, abbé de Saint- Sever, frère du marquis et Hardy, prieur d'Englesqueville-Laître. Dans l'ordre de la noblesse, les choix tombèrent sur le marquis d'Hautefeuille, seigneur de Louvigny, maréchal de camp, le 1 Pezet, Bayeux à la fin du XVIIIe siècle, p. 29 et suiv. 2 Il s'était distingué au combat de Saint-Cast pendant la guerre de Sept Ans, et avait, servi en Corse sous le comte de Vaux. II mourut sur l'échafaud le 6 germinal an II. Arch. nat., W 340. 3 Mort à Paris sur l'échafaud., le 18 messidor an II. Arch. nal.. W 409. 4 Une première liste, conservée dans les bureaux de l'intendance, et qui date de juillet 1787, proposait pour le Tiers état dix habitants de Caen lieutenant général du bailliage, lieutenant général de police, lieutenant particulier des r;i\i\ et forêts, procureur du roi de l'amirauté, deux trésoriers de France, un échevin et trois négo- ciants;. Cette omission systématique de députés étrangers à Caen lit sans doute rejeter la proposition, mais le seul fait qu'un tel exclusivisme ait pu se manifester, témoigne du médiocre intérêt que l'intendant prenait à la représentation réelle de la province. 5 Les fréquentes coïncidences que l'on constate entre les propositions des subdé- légués et les choix faits par l'assemblée semblent le prouver 36 RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE SES MEMBRES comte Louis de Vassy, seigneur de Brecey, mestre de camp ; deux capitaines de dragons, le comte de Sébeville et le marquis du Quesnoy ; de Montfarville, seigneur du Mesnil-Veneron, gen- tilhomme fermier de l'élection de Saint-Lô. Les dix associés rangés dans le Tiers état furent Burdelot, maire et vicomte de Pontorson ; Flaust, lieutenant général du bailliage de Vire ; deux lieutenants particuliers de bailliages, Daigremont à Caen, et Hervieu de Pont-Louis à Carentan ; deux avocats du roi aux bailliages de Saint-Lô et de Mortain, Bernard et Levesque ; Ga- briel de Cussy, ex-directeur de la Monnaie de Caen ; de la Lande du Mesnildrey, ancien avocat au présidial de Coutances ; Le Véel, ancien notaire, bourgeois de Valognes et Faucon, bon proprié- taire et négociant à Isigny ». La répartition géographique des membres de l'Assemblée provinciale sur le territoire de la Basse-Normandie fut à peu près conforme au Règlement du 15 juillet. En effet l'élection de Caen fournit 8 députés ; les autres élections en eurent presque toutes quatre C. Ce qui est important à constater, c'est que, pour des raisons de fortune, des hommes de valeur furent, à cause de leur éloignement de Caen, écartés à priori de l'assem- blée ; certains subdélégués ne les firent figurer sur leurs listes que pour déplorer l'impuissance où la médiocrité de leurs ressources les mettait d'être utiles à leurs concitoyens 2. L'assemblée a dû y perdre des lumières assez précieuses. Autre remarque intéres- sante plusieurs des membres proposés par les subdélégués comme faisant partie de la noblesse furent inscrits dans le Tiers état tels Mauduit, de Colleville, Frémin de Beaumont, Leforestier de Vendœuvre. C'était en vertu de leurs fonctions, et non de leur qualité personnelle, que ces derniers, chefs de quatre munici- palités du ressort provincial, avaient été appelés à l'assemblée ; et c'est leur titre de maires qui les fit ranger dans le Tiers état, comme députés des villes 3. 1 L'élection de Baveux en comptait cinq, et celle de Saint-Lô trois seulement ; l'évêque de Baveux fut considéré fictivement comme député de cette dernière élection. 2 Arch. dép., Calvados, C G343. Notes de Bobillard, subdélégué le Saint-Lô, sur Le Menuet de la Jugannière Esprit très pénétrant, bon citoyen, avocat renommé, jurisconsulte instruit, mais ayant besoin de son état pour soutenir sa maison. » Sur Le Tellier du Hutrel Elocution séduisante et connaissances fort étendues,... pas assez riche pour rester longtemps à Caen, et cependant plus fait que tout autre pour Jigurer dans une Assemblée provinciale. » 3 Ce fut pour la même raison que le comte de Vendœuvre, maire de Caen, et son successeur, Ménage de Cagny, furent appelés, en qualité de membres du Tiers état, le premier, à l'assemblée des Notables de 1787, le second à celle de 1788. Arch. nat., C 1 et 'J. LEUR RÉPARTITION SOCIALE 37 Si l'Assemblée provinciale, ainsi constituée, représentait assez exactement les diverses régions de la Basse-Normandie, elle était loin d'en représenter toutes les classes. La répartition sociale de ses membres lui donnait un caractère nettement aristocratique. Le clergé n'y comptait que ses plus hauts dignitaires et on y eut vainement cherché un desservant rural. La noblesse d'épée seule figurait dans le second ordre. Quant au Tiers état, il comprenait des magistrats municipaux ou des officiers de justice ayant presque tous la noblesse de robe, de riches négociants ou proprié- taires, et pas un laboureur venu de la campagne l1. La classe des paysans était systématiquement tenue à l'écart l'Assemblée provinciale était à proprement parler une assemblée de privilé- giés. Les vues de l'auteur de la lettre de 1779 sur les administrations provinciales semblaient se réaliser la noblesse et la haute bour- geosiie allaient administrer seules. Par le fait de sa composition, due à son mode originel de recrutement, l'Assemblée provinciale, qui ne tenait pas ses pouvoirs de l'investiture populaire, n'allait- elle pas exciter la défiance des populations et apparaître à priori, comme une simple commission d'agents fiscaux, comme un instrument ingénieusement placé entre les mains du roi pour aggraver impunément les charges publiques ? Après avoir choisi pour secrétaire-greffier Alexandre, professeur à la Faculté de droit, l'assemblée procéda à la nomination de ses deux procureurs-syndics et de sa Commission intermédiaire. Les deux syndics élus furent, pour le clergé et la noblesse le comte de Balleroy et, pour le Tiers état, Le Telier de Vauville, président trésorier de France au bureau des finances. La Commission intermédiaire comprit, outre son président-né, le duc de Coigny, et les deux syndics, quatre membres un du clergé, l'évêque de Coutances ; un de la noblesse, le comte de Yassy et deux du Tiers état, Daigremont, lieutenant particulier au bailliage de Caen et La Lande du Ménildrey 2, ancien avocat au présidial de Cou- tances. 1 L'assertion de Karéiëv sur la députation des habitants de la campagne aux Assemblées provinciales est inexacte pour la généralité de Caen. Karéiëv, La Ques- tion paysanne dans le dernier quart du XVIIIe siècle, p. 114. Cf. Arch. coram., Caen, carton 20. Lettre de M. de Chazot, du 18 octobre 1788, adressant à l'assemblée du département de Caen, dont il était membre, ses plaintes sur l'absence de représen- tation des campagnes à l'Assemblée provinciale de Caen. 2 Ce dernier, malade, fut remplacé par Hervieu de Pont-Louis, lieutenant parti- culier au bailliage de Carentan. 38 NOYAU DES ASSEMBLÉES D'ÉLECTION L'assemblée s'occupa ensuite dé désigner les membres qui devaient commencer à former les assemblées d'élection, convo- quées pour le mois d'octobre. 11 devait y avoir neuf assemblées dans son ressort administratif. Le roi avait déjà choisi leurs présidents, tous dans les deux premiers ordres *. L'assemblée d'élection de Caen devait comprendre 24 membres; celles des huil autres, chacune 20 membres. C'était au total un nombre de 83 membres i '.- que l'Assemblée était appelée à choisir, parmi les listes de notabilités locales mises sous ses yeux. En général, on tira du clergé les membres les plus influents par leur origine 3>, leur situation 4 ou leur culture b; la noblesse fournit des seigneurs de vieille famille, résidant pour la plupart dans leurs terres 6 ; les députes du Tiers état furent pris parmi les officiers des justices royales et seigneuriales 7, les officiers municipaux des villes8', les avocats °', notaires^10 et médecins'11'. On y fit entrer également des négociants 12, des propriétaires cultivateurs 13, 1 Noms des présidents par élection Caen, Méry de Berthenonville, doyen du Sépulcre ; Bayeux l'évêque; Vire lu marquis de Ménîlïet ; Saint-Lô l'abbé de Chiffrevast ; Carentan le comte d'OsseviHe ; Coutances le marquis de Vassy; Valognes le comte d'Octeville ; Avranches l'évêque ; M or tain le comte de Sour- de val. 2 Sur 92 membres qui devaient composer la première moitié des assemblées d 'é- lection, les 9 présidents étaient déjà nommés. 3 L'abbé de Cairon, conseiller au Parlement de Rouen ; l'abbé de la Bazonnière, curé de Rampan l'abbé de Beaudré, chanoine ; l'abbé de Cheux, curé de Vaudry ; I abbé de Vaulleury, curé de Barentin. 4 L'abbé de Pradelle, vicaire général de Baveux ; Brigeat, vicaire général d Avranches ; l'abbé 1. Les trois autres ne comptaient 1 Sur la procédure en matière de demandes de décharge d'impôts. 2 Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 18 à 9!. 3 Trace de l'envoi de ces instructions au premier calepin pour le départ des lettres du contrôle général », 1787. Arch. nat., H1 1G05. 4 Philippe Lamare, secrétaire de dom Goujet, bénédictin de l'abbaye de Fonte- nay, donne, dans son Mémorial, des détails assez intéressants sur cette cérémonie. La musique du régiment de Vivarais s'y lit entendre. Le duc de Coigny, en man- teau court, de velours noir, ayant un panache blanc à son chapeau, se plaça au bas du chœur, à la première place à droite dans les hautes stalles . L'assemblée dîna chez le comte de Balleioy. Mémorial, etc., édité par G. Vanel, p. 242-243. & Autres membres abbé de Cussy, marquis de Hautefeuille, marquis du Ques- noy, de la Londe, Hervieu de Pont-Louis, Lévesque et Burdelot. '»'? BUREAUX ET PROGRAMME DE L'ASSEMBLEE que huit membres ; celui des fonds et de la comptabilité fut présidé par le marquis d'IIéricy i1 ; celui de l'agriculture, com- merce et bien public, par l'évêque d'Avranches ; le 4 décembre, sur les impositions parti- culières à la généralité, imposition territoriale, impôt des bâti- ments de justice, et sur la prestation représentative de la cor- vée {. Le bureau du bien public, les 23 et 24 novembre, fit un long rapport sur le Règlement du 15 juillet 1787 et sur l'adminis- tration de la province'1. Celui des fonds et de la comptabilité, dans une des dernières séances, traita la question importante des frais qu'allait entraîner le nouveau régime administratif r,>. A la suite de ces rapports, l'Assemblée provinciale émit des vœux, élabora des projets de règlement, rédigea des arrêtés. Elle entendit aussi des mémoires, émanant soit de ses membres, soit de particuliers, qui vinrent utilement seconder ses travaux, et éclairèrent plus d'une de ses décisions. Passons rapidement en revue les uns et les autres, en les groupant sous trois principaux chefs régime des impositions ; des travaux publics ; bien public. 1° Impositions. — Les arrêtés d'ordre financier pris par l'As- semblée provinciale eurent pour objet les vingtièmes, l'impôt territorial, la corvée et la taille. L'augmentation des vingtièmes, imposée par le roi sous forme d'abonnement perpétuel, fut, on l'a vu, acceptée de mauvais gré par l'Assemblée, qui dut borner ses efforts à solliciter une remise. Elle avait cédé sur ce point pour ne pas exposer les contribuables à des recherches et vérifi- cations inquiétantes ». Mais pour marquer sa défiance et protester contre les taxations des contrôleurs, elle décida que la répartition de cet impôt serait assise sur la division foncière des paroisses en 1756, antérieure aux vérifications générales dont elle contes- tait l'exactitude. L'imposition territoriale était une charge particulière à la généralité de Gaen. Etablie en 1769 pour divers besoins locaux 6, 1 Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 220-228. 2 Ces rapports ne sont pas insérés an procès-verbal. On les trouve manuscrits aux Arch. dép., Calvados, C 7618. i,3 Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 279, 281, 282-286. 4 Ibid., p. 163-189. 5 Ibid., p. 315-321. 6 Levée d'abord pour les travaux du port de Granville, puis appliquée au rem- boursement des offices supprimés du Parlement de Rouen et à l'achèvement de la maison de force de Beaulieu ; consacrée en partie aux grandes routes depuis 1772. Arch. dép., Calvados, C 3124. PRESTATION DE LÀ CORVEE ET TAILLE C>7 elle s'élevait en 1787 à la somme de livres. Cette somme était alors affectée, en partie aux travaux de redressement de l'Orne, en partie au paiement des indemnités des terrains expro- priés pour cette entreprise ou pour le tracé des grandes routes. Une imposition dite des bâtiments de justice, taxe de livres levée depuis 1782, venait s'y adjoindre et devait servir aux réparations des auditoires et prisons de la généralité l. Ces deux impôts étaient assis au marc la livre des vingtièmes. L'Assemblée provinciale résolut de ne rien changer à leur assiette et garda l'ancien usage. Une protestation s'éleva dans son sein à propos de ce dernier impôt. Les députés de Mortain demandèrent que leur élection en fut affranchie, parce que le duc d'Orléans, comte de Mortain, pourvoyait seul à l'entretien des locaux de justice de sa seigneurie, et qu'elle n'était point ainsi à charge à la géné- ralité Pi La prestation de la corvée était, depuis l'intendant Fontette, substituée à la corvée en nature dans la généralité de Caen ; c'était en 1787 une taxe de livres, ajoutée au brevet général de la taille. Il y avait alors conflit à son sujet entre le ministère et le Parlement de Rouen. Celui-ci, en enregistrant la déclaration du 27 juin 1787, avait fait ses réserves et réduit le montant légitime de cette taxe à livres 3. C'était une différence de livres en faveur de la généralité. L'Assem- blée provinciale, appelée à prendre parti dans la question, hésita. Elle aurait désiré payer la moins forte somme, mais elle craignit de manquer à quelques convenances et de compromettre quel- ques intérêts, et elle crut prudent de s'en rapporter à la bienfai- sance du Roi» livres ; ruais les comptes avaient été arrêtés depuis plusieurs années depuis 1782 dans l'élection le Saint-Lô. Procès- verbal de Basse-Normandie, p. 123, INTENTIONS REFORMATRICES DE LASSEMBLÉE 71 propriétaires étaient seuls à en souffrir les plus aisés et les plus influents avaient pu se faire indemniser les premiers {}, Réseau routier incomplet, nombreuses voies amorcées et non terminées, propriétés éventrées, dettes criardes tout le mal fait sans aucun avantage correspondant », telle était en matière de travaux publics, la situation léguée par l'ancienne administration à l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie. Cette situation était des plus périlleuses, car elle laissait l'Assemblée aux prises avec deux nécessités contradictoires d'une part, le besoin qui se faisait chaque jour plus impérieux de communications et de débouchés nouveaux, d'autre part, l'obligation de strictes écono- mies, imposée par la pénurie des ressources, et l'impossibilité de demander davantage à des impositions déjà trop accablantes. Pour compliquer les difficultés, l'Assemblée provinciale, dès le début de son administration, se trouvait en présence d'un fait accompli, d'une mesure qui lui liait les mains, paralysait son activité, annihilait ses intentions réformatrices. Peu de mois avant sa réunion, en vertu d'un arrêt du Conseil du 12 mars 1787, quarante-quatre baux d'entretien ou d'ouvrages neufs avaient été passés avec trente entrepreneurs, engageant des travaux jusqu'au 1er avril 1790, et une dépense de 1,911,000 livres 2. N'y avait-il pas contradiction entre les pouvoirs qu'on semblait vouloir donner à l'Assemblée et l'inaction forcée où ces engage- ments allaient la laisser pendant trois ans ? Devait-elle assister, impuissante, à l'accroissement de la dette publique, dont on la rendrait peut-être responsable ? L'Assemblée provinciale prit résolument le parti que les circonstances lui imposaient, et une série d'arrêtés rendus du 21 novembre au 5 décembre 1787 tracèrent son programme d'administration en matière de travaux publics. Protestant tout d'abord contre l'inaction absolue où la laisse- rait l'exécution sous ses yeux de travaux qu'elle n'aurait pas ordonnés », elle demanda à l'unanimité la résiliation des quarante- quatre adjudications d'avril r3K Prenant en main la cause des 1 De nombreuses réclamations se produisirent à ce sujet pendant la tenue des assemblées de département en 1788 Ex ;i Coutances. Arcli. dép., Calvados, C 7699 et pendant la convocation des Etats généraux, en 1789; plaintes de nombreux cahiers Breuville, Equeurdreville, Martinvast, Saint-Christophe-du-Foc, Saint-Sauvcur-le- Vicomte cahier de l'assemblée préléminaire du bailliage, etc.. 2 Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 125. 3 Ibid., p. 158-162. 72 RÈGLEMENTS SUR LES ROUTES ET ATELIERS DE CHARITÉ propriétaires dépossédés qui, depuis plus do sept ans, attendaient ' l'effet des promesses dont on n'avait cessé de les flatter, et n'a- vaient pu toucher la somme la plus modique», elle déclara surseoir à toute confection nouvelle de routes, sauf extrême urgence, jusqu'à l'acquittement complet d'une dette sacrée pour la province » '. Elle chargea le duc de Coigny, son président, de demander au Roi une forte subvention, pour n'être point obligée à effectuer ce rachat sur les fonds de la corvée, alimentés par les seuls roturiers *. Elle accepta la contribution volontaire, offerte au nom du clergé et de la noblesse, d'une somme annuelle de 50,000 livres jusqu'à extinction de la dette 3. Elle rédigea un Règlement des travaux publics en trente-six articles, calqué sur celui du Berry et visant à l'achèvement progressif et méthodique du réseau routier par l'exécution de travaux dont la mesure serait graduée sur l'échelle des ressources et des besoins de la généralité » 4. La vicinalité rurale fut aussi l'objet de ses préoccupations. Après la lecture du remarquable mémoire du comte de Montfar- ville sur le mauvais état des chemins vicinaux ,5>, elle vota en principe la construction d'un chemin dans chaque paroisse, établi et entretenu aux frais de toute la communauté et non plus des seuls bordiers. Elle adopta un règlement en vingt-sept articles sur les ateliers de charité, qui répartissait ces derniers plus équita- blement entre les neuf élections de la généralité, neuf filles également chéries », qui introduisait une économie plus grande dans leur régie, et qui devait servir de règle et de loi immuable» pour les communautés 6. L'Assemblée provinciale porta enfin son attention sur les bâti- ments de justice de la généralité, auditoires et prisons. Ils méri- taient fort peu leur nom de palais de justice. La plupart d'entre eux, vieilles tours en ruines ou logis délabrés, étaient dans un état effrayant de vétusté et d'insalubrité. L'imposition spéciale de 50,000 livres, levée annuellement depuis 1782 sur tous les contri- buables de la généralité, n'avait profité qu'à la ville de Caen, où l'on avait fait de vastes constructions pour le Bailliage, le bureau 1 Procès-verbal de liasse-Normandie, p. -219. 2 Ibid., ibid. 3 Ibid., p. >87. 4 Ibid., p. 302-312. 5 Ibid., p. 229-235. 6 Ibid., p. 220-228. LES prisons, l'agriculture 73 des finances, les prisons civiles et criminelles T. Beaucoup de chefs-lieux judiciaires de la Basse-Normandie, Bayeux, Vire, Périers, Cérences, Coutances, Saint-Sauveur-le- Vicomte, Tori- gni se plaignaient avec raison du mauvais état des prisons, qui menaçaient ruine et qui laissaient trop souvent s'évader les détenus 2. La plus triste de ces geôles était celle d'Avran- ches ; le lieutenant général du bailliage d'Avranches, Tes- nière de Brémesnil, dépeignit à ses collègues de l'Assemblée provinciale le délabrement de cette vieille bâtisse, taillée dans les fortifications, véritable cloaque, où étaient entassés quarante prisonniers des deux sexes, foyer de toutes les maladies conta- gieuses et de toutes les lèpres morales. Son mémoire émut vivement l'Assemblée, qui ordonna la reconstruction immé- diate des bâtiments de justice d'Avranches et affecta une somme annuelle de livres pour les réparations urgentes des autres juridictions 3. 3° Bien public. — Nombre d'objets, confondus sous cette dénomination, donnèrent lieu à d'intéressants mémoires, lus pendant les trois derniers jours de la session, et dont la plupart gisent inédits dans les cartons de la Commission intermédiaire provinciale 4. Leur thème général était le développement écono- mique du pays, l'hygiène et l'assistance publique. Les intérêts de l'agriculture furent défendus par Montfarvillc, qui demanda le dessèchement des marais, le défrichement des landes et terres incultes, trop longtemps abandonnées à d'indi- gnes concessionnaires, spoliateurs de la région ^5. Pour assurer la mise en valeur rationnelle du sol, il préconisait le partage des biens communaux, après entente entre les seigneurs et les habitants, trop souvent divisés sur la question de propriété 6. L'industrie eut aussi ses protecteurs Flaust exposa la triste 1 Arch. dép., Calvados, C 1296-1302, 6496, 6755, 6856. — Ces bâtiments servent encore aujourd'hui de Palais de Justice. 2 Ibid., C 1286-1320, 6753, 6770. 3 Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 237. 4 Arch. dép., Calvados, C 7618. 5 Les plus connus de ces spéculateurs en Basse-Normandie avaient été Boullon- morange, Polignac et d'Aspect. Ibid., C 4195 et suiv. 6 Les exigences croissantes de nombreux seigneurs, revendiquant la propriété exclusive des communaux et enlevant les droits d'usage aux habitants, sont attestées par les plaintes des cahiers de 1789 notamment du bailliage de Valognes et par les pétitions adressées au Comité des droits féodaux pétitions de Carneville, Haute- ville-sur-Mer, Agon, Bricquebec, etc.. Arch. nat, Dxiv 5. 74 LINDUSTRIE ET LE COMMERCE situation de la manufacture de draps do Vire, alors en complète décadence U» Longuet, négociant de Gaen et membre de l' Assem- blée d'élection de Gaen, fit présenter à l'Assemblée provinciale un projet sur la fabrication des toiles façon de Suisse, garats, guinées, taffetas, etc., et sur l'établissement d'une chapellerie économique ; il proposa l'introduction du machinisme en Nor- mandie pour lutter avantageusement contre la concurrence anglaise 'l>. Gaugain l'aîné, riche entrepreneur de routes, proposa de substituer la tourbe, comme nouveau combustible, au bois de chauffage, dont la Basse-Normandie s'appauvrissait de plus en plus, ou au charbon de terre, assez difficile à trouver et d'impor- tation fort coûteuse i{. Le commerce de la Basse-Normandie vivait surtout de l'exportation des produits agricoles et des ressources fournies par le voisinage de la mer. Faucon, négociant d'Isigny, se plaignit de la faveur qu'on accordait aux beurres de Grournay sur le marché de Paris, au détriment des beurres frais de sa région qui étaient cependant de meilleure qualité 4 ; il demanda l'extension du nombre des jours de fabrication du sel dans les 1 Arc h- . En raison de l'extension croissante de la besogne administra- tive, l'Assemblée demanda l'adjonction de quatre membres nou- veaux à sa Commission intermédiaire et proposa à l'agrément du roi les noms de l'abbé de Cussy, du marquis de Hautefeuille, du maire de Bayeux, Larcher de La Londe, et du lieutenant général de Vire, Flaust. Elle sollicita l'exemption de certaines charges, comme la tutelle et la curatelle, en faveur des membres de la Commission et des bureaux intermédiaires, l'exemption tempo- raire de la collecte pour tous les députés taillables des assemblées provinciale et d'élection. Enfin, la majorité de ses suffrages fut favorable à la translation des séances de la Commission intermé- l Procès-verbal de Basse-Normandie, p. 241-259. 2 Ibid., p. 259-274. D'autres instructions lurent rédigées dans le même but sur la répartition des diverses impositions taille, capilation, corvée, impôt territorial et des bâtiments de justice, etc...' Ibid., p. 290. 325 à 340. 3 Far exemple Le Telier de Vauville, trésorier de France, nommé procureur-syn- dic provincial ; Le Tuilier, procureur du roi à l'élection de Coutances ; Lemon- nier, président de l'élection de Saint-Lô ; Courtin de la Gervaisière, procureur au même siège. 4 Ibid., p. 313, 314. 82 CLÔT! RE DE L'ASSEMBLÉE PROVINCIALE diaire provinciale à Saint-Lô, vrai centre de la généralité. Cette motion, qui émana il des députés du Cotentin et qui ren- contra de l'opposition chez les députés de Caen, ne devait avoir aucun succès. Elle n'en marquait pas moins le désir de l'administration nouvelle de se séparer manifestement de l'an- cienne, lui proposant l'abandon de Caen, chef-lieu de l'inten- dance, et le choix de Saint-Lô comme capitale, l'Assemblée pro- vinciale entendait affirmer ses sentiments d'indépendance absolue vis-à-vis de l'intendant, et la raison politique ne l'avait pas moins déterminée que la raison géographique à proposer cette mesure. Le 6 décembre 1787, Cordier de Launay vint faire la clôture de l'Assemblée avec la même solennité qu'il l'avait ouverte. Il remit à ses membres une instruction relative à l'agriculture et à l'éco- nomie rurale et ajourna l'Assemblée à une date indéterminée. Elle ne devait plus se réunir. Bien que le régime administratif nouveau établi en Basse-Normandie par l'édit de juin 1787 ait duré trois années, jusqu'à l'expiration des fonctions de la Com- mission intermédiaire provinciale août 1790, il n'y eut d'Assem- blée provinciale ni en 1788. ni en 1789. Le discrédit où était rapi- dement tombée cette institution, le mouvement qui s'était pro- pagé partout en faveur des Etats provinciaux, la promesse du roi de rétablir ceux-ci formellement inscrite dans l'arrêt du Conseil du 8 août 1788, la réunion des notables de 1788 firent surseoir cette année à la convocation de toutes les Assemblées provinciales ]\ En 1789, l'Assemblée nationale constituante abolit, dans la nuit du 4 août, avec la distinction des trois ordres, les privilèges des provinces, leur individualité politique et décida la création de nouveaux cadres administratifs on jugea inutile de convoquer des assemblées dont le ressort allait être démembré et dont la composition interne ne correspondait plus au nouvel état social du pays 2. Dans sa session unique, l'Assemblée provinciale de Caen avait fait preuve d'une grande activité. Elle sembla prendre en main les intérêts de la Basse-Normandie ; elle essaya de les défendre contre l'arbitraire du pouvoir central et la rapacité du fisc ; mais sa résistance fut molle et facilement vaincue. Elle ne manqua pas 1 Lettre de Necker à l'intendant, ,no0 ; — Pontorson, bourg, 12 à 1500; — Vire, 6 à 7,000; — Condé-sur-\'oireau, bourg, 3,000 environ. Arch. dép., Calvados, C 1051. 1 Notamment les édits de 1092, 1733 et 1771. 2 L'édit visait trois catégories de villes au-dessus de 4,500; 16 2,0011;! 4,500 ; au-dessous de 2,000. 3 Le nombre des échevins variait de deux à six ; celui des conseillers de ville, de trois à six ; ces derniers n'apparaissent pas dans toutes les villes de Basse-Nor- mandie, mais seulement à Bayeux, Carentan, Sainl-Lo, Cherhourg. 4 Les notables devaient être, selon les trois catégories ci-dessus désignées, au nombre de quatorze, dix ou six. 5 La nouvelle forme suivie à Carenlan est très avantageuse et a obvié au trouble qui régnait précédemment dans les délibérations où chaque membre de la commu- nauté avait le droit d'opiner. » Observations du bureau municipal de Carenlan au subdéléguc de La Hogue, 1778. Arch. dép., Calvados, C 1156. — A Cherbourg, il semble nécessaire, dès 1717, de ne plus convoquer à l'avenir la généraïîté >U^ bourgeois, qui occasionne le plus souvent de la confusion dans les délibérations, et d'élire douze bourgeois les plus capables de traiter les affaires avec les officiers municipaux ». Arch. comm., Cherbourg, BB 2. 88 LEDIT DE 1771. SON INSUCCÈS exerçant des arts libéraux, les artisans et les laboureurs » W. Les premières classes, quoique comprenant la moindre partie de la population urbaine, comptaient le plus grand nombre de députés, ce qui donnai l aux assemblées de ces villes une consti- tution nettement aristocratique '' . Si l'édit de 1766 eût été appliqué partout à la lettre, il aurait uniformisé l'organisation municipale des villes de Basse-Nor- mandie. Mais son exécution ne fut ni prompte, ni rigoureuse. Sur les réclamations de ses officiers municipaux, des officiers de justice qui y résidaient, de ses différents corps de citoyens, plus d'une ville obtint, avec l'avis favorable des intendants, en raison de circonstances particulières », son règlement particulier. C'est ainsi que des lettres patentes de novembre 1769 donnèrent à Caen une organisation spéciale, avec 28 notables élus par les 12 paroisses 3. Coutances en eut 25, et demanda leur réduction à 12 pour favoriser leurs délibérations » 4. L'édit fiscal de 1771, qui suspendit le régime électif et rétablit en titre d'office les charges municipales, ne fit que compliquer la situation. Pour augmenter la recette, Terray avait désigné 21 villes et bourgs de l'intendance de Caen comme susceptibles d'être pourvus d'offices municipaux l5 . Mais la plupart de ces villes étaient obérées et sans ressources. Vainement Terray réduisit-il aux deux tiers la finance à payer et menaça-t-il celles qui étaient 1 Corps de*- villes nommant des députés notables. — A Àvranches, six corps clergé 1 député; nobles cl militaires 1 ; bailliage 1 officiers des autres justices, avocats, médecin-, et bourgeois vivant noblement 1 négociants, notaires, procu- reurs, chirurgiens, arts libéraux 1 ; artisans 1. \rch. dép., Calvados, C 1064. Coutances, dix corps clergé 1 ; noblesse 4 ; bailliage et présidial f4 élection fl; amirauté 1 ; avocats 2 ; procureurs 1 bourgeois vivant noblement 4 ; mar- chand- 2 ; artisans 1 . Ibid., C 1170. - Saint-Lô, huit corps clergé 1 nobles et militaires 2 bailliage il élection I avocats médecins, bourgeois vivant noble- ment 2^ ; notaires, procureurs 1 ; négociants en gros, marchands, chirurgiens, arts libéraux 2; artisan- el laboureurs 2. Ibid., C 1230. Cherbourg, sept corps clergé 1; noblesse 1 ; magistrature 1 ; avocats, médecins et gens vivant noble- ment 2 négociants en gros et marchands 3 chirurgiens, notaires, greffiers et arts libéraux 1 laboureurs et artisans H , Vrch. comm., Cherbourg, BH r>. i2i Exemples . \ Sainl Lô, sur douze notables, huit sonl pris parmi le clergé, les nobles et les gens vivant noblement, quatre parmi les marchands el les laboureurs. — A Avranches. sur six notables, un seul artisan. ! \ivh. dép., Calvados, , à Cherbourg en 1777 3>, à Valognes en 1779 4 , à Caen en 1780 5 ; mais en certains endroits, la résistance se prolongea ; et à Coutances, en 1787, les officiers municipaux étaient encore nommés par commission royale e . Plus d'une ville obtint, soit après le rachat de ses offices, soit dans l'attente de ce rachat, un nouveau règlement, d'ailleurs provi- soire. Valognes avait eu le sien en 1777 ,7', à l'instar d'un règlertient précédemment accordé à Bayeux ; ce fut le tour de Cherbourg en 1778 ', d'Avranches en 1779 0, de Saint-Lô en 1780 do». Caen rentra en possession des statuts que les lettres-patentes de novembre 1769 lui avaient octroyés Ul. L'intendant Cordier de Launay, songeait à régulariser, au mois de mai 1787, l'adminis- tration municipale de Coutances 1?. Ces divers règlements, si l'on excepte celui de Caen, s'écartaient assez sensiblement de l'esprit qui avait inspiré la législation de 1766. Ils lui étaient infidèles sur deux points principaux la composition du collège électoral et son mode d'élection. D'une part, plus d'une ville dont la popu- lation dépassait ou même habitants, et à laquelle les articles 27 et 52 de l'édit de 1766 attribuaient 14 ou tout au moins 10 notables, vit son chiffre réduit à 6, ce qui ravalait son importance à celle d'une des petites bourgades prévues à l'article 1 Lettre de Turgot du 29 février 1776. Arch. dép., Calvados, C 1050. 2 Arrêt du Conseil du 4 août 1775. Ibid., C 1184. 3 Pour 3,000 livres. Arrêt du Conseil du 20 décembre 1776. Ibid., C 1241 et Arch. comm. Cherbourg, A A 50, 51. 4 Pour 2,000 livres. Arch. dép., Calvados, C L255. 5 Pour 12,000 livres. Arrêt du Conseil du 25 juillet 1780. Ibid., C 1092, 1093. 6 Ibid., C 1173. Il en était de même ;> Vire, si l'on en croit une lettre de Mauduit, maire de cette ville, datée lu 9 septembre 1789. Ibid., C 2688. 7 21 juin 1-/77. Ibid., C 1254. Pour Bayeux, 18 avril 1777. Ibid., C 1434. 8 Ibid., C 1241, et Arch. comm., Cherbourg, AA 42. 9 Arch. dép., Calvados, C 1064 et 7649. 10 Ibid., C 1230. 11! Ibid., C 1095. 12 Ibid., C 1173. 90 RESTRICTION DES LIBERTÉS MUNICIPALES 55 du même édit'1-1. Cette diminution de l'effectif du Conseil général faisait crier à l'insuffisance de la représentation urbaine W, et privait certains corps de l'exercice de droits dont on les avait tout d'abord investis {. D'autre part, le principe électif lui-même avait été singulièrement entamé par le rétrécissement de son champ d'application. Pouvait-on appeler libres élections » cet ensemble d'opérations qui, semblant tourner clans un cercle vicieux, permettaient aux officiers municipaux, membres du bureau exécutif de l'Hôtel de Ville, de se faire élire par les notables, leurs collègues du Conseil général, c'est-à-dire par ceux- là même qu'ils avaient auparavant choisis et soigneusement triés dans un nombre de corporations déjà strictement déterminées ? Un tel mode de cooptation entre amis, dans le huis-clos propice aux combinaisons et à l'intrigue, n'était qu'une parodie du régime électoral, et la royauté ne pouvait croire que le Tiers état urbain en fût la dupe. Mais elle poussait si loin le mépris des libertés municipales, qu'elle aggrava même, dans la pratique, la situation humiliée et amoindrie qu'elle avait imposée aux villes. Après s'être réservé, pour la première fois, le choix des officiers municipaux, elle les confirma, par brevet, dans l'exercice de leurs fonctions, à l'expiration des délais fixés par les règle- ments li, négligeant ainsi de recourir, en dépit des sollicitations réitérées dont elle était l'objet, au simulacre d'élection que ceux-ci autorisaient. A la veille de la Révolution, la vie municipale présentait, 1 Par exemple, Valognes, Cherbourg, Avranclies. 2 On ne trouve pas à Valognes, écrivaient le 12 avril 1788 les officiers du bail- liage, un nombre de notables suffisant pour représenter une commune si nom- breuse ». Arch. dép., Calvados, 0507. 3 La réduction à six notables, au lieu de quatorze ou dix, empêchait parfois la représentation spéciale des chapitres, prévue à l'article 30 de ledit de 1766 voir pleintes du chapitre d'Avranches, Ibid., C 1061 ; mais, le plus souvent, elle s'effec- tuait aux dépens des derniers corps urbains, négociants, arts libéraux et artisans, c'est-à-dire au détriment du véritable Tiers état urbain. 4 A Saint-Lô, sur la proposition de l'intendant de Caen, le roi, écartant les trois candidatures qui lui étaient soumises en 1781, date du renouvellement de la mairie, prorogea pour quatre ans les fonctions de M. de Bacilly. La situation actuelle durera toute seule, avait écrit le subdélégué ; personne ne rompra le silence. » Arch. dép., Calvados, C 1230. — La prorogation des pouvoirs du comte de Van- dœuvre, maire de Caen, et du premier échevin, le comte de Faudoas, par brevet royal du 15 juin 1781, ne laissa pas de soulever des difficultés. Ibid., C 1095. — Le maintien à la mairie de Valognes d'un homme entreprenant » qui avait substitué à des lois de profonde sagesse un régime inconstitutionnel » il s'agit du marquis de Colleville, causa un vif mécontentement qui se traduisit, en 1789, par un vaste péti- tionnement en faveur du rétablissement du régime électif. Ibid., C 6507. l'oligarchie dans les villes 91 ainsi qu'on vient de le voir, dans la généralité de Caen, des aspects assez variés. L'étude approfondie du régime intérieur de chacun de ces groupements urbains révélerait des différences assez notables. Ces différences n'étaient que superficielles, et le fond était partout le même, écrit Tocqueville. » l Il y a là une exagération évidente, dont un historien contemporain a fait justice 2. Toutefois on s'explique que Tocqueville ait pu croire à l'homogénéité du régime municipal cachée sous une diversité trompeuse », parce qu'il y rencontrait partout deux traits dominants une administration oligarchique et une tutelle administrative assez étroite. D'une part, en effet, la direction des affaires communales était abandonnée, non pas aux représentants de tous les habi- tants, mais aux députés des corps, aux élus de la noblesse et de la bourgeoisie. Le principe de l'élection n'était qu'une belle façade, derrière laquelle se dissimulait une véritable oligarchie ayant pour cortège inévitable le népotisme et toute une série d'abus »3-'. A Caen, par exemple, le maire Vendœuvre et l'échevin Faudoas avaient, de 1781 à 1787, gouverné la ville en tyrans. On leur reprochait l'oubli des formes, le mépris des droits des habitants, la prodigalité dans les dépenses, la négligence dans la convocation des notables, auxquels pendant une période de trois années, les officiers municipaux n'avaient pas une fois rendu compte de l'état des affaires de la communauté, ni de l'emploi de ses deniers » 4. D'autre part, pour protéger les villes contre les suites néfastes d'une telle administration, le pouvoir central intervenait de plus en plus dans la gestion de leurs affaires, et sous le prétexte d'une tutelle consciencieuse de leurs intérêts, tendait à leur enlever les derniers restes de leur ancienne autonomie. Ce n'était pas seulement la présence du juge royal, présidant les séances de l'hôtel de ville, qui attestait l'autorité du roi, c'était surtout l'action continuelle de l'intendant qui rappelait à chaque instant aux villes leur qualité de mineures. Le maire que le roi leur 1 A. de Tocqueville, L'Ancien régime et la Révolution, p. 68. 2 Ardascheff, Pvovintsialnaia administratsia, t. I, chap. VIII édition russe, p. 498 et suivantes. 3 Ibid., t. I, p. 544. 4 Arch. dép., Calvados, C 1095. Le 23 février 1782, Meslé, subdélegué d'Avran- ches, écrit à l'intendant que le maire Lesourd. nommé par le roi lors du Règlement municipal du 4 juillet 1779, a complètement négligé les intérêts de la ville, et que de longtemps aucun compte n'a été rendu. Ibid., C 1064. 92 LA TUTELLE ADMINISTRATIVE DES VILLES donnait n'était-il pas le candidat favori de l'intendant, parfois en dépit de leurs propositions? . '. Cette exclusion presque complète des citoyens lu Tiers état de la vie munici- pale, qui était une règle presque générale pour les villes de Basse-Normandie, a dû contribuer à renforcer la part prise par le peuple des villes au mouvement révolu- tionnaire de juillet 1789. COMMUNAUTÉS ET PAROISSES RURALES 93 administrative identique, sanctionnée par la loi des 14-18 dé- cembre 1789, unifia le régime municipal de la France. Abstraction faite de ces quelques villes, on peut dire que la presque totalité des communautés d'habitants de la généralité de Caen, formées surtout de paroisses rurales, était dépourvue en 1787 d'institutions municipales nettement réglées. Leur administration était des plus simples ; autonome et plus, démo- cratique que celle des villes, elle était exercée, sans le concours d'aucune assemblée représentative, par l'assemblée générale des habitants. Nous possédons, pour la Basse-Normandie, un assez grand nombre de registres contenant les délibérations prises par ces assemblées générales, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, ce qui nous permet de caractériser avec exactitude le régime municipal de ces communautés rurales h. Un trait essentiel de ce régime, c'est l'union étroite, souvent même la fusion complète de la communauté » et de la pa- roisse ». Les mêmes habitants réunis dans les mêmes assemblées s'occupent des intérêts de la paroisse et de la communauté. Au XVIIe siècle la confusion est absolue le titre de certains registres paroissiaux le prouve irréfutablement "2 '. Ces assemblées se tien- nent soit au porche de l'église, dans le parvis, ou dans le cimetière, soit encore dans la sacristie, quand la saison est rigoureuse ; elles ont lieu d'ordinaire un dimanche, à l'issue de la messe ou des vêpres, à l'heure où se trouvent réunis les paysans venus de leurs 1 Entre autres documents, j'ai surtout utilisé les registres conservés aux archives des communes de 1 arrondissement de Caen, et dont M. Bènet a fait un inventaire détaillé. Série E supplément, tomes 1 et 11. [2 Ces registres s'appellent ordinairement Registres des certificats et audien- ces ». Arch. comin., Beliengrevîlle, BB1. - Registres des sertificaz et autres affères publiques de la paroisse. » Ibid., Hubertfolie BB'.j — Celui du Rosel est intitulé Livre des attestations et référés de publications et proclamations pour les affaires royales et des tailles. » Ibid., Le Rosel, BB1. — A Secqueville-cn-Bessin, il y a un Registre des baptêmes, mariages, inhumations, certificats, procurations, élections de la taille et autres affaires dépendant de l'Eglise ». Ibid., Secqueville-en- Bes-in, GG3. — Le registre qui me parait prouver le mieux cette confusion, est celui de Cairon a Registre commun de la paroisse de Cairon, contenant les certifi- cats faits et passés devant les curés dudit lieu, issue de la messe paroissiale, tou- chant les affaires et bien commun de la paroisse... tant à l'égard de la collection des deniers -qui furent appliqués à la nourriture des pauvres des Buissons et du Cairon, en la cherté et disette des blés, par arrêt du Parlement de la province, que tou- chant lélection des trésoriers qui ont administré le revenu du Trésor de Cairon, ainsi que l'élection du capitaine de la côte pour Cairon, les bannies du fouage et guet commun de la dite paroisse, de l'herbage du cimetière, réparations de l'église paroissiale et du presbytère et autres charges de la communauté. » Ibid., Cairon, BB1. \H CONFUSION ORIGINELLE ET SÉPARATION PROGRESSIF fermes ou de leurs hameaux écartés. Les questions les plus diverses s'y traitent nomination des collecteurs des tailles, enrô- lements et dérôlements pour la taille, élections de syndics, de collecteurs du sel ; équipement d'un milicien ou élection d'un capitaine du guet ; partage des communaux et bruyères, règle- ment sur les marais, bail d'une carrière ; nomination de messiers, de procureurs pour soutenir un procès au nom de la commu- nauté ; règlement des dépenses communales, réparations ou constructions d'églises et de presbytères, adjudication des pommes du cimetière, du fouage ; bannie des terres de la fabrique, examen des comptes de fabrique, nomination du custos, du trésorier ou marguillier, de la commission de charité pour la répar- tition du pain de Pâques, etc.. W. Au XVIIIe siècle, cependant, paroisse et communauté tendent à se dégager l'une de l'autre. Une sorte de démarcation semble se tracer entre leurs attributions et leurs agents. La paroisse a son trésorier, la communauté son syndic. Quoique composées des mêmes membres, les assemblées sont, à des dates diverses Pf plus particulièrement paroissiales ou communales, et pour- suivent des buts divers les premières, convoquées par le mar- guillier au banc d'œuvre, s'occupent des affaires de l'église, des revenus de la fabrique, du custos, du maître d'école ; les secondes, convoquées par le syndic, sont consacrées à la police et à l'admi- nistration de la communauté, à la gestion de ses intérêts, et aussi à l'exécution de ses obligations envers l'Etat. Sous ce dernier point de vue, le syndic prend un aspect nouveau il n'est plus seulement l'organe exécutif de l'assemblée communale, mais aussi le délégué du subdélégué de l'intendant, et le dernier agent de l'administration provinciale. Cette forme de la tutelle admi- nistrative contribue à élargir le fossé entre la paroisse et la communauté. Légalement, la distinction est faite par les juris- consultes 3 ; en plus d'un endroit, elle saute aux yeux par suite de la juxtaposition de deux communautés dans une paroisse ou de deux paroisses dans une communauté * ; parfois enfin 1 A. Bénet, Inventaire imprimé, série E supplément, tomes I et II passim 2 D'une façon générale, on voil les assemblées nommer les trésoriers vers Pâques, les collecteurs de la taille en octobre, les syndics en décembre. 3 Fréminville consacre un traité spécial aux communautés, et Jousse aux paroisses. La même distinction est faite par Guyot et par Merlin. 4 Les paroisses de Cairon, de Douvres, d'Ifs, de Langrune, de Saint-Denis-le- Gast, de Truttemer, de Beauchène renfermaient ebacune deux communautés ; dans les villes, l'ensemble de la communauté était réparti entre un nombre de paroisses plus ou moins considérable 12 paroisses ù Caen, par exemple. DOUBLE PORTÉE DE l'ÉDIT DE 1787 95 deux registres distincts de délibérations trahissent cette diver- sité i. Toutefois, la séparation n'est pas complète. L'église est restée le centre de la vie communale, la maison commune ; les assemblées se réunissent à sa porte ou dans son enceinte ; elle renferme le coffre de chêne où l'on dépose les archives locales. Le curé est officier de F état-civil ; il lit toujours au prône les ordonnances et les mandements dont le texte est ensuite affiché à la porte de l'église. L'édit de 1787 devait assez profondément modifier la vie municipale des campagnes. Sa portée allait être double. D'une part, il allait substituer le système représentatif à celui des assemblées générales d'habitants, en établissant une municipalité dans chaque communauté ; d'autre part, il devait hâter la sécula- risation de cette administration municipale en consacrant l'exis- tence distincte des bourgs et villages en tant que circonscriptions civiles, calquées sur les divisions religieuses, mais indépendantes d'elles. Pour comprendre la réforme municipale de 1787, il faut la ratta- cher à la grande réforme administrative dont elle n'est que le corollaire. La communauté était le troisième et dernier échelon de la hiérarchie administrative nouvelle ; elle venait après la pro- vince », après l'élection ou département 2. Aux Assemblées pro- vinciales et d'élection, en vertu d'un système représentatif uniformément appliqué, devaient correspondre, au degré inférieur de l'échelle administrative, des assemblées municipales, déléga- tion de la communauté. Cette substitution d'assemblées res- treintes aux anciennes assemblées générales ne causa pas une aussi vive surprise qu'on pourrait le croire. Si, en Basse-Nor- mandie, l'intendant n'avait pas, comme son confrère de Cham- pagne, systématiquement réduit les assemblées des communautés à une minorité d'habitants 3>, cette réduction n'avait pas moins dû s'opérer en fait dans beaucoup de villages ; dans ce pays de propriétés divisées et de mesnils épars, plus d'un paysan man- quait aux réunions 4. Un récent arrêt du Parlement de Rouen, 1 Exemple à Amblie Affaires de la communauté d'Amblie à partir de 1778 » Arch. coinm., Amblie, BB1, et Délibérations touchant la fabrique de la paroisse d'Amblie à partir de 1776 ».Ibid., BB2. 2 L'arrondissement, circonscription électorale, n'avait pas reçu d'organisation administrative distincte. 3 Voir Ardascheff, Provintsialnaia administratsia, tome I, p. 512, note 3. 4 Arch. commv Gavrus, BB 1. 96 LES \SSEMBLÉES PAROISSIALES ET MUNICIPALES portant règlement sur ces assemblées, avait, en 1784, restreint aux propriétaires notables seuls le droit d'y assister l. Une conception vraiment démocratique du régime municipal n'exis- tait donc déjà plus dans l'intendance de Gaen lorsqu'y furent publiés l'édit de juin 1787 et le Règlement du 15 juillet qui l'interprétait. Ce Règlement établissait dans chaque communauté rurale deux sortes d'assemblées une assemblée paroissiale, survivance de l'ancienne assemblée générale, ma;s qui, au lieu de com- prendre comme autrefois tous les habitants, était restreinte aux taillables payant au moins 10 livres d'imposition foncière ou personnelle ; une assemblée municipale, composée de trois, six ou neuf députés élus, selon le nombre des feux, et comprenant en outre un syndic également élu, et deux membres de droit, le seigneur et le curé ; pour faire partie de cette assemblée, il fallait avoir vingt-cinq ans, un an de domicile et payer au moins 30 livres d'impôts. Une instruction envoyée par le ministre Villedeuil aux assem- blées paroissiales, en vue des élections, leur recommandait de choisir de préférence leurs députés parmi les habitants capables de lire et d'écrire -J. La présidence de ces réunions électorales était partout dévolue au syndic de la paroisse. Muni des renseignements que ses subdélégués lui avaient fournis sur le nombre de feux et conséquemment de députés à élire par chaque paroisse, l'intendant de Launay rendit le 5 sep- tembre une ordonnance qui ouvrait la période électorale 3 . Les élections eurent lieu partout au mois d'octobre. L'ordre et le calme y régnèrent en général. Elles donnèrent lieu toutefois à une série d'incidents, ce qui était inévitable en présence d'un mouvement électoral aussi important, vu la nouveauté de l'opé- ration, l'inexpérience et l'ignorance de la plupart des syndics paroissiaux l4 >. D'assez nombreuses irrégularités furent com- 1 Arrêt du Parlement de Rouen, portant règlement ]>our les assemblées générales des j>aroisses tant dans les villes que dans les campagnes, et désignant les j>ersonnes qui g seront admises. 1784, Caeu, imp. Le Roy, 4 p. in-4°. Arch. dép., Calvados, C 6462. — A Tourville élection de Caen, on voit convoquer spécialement les proprié- taires notable^ par billets, à mu- assemblée générale du la paroisse. Arch. conim., Tourville, BBb. 2 Instruction du 11 août 1787. Arch dép., Calvados, CiJ.'Ul. 3 Arch. dép., Calvados, C 6344. l La majeure partie des syndics sont d'une ignorance crasse, et il faudrait en la plupart des paroisses un guide pour les faire comprendre et exécuter cette besogne. » Lettre du subdélégué de Mortain ù l'intendant, du 22septembre 1787. Ibid. IRRÉGULARITÉS DANS LES ÉLECTIONS MUNICIPALES 97 mises. A Auvers, Cats, Saint-Pellerin, deux frères furent illégale- ment nommés membres de l'assemblée municipale ; Brevands et Saint Georges de Brohon eurent pour syndics municipaux, l'un le frère, l'autre le gendre d'un député municipal ; à Vaudry, ce fut le frère du curé qui devint syndic ; à Ferrières, un noble, neveu du seigneur autant de cas d'annulation ] . En d'autres endroits, à Vierville, à Cauquigny, au Buisson, le syndic élu était en même temps membre de l'assemblée munici- pale, ce qui rendait cette dernière incomplète ; à Saint-Sympho- rien, on avait nommé deux syndics, et l'un d'eux devait être éliminé 'lL Parfois encore, on dut élire, par insuffisance d'autres candidats, des députés qui ne payaient pas le taux d'imposition réglementaire, comme à Beuzeville-au-Plain, Saint-Aubin-du- Perron, Saint-Christophe d'Aubigny, Doville, Sainte-Suzanne t3. Au Mesnil-Frémentel, pas un taillable ne réunissait les conditions voulues pour faire partie de la municipalité W, A Ducy-Sainte- Marguerite, l'assemblée électorale ne réunit que cinq personnes -V. A Fierville-en-Bessin, village de 16 feux, elle ne compta que quatre comparants; il y avait moins d'électeurs que de places à pourvoir G . Dans d'autres communautés, les élections nom- maient plus de députés que de droit, et une réduction de la municipalité était inévitable ' . Une autre cause de difficultés fut la coexistence, dans la même paroisse, de communautés qui, tout en ayant déjà leur collecte séparée, étaient trop petites pour constituer autant de munici- palités distinctes ce fut le cas des Buissons, de la Mare, de Bras, de Tailleville, hameaux de Cairon, de Douvres, d'Ifs et de Lan- grune Hl Les mêmes difficultés séparaient Isigny de ses hameaux, Gavray bourg de Gavray village, le grand Truttemer du petit Truttemer, Saint-Denis-le-Gast d'Orbeville, Ghérencé-le-Héron 1 Arch. dép., Calvados, C 7697, 7710, 7621. Au Fresne-Poret, beau-père et gendre sont élus députés municipaux. Ibid., C 7707. 2 Ibid., C 7697. 3 Ibid., C7697. 4 Ibid., C 7680. A Fresnay-le-Crotteur, une assemblée paroissiale de trois élec- teurs nomma deux députés municipaux, seuls cotisés à une somme dépassant 30 liv. Ibid., C 7681. 5 Ibid., C 7681. 6 Dans cette communauté, le syndic paroissial n'avait assemblé que quelques mendiants sans fonds d'exploitation et avait écarté les propriétaires ». Ibid., C 7670. 7 A Fontaine-Eloupefour par exemple, où la communauté ayant moins de cent feux, avait nommé six députés municipaux. Ibid., C 7681. 8 Ibid., C7664, 7670. 7 VJO INTRIGUES ET de Saint-Martin-le-Bouillant, Beauchêne des Guitons Ibid., C 7729. 6 Ibid., C 7723, 6344. RETAHDS DANS FA FORMATION DES MUNICIPALITÉS RURALES 99 et ses débiteurs, et fit passer la liste des élus per domos » où on signa sans oser contredire » ,l. A Coudevilie, ce fut une femme qui dirigea les élections Jacqueline-Perrette Le Chevalier. Elle se présenta hardiment à l'assemblée des paysans qui se tenait dans le cimetière, et à force d'insistance, les emmena chez elle où elle 'désigna elle-même les députés municipaux *, Il arriva, mais le cas a dû être exceptionnel, que l'assemblée paroissiale refusa de se réunir, comme à Brectouville W. Pour toutes ces raisons, l'organisation définitive des munici- palités rurales subit un certain retard, préjudiciable à la bonne marche de l'administration provinciale. Les assemblées d'élec- tion, à qui le contrôleur général avait confié le soin de dresser l'état de ces municipalités pendant leur session d'octobre, n'eu- rent à leur disposition qu'un nombre par trop insuffisant de procès-verbaux d'assemblées paroissiales et déléguèrent leur tâche aux bureaux intermédiaires. L'hostilité des syndics parois- siaux et des subdélégués, qui, forts de l'appui de l'intendant, gardèrent assez longtemps les expéditions de ces procès-verbaux, vint encore reculer l'époque du dépouillement 4. A la fin de janvier 1788, le contrôleur général se plaignait à la Commission intermédiaire provinciale de la lenteur de cette opération. Il est indispensable, écrivait-il, de fixer sur cet objet essentiel toute l'attention des bureaux intermédiaires en leur envoyant copie de ma lettre. Il faut employer tous les moyens lettres aux seigneurs, aux curés, aux particuliers faisant encore les l; Arcli. dép.. Calvados. C 7781. Réclamation de Vincent, sieur du Longpré, paroissien de Saint-Pierre-Lauger décembre 1787. 2 Ibid., C 7701. 3 Ibid., C 6344. A Saint-Pierre-Oursin, où deux ou trois petits fermiers exploitaient • les parcelles conquises sur le marais des Terriers, on ne put former rassemblée municipale. Ibid., C 7683. Lettre du curé de Saint-Pierre-Oursin au procureur-syndic du déparlement de Caen, 21 février 1788. H en fut de même à Alliis. prés Caen, où il n'y avait qu'une maison, occupée par un fermier des Ursulines de Caen. Ibid., C 7670. ,4 Ibid., C 6341. L'intendant avail reçu, le 11 août 1787, l'ordre d'envoyer dans chaque paroisse trois exemplaires du modèle de procès-verbal à dresser, l'un, dcvanl servir d'original, pour le greffe de la subdélégation, et les deux autres, d'expédi- tions, pour l'ancien et le nouveau syndic. Les assemblées d'élection n'ayant pas les moyens de dresser l'état des municipalités, firent demander par la Commission inter- médiaire l'exemplaire resté aux mains des anciens syndics et qui leur était inutile. L'intendant refusa, ne se croyant pas suffisamment autorisé pour priver lout-à- coup tous les syndics de sa généralité d'un titre qu'ils tenaient privativement des mains de 1 administration ». 11 dut céder toutefois, le 15 novembre 1787. sur les injonctions du contrôleur général. Sa résistance avait reculé d'un mois le dépouille- ment des procès-verbaux d'assemblées paroissiales. 100 COMPOSITION DES ASSEMBLÉES MUNICIPALES fonctions de syndics... il faut que les assemblées municipales soient toutes constituées, sinon les autres assemblées, de dépar- tement et provinciales, seraient arrêtées dans leurs opérations ultérieures et il n'y aurait plus de véritable organisation. » l Pour accélérer cette organisation, Lambert ordonnait de tran- cher par voie d'administration, et non par la voie contentieuse, toutes les difficultés qui surgissaient dans la formation des assemblées municipales. Il dessaisissait l'intendant de ce pouvoir pour éviter toute nouvelle cause d'ajournement, et faisait un pressant appel à la vigilance des bureaux intermédiaires et de leurs procureurs syndics 2. Le travail de dépouillement se pro- longea pendant le premier semestre de l'année 1788. Les élections de Bayeux et de Coutances envoyèrent leurs états de municipa- lités au mois d'avril ; celles de Mortain, de Carentan et de Vire en mai3 ; à la fin de juin quinze procès-verbaux manquaient encore pour l'élection de Caen 4. Dans presque toutes les paroisses de la généralité de Caen, les élections de 1787 investirent des charges municipales les gens que leur fortune ou leur situation sociale mettaient le plus en vue. Les assemblées municipales furent, comme l'avait rêvé Turgot, les assemblées des plus haut cotisés. La condition de 30 livres d'imposition, exigée par le Règlement du 15 juillet pour l'égibilité, faisait prévoir ce résultat. L'assemblée munici- pale était ouverte à tous les gens aisés, quel que fût leur rang social ; le syndicat, par une interprétation large du règlement, fut aussi accessible aux trois ordres. Les ecclésiastiques, les gentilshommes, les bourgeois des villes, propriétaires à la cam- pagne, les riches fermiers, tous ceux qui remplissaient les condi- 1 Arch. dép., Calvados, C 7733. Lettre du contrôleur général Lambert à la Com- mission intermédiaire provinciale de Caen, 30 janvier 1788. 2 Lettre de Lambert à la Commission intermédiaire provinciale de Caen, 6 mars 1788. Arch. dép.. Calvados, C 6344. Les procureurs-syndics provinciaux, en mars, avril et mai, réclament avec insistance aux bureaux intermédiaires les tableaux de la formation des municipalités. 3 Tableaux de formation des assemblées municipales de 1787, par élections. Ibid., C 7648 élection d'Avranches ; 7662 Bayeux ; 7679 à 7684 Caen, procès-verbaux des assemblées électorales; 7697 Carentan; 7704 Coutances; 7710 Mortain ; 7717 Saint-Lô ; 7731 Vire; je n'ai pas retrouvé d'étal pour l'élection de Valognes. 4 Lettre des procureurs-syndics provinciaux, 24 juin 1788. Ibid., C 7624. Ces tableaux ne fuient envoyés qu'en septembre. — Supplément au tableau des munici- palités du département de Caen, année 1787, envoyé le 12 septembre 1788. Etats des quinze paroisses retardataires. Ibid., C 7685. SYNDICS MUNICIPAUX. CLERCS ET NOBLES 101 tions de cens exigées, purent être élus députés municipaux ou syndics'1 . Le clergé, en dehors des curés paroissiaux, membres de droit des assemblées, fournit plus d'un syndic municipal. Colom- belles, Grenteville, Hubertfolie, Mathieu, Vacognes, dans l'é- lection de Caen *2 ; Saint - Germain - d'Ectot , dans celle de Bayeux ,;i ; Anneville, Hauteville, Urville, dans celle de Cou- tances 4 ; Saint-Martin-des-Champs, dans celle de Saint-Lô, élurent des prêtres pour syndics 5. La noblesse fut aussi représentée assez largement. Toutes les communautés n'imitèrent pas celle de Fresnes, qui élimina systématiquement les privilégiés de la municipalité élue, à la grande indignation du seigneur 6. Les Tableaux de formation des municipalités » dressés par les bureaux intermédiaires, signa- lent la nomination de nombreux gentilshommes aux fonctions de syndics. Beaucoup s'intitulent écuyers, ce qui est un signe certain de noblesse anciens officiers, gardes du corps, chevaliers de Saint-Louis, propriétaires ruraux, contribuant aux vingtiè- mes, et comme tels susceptibles de fonctions municipales élec- tives, à côté du seigneur patron que sa seigneurie impose à l'as- semblée f7. 1 Ce ne fut pas sans une vive opposition de certains paysans contre les proprié- taires fonciers non domiciliés ou contre les fermiers non propriétaires. La session de l'Assemblée provinciale de Caen nous en a laissé l'écho. Procès-verbal de Basse- Normandie, p. 166-167. 2 Arch. dép., Calvados, C 7670-7684. 3 Ibid., C 7662. 4 Ibid., C 7704. 5 Ibid., C 7717. Les procès-verbaux d'assemblées primaires électorales de mars 1789 révèlent deux autres prêtres-syndics à Saint-Remy-des-Landes bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin, et à Canteloup bailliage de Valognes. Arch. nat., B m 54, et Bridrey, Cahiers de doléances du Cotentin, etc., t. Il, p. 166. 6 Lettre de Banville-Montmorel, seigneur du Rosel, à l'intendant. Arch. dép.,. Calvados, C 6344. Les élus sont tous du Tiers état et gens vils et incapables, un garde-chasse, la plupart ne sachant écrire et à peine signer ; c'est une cabale du Tiers état pour exclure la noblesse de la répartition des impôts, s'emparer de l'auto- rité.... et surcharger les propriétés des nobles. » ! Très nombreux exemples de syndics municipaux pris dans la noblesse élection d'Avranches, à Céaux, Curcy, Dragey, Saint-Aubin et Saint-Laurent-de-Terregatte, Saint-Pierre-Lauger, Sertilly Arch. dép., Calvados, C 7648 ; — élection de B,ayeux, à Livry Ibid., C 7662 ; — élection de Caen, à Audrieu, Boullon, Bretteville-sur-Odon, Epinay-sur-Odon, Gonneville, Missy, Saint-Contest, Sainte-Honorine-du-Fay, Saint- Ursin-d'Epron, Vaux-sur-Seulles Ibid., C 7681, 7683, 7684 ; — élection de Coutances, à Courcy Ibid., C 7704 ; — élection de Mortain, à Chèvreville, Saint-Jean-du-Corail, Ger, Heussey, Saint-Cyr-du-Bailleul, Ressuvielle, Montigny, Tinchebrai-Saint- Pierre Ibid., C 7710 ; — élection de Saint-Lô, à Agneaux, Tribehou, Domjean Ibid., C 7717 ; — élection de Vire, à Chénedollé, au Désert, à Brémoy, Campandré, Clécy, 102 SYNDICS DU TIERS ÉTAT. LES HOMMES DE LOI Ce fut toutefois du Tiers état que sortit la plus grande partie des syndics municipaux de 1787. En plus d'un endroit, dans le voisinage des villes notamment, les magistrats des juridictions royales, les avocats, les professeurs d'Université avaient leur maison de campagne, et ils y avaient fait élection de domicile. Leur situation sociale, leurs lumières, leur expérience de la vie publique faisaient d'eux des candidats sérieux aux plus hautes charges municipales et les désignaient aux suffrages des paysans avisés, soucieux de confier leurs intérêts en mains sûres \. La liste des gens de robe nommés syndics dans la Basse-Normandie est très longue. Le lieutenant criminel du bailliage de Caen est syndic à Noyers ; le lieutenant-général du bailliage de Saint- Sauveur-Lendelin est élu en la même qualité à Périers ; celui du bailliage de Vire, à Saint-Sever. Des procureurs et conseillers du bailliage obtiennent le syndicat au Rocher, près Mortain, à Tinchebrai, à Saint-Ouen-de-Beaudre, Saint-Jean-de-Daye, Con- dé-sur-Vire, Coulonces, Sainte-Marie-Laumont, Danvou, Mont- bray, Deux professeurs de droit à l'Université de Caen sont syndics à Biéville et à Mouen ; un procureur du grenier à sel à Blainville ; un avocat du roi au bureau des finances à Creully ; un conseiller au Grand Conseil à Cerisy. Quelques officiers des justices, seigneuriales, assez rares, des notaires en plus grand nombre, plusieurs huissiers et surtout une grande quantité d'avocats. Cette participation des hommes de loi à l'administra- tion municipale des campagnes en 1787 est un fait intéressant à noter elle explique le caractère général et l'orientation poli- tique des vœux contenus dans d'assez nombreux cahiers ruraux de Basse-Normandie en 1789 2>. La Graverie, Mesnil-Ozouf, Landisacq, Saint-Germain-de-Tallevende, Saint-Pierre la-Vieille. Sainte-Cécile, Sainte-Marie-des-Monts, Vaudry Arch. dép., Calvados, C7731. 1 Certains hommes de loi lurent ainsi élus syndics dans plusieurs paroisses. Courtin de la Bréaudière, conseiller à l'élection de Saint-Lù, fut nommé à Saint- Thomas-de-Saint-Lô, à Saint-Ebremond-de-la-Barre et à Saint-Martin-de-Bonfossè; Gonfrey, procureur à la même élection, fut élu syndic à Saint-Gilles et à Villiers- Fossard ; Brenet de Brais, conseiller au bailliage de Vire, à Coulonces et à Mesnil- Bobert. 2 Ces lettrés et savants des campagnes sont les intellectuels » dont parle M. Onou dans son élude sur les élections de 1789 et les cahiers du Tiers état. Ce sont ceux dont les paroles répondent aux espérances du paysan, et à qui celui ci donne toute sa confiance. Ce sont les futurs rédacteurs des cahiers politico-litté- raires » de 1789. Voir Onou, élections de 1789 et les cahiers . Celle-ci se réunit le 2 mars pour remplacer l'abbé de Cussy, déjà président de l'assemblée d'élec- tion de Coutances ; après le refus de l'abbé Bruzeau, prieur de Tailleville, d'abord élu 4, le choix tomba sur dom Mesnilgrand, prieur de l'abbaye Saint-Etienne de Caen &h Les membres de la Commission intermédiaire ne durent se trouver que très rarement au complet. Le duc de Coigny semble n'avoir jamais assisté à ses séances ; il ne se désintéressa pourtant pas des affaires de la province et on le voit souvent intervenir au- près du contrôleur général et des autres ministres sur la prière de ses collègues normands, avec qui il resta en continuelle correspon- dance 6. La présidence réelle de la Commission semble avoir appartenu successivement au comte Louis de Vassy 7, puis à l'é- vêque de Coutances 8. Les élections aux Etats généraux les enle- vèrent tous deux à l'Administration provinciale, ainsi que Flaust. La collaboration du maire de Bayeux, Larcher de la Londe, ne fut certainement pas assidue, car son nom ne figure jamais dans les actes de la Commission $h II est très probable que pendant les années 1789 et 1790 les seuls membres assemblés régulièrement furent Mesnilgrand, Daigremont et Hervieu de Pont-Louis 10^. 1; Voir ci-dessus, chap. II, p. 37. 2 Ibid., chap. IV, p. 81. 3 Arch. dép., Calvados, C 7622. Registre de correspondance de la Commission intermédiaire provinciale de Caen. Lettre du 24 février 1788. 4 Ibid. Lettre du 5 mars 1788. 5 Ibid., C 7627. 6 Traces continuelles de cette correspondance dans les deux registres de corres- pondance de la Commission intermédiaire qui ont été conservés. Ibid., C 7622, 7623. 7 Ibid., C 7622. Lettre du 9 avril 1788. 8 Ibid., C 7623. Lettre du 3 juin 1788. 9 Ibid., C 7622. On fait allusion à sa présence le 5 mars 1788, lors de l'élection de l'abbé Bruzeau. 10 Le compte-rendu de la Commission intermédiaire, imprimé en 1790, ajoute à 116 LES PROCUREURS-SYNDICS PROVINCIAUX Administrateur collectif d'un territoire assez étendu, la Com- mission intermédiaire eut ses bureaux, comme l'intendant. Le nombre des employés s'était accru peu à peu, avec la besogne il était monté de deux en octobre 1787, à huit en février 1790. Leur traitement variait de 400 à 1,000 livres. Comme leurs occupations étaient très absorbantes, on leur avait promis des gratifications annuelles et une augmentation de traitement au bout de trois ans. Cette dernière promesse ne put être tenue, par suite de la suppres- sion antérieure de l'administration provinciale, mais six de ces employés devaient être replacés dans les bureaux de l'adminis- tration départementale nouvelle *. A la tête des bureaux de la province se trouvait le secrétaire provincial ; il avait été désigné au début même de l'institution, dès le mois d'août 1787, par la première moitié des administra- teurs. Le choix s'était porté sur Alexandre, professeur en droit de l'Université et futur Recteur de l'Académie de Caen %. Aux séances de la Commission intermédiaire assistaient, mais sans voix délibérative, deux autres membres les procureurs-syn- dics provinciaux. C'étaient ses agents d'exécution, chargés d'en- tretenir en son nom la correspondance administrative avec les autres pouvoirs établis, et de veiller à l'application des décisions qu'elle avait prises. Ils étaient deux, au début, représentant l'un les deux ordres privilégiés, l'autre le Tiers état. Le syndic du clergé et de la noblesse était Charles Auguste de La Cour comte de Balleroy, lieutenant général des armées du Roi; élevé par son père dans l'amour des réformes, il avait accueilli avec enthou- siasme l'institution des Assemblées provinciales. Il avait épousé la veuve de l'intendant de la Rochelle. Sa mauvaise santé et surtout la faiblesse de sa vue le forcèrent à donner sa démission de syndic en mai 1789^; mais il resta attaché à la Commission intermédiaire jusqu'en août 1790. On jugea inutile de lui donner un successeur et son collègue du Tiers état Jacques Le Telier de Vauville, demeura seul syndic. Celui-ci était déjà conseiller au bailliage et trésorier de France au bureau des finances de Caen l*J . ces noms celui de Texier-IIautefeuille ci-devant marquis de Hautefeuille, maréchal de camp, inspecteur des troupes de la division de Normandie. 1 Arch. dép., Calvados, L, non inventorié. 2 E. Zévort, Le premier Recteur de l'Académie de Caen, Pierre-Roberi Alexandre, p. 6. 3 Arch. dép., Calvados, C 7628. 4 Ibid., L, non inventorié. COMPOSITION DES BUREAUX INTERMEDIAIRES 11/ Les instructions du 3 novembre 1787 créaient une incompatibilité entre ces fonctions et l'administration provinciale ; l'Assemblée, par ses pressantes instances, obtint le retrait de cette défense l. Agé de quarante-cinq ans environ, homme d'une compétence indiscutable et d'une conscience à toute épreuve, Le Telier de Vauviile devait assumer en très grande partie la tâche d'adminis- trer pendant trois ans le ressort provincial de la Basse-Normandie. Son nom résume l'administration provinciale nouvelle en face du représentant de l'ancien régime, l'intendant Cordier de Launay. Les bureaux intermédiaires, chargés d'administrer, sous le contrôle et le direction de la Commission intermédiaire, les neuf élections ou départements de l'ancienne généralité, avaient été constitués par la première moitié des administrateurs de l'élection au début d'octobre 1787 ''. Ils avaient pour président de droit celui de l'assemblée de département et comprenaient chacun quatre membres, un du clergé, un de la noblesse, deux du Tiers état. L'abbé Méry de Berthenonville, doyen de la collégiale du Saint-Sépulcre de Caen, présida le bureau intermédiaire de Caen, dont les membres étaient Duclos Le Goupil, chanoine du Saint- Sépulcre, de Charsigné, seigneur d'Héritot, Pitet le jeune, prieur juge consul à Caen et Renouard, propriétaire à Sermentot. A Avranches, sous la présidence de l'évêque, le bureau intermé- diaire réunit un vicaire général du diocèse, l'abbé de Brigeat, un seigneur des environs, Payen de Chavoy, et deux avocats, Lecourt et Cordoen. Le comte d'Osseville, qui présidait à Carentan, eut pour collègues le curé de la ville, l'abbé Desplanques, un ancien capitaine d'infanterie, Duprey-Desisles, et deux avocats, Laurence et Caillemer, ce dernier bailli de Coigny. Au bureau intermédiaire de Bayeux le clergé ne compta comme membre, en l'absence de l'évêque ;;', qu'un de ses vicaires généraux, l'abbé de Pradelle, auteur d'un ouvrage sur les Déports en Normandie » ; ce fut un noble, Dufayel de Berné, qui le présida ; les deux membres du Tiers étaient le médecin Dozeville et un avocat, DeJauney. Le bureau de Coutances avait pour président l'abbé de Cussy, qui devait périr sur l'échafaud le 3 thermidor an II ; on lui avait adjoint Bonnier, curé de Muneville-le-Bingard, Leforestier de 1 Arch. dép., Calvados. C 7667. 2 Voir ci-dessus, chap. III, p. 52. 3 Arch. dép., Calvados, C 7655. L'évêque n'assista qu'à une séance du bureau, 1. Les neuf syndics du Tiers état appartenaient à la magistrature ou au barreau. L'examen des registres qui nous sont conservés nous montre l'importance de leurs fonctions. Le Tuilier à Coutances, Costy à Caen, Lemonnier à Saint-Lô, Surbled des Moulins à Vire, Le Reculey de la Huberderie à Carentan, Le Tellier à Bayeux, furent les chevilles ouvrières de la nouvelle administration en face des subdélégués indifférents, démissionnaires ou déchus. La composition des bureaux intermédiaires varia assez peu celui de Bayeux fut privé des talents de Delauney dès le mois de mai 1789, par suite de son élection aux Etats généraux. Le prési- 1 Voir ci-dessus, chap. 111, p. 14-45. IMPUISSANCE DE LA COMMISSION INTERMEDIAIRE 1 19 dent du bureau de Mortain, le comte de Vassy, et Vieillard, greffier du bureau de Saint-Lô, furent appelés à Versailles à la même époque. Les deux procureurs-syndics de Valognes, de Beaudrap et Besnard Duchesne, également députés aux Etats généraux, se démirent du syndicat l'abbé Roger, de Cherbourg, fut seul choisi pour les remplacer. Quelle fut l'activité de ces divers organes pendant la période éphémère de leur administration? La Commission intermédiaire provinciale, bureau permanent de l'Assemblée provinciale de Caen, devait exécuter les décisions de celle-ci dans l'intervalle de ses sessions annuelles. Par suite des circonstances politiques cette assemblée ne fut plus jamais réunie. Suspendue en 1788 par la convocation des notables et la promesse de prochains Etats généraux, elle n'avait plus de raison d'être en 1789, depuis le jour où la Constituante avait décidé la création de nouvelles assemblées administratives. La Commission intermédiaire se trouva donc seule à la tête de l'administration provinciale de 1787 à 1790. Ce ne fut point une cause de force pour elle. Si, en effet, l'absence d'une assemblée délibérante semblait lui laisser une plus grande indépendance et l'affranchir de tout contrôle assujettissant, la trop longue durée d'un mandat dont la confiance populaire ne l'avait pas investie, et que nulle sanc- tion publique ne venait confirmer, fit s'évanouir peu à peu la puissance qu'elle aurait dû posséder. Quelle que fût leur valeur personnelle, ses membres n'avaient pas l'autorité nécessaire pour tenir vigoureusement la barre au milieu de l'agitation politique naissante, en face d'une administration rivale, inquiète et ombra- geuse, en présence de l'opinion publique à peu près indifférente à leur existence. La Commission intermédiaire aborda néanmoins sa tâche avec courage ; elle employa tout son zèle à justifier la confiance dont le gouvernement l'honorait, en se consacrant au service de ses concitoyens ». Son activité est indiscutable. Nous en avons la trace dans le volumineux Compte rendu de son administration qu'elle fit imprimer en 1790 pour justifier sa gestion auprès des administrations départementales qui lui succédaient *, et dans l'énorme masse de documents qu'elle déposa à l'appui de ce 1 Arch. dép., Calvados, C 7619. Comple-rendu par la Commission intermédiaire pro- vinciale de Basse-Normandie de son administration depuis le 7 décembre 1787 jusqu'au 4 août 1790. Caen, Le Roy, 1790, in-4°. 120 LES DEUX PHASES DE SON ACTIVITÉ Compte rendu, dans les archives du Calvados 1. Parmi ces docu- ments se trouvaient dix-sept registres deux registres de délibé- rations, trois d'enregistrement, et douze contenant la copie de sa correspondance et de celle des procureurs-syndics provin- ciaux *. Ces registres ont en grande partie disparu. Nulle trace des délibérations, ni de l'enregistrement. La correspondance seule est représentée par quatre registres, dont un fragmentaire deux de la Commission intermédiaire, du 10 février au 7 mai 1788, — et du 21 juin au 7 octobre 1788 3î ; deux des procureurs-syndics, le registre I du 29 août 1787 au 4 juillet 1788, — le registre VI du 20 décembre 1789 au 3 avril 1790 W. Malgré ces énormes lacunes, la présence dans le fonds de la Commission intermédiaire de nombreuses liasses relatives aux impositions, aux travaux publics, aux objets d'ordre économi- que 5, et la conservation des documents contemporains du fonds de l'intendance permettent une appréciation suffisamment exacte du mode d'action de la Commission intermédiaire provin- ciale de Caen. Ce ne fut pas une institution purement nominale, mais un conseil d'administration qui siégea effectivement, dans des réunions périodiques et régulières. On la voit s'assembler assez fré- quemment ; en mars 1788, les procureurs syndics écrivaient à Larcher de la Londe, maire de Bayeux La Commission se réunit deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, à 5 heures du soir » 6. Ses séances se tinrent d'abord chez le président ; celle du 4 juin 1788 eut lieu à l'hôtel de l'évêque de Coutances W. Quand on eut installé les bureaux de l'administration provinciale dans un local spécialement loué pour eux, il est probable qu'on affecta une pièce de ce logement aux séances de la Commission intermédiaire. Il semble bien que deux ou trois membres, en dehors des procureurs-syndics, assistaient à chacune de ses déli- bérations. Dans l'histoire de cette Commission, qui comprend moins de trois années, on pourrait distinguer deux périodes. Avant la réunion des Etats généraux, elle fit preuve, au milieu de nombreux obstacles, d'une assez grande initiative et entretint 1 Arch. dép., Calvados, C 7610-8578. Ces documents forment aujourd'hui le fond très important dit de la Commission intermédiaire provinciale de Basse-Normandie. 2 Compte-rendu, p. 244. 3 Arch. dép., Calvados, C 7622, 7623. 4 Ibid., C 7624, 7625. 5 Ibid., C 7740-8578. 6 Ibid., C 7624. Lettre du 20 mars 1788. 1 Ibid. Lettre des procureurs-syndics à l'ingénieur en chef Lefehvre, du 3 juin 1788. COMMISSION INTERMÉDIAIRE ET POUVOIR CENTRAL 121 une correspondance très suivie avec les ministres, les chefs des divers services régionaux et les bureaux intermédiaires de dépar- tement. Après la réunion des Etats, vers la fin de 1789, sentant que son existence devait être abrégée par la grande réforme administrative de la Constituante, elle borna ses soins à faire exécuter les décrets de l'Assemblée Nationale sanctionnés par Sa Majesté, à surveiller les travaux publics, et à porter la plus sévère économie dans toutes les dépenses à la charge de la pro- vince ». Elle ne se considéra plus dès lors comme une véritable administration, mais comme un bureau provisoire destiné à soutenir l'édifice chancelant de la chose publique »0 en atten- dant l'arrivée au pouvoir des nouveaux corps administratifs qui devaient la remplacer. L'exercice des nombreuses attributions qui lui avaient été confiées impôts, travaux publics et bien public, mit la Com- mission en relations suivies avec les diverses administrations placées au-dessus, à côté ou en dessous d'elle le contrôleur géné- ral et les autres ministres, les Commissions intermédiaires des autres provinces, les bureaux intermédiaires des neuf départe- ments, les municipalités des principales villes de Basse-Norman- die, le service des ponts et chaussées et l'intendance de Caen. Le ministre avec lequel les intendants avaient toujours entre- tenu la correspondance la plus suivie était le contrôleur général des finances. La Commission intermédiaire continua ces relations avec Lambert accusés de réception d'arrêts relatifs à la levée des diverses impositions, demandes d'autorisation d'emploi des fonds réservés à la province, requêtes relatives à la fixation et au paiement des frais de la nouvelle administration, tels furent les objets essentiels de cette correspondance. Ses attributions en matière de finances et de travaux publics la mettaient plus spécialement en rapport direct, au contrôle général, avec deux chefs de service, l'un Blondel, intendant au département des impositions, l'autre, Chaumont de la Millière, intendant au dépar- tement des ponts et chaussées 2. En dehors de son ressort proprement dit, la Commission inter- médiaire eut des intelligences avec les autres administrations 1 Compte-rendu, p. 3. 2 Arch. dép., Calvados, C 7622, 7623. Nombreuses lettres de la Commission ister- médiaire à Lambert, Blondel, de la Millière. Les cinq calepins du départ des lettres enregistrés au contrôle général et conservés aux Arch. nat-, H 1603, peuvent don- ner une idée exacte de l'activité de cette correspondance. 1*22 COMMISSION ET BUREAUX INTERMÉDIAIRES provinciales du royaume. Le projet d'une sorte de confédération entre ces administrations avait germé dans le cerveau de plus d'un procureur-syndic. La France ne devait plus former qu'une grande famille, dont tous les citoyens, se regardant comme des frères, contribueraient par leur union et leurs découvertes à la prospérité de l'Empire » ]. En attendant la réalisation de ce vœu, on proposait la communication réciproque des procès- verbaux des assemblées, et l'échange de vues sur la meilleure gestion possible des intérêts publics. Ce sentiment de concorde fraternelle, précurseur des Fédérations futures, n'aboutit point à un résultat immédiat et la Commission provinciale de Caen n'eut guère de relations suivies qu'avec ses voisines immédiates de Rouen et d'Alençon. C'est surtout dans l'intérieur de la généralité que nous voyons agir la Commission intermédiaire. Elle correspondit presque journellement avec les bureaux intermédiaires, ses subordonnés immédiats, sur tous les objets soumis à leur commune adminis- tration. Instructions et éclaircissements destinés à interpréter les arrêts du Conseil sur la taille et la capitation ; envois de rôles d'impositions, répartition de sommes pour ateliers de charité ; délégations aux bureaux intermédiaires pour les adjudications de travaux publics ; ordres d'enquêtes et demandes d'avis sur la reconstruction des presbytères, sur les requêtes de moins-imposé, sur la formation irrégulière des municipalités ; exercice quotidien d'une tutelle administrative étroite, substituée à celle de l'inten- dant, mille objets servirent d'occasion à une correspondance abondante et ininterrompue, dirigée sur les chefs-lieux des neuf départements. C'était une source de travail écrasant, et Le Telier de Vauville pouvait, en alléguant son propre exemple, relever avec une pointe d'ironie le courage du procureur-syndic de Bayeux, qui cédait aux fatigues d'un surmenage prolongé 2i. Les relations de la Commission intermédiaire de C^ten et des bureaux intermédiaires de département furent en général assez faciles, faites de bienveillance d'un côté, de docilité empressée de l'autre ; quelques bureaux cependant firent preuve d'insou- mission. Le bureau de Caen, par exemple, était impatient de voir étendre ses attributions ; la Commission dut à plus d'une reprise refroidir son zèle, qui brûlait d'embrasser trop d'objets ». Il 1 Arch. dép., Calvados, C 7628. Lettre des procureurs-syndics provinciaux d'Auch à la Commission intermédiaire de Caen, 31 mars 1788. 2 Ibid., C 7623. Lettre du 23 juin 1788. INSUBORDINATION DE CERTAINS BUREAUX 123 voulait avoir la haute main sur les travaux de redressement de l'Orne, sur la construction des casernes et des bâtiments de justice l. L'époque des adjudications pour entretien des routes lui semblait peu heureusement choisie et il reprochait à la Com- mission de n'avoir pas concerté ses opérations avec lui. L'éta- blissement des cantonniers préposés à cet entretien par la Com mission lui paraissait une institution nuisible 2. Le bureau inter- médiaire de Valognes exprimait les mêmes appréhensions n . Celui de Coutances eut voulu avoir la direction de ces employés il voyait avec peine leur destitution réservée à la seule Commis- sion intermédiaire et désirait voir s'agrandir le cercle étroit qui circonscrivait sa propre autorité 4 ». Les bureaux intermédiaires prétendaient délibérer en toute liberté et ne soumettaient pas toujours leurs décisions à l'assentiment de la Commission inter- médiaire. Celle-ci fut obligée d'adresser une circulaire générale pour éviter une variété de méthodes nuisible à la bonne marche de l'administration » 5. Ces divergences de vues amenèrent parfois une tension dans les relations et, comme conséquence, des retards dans l'exécution des décisions de la Commission intermédiaire. L'importance de la question routière en Basse-Normandie obligea la Commission intermédiaire, chargée de la direction des travaux publics, à une correspondance des plus actives avec le service des ponts et chaussées qui avait été placé sous ses ordres. Là encore, les rapports furent loin d'être excellents. La situation que l'ancienne administration avait léguée à la nou- velle était, nous l'avons vu, désastreuse. Réseau routier impar- fait et tracé au hasard, projets coûteux à l'étude, sans ressources pour y faire face, dettes énormes que des impositions sans cesse accrues ne pouvaient parvenir à éteindre ; abus des entrepreneurs 1 Arch. dép., Calvados, C 7666. Lettre du bureau intermédiaire, 22 juillet 1788. Ibid., C 7667. Réponse de la Commission intermédiaire, 4 août 1788. 2 Ibid., C 7623. Lettre de la Commission intermédiaire, 13 août 1788. 3 Ibid. Lettre de la Commission intermédiaire, 17 août 1788. 4 Ibid., C 7700. Rapport des procureurs-syndics à l'assemblée de département de Coutances, 20 octobre 1788. — Le bureau intermédiaire de Carentan fît preuve de plus de soumission. Nous n'avons pu croire, écrit un des procureurs-syndics, que la Commission intermédiaire cherchât à s'attirer trop d'autorité, pas plus qu'à enchaîner nos actions, nos promesses... La Commission intermédiaire provinciale ne cherche point à envahir toute l'autorité... elle ne réclame d'autre supériorité que cette subordination qui est indispensable dans tous les corps, et sans laquelle l'ordre dont dépend leur existence cesserait d'y régner. » Ibid., Manche, C 176. 5 Ibid., Calvados, C 7622. Lettre de la Commission intermédiaire au bureau inter- médiaire d'Avranches, 5 mars 1788. l'M COMMISSION INTERMÉDIAIRE ET PONTS-ET-CHAUSSEES qui s'enrichissaient scandaleusement au détriment du public ; légèreté et imprévoyance du personnel des ingénieurs qui avaient agi sans compter et engagé profondément l'avenir tels étaient les maux auxquels la Commission intermédiaire devait porter remède. Elle fit preuve d'une grande vigilance, mais son action fut souvent entravée par la mauvaise volonté et l'opposition tenace des ingénieurs. Par un esprit de caste excessif, ceux-ci visaient à une indépendance presque absolue. Lefebvre, ingé- nieur en chef depuis 1772, l'avait en fait à peu près conquise. En dépit des appréciations plutôt sévères des intendants à son égard, il échappait au contrôle administratif et, par suite de sa compétence technique, vivait en maître dans son service ; les ingénieurs de département placés sous ses ordres participaient à cette situation privilégiée. Le jour où, devant le péril financier auquel l'incurie et le gaspillage avaient acculé la province, une administration nouvelle essaya de réagir, de contrôler et de corriger ces abus, elle trouva en face d'elle un personnel prévenu et hostile. Avant même qu'elle existât, l'annonce de sa création avait indisposé les ingénieurs. La plus grande régularité, les formalités les plus scrupuleuses dans les opérations sont deve- nues d'autant plus essentielles, écrivait Lefebvre à l'ingénieur de Valognes le 2 juillet 1787, que les assemblées provinciales et leurs commissions intermédiaires les examineront et scrute- ront peut-être avec le désir de nous trouver en faute » l\ La résiliation des adjudications demandée par l'Assemblée provin- ciale et poursuivie par la Commission intermédiaire devait mé- contenter les ingénieurs qui y voyaient une mesure maladroite et impopulaire. Le zèle des nouveaux administrateurs les effraya par la menace d'une surcharge de travail . Malgré les formules courtoises de l'arrêt, c'était un échec pour l'intendant devant qui ces adjudications avaient été passées. Chargée de procéder aux adjudications nouvelles, la Commission intermédiaire allait commettre un empiétement nouveau sur l'autorité de Launay. Celui-ci, blessé jusqu'au vif, allait prendre bientôt sa revanche en paralysant, au nom de la légalité, et pour une pure question de forme, les opérations de cette Commission relatives au recou- vrement de la corvée. Un long conflit, qui dura pendant la pre- mière moitié de l'année 1789, allait mettre aux prises les deux 1 Arch. dép., Calvados, C 4703. Lettre de Cordier de Launay à Necker, 27 février 1788. Pour vous seul, Monsieur », écrit-il en tête de cette lettre. Voir F. Mourlot, Rapports d'une Assemblée provinciale et de sa Commission intermédiaire avec l'intendant. Bulletin des sciences économiques et sociales du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1902, p. 276. 2 Voir supra, chap. IV, p. 71. LEURS CONSÉQUENCES FUNESTES 129 autorités rivales, amener le désarroi dans l'administration, accroître la misère générale, causer de graves préjudices aux intérêts économiques de la province 1. Sur un autre point, la Commission intermédiaire avait été moins heureuse. Un conflit s'étant élevé entre les bureaux inter- médiaires et les officiers d'élection, relativement à la répartition des tailles 2\ ces derniers l'avaient emporté. Sans être le complice de ce succès, l'intendant dut le voir d'un œil satisfait, car il lui rendait le département des impositions pour 1789. Une telle mesure excita le vif dépit de la Commission intermédiaire, dont ce brusque retrait d'attributions ne pouvait que diminuer le prestige aux yeux des populations. Aussi, animée à son tour de dispositions malveillantes vis-à-vis de l'intendant, renonça- t-elle à demander cette année l'augmentation du moins imposé, remise accordée par le roi pour être distribuée aux taillablçs qui avaient subi des pertes de récoltes ou de bestiaux. La raison de son mutisme est mesquine et fort peu louable. Comme ces fonds peuvent être diminués l'année suivante, et comme ils sont desti- nés à soulager la classe la plus ignorante et la plus prévenue contre les Assemblées provinciales, celle des habitants des cam- pagnes, la comparaison des secours accordés par nous avec ceux ' de l'ancien régime serait entièrement à notre désavantage et v nous ferait perdre sous le rapport du crédit et de la bienfaisance une considération qu'il nous est bien important d'acquérir » 3. En fin de compte, cette conception si étroitement jalouse que les deux administrations avaient de leur autorité, cette course à la popularité tournaient au détriment public et n'avaient que des conséquences funestes. Dans une sphère plus restreinte, les neuf bureaux intermé- diaires de département exercèrent les mêmes attributions que la Commission intermédiaire provinciale. Il existe des traces matérielles de leur activité. Nous possédons les registres de délibérations de six d'entre eux ceux de Caen, Bayeux, Vire, Avranches, Saint-Lô, Valognes, et les registres de correspondance des bureaux de Bayeux et de Carentan 4. Leurs séances se te- 1 Voir plus loin, au chapitre XII, l'exposé succinct de ce conflit. 2 Voir ci-dessous, p. 133. 3 Arch. dép., Calvados, C 4703. 4 Ibid., Registres de délibérations de Caen, C 7664 bis ; de Bayeux, C 7655 et de Vire, C 7726 ; deux registres de correspondance de Bayeux, C 7657, 7658. — Arch. dép. de la Manche, Registres de délibérations d'Avranches, C 238 ; de Saint-Lô, C 629 et de Valognes, C 633 ; registre incomplet de correspondance du bureau de Carentan, C 476. 130 BUREAUX INTERMÉDIAIRES ET PROCUREURS-SYNDICS naient dans des locaux spécialement loués pour cet usage ils devaient comprendre au moins une salle pour le greffe et une salle de réunion *. La correspondance administrative était lourde, et souvent le secrétaire se faisait assister d'un ou plusieurs commis expéditionnaires >- . Les procureurs-syndics, qui avaient leur résidence au chef-lieu du département, et qui recevaient des appointements pour leur fonction, devaient consacrer à celle-ci une grande partie de leur temps W. Ils veillaient à l'exé- cution des ordres émanés de la Commission intermédiaire ou dirigeaient la correspondance du bureau sur les divers objets du service; ils étaient, à jours fixes, à la disposition des syndics et des députés municipaux de leurs départements ; ils présidèrent aux ad- judications des travaux de construction ou de réparation de leurs églises, de leurs presbytères et de leurs écoles^ ; ils leur deman- dèrent des renseignements sur leur état fiscal et économique^1. Ce furent, en un mot, des agents de transmission entre la Com- mission intermédiaire provinciale et les municipalités. Leur tutelle fut en général acceptée sans résistance par celles-ci. Tous ces corps administratifs nouvellement organisés se solidarisèrent comme d'instinct, et la hiérarchie des fonctions fut à peu près partout respectée. Toutefois l'autorité des bureaux intermé- diaires ne fut pas sans rencontrer des résistances sur quelques points. Le plus notable exemple d'insubordination fut donné 1 Provisoirement ils s'adjoignirent quatre nouveaux membres le curé d'Engles- jueville, Wimpfen, Le Bret et Tardif. Arch. dép.. Calvados, C 7654. 2 Ibid., C 7624. Lettre des procureurs-syndics provinciaux, 30 mars 1788. 3 Exemples à Fierville-en-Bessin. Fresney-le-Puceux, Juvigny, Secqueville-en- Bessin, Torigni, Couvains, Isigny, Mesnil-Uurand, Clécy, Vaudry, Le Teileul. Lettre intéressante dos procureurs-syndics provinciaux de Caen sur le rôle des bureaux intermédiaires en celle matière, 1" juin 1788. Ibid., C 76-24. 4 Ibid.. Manche. C 629. A Moon-d'Klle, réforme d'un rùle d'imposition en présence d'un délégué du bureau intermédiaire de Saint-Lù. 5 Interventions de ce genre pour les presbytères de Marigny, de-Saint-Germain- d Elle, de Saint-Pierre-de-Cenilly élection de Saint-Lô, Ibid., Manche, C 629 ; de Boucé, de Champeaux, de Dragé élection d'Avranches, Ibid., C 238; de Vretot, de Montaigu élection de Valognes, Ibid., C 633 ; de Bény élection de Vire, du Mes- nil-Aubert élection de Coutances, Ibid., Calvados, C 7628; de Fresnes élection de Mortain, Ibid.. C 7624 ; de Colomby, de Saint-Aubin-d'Arquenay, de Blainville élec- tion de Caen, ibid. 7664 bis ; pour les écoles de Subligny, Ibid., Manche, C 238 et de Ibid., C 633. ijj Jbid., Calvados, C 7817-8088. Observations générales sur l'état des paroisses des élections de Caen et de Vire. LES BUREAUX INTERMEDIAIRES ET LES TRIBUNAUX D ELECTION 133 par la municipalité de Montmartin, dans l'élection de Carentan. L'homme d'affaires de la duchesse de Montmorency née de Matignon, un certain Germain, jouissait d'une grande influence dans cette paroisse. Il n'était pas membre de la municipalité, mais y régnait par une coterie de famille. A son instigation la municipalité refusa de réformer le rôle de la taille qu'elle avait imparfaitement dressé. Dans un libelle injurieux, Germain insulta le syndic municipal, rebelle à son influence, le procureur-syndic du département de Carentan, le bureau intermédiaire et la Com- mission intermédiaire provinciale, et il menaça de faire casser leurs arrêtés par l'intervention du baron de Breteuil. Le bureau de Carentan fit entendre des plaintes assez vives et se crut oblige de demander la destitution des députés municipaux récalci- trants '». Les relations des bureaux intermédiaires et des tribunaux d'élection qui siégeaient au même chef-lieu auraient dû être courtoises et même cordiales. Plus d'un officier d'élection était en même temps administrateur de département tels Le Tuilier, procureur du roi à l'élection de Coutances, Besnard Duchesne à celle de Valognes, Le Monnier, président et Courtin de la Ger- vaisière, conseiller à l'élection de Saint-Lô. Monlien de Perthou, président honoraire d'élection, était membre du bureau de Vire. Bureaux et élections entrèrent pourtant en conflit à propos de la taille. Après l'édit de mai 1788, qui abolissait les tribunaux d'exception en France, un arrêt du Conseil du 8 août avait réglé les formes nouvelles de la répartition de la taille sans le concours des officiers d'élection supprimés. Partout les bureaux intermé- diaires avaient agi seuls '-'. Leur inexpérience et le refus de com- munication par les greffiers d'élection des rôles de département nécessaires à la régularité de l'assiette rendirent leur tâche diffi- cile •'*. Elle s'accomplissait cependant, quand les tribunaux d'élection furent rétablis, par la déclaration du 28 septembre 1788. Le premier acte de ceux-ci fut de protester, au nom de la légalité, contre les nouvelles formes de répartition et de recouvrement 1 Arch. Manche, C 476. Registre de correspondance du département de Carentan. 2 Ibid., Calvados, C 7775. 3 Ces greffiers alléguaient alors comme prétexte de leur refus la fermeture des greffes sur la porte desquels l'intendant avait lui-même apposé son sceau ; ainsi à Avranches, lbid., Calvados, C 1398 ; à Mortain, Ibid., 7707, et à Carentan, Ibid., Manche, C 476. 134 CONFLIT AU SUJET DE LA TAILLE des impôts, qu'on avait substituées à des règles anciennes, sages et sûres » 1. Encouragés dans leur résistance par la Cour des Aides de Rouen, les officiers d'élection firent leurs chevauchées ordinaires 2, dénièrent aux bureaux intermédiaires et aux muni- cipalités rurales le droit de répartir la taille, nommèrent des collecteurs d'office suivant l'ancien usage et condamnèrent parfois à de fortes amendes les syndics et collecteurs qui se refu- saient à leur obéir $. Des lettres patentes adressées à la Cour des Aides de Rouen ne produisirent aucun effet ; celle-ci différa leur enregistrement. Le seul remède que le roi put trouver pour trancher le conflit fut de rendre à l'intendant le département des impositions pour 1789 4-'. L'opiniâtreté des tribunaux d'élection avait eu raison de l'autorité royale. Leur animosité contre les Assemblées provinciales » ^ avait triomphé et l'ancien ordre de choses était rétabli pour un an, au grand dépit de la Commission et des bureaux intermédiaires humiliés 6. En matière de travaux publics, les bureaux intermédiaires s'étaient vu confier la surveillance et l'inspection des routes, l'adjudication et la réception des édifices communaux, églises, presbytères et écoles. Ils avaient à leurs ordres les ingénieurs de département, leurs conducteurs et piqueurs et tous les voyers ou cantonniers répandus dans leur ressort pour l'entretien des chemins. Les relations entre bureaux et ingénieurs furent aussi 1 Arch. dép., Calvados, C 7700. 2 Le 11 novembre 1788, le bureau intermédiaire de Caen informe la Commission intermédiaire paroissiale que M. de Chaumotel, syndic de la municipalité de Bré- ville, vient de lui adresser un billet imprimé qui a été remis au curé de la paroisse par un sieur Bisson. Le curé est prié de prévenir ses paroissiens que le dimanche suivant, M. Boulogne, conseiller élu auquel la sergenterie de Varaville est échue pour son département des visites et chevauchées se trouvera en sa maison de Bobe- homme pour s'informer de ceux qui sont décédés ». Ibid., 7664 bis. 3 Le 29 novembre 1788, le bureau intermédiaire d'Avranches envoie à la Com- mission intermédiaire provinciale copie des ordonnances de condamnations pronon- cées par le tribunal de l'élection contre les paroisses dont les habitants n'ont pas comparu aux chevauchées pour la nomination des collecteurs selon l'ancienne forme. Arch. dép., Manche, C 238. — A Carentan, plaintes du bureau contre le pro- cureur de l'élection, qui a fait condamner à 50 livres d'amende d'assez nombreux syndics de ce département. Ibid., C 476. 4 Ibid., Calvados, C 4398, 7776. 5 Le mot est du procureur-syndic de Carentan 6 Le bureau intermédiaire de Caen déplore la décision du roi qui va enlever aux populations toute confiance dans les administrations provinciales. Arch dép., Cal- vados. C 7776. — Le 9 décembre 1788, il pria Necker de prendre sous sa protection les habitants de la campagne, afin de les préserver des vexations et discussions continuelles qu'ils éprouvent journellement de la part des juges et procureurs de l'élection, dont ils désirent et sollicitent la suppression. » Ibid., C 7666. LES BUREAUX INTERMÉDIAIRES ET LES INGÉNIEURS 135 tendues que celles de la Commission provinciale et de l'ingénieur en chef, et pour les mêmes motifs. Les ingénieurs se plaignaient de l'ingérence continuelle de ces avocats et gens de loi dans les questions où leur compétence technique était très discutable. Celui de Granville exprime à Lefèvre, son ingénieur en chef, la mortification qu'il éprouve à prendre l'heure d'un particulier de Granville, que le bureau intermédiaire de Coutances a désigné pour faire la visite des routes de son district. Vous m'aviez écrit, mon vénérable, que les assemblées d'élection non plus que leurs bureaux intermédiaires n'auraient aucun ordre à donner, et que tout le service se ferait entre vous et moi. Ne devrais- je pas tomber des nues en recevant une lettre impérative du bureau intermédiaire de Coutances et en me voyant obligé de prendre les ordres d'un particulier de ma ville? » * Est-il besoin d'ajouter que les ingénieurs ne répondaient pas avec empressement aux appels des bureaux intermédiaires et qu'ils n'y répondaient pas toujours sur un ton correct '2>. La corres- pondance échangée entre les administrateurs de département et les procureurs-syndics provinciaux est remplie de plaintes contre la lenteur et l'insubordination des ingénieurs, les retards que ceux-ci apportent aux devis des routes, leur mauvais vouloir général i. Ceux-ci à leur tour se plaignent de la surcharge qu'on leur impose en les obligeant à dresser les projets de construction ou de réparation des églises et presbytères ; ils rappellent leurs appointements impayés et menacent de démissionner 4^. La tension des rapports entre les bureaux intermédiaires d'une part, les tribunaux d'élection et le corps des ponts et chaussées de l'autre, était due à une cause d'ordre général. C'était la résis- tance de l'ancien régime contre le nouveau. Cette même cause devait influer sur les relations de ces bureaux avec les subdélé- gués de l'intendant. Ici, la rivalité d'attributions était encore plus accusée ; l'antagonisme était en quelque sorte plus étroit, 1; Arch. dép.,C 3088. Lettre de Demontrocher, ingénieur à Granville, 1? mars 1788. 2 Ibid., C 7G22. Plaintes du bureau de Valognes contre l'ingénieur Déforme, avril 1788. 3 Registre de correspondance du département de Carentan. Ibid., Manche, C 176. Ibid., Calvados, C 8567, 8570. 4 Ibid., C 7623, 7624. Il y eut cependant des exceptions, et l'on voit Didiet, ingé- nieur du département de Caen, offrir aux membres du bureau intermédiaire de ce département, le 30 juillet 1790, à la veille de la cessation de leurs fonctions, en signe d'hommage et en souvenir de leurs bonnes relations, un exemplaire de son ouvrage sur les poids et mesures. Ibid., 7664 bis. 136 LES BUREAUX INTERMÉDIAIRES ET LES SUBDÉLÉGUÉS et les motifs de froissement réciproque plus nombreux. Presque partout, c'étaient les subdélégués qui ouvraient le feu. Le subdé- légué de Bayeux, Gênas, avertissait l'intendant qu'il n'était disposé à fournir aucun renseignement au bureau intermédiaire pour la formation du rôle de la capitation des non-taillables ; s'il aimait à travailler pour son chef, indulgent et bon, il était décidé a ne rien faire pour les autres l1. Celui de Vire, Demor- treux, refusait de confier en dépôt au bureau intermédiaire les procès-verbaux de formation des municipalités de son ressort 2. Lavalley de la Hogue, subdélégué de Carentan, sembla faire cause commune avec les officiers de l'élection et, après avoir brisé les scellés apposés à ce tribunal, se contenta de remettre les clefs du greffe au procureur du Roi, au lieu de faire donner aux procureurs-syndics du département les pièces de ce greffe nécessaires à l'assiette de la taille. Il allégua que ce n'était point sa mission. D'où mécontentement du bureau intermédiaire et de l'assemblée de département, précisément réunie à cette époque, et contrariée dans ses opérations par tous ces retards. La Hogue fut dénoncé par le comte d'Osseville, président du bureau ; l'assemblée jugea sa conduite insidieuse, portant les caractères marqués d'une désobéissance préjudiciable aux droits du roi, et d'un manque absolu d'égards et d'honnêteté envers l'assem- blée et son chef » 3. C'était la rupture, assez grave, entre les représentants des deux administrations, au détriment de la bonne marche des services administratifs. Mécontents des procédés des subdélégués, les bureaux inter- médiaires n'hésitaient pas à en faire remonter la responsabilité jusqu'à l'intendant. Tel le bureau de Vire, qui dans sa querelle avec de Mortreux reprochait à Cordier de Launay de mettre sa volonté à la place d'une loi qui n'existait pas » W. Les renseigne- ments demandés aux bureaux de l'intendance étaient-ils tardifs ou trop peu abondants, les administrateurs de département jetaient les hauts cris Il semble, écrivent ceux de Caen, qu'on cherche à nous tenir dans l'impuissance d'opérer le bien qu'on doit attendre d'une administration vraiment patriotique » 5. Le bureau de Bayeux fut un de ceux qui s'élevèrent avec le plus de 1 Arch. dép., C 7624. Lettre du 2 décembre 1787. 2 Ibid., C 7730. Plaintes du procureur-syndic de Vire, du 25 novembre 1787 3 Ibid., 7690. Ibid., Manche, C 476. 4 Ibid , Calvados, C 7730. 5 Ibid., C 7666. LES BUREAUX INTERMEDIAIRES ET L'INTENDANT 137 fermeté contre l'autorité de l'intendant. Il reprocha vivement à la Commission provinciale son attitude passive. Nous exami- nons votre position, Messieurs, et nous nous demandons quelle espèce de fonction vous remplissez entre Monsieur le Commis- saire départi et nous. L'activité, les voyages, les visites, l'exa- men du détail, voilà notre attribution ; celle de M. l'Intendant est de rendre ses ordonnances sur nos opérations. Nous voyons avec peine que la vôtre à cet égard est entièrement passive. Ce que nous aurons trouvé à propos, ce que vous aurez confirmé, une opinion contraire de la part de M. l'Intendant peut en suspendre l'exécution. » Pourquoi laisser à l'intendant le con- trôle supérieur, la décision suprême? Sa capacité juridique est invoquée comme prétexte est-elle suffisante à justifier une telle procédure? On ne fait pas attention que nos assemblées sont en partie composées de jurisconsultes instruits. Quelle que soit la dignité de M. l'Intendant, ses qualités personnelles auxquelles nous ne pouvons qu'applaudir, la composition des assemblées nous donne lieu d'attendre de leur part une égale prudence dans les décisions. » Aussi le bureau intermédiaire réclame-t-il hardiment pour la Commission provinciale le monopole de l'autorité executive » nl Résumons en quelques lignes les observations de détail pré- sentées dans l'exposé précédent. La Commission intermédiaire provinciale et les bureaux intermédiaires qui fonctionnaient sous son contrôle furent composés d'hommes compétents et en général zélés ; les procureurs-syndics attachés comme agents d'exécution à ces corps administratifs étaient tous à la hauteur de leur tâche. L'activité des uns et des autres est un fait indéniable. Mais des obstacles de toutes sortes empêchèrent cette activité d'être efficace. L'administration nouvelle, à ses deux degrés, dut compter avec de sérieuses difficultés. Du côté des institutions récemment établies, comme les municipalités, l'inexpérience et parfois la défiance et l'insoumission furent les principales causes d'achoppement. Les institutions anciennes, tribunaux d'élection et Cour des aides, corps des ponts et chaussées, subdélégations 1 Arch. dép., Calvados, C 8262. Il ne s'agit plus, ajoute le bureau intermédiaire, d'une simple surveillance sur les opérations des assemblées, mais bien d'un partage de l'autorité executive ; si cette autorité est mi-partie, si l'exercice en est encbe- vêtré, si ses différents mobiles ne coïncident pas avec la plus exacte précision, il faut renoncer à l'espoir des avantages que la bienfaisance du roi se promettait de notre institution. » 138 l'administration désorganisée et intendance, loin d'apporter leur concours aux nouveaux pou- voirs régionaux, les jalousèrent, leur firent une guerre tantôt sourde et tantôt ouverte, paralysèrent à tout moment leur action. Aussi, dès 1788, des germes de décadence apparaissent aux enthousiasmes du début succèdent très vite les désillusions et le découragement. Les ressorts de l'administration se brisent dans un conflit sans issue. Vienne le mouvement révolutionnaire, nul pouvoir établi n'aura assez de vigueur pour le contenir ou le diriger. Le pays est mûr pour l'anarchie administrative. IMPORTANCE DES ASSEMBLÉES DE DEPARTEMENT DE 1788 139 CHAPITRE VII LES ASSEMBLÉES DE DÉPARTEMENT OCTOBRE 1788 Importance des assemblées de département de 1788. — Leur composition. Leurs bureaux et leur programme de travail. — L'enquête économique de 1788. — Vœux de ces assemblées en matière 1° d'impositions taille, capitation non taillable, vingtièmes ; 2° de travaux publics routes, ponts, passage du Vey ; 3° de bien public agriculture et élevage, industrie, commerce, mendicité, hygiène ; 4° d'administration obser- vations sur le Règlement du 15 juillet 1787. — Tendance générale de ces vœux et observations, œuvre de privilégiés. Par ses instructions du 3 novembre 1787, le roi avait fixé au mois d'octobre de chaque année la tenue des assemblées de département dans la généralité de Caen, et limité à une quin- zaine de jours la durée de leur session. Elles devaient précéder la tenue de l'Assemblée provinciale, afin que leurs travaux pussent éclairer les décisions de celle-ci. Cette mesure marquait nettement leur caractère de subordination, les plaçait à un rang secondaire dans l'organisation administrative de la province. Or, en 1788, par suite de la convocation des Notables, les Assemblées provinciales ne se réunirent point. Cette interruption de leur tenue, que Necker déclarait momentanée » a, et qui devait être définitive, fit passer au premier plan les assemblées de département, qui devenaient les plus hautes assemblées déli- bérantes de la généralité. Les procès-verbaux de leurs délibé- rations devaient être transmis à Necker par la voie des procureurs syndics sans aucun intermédiaire. Fières de ce droit d'adresse que les circonstances leur avaient accordé, les neuf assemblées de la généralité de Caen profitèrent de leur session de 1788, qui devait être aussi la dernière, pour 1 Arch. dép., Calvados, C 7667. Necker la motiva par la présence obligatoire d'assez nombreux présidents et membres des Assemblées provinciales à l'Assemblée des notables, convoquée pour le 3 novembre 1788. 140 COMPOSITION DES ASSEMBLÉES DE DÉPARTEMENT remplir le vaste programme de travail qu'avaient dressé leurs procureurs-syndics et leurs bureaux intermédiaires, et soumettre à un examen des plus sérieux les divers objets dont l'administra- tion leur était confiée. La composition de ces assemblées n'avait pas très sensiblement varié depuis 1787. Les modifications qui s'y étaient introduites étaient dues à des décès, des démissions ou des incompatibilités. A Bayeux, une lettre d'excuses de l'évêque président, reçue à la dernière heure, força l'assemblée à se choisir comme président intérimaire le chevalier de Berné . Trois projets sont présentés à l'assemblée d'A- vranches pour le tracé . En un mot, une active campagne fut entreprise, et toute la Normandie se crut à la veille de rede- venir une grande province indivisible et indépendante. La généralité de Caen prit une grande part à cette campagne. Ses différents organes administratifs, Commission et bureaux intermédiaires, assemblées de département, municipalités urbai- nes et rurales se firent les interprètes du vœu public. Ils s'y crurent autorisés par les termes de l'arrêt du Conseil du 5 juillet 1788, invitant les officiers municipaux des villes et des commu- nautés ainsi que tous les corps constitués, à rechercher dans leurs archives tout ce qui concernait les anciens Etats généraux du royaume. Leur grande habileté consista à lier deux questions distinctes, celle des Etats généraux et celle des Etats provinciaux, à subordonner la solution de la première à celle de la seconde, à demander que le rétablissement des Etats particuliers de la Normandie fût antérieur à la convocation des Etats généraux. Nulle part la nécessité d'associer ces deux mesures ne fut mieux exposée que dans le mémoire rédigé après la tenue d'une assem- blée générale à l'hôtel de ville de Caen, le 30 septembre 1788, par les deux commissaires désignés à cet effet Gosset de la Rousserie, conseiller au bailliage, et Costy, avocat, bailli de Courseulles. 1 Un Mémoire concernant les anciens Etals de Normandie, manuscrit non daté, mais qui a été rédigé dans le dernier trimestre de 1788, porte la signature du duc d'Harcourt. Il est conservé aux archives du château d'Harcourt, liasse 337. — Dans le même dossier ligure une note de la main du duc, relative aux Etals géné- raux de 1302 à 1496. 2 Ibid., liasse 338. Lettre de dom Lenoir au duc d'Harcourt, 30 octobre 1788. 3 Ibid., liasse 338. Lettres écrites au duc d'Harcourt par Duperie de Lisle, lieu- tenant général du bailliage de Caen, les 18 août, 10 novembre et 7 décembre 1788, envoi de renseignements extraits des archives du bailliage et de l'hôtel de ville de Caen, et d'une nouvelle édition de la Charte aux Normands. — Cf. Aperçu des cahiers des Etats généraux de la province de Normandie, tenus vers la fin du XVIe siècle et dans les cinquante-cinq premières années du XVIIe, pour servir de continuation aux éclaircissements donnés par le bailliage d'Orbec, s. 1. 1788, 27 p. 4 Ibid., liasse 338. Lettre du marquis d'Héricy-Vaussieux à la duchesse d'Har- court, 5 août 1788. SON POINT DE DEPART 159 Si la Normandie, disaient-ils, n'a point, avant l'Assemblée de la nation, présenté ses cahiers, les doléances du peuple, les impôts qui détruisent son commerce, ses manufactures et ses fabriques, ceux qui nuisent au progrès de l'agriculture, et les impôts qu'il serait possible de substituer, les formes les plus c avantageuses de perception, l'abus de quelques privilèges particuliers, comment se formerait l'ouvrage important que Votre Majesté, aidée des lumières de son peuple, a pour désir de conduire à sa perfection ? . . . Il semble donc que chacune des provinces doit, avant l'Assemblée de la Nation, méditer et approfondir ses ressources particulières comme ses besoins, et concourir à la plus grande utilité du gouvernement. . . L'uti- e lité des Etats provinciaux est trop vivement sentie pour que nous n'ayons pas l'heureux espoir d'en voir la convocation prochaine précéder l'Assemblée de la Nation » W. Il semble que le point de départ de la campagne des Etats provinciaux dans la généralité de Caen fut un mémoire du bureau intermédiaire de Bayeux. En accusant le 10 septembre 1788, à la Commission intermédiaire provinciale de Caen réception de l'arrêt du Conseil du 8 août qui venait de lui parvenir, ce bureau lui témoignait toute sa joie d'une si heureuse nouvelle et affirmait sa foi dans le prochain rétablissement des Etats normands, qui étaient un droit pour la province. Il adressait quelques jours plus tard, le 15 septembre, un mémoire sur cet objet au comte de Balleroy, procureur -syndic provincial ; émettant d'assez curieuses considérations sur les Etats généraux dont on se lasse- rait avant cinquante ans, il demandait des Etats provinciaux superposés aux trois Assemblées provinciales, et s'applaudissait de la solidité de la réclamation, jointe à la grandeur de l'exem- pie » $. Les autres départements de la Basse-Normandie acquiescèrent vite à ce projet. En écrivant aux municipalités de leur ressort pour demander leur vœu sur la forme de la convocation des Etats généraux, les procureurs-syndics de Coutances leur annoncèrent que la future assemblée de département s'occuperait des Etats provinciaux de la Normandie et qu'elle délibérerait sur les avantages qui peuvent résulter de leur rétablissement ou de la continuation des Assemblées provinciales, ou enfin du concours 1 Arch. château d'Harcourt, liasse 338. 2 Arch. dép., Calvados, C 7641. 160 PARTICIPATION DES MUNICIPALITES RURALES ET URBAINES des deux administrations » * ; ils les invitèrent à fournir leurs observations sur cet objet important. Dans plus d'une paroisse des départements de wSaint-Lô, de Coutances, de Valognes, des délibérations furent prises en faveur du rétablissement des Etats particuliers '2. Toutes les paroisses du département de Caen furent appelées à se prononcer sur cette question, et les procu- reurs syndics de Caen, leur envoyèrent même des modèles impri- més de délibérations. Les Assemblées paroissiales se tinrent pour la plupart le dimanche 5 octobre ; quelques-unes le 12 octobre. Il y eut là comme un référendum provoqué parles administra- tions locales, et dont les traces nous ont été conservées i. Il est certain que le mouvement n'a pas été spontané, mais que l'on a obéi à un mot d'ordre. 'Quelques paroisses refusèrent même de délibérer et ajournèrent leur décision à l'époque où l'on saurait la forme de ces anciens Etats pour voir s'il y avait vraiment utilité à les rétablir » *\ Dans les villes, l'initiative fut plus grande. Dès le 30 septembre, on l'a vu plus haut, une assemblée générale des notables réunie à l'hôtel de ville de Caen décidait à l'unanimité de solliciter du Roi la convocation des Etats de la province de Nor- mandie, pour préparer le grand ouvrage des Etats généraux » ; le 22 octobre, la même ville députait deux échevins à Versailles pour obtenir cette convocation immédiate !7il Le 15 octobre, dans une requête où ils résumaient l'histoire des anciens Etats nor mands, les officiers municipaux d'Avranches réclamaient le bé- fice immédiat de l'arrêt du 8 août °. Le 17 octobre c'était le tour 1 Arch. comm., Granville, registre Iter. Délibération du 17 octobre 1788. 2 Exemples à Dampierre, Sainte-Suzanne-sur- Vire, Saint-Jean-de-Uaye dépar- tement de Saint-Lo ; à Valcanville, Saint-Pierre-Eglise département de Valognes; Muneville-sur-Mer, Orval département de Coutances. Arch. communales de ces diverses communes registres des délibérations octobre 1788. Pour Daye, Arch. dép., Calvados non inventorié. 3 Arch. dép., Calvados, C 7632-7635. 4 Ibid.. C 7675. — Le curé de Maisoncelles écrit le 13 octobre que les savants du pays disent que les Etats n'auront rien d'utile, et pie d'ailleurs les Assemblées provinciales sont absolument supprimées de jeudi dernier. » Tbid., C 7675. — Les officiers municipaux de Granville pensent que la plupart des communautés de campagne ne formeront pas de vœu » comme l'espéraient le^ procureurs-syndics de Coutances. Arch. comm., Granville, registre lier, délibération du 17 octobre 1788. — Toutefois celles-ci semblent avoir adhéré au projet, si l'on en croit le rapport du bureau du Bien public de Coutances. Arch. dép., Calvados, C 7699. 5 Arch. comm., Caen. Registre des délibérations BB 96, 30 septembre 1788 et 22 oc- tobre. Cf. 6 Arch. château d'Harcourt, liasse 338. Lettre des officiers municipaux d'Avran- ches au duc d'Harcourt, 15 octobre 1788. PARTICIPATION DES ASSEMBLEES DE DEPARTEMENT lfl du Conseil général de Granville1; le 26 octobre, des officiers municipaux et des notables de Saint -Lô 2 ; le 2 novembre de l'hôtel de ville de Carentan ; le 7, de l'hôtel de ville de Cou- tances W. Le 19 novembre, le maire et les échevins de Cherbourg croient au retour très prochain des Etats, et tout en y réclamant pour leur ville une députation particulière, remercient le roi d'un si grand bienfait . Le 18, un mémoire remarquable du comte de Faudoas, un des procureurs syndics du département de Caen, servait de base à la rédaction d'un arrêté en dix articles sur la formation et le fonctionnement des Etats de Normandie 1,. Le 20 octobre, six jours avant la délibération de l'hôtel de ville, l'assemblée de Saint-Lô prenait un arrêté relatif au même objet 1]. Celui de l'assemblée d'Avranches, au contraire, daté du 21 octobre, suivit de six jours la délibération de la municipalité 1 Arch. comm., Granville. Registre des délibérations 1 1er, délibération du 17 oc- tobre 1788. Cf. Arch. dép., Calvados, C 6354, extrait imprimé des registres des déli- bérations, 6 p. in-4°, et leltre d'envoi des officiers municipaux, 21 octobre 1788. 2 Arch. château d'Hareourt, liasse 338, avec lettre d'envoi du 30 octobre 1788. 3 Arch. comm., Carentan, Registre de délibérations, 2 novembre 1788. 4 Arch. dép.. Calvados, C 6353. Extrait imprimé du registre de délibérations. 12 p. in-8°, et lettre d'envoi du 15 novembre 1788. 5 Arch. comm., Cherbourg, BBS et AA64. Cf. Arch. château d'Hareourt, liasse 338. G Ibid., Bayeux. Registre de délibérations n° 13, délibération du 8 décembre Hss 7 Une circulaire des procureurs-syndics provinciaux, envoyée le "21 septembre 1788 a leurs collègues des neuf départements, aurait contribué à grouper les volon- tés en ce sens. Les procureurs-syndics de Vire y t'ont allusion. Arch. dép.. Calva- dos, C 7725. 8 Ibid., C 7707. 9 Ibid., C 7690. 10 Arch. château d'Hareourt, liasse 338. llj Arch. dép., Calvados. C 7714. 11 12 l'appui du duc d'harcourt de cette ville l. A Bayeux, l'abbé de Pradelle, qui avait été un des initiateurs de toute la campagne par ses Recherches histo- riques sur les Etats généraux et provinciaux, eut des imitateurs. Deux membres de l'assemblée, le baron d'Ecrammeville et l'avo- cat Bunouville lurent le 18 et le 22 octobre des mémoires qui servirent de base au projet du bureau du Bien public, ratifié le 25 octobre 2. Le même jour, l'assemblée de Vire prenait la même résolution 4 DIVERGENCES SUR LE MODE D'ORGANISATION DES ÉTATS la plupart des membres y siégeaient avec voix délibérative, en vertu de leurs titres et qualités. Ce droit héréditaire de séance était incompatible avec les mœurs du temps ; le principe électif devait lui être substitué. On y tenait d'autant plus que les Assem- blées provinciales ne tiraient pas leur origine de libres élections ». Sur ce point il n'y avait qu'un cri W. Quelle devait être la circonscription électorale? Conserverait-on le bailliage comme dans l'ancien système? Les quarante-huit districts judiciaires de la Normandie, bailliages, vicomtes ou hautes justices assimilées auraient envoyé chacun un nombre déterminé de députés des trois ordres aux Etats provinciaux. Tel était l'avis de l'assemblée de Bayeux. Les autres assemblées proposèrent la circonscription financière ou administrative exis- tante l'élection ou département ces deux termes désignant le même ressort dans la généralité de Caen. Ces espèces d'arron- u dissements, en général assez bien faits, disaient les députés de Saint-Lô, semblent concentrer plus particulièrement les intérêts de chaque district par la distribution individuelle d'une masse d'impôts ordonnés par le Conseil. La réunion des intérêts rapproche plus les individus, ils se connaissent mieux, et sont plus à portée de connaître les qualités personnelles des membres qu'ils doivent choisir » 'lK Même fluctuation d'avis sur le nombre de députés que devaient contenir les Etats provinciaux. L'assemblée de Coutances, qui sollicitait des Etats particuliers pour la seule généralité de Caen, fixait ce nombre à 108 douze par élection ; l'assemblée de Bayeux en adoptant le bailliage comme base électorale, demandait 195 députés pour la province entière {i\ La municipalité de Granville, considérant la grande population de la Normandie, la somme énorme d'impôts qu'elle acquittait, demandait qu'on accordât à cette province un nombre de représentants propor- tionné à son influence politique, et proposait le chiffre de 576 4>. 1 Il n'y aura plus d'autre droit de séance que celui résultant d'une élection libre », décide l'assemblée de Saint-Lô. Arch. dép., Manche, »-i 628. — - négociants pour Rouen, Caen et Le Havre. 4 Arch. comm., Granville. Reg. des délibérations, 17 octobre 1788. Cf. Arch. châ- teau d'Harcourt, liasse 338. VOEU GÉNÉRAL FAVORABLE AU VOTE PAR TETE 165 Quelle devait être dans l'ensemble de cette représentation la part proportionnelle de chaque ordre? S'appuyant de l'exemple du Roi, qui avait décidé le doublement du Tiers dans la forma- tion des Assemblées provinciales, l'opinion réclama la même organisation pour les futurs Etats provinciaux. En général on désirait les voir composés à l'instar de ceux du Dauphiné, c'est-à- dire pour un sixième du clergé, pour un tiers de la noblesse et pour la moitié du Tiers état. Le clergé, abonné, payait moins que la noblesse et avait droit à une représentation moins forte ; quant au Tiers, qui payait la majeure partie des impôts, et dont les intérêts étaient souvent en opposition avec ceux des ordres privilégiés, il était juste de l'appeler aux Etats en nombre égal à celui des ecclésiastiques et des seigneurs réunis. Si la composition des Etats n'avait point été calquée sur celle des Assemblées provinciales, la province aurait perdu au change. Le Tiers état, après avoir été, comme le rappelait la municipalité d'Avranches, le marchepied, le sommier qui porte tout le faix », avait grandi en importance et tenait à ce que l'influence des divers ordres fût suffisamment balancée » l. Aussi faisait-il de sa double représentation une condition essentielle du rétablisse- ment des Etats provinciaux. Au cas où le roi refuserait de la lui accorder, il le suppliait de laisser les choses dans l'état où elles étaient actuellement dans la province de Normandie » 2. Ce doublement du Tiers, si énergiquement réclamé, ne pouvait produire tous ses effets que s'il était accompagné de son corollaire logique, la fusion des trois ordres en une assemblée unique au sein des Etats provinciaux. Ainsi se posait la grave question du vote par ordre ou par tête. Elle était déjà résolue pour la tenue des Assemblées provinciales, dont les bureaux avaient été formés par les membres des ordres confondus et dont les suffrages avaient été cueillis au scrutin individuel. La plupart des munici- palités et des assemblées de département demandèrent l'adoption de la même forme pour les Etats provinciaux, cette manière étant propre à accélérer infiniment les affaires. . . » 3. Des vœux d'allure aussi démocratique devaient rencontrer plus d'un adversaire. A l'assemblée de Vire, le procureur syndic 1 Lettre des officiers municipaux d'Avranches au duc d'Harcourt, 15 octobre 1788. Arch. château d'Harcourt, liasse 338. 2 Requête de l'assemblée de département de Caen au Roi, 25 octobre 1788. Ibid., liasse 338. 3 Vœu de l'assemblée de Saint-Lô. Arch. dép., Manche, C 628. Même vœu des assemblées de Coutances, de Valognes ; des villes de Caen, Rayeux, Granville. 166 LES PARTISANS DU VOTE PAR ORDRE noble protesta, au nom de ses collègues de la noblesse, presque tous absents, contre le doublement du Tiers et le vote par têteW. Dans un département voisin, celui de Falaise, dont les voix allaient se mêler à celles des électeurs de la généralité de Caen pendant les opérations de la convocation des Etats généraux, le même esprit d'opposition se manifesta. Le procureur-syndic du clergé et de la noblesse, le marquis de Ségrie, se fit, dans une lettre au duc d'Harcourt, l'interprète assez violent des craintes que la prépondérance future » du Tiers état inspirait aux ordres privilégiés. Cet ordre, dit-il, étant composé en majeure partie de rustres sans éducation, usant de leurs avantages sans aucune retenue, quand un paysan aura pris son seigneur en aide de taille, quand il le verra inscrit à côté de lui sur le rôle de la corvée, quel respect pourra lui inspirer l'eau bénite et la préséance dans le chœur ? Cette vaine distinction ne sera plus qu'un objet de dérision. Il est évident que le but de cette politique est d'affaiblir l'ordre de la noblesse par le Tiers état. N'est-il pas à craindre que M. Necker, républicain, ne favorise ce système? Il est grand temps de protester contre la nouvelle formation, qui renverse absolument l'ancienne constitution. Il est à craindre qu'on ne veuille l'introduire dans la composition des Etats provinciaux »?. En dépit de quelques voix discordantes et de tendances rétro- grades isolées, la cause du Tiers état était gagnée dans l'opinion publique. Celle-ci se prononçait pour le retour des Etats provin- ciaux bien conformes et bien organisés » 3>, c'est-à-dire adaptés aux besoins nouveaux du pays. Elle se montrait favorable au maintien du régime administratif nouvellement établi, au sys- tème des commissions intermédiaires permanentes, des assem- blées de département, des municipalités rurales. Elle réclamait le doublement du Tiers, le vote par tête et le principe de la libre élection substitué à celui de la désignation par le roi ou du recru- tement par cooptation. A y regarder de près, ses desiderata étaient ou réalisés ou à la veille de l'être. L'édit de 1787 y avait satisfait ou y promettait prompte satisfaction. Au premier cri de la croisade entreprise pour le rétablissement Cl Arch. dép., Calvados, C 7725. 2 Lettre du marquis de Ségrie, 31 octobre 1788. Arch. château d'Harcourt, liasse 338. — Lettre du comte de Vendœuvre, président de l'assemblée de Falaise, au duc d'Harcourt, 1er novembre 1788 Si l'on vote par ordre, le nombre des députés de chaque ordre sera indifférent, mais si au contraire on se détermine à compter les voix, alors le Tiers état aurait trop d'avantage. » Ibid., liasse 338. 3 Lettre du comte de Balleroy au duc d'Harcourt, 23 octobre 1788. Ibid., liasse 338. DÉBATS SUR LE CHOIX DU CHEF-LIEU 167 des Etats provinciaux, les partisans du passé avaient évoqué l'image de la Normandie féodale, du duché souverain avec ses antiques privilèges, les prérogatives de ses premiers ordres. Quand il s'agit d'organiser pratiquement ce rêve, les rédacteurs de projets reconnurent la nécessité d'introduire des change- ments dans les formes anciennes », et ils ne trouvèrent rien de mieux que l'organisation administrative existante. Que le but poursuivi fût la constitution d'Etats généraux de la province ou d'Etats particuliers à chaque généralité, ces Etats devaient être la continuation des Assemblées provinciales. Plus d'une assem- blée de département, en 1788, fit le rapprochement i. Selon le mot des procureurs syndics de Coutances, ce que la Basse-Nor- mandie demandait ressemblait si fort à l'Assemblée provinciale, qu'elle ne paraissait demander qu'un changement de nom » 3. Une autre question agitait les esprits dans quelle ville se réu- nirait l'assemblée des futurs Etats provinciaux? Le débat était circonscrit entre deux villes Rouen, capitale de la province, importante par sa population, son commerce, sa richesse, et Caen, la principale ville de la Basse-Normandie, située dans une position plus centrale. Tous les regards se tournèrent vers le duc d'Harcourt les partisans de l'une et l'autre ville sollicitèrent sa puissante intervention en leur faveur. L'intendant de Rouen plaida chaleureusement la cause de cette ville ; il fit craindre au gouvernement les suites fâcheuses qu'entraînerait l'opposition du Parlement et de la Chambre des Comptes, il lui signala l'es- prit d'insurrection » qui commençait déjà à gagner Rouen, Le Havre, Dieppe, Honfleur et les environs. De son côté, le comte de Balleroy, procureur syndic noble de la Basse-Normandie, priait le duc d'Harcourt de faire établir les Etats au centre de la province et surtout hors de portée des influences contraires, qui pourraient occasionner des choses toujours dommageables à 1 Avch- dép., Calvados, C 7699. La suppression de l'Assemblée provinciale sera une suite nécessaire de notre projet », dit le bureau du Bien public de Coutances. Nous avons pensé, dit le département de Caen en soumettant son projet au duc d'Harcourt, que la composition actuelle des Assemblées provinciales en Normandie paraissait présenter la manière la plus avantageuse de former une bonne adminis- tration, à cause de l'activité de sa correspondance et de la quantité des personnes des trois ordres qui, participant tous également aux différents détails de l'adminis- tration, veillent à l'intérêt commun... nous avons préféré d'assimiler le genre d'ad- ministration de la province au régime nouveau que nous désirons que Votre Majesté daigne adopter pour la formation des Etats de Normandie. » 2 Ibid., C 7641. 168 AJOURNEMENT DE LA RESTAURATION DES ÉTATS la chose publique » U. Les préférences du duc d'Harcourt étaient connues on savait que, pour éloigner des Etats l'influence toujours redoutable des cours souveraines de Normandie, il proposerait au roi le choix de Caen comme siège des futurs Etats provinciaux. Cette résolution avait suscité des enthousiasmes en Basse-Normandie ' 'l\ de graves mécontentements dans la Haute. Ainsi au moment même où la province, qui semblait aspirer au rétablissement de son unité, allait toucher au but de ses désirs, des germes de division éclataient et sous cette trompeuse harmo- nie perçait un antagonisme réel. La Normandie, déjà désarticulée, déjà sectionnée au point de vue administratif, l'était également au point de vue moral. L'unité normande était alors une chimère. Les circonstances s'opposèrent d'ailleurs à la réalisation immé- diate de ce projet. Ce fut en vain que, le 21 janvier 1789, le duc d'Harcourt envoya à Laurent de Villedeuil, ministre de la pro- vince, une invitation très pressante en vue de l'établissement d'une assemblée consultative, élue en même temps que les dépu- tés aux Etats généraux, et qui se joindrait à ceux-ci à Caen au mois de mars, pour travailler en commun au plan de formation des Etats particuliers ». Ce fut vainement qu'il menaça la Cour d'une insurrection de la Normandie 3. Necker, pour expliquer son retard, prétexta un travail de dépouillement considérable, occa- sionné par la multitude des requêtes arrivées de tous les points du royaume. Il consentit à la réunion consultative désirée par d'Harcourt sans pouvoir rien dire de positif sur le lieu, la forme et l'époque de cette assemblée préalable ». Il l'autorisa à faire connaître à la Normandie, en envoyant les lettres de convocation pour les Etats généraux, qu'elles seraient prochainement suivies 1 Arch. château d'Harcourt, liasse 338. Lettre de Maussion, intendant de Rouen, au duc d'Harcourt, 31 décembre 1788. — Ibid., lettre du comte de Balleroy au même, 23 octobre 1788. ? Traces d'une campagne entreprise par le bureau intermédiaire de Caen, qui provoque près des huit autres bureaux de la généralité une pétition en faveur de Caen. Arch. dép., Calvados, C 7668. — La Basse-Normandie crut, d'après un bruit qui courut alors, que les Etats étaient rendus à la province. Des lettres adressées au duc d'Harcourt les 7, 15 et 18 janvier 1789, par les députés des départements de Caen, de Saint-Lô et de Vire, pour lui demander sa protection en faveur de Caen comme siège des Etats provinciaux, regardent le rétablissement de ceux-ci comme un acte consommé ». Arch. château d'Harcourt, liasse 339. 3 Arch. nat, Bm 132. Lettre du duc d'Harcourt à Villedeuil, 21 janvier 1789. Je ne vous cacherai pas que si son vœu n'était pas écouté, qu'elle fût trompée dans cet espoir qu'elle a attendu de son silence et de sa soumission, il serait fort possible que la fermentation qui ne s'est que trop étendue dans d'autres provinces, se communi- PROMESSE D'ORGANISATION PROCHAINE 169 d'un règlement particulier concernant les Etats provinciaux l!. Quelques jours plus tard, pour simplifier l'opération, il fut décidé que cette assemblée consultative pouvait être exclusive- ment formée par les députés librement élus pour représenter la province et stipuler ses plus chers intérêts aux Etats généraux, sans qu'on leur en adjoignit d'autres ». Les députés des bailliages pourraient se réunir si le temps le leur permettait, soit en tel lieu de la province qui leur serait indiqué, soit de préférence dans le lieu même de la convocation des Etats généraux », pour aviser à l'organisation future de la Normandie 2. Par cette mesure habile, on évitait de trancher la question de préséance entre Rouen et Caen et l'on ajournait les difficultés inhérentes au rétablissement des Etats. Toutefois, pour donner satisfaction aux aspirations de la province, on prescrivait aux sujets des trois ordres de donner à leurs députés une mission particulière pour dresser un plan de formation des Etats pro- vinciaux ». Cette question restait donc entière en mars 1789. Le bruit qu'elle avait soulevé n'était pas encore éteint. Nous en retrouverons l'écho dans la plupart des cahiers de dolé- ances. 1 Arch. nat., B m 132. Lettre de tfecker au duc d'Harcourt, 25 janvier 17* 2 Ibid. Lettre de Villedeuil à Necker, 29 janvier 1789. 170 l'arrêt du conseil du 5 juillet 1788 CHAPITRE IX LA CONVOCATION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. ,E MOUVEMENT ÉLECTORAL DANS LES BAILLIAGES DE CAEN ET DE COUTANCES Influence successivement exercée sur l'opinion publique par l'arrêt du Conseil du 5 juillet 1788, les avis des Notables et le Résultat du Conseil du 27 décembre 1788. — Malaise économique et agitation populaire. L'émeute de Caen, 5 janvier 1789. Le Règlement du 24 janvier 1789. Réclamations qu'il soulève. — Méca- nisme des opérations électorales des trois ordres. Effacement des agents du pouvoir central et liberté relative des élections. Le mouvement électoral du clergé. Inquiétude du haut clergé ; attitude hostile du bas clergé. — Le mouvement électoral de la noblesse ; conservateurs et libéraux. — Le mouvement électoral du Tiers état. 1° Assemblées primaires des campagnes. La comparution individuelle. Condition sociale des députés ruraux envoyés aux assemblées préli- minaires des bailliages rôle actif des hommes de loi. — Dans les villes, assemblées préparatoires des corps et corporations élimina- tion du prolétariat industriel ; prépondérance des corps judiciaires. Assemblées des citoyens non incorporés. — Assemblées plénières urbaines. — 2° Assemblées préliminaires des bailliages. La compa- rution des paroisses. L'élection des commissaires rédacteurs du quart réduit. Effacement des députés ruraux au profit de la bourgeoi- sie et de la robe. Depuis le 19 novembre 1787, jour où le roi avait promis la convocation assez prochaine des Etats généraux, l'attention de tous les esprits éclairés, et ils étaient nombreux en Normandie, avait été attirée sur cet important objet. Aussi, lorsque l'arrêt du 5 juillet 1788 eut prescrit de rechercher dans les greffes des villes et des juridictions les documents relatifs à cette convo- cation, lorsque l'arrêt du 8 août suivant eut fixé la date de leur réunion au 1er mai 1789 V, un immense mouvement d'opinion 1 Arrêt du Conseil d'Etat, concernant la convocation des Etats généraux du royaume, 5 juillet 1788. A. Brette, Recueil de documents, I, p. 19-23. — Arrêt du Con- seil d Etat qui fixe au 1er mai prochain la tenue des Etats généraux du royaume, etc. Ibid., p. 23-25. LES AVIS DE LASSEMBLÉE DES NOTABLES 171 se déchaîna dans cette province. La Normandie n'eut pas besoin de se recueillir longtemps elle était toute prête à répondre. Elle se hâta d'autant plus qu'elle avait lié à la question des Etats généraux celle du rétablissement des anciens Etats provinciaux, et qu'elle attachait un grand prix à la possession immédiate de ces derniers 1. Un autre stimulant fut l'annonce, pour le 3 no- vembre 1788, d'une nouvelle assemblée de Notables destinée à éclairer le gouvernement sur la meilleure forme des futurs Etats généraux. La Normandie, qui devait y compter trois députés 2>, s'empressa de formuler, à titre d'indication et de conseil, ses préférences sur le mode de la convocation. Dans la Basse-Nor- mandie, dès le début d'octobre 1788, municipalités de villes et de campagnes, Commission et bureaux intermédiaires, assem- blées de département prirent des délibérations, rédigèrent des arrêtés, des mémoires, des pétitions sur cet objets. Il n'y eut pour ainsi dire qu'un seul cri pour répudier la forme surannée de 1614. Aussi, quand arriva la nouvelle des avis rétrogrades donnés au roi par les Notables, des protestations s'élevèrent de tous les coins de la Normandie. Dans la généralité de Caen, ce fut Vire qui donna l'exemple. Une pétition circula en novembre dans toutes les maisons ; couverte de plus de deux cents signa- tures et arrêtée le 30 novembre, elle fut apportée le 6 décembre sur le bureau de l'hôtel de ville -lK Les officiers municipaux l'adres- Une déclaration royale du 23 septembre avait annoncé l'ouverture des Etats généraux pour le mois de janvier 1789. — A. Brette, ouv. cité, l, p. 25-27. Le résultat du Conseil du 27 décembre la fixa définitivement au 27 avril. Ibid., p. 37. Elle n'eut lieu, en réalité, que le 4 mai 1789. 1 Voir chap. VIII, p. 158 et suivantes. 2 Le duc d'Harcourt, le duc de Coigny et Ménage de Cagny, maire de Caen. 3 Délibérations des municipalités rurales dans le département de Saint-Lô, Sainte-Suzanne-sur-Vire 12 octobre; Dampierre et Saint-Jean-de-Daye 19 octobre, Arch. dép. Calvados, non inventorié ; dans le département de Coutances, Muneville- sur-Mer 12 octobre, Arch. comm. Muneville ; Orval 19 octobre, Ibid., Orval ; men- tion des délibérations d'Agon. Bréville, Arch. dép. Calvados, C 7699. — Délibérations des municipalités de villes Granville 17 octobre, Arch. comm., registre de délibé- rations lier; Saint-Lù 26 octobre; Arch. château d'Harcourt, liasse 338; Carentan 2 novembre, Arch. comm., registre des délibérations. — Arrêtés des assemblées de département Mortain 14 octobre 1788, Arch. dép. Calvados, C 7707 ; Carentan 16 octobre, Ibid., C 7690 ; Vire 20 octobre, Ibid., C 7725 ; Saint-Lô 20 octobre, lbid., Manche, C 628 ; Baveux 25 octobre, Ibid., Calvados, C 7654 ; Coutances et Valognes 29 octobre, Ibid., C 7699, 7720. 4 Mémoire que présentent à MM. les maire et échevins de la ville de Vire les gardes jurés de la manufacture de draps, négociants, marchands, fabriquons et autres citoyens de Vordre du Tiers état de la dite ville. Arrêté le 30 novembre 178H. Arch. nat., Ba 27, liasse 45. 172 PROTESTATION GÉNÉRALE DU TIERS ÉTAT sèrent au roi, en y joignant une délibération qui l'approuvait entièrement '0t Le mémoire des communautés et corporations du Tiers état de Rouen, que la municipalité de cette ville adopta à la même époque, et qu'elle envoya à toutes les municipalités du royaume, devait avoir plus de retentissement encore W. Cette adresse de Rouen encouragea les revendications de la Basse-Normandie et leur servit de guide. Pendant tout le mois de décembre, le Tiers état des villes manifesta sa surprise et son mécontentement à l'égard des décisions des Notables et pria le roi de passer outre ; communautés et corporations, avocats des bailliages envoyèrent au garde des sceaux ou à Necker, soit directement, soit par l'intermédiaire des assemblées de villes, qui les accompagnaient d'une délibération spéciale, de respec- tueuses mais fermes pétitions. Tour à tour, l'on voit entrer en scène Avranches 3, Granville 4, Saint-Lô 5, Bayeux 6, Caen y, Barfleur et son arrondissement ^8, Cherbourg °, Bricquebec et 1 Délibération du 6 décembre 1788. Arch. comm. Vire, registre de délibérations. 2 Mémoire des communautés el corporations du Tiers état de Rouen, approuvé par ÏHôtel de ville de Rouen, le 30 novembre 1788 ; publié par Hippeau, Le gouvernement de Normandie, tome VJ, p. 171-178. 3 Arch. dép. Calvados, C 6348. Mémoire présenté au roi par les maire et èchevins de la ville d' Avranches 1er décembre 1788. Avranches, Lecourt, 18 p. 11 reproduisait les vœux exprimés par le Mémoire des avocats du bailliage d' Avranches, 17 p., imprimé ;i la même date. Ce dernier mémoire fut adressé, le 31 décembre 1788, à la chancellerie par le barreau d'Avranches. Arch. nat., Ba 35, liasse 70. 4 Arch. comm. Granville, Registre de délibérations, 1 1er, 5 décembre 1788. 5 Mémoire des citoyens du Tiers état de Saint-Lô, du 5 décembre 1788, suivi de la délibération du 7 décembre 1788, avec lettre d'envoi des officiers municipaux au garde des sceaux, du même jour. Arch. nat., Ba 35, Le 16 décembre, Le Menuet en- voyait à Necker un Mémoire des avocats du bailliage de Saint-Lô, rédigé le jour même. Ibid. 6 Ré vint donner satisfaction partielle aux demandes des Bas-Normands. Il annon- çait que le nombre total des députés aux Etats généraux serait formé autant que possible en raison composée de la population et des contributions de chaque bailliage, que le nombre des dépu- tés du Tiers état serait égal à celui des deux autres ordres réunis et que les prochaines lettres de convocation établiraient cette proportion. Le roi avait donc repoussé l'avis des notables. Bien plus, adoptant les vues de Necker, il traçait tout un programme de réformes et comme un cahier général modèle de doléances ; il y promettait la périodicité des Etats généraux, le rétablissement immédiat des Etats provinciaux 2, le consentement de l'impôt par la nation, des lois sur la liberté individuelle et la liberté de la presse, le compte exact des dépenses annuelles. En un mot, au seuil même des élections, le roi décrétait une révolution pacifique et réglée fi. 1 Résultai du Conseil d'Etal tenu à Versailles devant le roi 27 décembre 1788. A. Brette, ouv. cité. I, p. 37. 2 On crut même alors que ce rétablissement était un acte consommé ». Voir chapitre VIII. p. 108. 3 Aulard. Histoire de lu Révolution française, p. 32, et le Programme royal aux élections de 17B% dans Etudes et leçons sur la Révolution française, lrt série, p. 41-54. LACUNES DES CONCESSIONS ROYALES 175 Le Résultat du Conseil fut accueilli en Basse-Normandie avec une respectueuse reconnaissance ». Plusieurs villes exprimèrent au roi par des Adresses de remercîments » la douce émotion » qu'elles avaient ressentie à sa lecture. On a conservé celles de Vire *, de Saint-Lô % de Valognes 3>, et deBayeux 4. Toutefois il y avait des lacunes dans les concessions royales. La Normandie n'avait reçu aucune réponse à deux de ses deman- des les plus pressantes l'interdiction à la noblesse du droit de représenter le Tiers état et la promesse du vote par tête dans une assemblée unique. La récente déclaration du gouvernement était muette sur ces deux points. Les villes de Basse-Normandie, tout en s'avouant satisfaites des résultats obtenus, résolurent de ne pas s'endormir sur une demi-victoire. Elles pensèrent, avec la commune de Rouen, que sur le premier point les justes motifs de la pétition du Tiers n'avaient pas cessé d'exister » et elles se promirent d'user de circonspection clans leur choix. Elles persé- vérèrent dans leur projet d'unification de la future assemblée, et pénétrées du même esprit de concorde et de résignation que Rouen, elles attendirent de l'évidence des principes, du doux empire de la persuasion et du désir commun du bien public, que les trois ordres, cessant de se regarder comme trois frac- tions de la nation et de s'isoler comme des partis contraires, consentissent à s'y réunir pour former par des délibérations communes cette unité désirable sans laquelle on concevrait difficilement une vraie et utile représentation nationale ». L'union fraternelle des trois ordres en vue de soulager les charges du peuple aurait été plus que jamais nécessaire à ce mo- ment, où l'agitation provoquée par la misère et les souffrances publiques menaçait la sécurité et pouvait susciter de graves embarras au gouvernement. L'hiver de 1789 avait été long et rigoureux. Epuisé par une série d'années mauvaises 5, le peuple 1 17 janvier 1789. Arch. comm. Vire. Registre des délibérations, BB1. 2 Adresse de remercîments au roi par les officiers municipaux de Saint-Lù 19 jan- vier 1789. Arch. nat., Ba 35, 1. 70. 3 Adresse de remercîments des officiers municipaux au garde des sceaux Barentin. 20 janvier 1789. lbid., Ba 35, 1. 70. 4 Adresse de remercîments au roi par les officiers municipaux. 21 janvier 1789. Ibid., Ba 27, 1. 45. A Caen, lorsqu'on annonça à l'audience du bailliage la nouvelle de la double représentation du Tiers, des applaudissements unanimes éclatèrent dans la salle ». On fut toutefois surpris que le roi y eût consenti. Esnault, Mémoires de la ville de Caefi, p. 1.. 5 Etat de la récolte de 1788 adressé par l'intendant, 31 octobre 1788. Arch. dép., Calvados, C 2638 et 2711. — On trouve la trace de l'inquiétude des campagnes dans 170 MALAISE ÉCONOMIQUE. L'ÉMEUTE DE CAEN des campagnes était réduit à la plus grande détresse le froment, le sarrasin, nourriture principale du paysan bas-normand, le cidre manquaient. Des épizooties avaient décimé le bétail ; la rareté du bois rendait le combustible très cher. Ce profond malaise économique, supporté avec résignation dans les villages, amena des désordres dans les villes, où les souffrances s'exaspé- raient par le contact. La moindre occasion y était propice à l'émeute. A Caen, le 5 janvier 1789, veille de l'Epiphanie, les boulangers, avec l'autorisation du lieutenant général de police, avaient supprimé la distribution traditionnelle du gâteau des Rois » al La foule irritée força et pilla leurs boutiques ; elle se rua ensuite à l'hôtel du lieutenant général qu'elle envahit. Elle en brisa les portes et les fenêtres, vola tous les meubles de la cuisine, les nipes de la domestique, tenta de mettre le feu à la maison, brisa les bois et les volets des fenêtres et les jeta dans la rue W. Les troupes de la garnison et la milice bourgeoise purent contenir l'émeute, mais la situation était grave et il fallut prendre des mesures urgentes pour secourir les indigents et faire cesser les troubles. On chercha des ressources de tous côtés. Le nouveau directeur du théâtre de Caen donna une représentation au béné- fice des pauvres T!; les grenadiers du régiment d'Artois, qui étaient de garde aux représentations, abandonnèrent au profit de ceux-ci la solde attachée à leur service. Les prieur et juges- consuls versèrent la dépense de leur repas de corps annuel, soit livres, entre les mains des curés de la ville qui préparaient les Onservations générales annexées aux états d'imposition de 1788 conservés pour les les élections de Caen et de Vire ; voir les paroisses suivantes 1° dans l'élection de Caen Benouville, Arch. dép., Calvados, C 7835 ; Billy, C 7841 ; Bissières, C 7812 ; Blainville, C 7843 ; Cheux, C 7865 ; Colle ville-sur- Orne, C 7871 ; Colombelles, C 787-2 ; Espins, C 7887 ; Grainville-sur-Odon, C 7906 ; Grcntheville, C 7907 Juvi- gny, C 7919; Le Locheur, C 7926; Longvillers, C 7927; Montigny, C 7942 ; Monts, C7943; les Moutiers, C 7947; Mutrécy, C 7948; Parfouru, C 7953; Bocquancourl. C 7963 ; Saint-Aubin-d'Arquenay, C 7969 ; Saint-Ouen-du-Mesnil-Oger, C 7979 ; Saint-Pair, C 7980; Saint-Pierre-du-Jonquet, C 7981 ; Sannerville, C 7987 ; Touffre- ville, C 7996 ; Troarn, C 8000 ; Troismonts, C 8001 ; Vacognes, C 8002 ; Valineray. C 8004 Vieux, C 8009; — 2° dans l'élection de Vire Champ-du-Boult, C 8026 ; La Lande-Vaumont, C8041; Le Mesnil-Benoît, C 8046 ; Ondefontainc, C 8053 ; Perrigny, C 8054 ; Saint-Sever, C 8078. 1 Esnault, Mémoires de Caen, t. I, p. 2. Cf. Dufour, Mémoire et Remarques, t. I, p. 29. 2 Lettre de Le Harivel de Gonneville, lieutenant général de police, à l'intendant Cordier de Launay. 6 janvier 1789. — Lettre le celui-ci à Necker même dalej. Arch. dép., Calvados, 26?5 ; Journal de la Basse-Normandie, 1789, n°3. Ou donna en spectacle l'Amant jaloux el la Dut.. 18 janvier 1789. LA FERMENTATION POPULAIRE 177 des soupes économiques et veillaient aux distributions de riz C1. La municipalité enrôla les travailleurs âgés de plus de dix ans pour balayer la neige des rues 2. Un arrêté du bailliage autorisa une quête par paroisse ; les magistrats la firent eux-mêmes et elle rapporta, en quatre jours, la somme de livres, aussitôt distribuée aux curés pour les pauvres 9t Dans toute l'étendue de la généralité de Caen, mêmes souf- frances, même inquiétude, même agitation. Aubin, maire de Condé-sur-Noireau, signale à Necker l'état alarmant des orphe- lins, infirmes et indigents, prêts à mourir de faim et de froid » après de longs mois de privations 4. La municipalité de Gran- ville organise des soupes populaires et un magasin de blé 5; celle de Vire, des ateliers de charité 6; à Carentan, des distri- butions d'argent ont lieu ?. Sur une requête pressante de la Com- mission intermédiaire provinciale de Caen, Necker autorise celle-ci à prélever, en faveur des pauvres de la généralité, une somme de livres sur les fonds libres de la capitation 8. L'inten- dant Cordier de Launay obtient du ministre une somme de livres, destinée à payer l'approvisionnement en grains qu'un négociant de Caen a fournis 9. Ces dons insuffisants, rapidement engouffrés, font courte trêve à la misère et n'em- pêchent ni les grondements ni les troubles populaires. L'arrêt du Conseil du 23 novembre 1788, laissant libre cours à la circulation des grains dans l'intérieur du royaume, inquiète et agite le peuple dans presque toutes les élections de la généralité , écrit l'intendant ; les murmures et la fermentation sont à leur com- ble »10. Une sédition éclate à Carentan à l'occasion d'un enlève- 1 Journal de la Basse-Normandie. 1789, n° 2, 11 janvier 1789. — Desbordeaux, curé de Saint-Julien de Caen, envoie au rédacteur de ce journal la recette d'une soupe économique qu'il fait pour ses pauvres 30 pots par jour, taisant plus de 100 portions, le tout ne lui coûtant que 6 1. 13 s.. Elle est faite de pommes de terre, graisse, oignons. sel, poivre et pain. Ibid . n° 3, supplément. 2 Arch. comm., Caen, BB™. 3 Journal de la Basse-Normandie, 1789, n° 3, supplément. 4 Lettre d'Aubin, bailli et maire de Condé-sur-Noireau, à Necker, du Ier avril 1789. Arch. comm., Condé-sur-Noireau, BBS. 5 Ibid., Granville, Registre des délibérations, 10 et 19 décembre 1788. 6 Ibid., Vire, Registre des délibérations. 7 Ibid., Carentan, Registre de délibérations, 3 janvier 1789. 8 Lettre de la Commission intermédiaire provinciale, 12 janvier 1789, et réponse de Necker, 29 janvier 1789. Arch. nat., H1 1420. 9 Lettre de Cordier de Launay à Necker, 29 janvier 1789, et réponse de Necker, 7 février 1789. Arch. nat.. II1 1420. 10 Lettre de Cordier de Launay, du 28 mars 1789. Arch. dép., Calvados, C 2688. 12 178 LE RÈGLEMENT DU 24 JANVIER 1789 ment de grains et se propage jusqu'à Saint-Lô ll. Le duc de Beuvron envoie des troupes à Valognes afin que les émeutes ne s'y renouvellent pas » 2. Ce fut au milieu de cette fermen- tation que tomba le Règlement du 24 janvier 1789, qui traçait les règles pour la convocation et l'élection aux Etats généraux W. La convocation, étant un acte de l'autorité judiciaire, se fit par bailliages, selon les anciennes formes, et non par départe- ments, comme le demandait l'opinion publique. L'article 2 du Règlement divisait les bailliages en principaux et secondaires. Cette division n'avait pas pour but de rabaisser au-dessous des bailliages principaux ceux de la deuxième classe la qualification de secondaire n'avait rien d'humiliant pour ces derniers ; le garde des sceaux s'empressa de l'écrire aux officiers de ces juridictions, pour éviter tout froissement 4. Une telle distinction n'était applicable que dans cette circonstance et en matière électorale seulement on l'avait imaginée pour ramener les opérations de la convocation aux formes de 1614. Les bailliages principaux devaient députer directement aux Etats généraux, les bailliages secondaires indirectement et au second degré. Le territoire de la généralité de Caen comprit, approximativement, deux bailliages principaux, ceux de Caen et de Coutances. Au ressort électoral de Caen furent rattachés les bailliages secondaires de Bayeux, Torigni, Vire et Falaise ; à celui de Coutances les bailliages secon- daires de Saint-Lô, Avranches, Valognes, Saint-Sauveur-Lende- lin séant à Périers, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Cérences, Mor- tain et Tinchebrai 5. 1 Arch. dép., Calvados, C 2675. 2 Ibid., C 1970. 3 Règlement fait par le Roi pour l'exécution des lettres de convocation, publié par Brette, ouvr. cité, 1, p. 77. 4 Arch. dép., Calvados, C 6345. 5 M. Brette a publié, dans son Atlas des bailliages ou juridictions assimilées ayant formé unité électorale en 17H9, une carte très précise reproduisant la généralité de Caen dans ses rapports avec les bailliages ou juridictions assimilées qui servirent alors de circonscriptions électorales. Elle montre de façon saisissante l'enchevêtre- ment des diverses juridictions dont les contours sont souvent bizarres, et qui, sous le nom d'extensions, comptent de nombreuses enclaves dans les ressorts parfois très éloignés. Le bailliage de Tinchebrai a trois enclaves dans celui de Caen 1° Coudé, Athis et environs; 2° Aunay et Bauquay ; 3° Coulvains. Falaise a une enclave dans Caen Saint-Ouen-du-Mesnil-Oger. Le bailliage de Torigni envoie dans le bailliage restreint de Saint-Lù une protubérance en forme de trompe. d'Aire! à Rampan. Coutances a deux extensions dans Saint-Sauveur-Lendelin Le Pirou et Gouville. Saint-Sauveur-Lendelin a une enclave dans Coutances Agon, et deux dans Saint- Sauveur-le-Vicomte 1° Saint-Nicolas, Donville ; 2° Besneville. Huit extensions du RÉCLAMATIONS DES BAILLIAGES 179 La situation était moins nette que ne semblait le supposer le Règlement du 24 janvier. A peine connut-on les termes de celui-ci que des réclamations nombreuses se produisirent 0. Si les bail- liages secondaires de Caen acceptèrent la situation provisoire qui leur était faite, plusieurs de ceux du Cotentin protestèrent. Angot, bailli de robe longue du siège de Saint-Sauveur-le-Vicomtc écrivit au garde des sceaux qu'il fermerait les yeux sur le droit de son bailliage à députer directement aux Etats généraux 2. Les officiers du bailliage de Valognes rappelèrent à Necker l'étendue, la population, les charges fiscales de leur ressort et la considération toute spéciale dont il aurait dû être l'objet 3. Ce fut à Mortain que les récriminations furent les plus vives. Après le comte de Sourdeval, président de l'assemblée de département W, Vaufleury de Saint-Cyr, lieutenant général du bailliage, et le comte de Géraldin, grand bailli d'épée, firent valoir avec insis- tance les droits anciens du bailliage à la représentation directe 5. Le collège des avocats, le syndic militaire, les citoyens des trois ordres joignirent leurs revendications à celle des officiers de cette juridiction dans une assemblée tenue le 21 février 1789. Le 9 mars, en dépit du Règlement du 24 janvier, une assemblée bailliage de Saint-Sauveur-le-Yicomte bigarrent celui de Valognes. Le bailliage de Carentan, qui a une extension dans Valognes, Barneville-sur-Mer, possède non loin de sa frontière une enclave de ce dernier bailliage, Montgardon, et en plein cœur une enclave de Saint-Sauvetir-le-Vicomle, Liesville, Houesville, Angoville-au-Plain. Le bailliage de Cérennes, aux formes déchiquetées, s'enfonce dans celui de Cou- tances, et y détache deux enclaves Lingrevillc et Yquelin. Une extension d'Ar gentan occupe le centre du bailliage de Mortain. Il est à remarquer que le bailliage de Falaise, à part une douzaine de paroisses de l'élection de Vire, n'appartient pas au cadre territorial de la généralité de Caen. 1 De toutes les provinces, la Normandie avait dû recevoir la première ce règle- ment. La Normandie sera mise la première en mouvement sur cette grande affaire, afin qu'elle continue de servir d'exemple et de modèle... » Lettre de Necker au duc d Harcourt. 25 janvier 1789. Arch. nat., BUI 132. 2 Lettre d'Angot au garde des sceaux, 17 février 1789. Ibid., Ba 35, 1. 70. 3 Lettre des officiers du bailliage de Valognes au directeur général des finances, 19 février 1789. Ibid. 4 Le comte de Sourdeval avait, par l'entremise de la Commission intermédiaire provinciale de Caen, transmis sa requête à Necker le 20 janvier 1789. Ibid., Ba 35, 1. 70. — La réclamation d'une représentation directe du bailliage de Mortain aux Etats géné- raux se trouve au registre de l'assemblée du département de Mortain tenue en octo- bre 1788. Arch. dép., Calvados, C 7707. 5 Lettres de Vaufieury de Saint-Cyr à Necker, 11 et 15 février 1789. Lettres du comte de Géraldin à Necker et au garde des sceaux, 18 février 1789. Arch. nat., Ba 35, 1. 70. Sur ce différend, voir abbé Pigeon, Le grand Bailliage de Mortain en 1789 Mém. de la Société académique du Cotentin, 1880, III, et Un Episode de la convocation des Etals généraux le conflit de deux Bailliages Révol. française, t. XXXIV, 14 jan- vier 1898. 180 RÉCLAMATIONS DES VILLES ET COUPS des trois ordres fut réunie à Mortain sous la présidence de Géral- din elle se contenta d'ailleurs d'une vaine protestation et ne prolongea pas autrement sa résistance. A l'instar du bailliage de Mortain, plusieurs villes de Basse- Normandie aspiraient à une représentation directe. Vire exposa qu'elle avait eu ses députés particuliers aux Etats de 1467 1. Saint-Lô, tout en faisant au bien général le sacrifice de ses droits, tint à les faire constater, à défaut de ses registres perdus, par des citations extraites de la Chronologie des Etats de 1467 » "2. Cherbourg fit valoir l'importance de sa situation comme clef et forteresse de la province », sa population accrue par suite des travaux immenses que le roi y avait ordonnés et se glorifiant d'avoir été l'objet du premier voyage » de Louis XVI, lui demanda une députation spéciale aux Etats généraux *. L'Université de Caen, par la voix de son recteur Tirard Deslongchamps, pria le garde des sceaux de lui marquer si elle aurait ses représentants aux Etats généraux, surtout lorsqu'on y traiterait de l'éducation publique » ' 4 . Le Bureau des finances de Caen avait eu soin d'établir par les extraits de ses registres, relatifs aux Etats de 1484, de 1576 et de 1614, le droit qu'elle avait d'y députer un trésorier de France 5. Le gouvernement rejeta toutes ces prétentions et déclara vouloir s'en tenir, sans déroger, aux principes généraux qui avaient inspiré la convocation. Il ne s'arrêta pas davantage aux réclamations des villes qui, comme Granville, se déclaraient lésées par la concession d'un trop petit nombre de députés à l'assemblée bailliagère 6 ; ni à celles des chapitres qui, mécon- i\u Conseil chargés de régler la convocation n'a- vaient rien trouvé ù changer. Ibid., B1" û'A. MÉCANISME DES OPERATIONS ÉLECTORALES 181 tents, comme celui de Bayeux, de n'avoir qu'un délégué par dix chanoines, demandaient la représentation individuelle de leurs membres à l'assemblée du clergé l ; ni à celles des corporations, qui redoutaient l'influence prépondérante des magistrats dans les collèges électoraux des villes 2l En ce qui concerne la Basse- Normandie, il appliqua à la lettre les dispositions du Règlement du 24 janvier 1789. D'après ce Règlement, les deux premiers ordres ne devaient tenir qu'une seule réunion électorale, au chef-lieu des deux bailliages principaux, c'est-à-dire à Caen et à Coutances. Tous les nobles, en personne ou par procureur, étaient convoqués à l'assemblée de la noblesse. Les ecclésiastiques bénéficiers avaient voix individuelle dans celle du clergé ; les non-bénéficiers ainsi que les membres des communautés séculières et régulières, n'avaient droit d'y être représentés que par députés. Ces assem- blées devaient nommer directement leurs députés aux Etats généraux le clergé et la noblesse avaient droit, dans le bailliage de Cotentin, chacun à quatre députés ; dans celui de Caen, chacun à trois. Le mécanisme était plus compliqué pour l'élection du Tiers état. Les assemblées primaires des campagnes devaient choisir un certain nombre de députés en raison de leur population 3 ; celles des villes où les délégués des corps et corporations, groupe déjà réduit, venaient se joindre aux autres citoyens indépendants du Tiers état, avaient droit à quatre députés. Un état particulier, annexé au Règlement, désignait nominativement les villes les plus importantes auxquelles on accordait une députation plus nombreuse ; six villes se trouvaient ainsi désignées dans l'étednue des deux bailliages de Caen et de Cotentin. C'étaient Caen, avec 30 électeurs ; Cherbourg, avec 10 ; Granville, avec 8 ; Bayeux, 1 Lettre du lieutenant-général du bailliage de Caen au garde des sceaux, 19 fé- vrier 1789. Arch. nat, Ba 27, 1. 45. La protestation du chapitre de Bayeux aura sa réper- cussion dans l'assemblée du clergé de Caen. — Cf. la lettre d'un chapelain de Cou- tances, Desplanques de Ventigny, à Necker, 25 février 1789. Ibid., B111 53. 2 Lettre de Le Fauconnier, syndic des maîtres en pharmacie de Caen, à Necker 22 février 1789 ; demande d'explication sur l'article 26 du règlement crainte que les juges des bailliages, eaux et forcis, bureau des finances, élection, grenier à sel, .juges aux dépôts, cours des monnaies, amirautés, hautes justices, etc., si on les con- sidère comme corps autorisés, n'aient la prépondérance sur les députés des arts mécaniques et la majorité dans l'élection des trente députés de la ville de Caen. Ibid., Ba 27, 1. 45. 3 Elles devaient nommer deux députés en raison de 200 feux et au-dessous ; trois, au-dessus de 200 feux ; quatre, au-dessus de 300 feux, et ainsi de suite. 182 LIBERTÉ DES ÉLECTIONS. GOUVERNEUR ET COMMANDANT EN CHEF Coutances et Valognes, avec 6. Les délégués des paysans et ceux du Tiers état des villes devaient se réunir pour former l'assemblée préliminaire du bailliage. Les quinze assemblées préliminaires qui se tiendraient dans le ressort des deux bailliages principaux devaient se réduire alors au quart d'entre elles ; ces nouveaux élus devenaient à leur tour les électeurs du Tiers état dans les deux assemblées générales de Caen et de Coutances. La première avait droit à six députés, la seconde à huit. La période électorale, ouverte dès le début de février dans les ressorts judiciaires de Basse-Normandie, y fut close par la réu- nion plénière des trois ordres, qui eut lieu à Caen et à Coutances le 16 mars 1789. Le gouvernement se fit une règle de la neutralité la plus absolue. Tous ceux qui, à un titre quelconque, le repré- sentèrent reçurent l'ordre de se tenir en dehors du mouvement électoral, de n'exercer aucune pression sur la rédaction des vœux et le choix des députés aux Etats généraux. Le duc d'Har- court, gouverneur de la province, retenu à Meudon auprès du jeune Dauphin dont il était le gouverneur, resta étranger aux événements et se contenta de prendre des informations sur eux au fur et à mesure qu'ils se déroulaient W. Son frère, le duc de Beuvron, commandant en chef 2, eut pour unique mission de maintenir, de concert avec l'intendant, le bon ordre et la tran- quillité publique. On lui recommanda d'user de prudence et de modération, d'éviter soigneusement tout ce qui pourrait avoir l'apparence de la contrainte, et faire craindre l'influence de l'autorité » 3. Il tomba d'ailleurs malade au mois de mars pen- dant un séjour à Rouen 4. Vers la fin de février 1789, l'intendant avait attiré son attention sur les troubles qu'essayaient de fomen- ter à Caen des jeunes gens venus de Rennes, sur leurs assemblées 1 Lettres écrites au duc par le marquis de Blangy et le duc de Coigny. Arch. château d'Harcourt, liasse 339. Minute autographe de réponse du duc d'Harcourt au duc de Coigny, 18 mars 1789 Je vous remercie, mon cher, duc, de votre attention à me mander la marche de votre assemblée... Je reçois jusqu'à présent des nouvelles également tranquillisantes des divers bailliages de la province... J'en rends un compte exact au roi, qui prend un véritable intérêt à la province... » — François- Henri, duc d'Harcourt, alors âgé de 63 ans, était gouverneur de la Normandie depuis 1783. — VoirBrette, ouv. cilé,, t. I, p. 391. 2 Anne-François d'Harcourt, duc de Beuvron, alors âgé de 61 ans, après avoir été commandant en second, était devenu commandant en chef en Normandie. A. Brette, Ibid., t. I, p. 437. 3 Lettre de Villedeuil au duc de Beuvron, 12 février 1789, publiée par Hippeau, ouv. cité, t. Vf, p. 27. 4 Lettre de Maussion, intendant de Bouen, au duc d'Harcourt, 27 mars 1789. Arch. château d'Harcourt, liasse 339. RÔLE PASSIF DE L'INTENDANT 183 en plein ailleurs scènes tapageuses au théâtre *. Ce ne fut qu'une vaine alarme ; tout se borna à quelques bruyantes manifesta- tions d'étudiants et l'autorité militaire n'eut pas à intervenir 2. ; L'intendant de Caen, Cordier de Launay, avait reçu des mi- nistres Villedeuil et Barentin des ordres encore plus précis que le duc de Beuvron. On le priait de s'employer à faciliter l'exécu- tion des règlements, et à procurer, autant que possible, la célérité et l'uniformité, tout en s'abstenant avec le plus grand soin rela- tivement aux élections de tout ce qui pourrait présenter l'appa- rence de la contrainte, de la gêne ou même de l'influence, l'in- tention du roi étant d'y faire régner une entière liberté » 3. Etait-il besoin d'ailleurs de lui faire de telles recommandations? A quelle influence pouvait prétendre un magistrat dessaisi de son ancienne autorité, et dont la disparition était souhaitée par tous? Cordier de Launay resta par principe étranger aux délibé- rations des diverses assemblées électorales de la généralité et se borna à transmettre au pouvoir central les renseignements que lui adressèrent ses subdélégués W. Il n'avait plus d'ailleurs une grande confiance dans le concours effectif de ces derniers. Sa lettre du 15 janvier 1789 au garde des sceaux est très significative sur ce point Je ne vous dissimulerai pas, Monseigneur, lui écrivait-il, que depuis les changements médités ou survenus, mes subdé- légués ont perdu beaucoup de leur influence sur les communau- tés, de leur crédit et de leur considération même dans l'opinion publique, quoiqu'il n'aient point démérité aux yeux de l'admi- nistration. Je l'ai prévenu, il y a déjà quelque temps, de leur découragement et de l'intention où plusieurs étaient de cesser les rapports qu'ils avaient avec le Conseil pour se procurer 1 Minute de lettre écrite le 22 février 1789 de la main de l'intendant. Arch. dép., Calvados, C 6346. Monsieur le duc, je crois de la prudence de vous prévenir sur le sujet de mes appréhensions. Plusieurs jeunes gens de Rennes sont arrivés dans cette ville. Grand nombre de personnes du Tiers, presque tous d'un âge incompétent, s'as- semblent irrégulièrement au buffet du cours et y tiennent des séances politiques. On avait commencé à arborer des cocardes et à se parer de boucles et de boutons caractéristiques des distinctions adoptées par le Tiers état. Il y a eu avant-hier grand tapage à la Comédie, et l'état de faiblesse militaire où nous sommes réduits, a contraint de céder au parterre... » 2 Lettre du duc de Coigny, 10 mars 1789. Arch. château d'Harcourt, liasse 338. 3 Lettres de Villedeuil, 1er février 1789, et de Barentin. 10 février 1789, à l'inten- dant de Caen. Arch. dép., Calvados, C 6345. 4 Comme je me suis abstenu d'avoir ni directement ni indirectement la moin- dre influence sur les délibérations qui ont été prises, écrivait-il le 8 avril 1789, et que je n'en ai de connaissance que par des informations particulières et par la voie publique, je ne tenterai point de vous en oflrir l'analyse ni le résultat. » Ibid. 184 EFFACEMENT DES SUBDÉLÉGUÉS dans le système actuel une existence politique plus conforme à leurs vues. Je les ai retenus jusqu'à présent par les liens de la confiance et de l'attachement ; mais il est à craindre que l'im- pulsion de l'intérêt personnel, et l'espoir fondé de figurer d'une manière plus intéressante même aux yeux de leurs conci- a toyens ne leur fasse adopter d'autres principes et d'autres règles de conduite. Il est d'observation que la plupart de nos subdélégués sont lieutenants généraux de bailliage, et il faut convenir que dans ce moment leur rôle est très embarras- sant » f*. Ainsi, d'après les prévisions de l'intendant, deux sortes de raisons devaient empêcher ses subdélégués de la secon- der utilement chez les uns l'effacement résultant du déclin de leur popularité ; chez les autres le désir de reconquérir cette popularité par l'abandon de leurs fonctions. Ces prévisions étaient assez justes. Le Harivel de Gonneville, qui avait succédé dans la subdélégation de Caen à Le Paulmier décédé en 1788, était impopu- laire, surtout comme lieutenant de police le pillage de sa maison dans l'émeute du 5 janvier en était une preuve. De Mortreux, subdélégué de Vire, fut écarté dès le premier vote et ne comparut pas à l'assemblée préliminaire du bailliage. Il en fut de même pour Gênas à Bayeux et pour Mombrière à Coutances. Le grief le plus sérieux qu'on leur fit était leur attachement à l'inten- dant '2. Couraye du Parc, maire et subdélégué de Granville, ne fut pas élu député de sa ville à Coutances ; la lettre découragée qu'il avait écrite à Launay fit un instant craindre à celui-ci qu'il ne voulût déserter son poste f3. Garantot fut un des dix délégués de Cherbourg à l'assemblée préliminaire de Valognes, mais il n'alla pas plus loin. Ni Robillard, subdélégué de Saint-Lô, ni Sivard de Beaulieu, subdélégué de Valognes, ni Lavalley de la Hogue à Carentan, malgré leur qualité de lieutenant général, qui leur donnait la présidence des assemblées électorales de leur bailliage, ne furent choisis au nombre des députés désignés par celles-ci. Leur passé d'administrateur avait sans doute amassé contre eux des rancunes tenaces, qui trouvaient en ce jour l'oc- 1 Trois d'entre eux occupaient cette fonction. Robillard à Saint-Lô, Sivard de Beaulieu à Valognes, Lavalley de la Hogue à Carentan. 2 Le subdêlégué de Vire se trouva à la première assemblée générale où tout le inonde était invité ». Il n'assista pas aux autres et ne sait ce qui s'y est passé. Je n'en ai rien vu, écrit-il, car, comme on sait que je vous suis très attaché, on ne m'a nommé ni appelé en chose quelconque ». Lettre de Mortreux à l'intendant. 12 avril 1789. Arch. dép., Calvados, C 6359. 3 Lettre de Couraye-Duparc à l'intendant, 18 février 1789. Ibid., C 635L LES MEMBRES DE L' ADMINISTRATION PROVINCIALE 185 casion de se manifester. Sur les onze subdélégués de la généralité de Caen, un seul assista à l'assemblée des trois ordres d'un grand bailliage ce fut de Montitier, subdélégué d'Avranches et lieute- nant particulier de l'élection l. Encore son élection avait-elle soulevé des objections de principe et ne dut-il son succès qu'aux sympathies des électeurs pour sa personne *. Si l'ancienne administration, systématiquement tenue à l'écart des assemblées délibérantes, et s'en défendant elle-même l'accès, n'y joua aucun rôle et n'influa en rien sur leurs décisions, la nouvelle administration provinciale, au contraire, envoya aux assemblées du Tiers un grand nombre de ses membres. Beaucoup de ceux-ci avaient déjà dit leur mot pendant les pré- ludes de la convocation, soit comme officiers municipaux des villes, soit comme juges ou avocats des bailliages et des élections. Us avaient à ce titre, en plus d'un endroit, formulé les vœux du Tiers état, rédigé les protestations ou les adresses de reconnais- sance au roi. Ils étaient tout prêts à consigner à nouveau dans les cahiers les aspirations de leur ordre. Aussi les retrouverons- nous bientôt en possession d'un rôle actif et d'une influence prépondérante, d'abord comme députés de leurs paroisses rurales ou de leurs villes, puis en qualité de commissaires-rédacteurs dans les assemblées préliminaires, et quelques-uns enfin comme députés de leur bailliage aux Etats généraux 3. Ajoutons toutefois qu'ils durent cette influence à leur valeur personnelle, 1 A une lettre où Montitier semble lui demander des directions, lintendant répond le 10 mars 1789. Cordier de Launay voit avec plaisir que malgré l'empire des préjugés son mérite et son patriotisme l'ont placé au rang des députés. Il ne voit pas d inconvénient à ce que Montitier se conforme aux vœux de ceux dont il a fixé le choix ; il le laisse fort libre à cet égard et ne veut influer en rien dans sa détermi- nation, » Arch. dép., Calvados. C 6348. — Montitier devait mourir à Coulances, le 1er avril 1789, des suites d'un abcès occasionné par la chute d'une trappe sur sa tète, dans une de ses visites au Mont-Saint-Michel. Ihid., C 6354. 2 Dans la première assemblée du bailliage d'Avranches, on avait donné publique- ment lecture d'une lettre anonyme, imprimée, adressée à l'hôtel de ville, pour exclure des suffrages les anoblis, les; subdélégués, etc.. » Lettre de Montitier à l'in- tendant, 7 mars 1789. Ibid., C 6348. 3 Voir ci-dessous, à propos du mouvement électoral du Tiers état. Les membres de l'administration provinciale de Basse -Normandie appartenant au Tiers, qui furent députés aux Etats généraux; sont Delauney, membre du bureau intermé- diaire de Bayeux; Besnard-Duchesne, procureur-syndic du département de Valognes ; Vieillard, secrétaire de l'assemblée de département de Saint-Lù ; de Cussy, Flaust, Desplanques-Dumesnil et Burdelot, membres de l'Assemblée provinciale. — Dans l'ordre du clergé, l'administration provinciale de Basse-Normandie envoya aux Etats généraux Levesque, curé de Tracy ; dans celui de la noblesse le duc de Coigny. le comte de Vassy, le baron de Wimpfen, Beaudrap de Solteville. 186 EVÊQUES, BAILLIS D'ÉPÉE, LIEUTENANTS GENERAUX à leur situation depuis longtemps en vue, à la considération sociale dont ils jouissaient anciennement, et non au titre d'admi- nistrateur qui leur avait été tout récemment confié. Dans ses divers choix, le peuple visait, non pas à récompenser le membre zélé du bureau intermédiaire ou le procureur-syndic qui gérait avec vigilance les affaires publiques, mais à s'assurer l'appui de l'homme de loi expert, de l'avocat renommé, à confier en mains sûres la défense de ses intérêts. Ce fut donc une action surtout individuelle qu'exercèrent ces divers administrateurs ; et celle-ci ne fut empreinte d'aucun caractère officiel aux yeux de ceux qui la subirent. Les trois évêques de Basse-Normandie ne devaient avoir aucune influence sur l'ordre du clergé. A l'assemblée de Cou- tances, l'évêque de cette ville, Talaru, n'exerça guère qu'une présidence nominale ; il ne fut élu que le dernier des quatre députés du clergé, après trois curés de campagne. Godard de Belbœuf, évêque d'Avranches, humilié, n'attendit pas la fin des séances pour regagner son diocèse. A l'assemblée de Caen, de Cheylus, évêque de Bayeux, vaincu par une opposition presque unanime de son clergé, avait opéré une bruyante retraite dès la première séance et laissé à d'autres le soin de présider les opéra- tions électorales. S'il y eut un mot d'ordre donné, ce fut du clergé rural qu'il partit ; s'il y eut pression dans les délibérations, ce fut de bas en haut qu'elle s'exerça M. Dans l'ordre de la noblesse, même indépendance probable. Le grand bailli d'épée du Cotentin, le septuagénaire marquis de Blangy, était mourant et ne put venir présider l'assemblée de Coutances W. Le duc de Coigny, grand bailli d'épée de Caen, président de l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie, homme considérable dans la province et persona grata à la Cour, vint diriger les délibérations de l'assemblée de Caen, qui devait l'élire pour son premier député. Aux deux assemblées définitives du Tiers état de Caen et de Coutances, les deux lieutenants généraux qui présidèrent les séances jouèrent le rôle assez effacé et discret d'arbitres et de conciliateurs, et non celui de chefs de parti. Aussi, ni Duperré de Lisle, à Caen, ni Desmarets de Monchaton, à Coutances, 1 Pour les délails, voir plus loin, p. 191, 192. 2 Il mourut à Fontaine-Ktoupefour, près Caen, et y fut inhumé le 25 août 1' Arch. comm., Fontaine-Etoupefour, GG 5. LE MOUVEMENT ÉLECTORAL DU CLERGÉ 187 n'exercèrent d'action marquante sur ces assemblées. Leur rôle se borna à ouvrir et à clore les séances, à coter et parapher les procès-verbaux et les cahiers. Ainsi, un gouverneur absent, un commandant en chef malade, un bailli d'épée mourant, trois évêques sans prestige et sans autorité dans leurs diocèses, un intendant conscient de sa dé- chéance et circonspect par système, des subdélégués impopu- laires et découragés, des lieutenants généraux de baillages assez effacés, tels étaient en Basse-Normandie, en février 1789, les représentants d'un gouvernement qui entendait lui-même laisser aux électeurs une entière liberté pour l'expression de leurs vœux et la désignation de leurs mandataires. Dans de pareilles condi- tions, le mouvement électoral put se développer sans contrainte dans l'étendue des deux bailliages de Caen et de Coutances. Toutes les opinions purent s'y manifester, toutes les audaces s'y produire. Ce fut l'ordre du clergé qui se montra le plus audacieux. Ses assemblées furent les plus agitées et les plus tumultueuses ; ses élections, dans le bailliage de Caen, furent les seules marquées d'un caractère vraiment démocratique. Dès le début de la période électorale, le haut clergé conçut des inquiétudes sur l'issue des opérations futures. Il entrevit les périls dont le menaçait le Règlement du 24 janvier 1789 en bouleversant la composition antique de son ordre aux Etats généraux ». Les chapitres des cathédrales surtout, réduits à un député par dix chanoines, protestèrent contre ce qu'ils appelaient une lésion de leurs droits. On sent nettement percer dans leur requête la peur des desservants ruraux, qui, au jour du vote, seront le nombre et la force. D'après le Règlement, dit le cha- pitre de Bayeux, il est possible que nul évêque ne soit député aux Etats généraux. Il est à craindre que le nombre prodigieux de jeunes ecclésiastiques sans bénéfices appelés aux assemblées électorales ne puisse guère accroître la masse des lumières de l'assemblée particulière de l'ordre du clergé, et qu'il n'ajoute infiniment à l'embarras de ses délibérations. Leur nombre est tel, surtout en Normandie, que, par cet avantage seul, ils pourraient concentrer en eux-mêmes la députation de l'ordre du clergé aux Etats généraux. Du moins ils influeront très puissamment, s'ils le veulent, sur le choix des députés » *. 1 Protestation faite par le chapitre rie Bayeux, le 14 mars 1789. Arch. du greffe de la Cour d'appel de Caen. Cf. Arch. nat., Ba 27, 1. 45. 188 INQUIÉTUDE DU HAUT CLERGÉ Ce que les chanoines de Bayeux écrivaient, tout le haut clergé des trois diocèses d'Avranches, de Bayeux et de Coutances le pensait. Il en voulait au roi d'avoir, dans ses lettres de convo- cation, trop fait l'éloge des curés et laissé dégrader les évêques et les chapitres . Il pensait, avec l 'évoque de Bayeux, qu'il y avait deux ordres distincts dans le clergé, l'un qui gouvernait, l'autre qui était gouverné , et il considérait comme mal fait et inconstitutionnel un Règlement qui allait permettre aux vicaires et curés aigris d'humilier leur évêque ». Tout en se réser- vant d'en imposer par une protestation solennelle au prolétariat ecclésiastique réuni dans les prochaines assemblées électorales, les grands dignitaires du clergé bas-normand n'en suivaient pas moins d'un œil inquiet la campagne menée par les prêtres ruraux pour la conquête de la députation. Si les chefs de la hiérarchie ecclésiastique, les aristocrates de Tordre, avaient des raisons intéressées pour demander le main- tien de leur situation, la plénitude de l'autorité épiscopale et la subordination du clergé, les curés au contraire désiraient ardem- ment la cessation des nombreux abus dont ils souffraient et sai- sirent avec enthousiasme l'occasion d'exposer leurs légitimes griefs. La lettre du roi, enivrante pour eux, exalta leur effer- vescence » W. Leurs évêques ne pouvaient exercer une forte action sur eux. Ils ne résidaient pas, n'avaient pas pris avec eux le contact qui décide et affermit les sympathies. Le clergé de Coutances s'était plaint à maintes reprises des fréquentes absences de son vieil évêque Talaru,[trop assidu au château des Matignon 2. L'évêque de Bayeux, du Cheylus, homme de manières distinguées, aumô- nier de la comtesse d'Artois, était un prélat de cour, aimant la belle société, mondain, joueur, trop au-dessus de son clergé pour s'intéresser à lui 3. Godard de Belbœuf, évêque d'Avran- ches, d'une vieille famille noble de Normandie, passait pour autoritaire, s'était fait des ennemis dans son clergé, et l'un de ses prêtres, Bécherel, venait de gagner contre lui au Parlement de Rouen un procès engagé à propos d'un trait de dîme 4. I Protestation faite le 20 niais 17N9 par les députés du chapitre de Baveux, près de Villedeuil. Arch. nat., Ba 27, 1. 15. 2 Desdevises du Désert, Le Cotentin en 1789, p. 36. 3 Depuis que M. de Cheylus était à Baveux, écrit un de ses successeurs, il s'é- tait endormi dans la mollesse et les plaisirs, au milieu de quelques flatteurs qui le berçaient. • Bisspn, Mémoires, fol. 77. \ Abbé Pigeon, Le grand Bailliage de Mortaih en 1789. Mémoires de la Société aca- démique du Cotentin, t. III, p. 52G. ATTITUDE HOSTILE DU BAS CLERGÉ 189 Dans les cahiers particuliers qu'ils rédigèrent pendant la période électorale, les curés manifestent nettement leur état d'esprit, hostile aux évêques, aux grands vicaires, aux chapitres, aux abbayes. Ils opposent la condition de l'utile pasteur, du desservant à la portion congrue, exposés à voler à toute heure au secours des malades et des malheureux, à celle du riche prélat qui possède livres de rente, sans faire la moindre aumône, ou du chanoine qui jouit de trois ou quatre mille livres de revenu annuel, moyennant l'assistance au chœur pendant trois heures par jour et seulement neuf mois de l'année *. Les uns sont trop riches, et, vivant au sein des délices et de l'opulence, scanda- lisent les peuples par l'usage qu'ils font des biens de l'Eglise, tandis que les autres, ceux qui forment la partie utile et labo- rieuse, réduits à la pauvreté, sont forcés de s'avilir pour se pro- curer le simple nécessaire» *. Ils demandent l'amélioration de leur sort, l'augmentation des portions congrues, l'abolition des déports, charge odieuse particulière à la Normandie, qui ruinent les paroisses au profit des vicaires généraux 3. Suppres- sion des abbayes rurales d'hommes comme inutiles, suppression des seigneuries attachées aux abbayes et aux canonicats, obli- gation des bénéficiers à la résidence, des décimateurs à la cha- rité *, tels sont leurs vœux à peu près unanimes. Les curés ad- 1 Cahier rédigé par le ctiré de Cartigny et autres curés du diocèse de Baveux, publié par llippeau, ouv. cité, I. VII, p. 199-206. 2 Cahier de Jacques Seigle, curé de Monceaux, dans Hippeau, ouv. cité, t. VII, p. 206-209. 3 En vertu de ce droit, les évoques et archidiacres normands jouissaient, les pre- miers pour deux tiers, les autres polir un tiers, de tous les revenus appartenant à une cure, pendant le première année à chaque mutation de titulaire. Par contre ils étaient obligés à assurer la desserte de la paroisse pendant cet intervalle. Dans la réalité, ils louaient les revenus à l'encan et leur fermier livrait l'administration de la paroisse au plus bas prix possible à un desservant de passage, trop pauvre lui- même pour soulager les autres. — Sur les abus du déport, véritable droit d'annates local, voir' abbé Bernier. Essai sur le Tiers étal rural de Basse-Normandie, p. 110. 4 Cahier de plaintes, griefs et doléances, rédigé par huit curés du diocèse de Bayeux Isigny et autres paroisses, publié par Hippeau, ouv. cilê. t. VII, p. 178-182. Cahier des observations qui peuvent concerner le bien de l'Etat et de la religion, présenté par Bense, curé du Manoir, publié par Hippeau, ibid., p. 187-191. I se plaint des détenteurs de dîmes, qui ont des entrailles de fer ». Cette année, dit-il, ils n'ont pas daigné répondre à une lettre pie je leur ai écrite en faveur de mes pauvres; et, depuis que je suis curé dans la paroisse, je n'ai jamais reçu un sol de leur part. » — Le clergé rural est d'accord sur ce point avec les paysans. Quelle part, évèipie de Coutances, avez-vous faite aux pauvres des paroisses dont vous avez récolté les dîmes ? Vous avez tout enlevé, tout consommé ! » Cahier de Saint- Vaast-la-Hougue. Voir les cahiers du Tiers étal des bailliages de Coutances et Valognes Bridrey, Cahier du Cotentin, tomes I et II, passim. 1. DEMANDES DE REFORMES DES CURÉS mettent fort bien l'idée de leur contribution collective aux impôts, mais la plupart voudraient garder lé privilège de s'im- poser eux-mêmes aux décimes. Cette répartition continuerait à être faite par la chambre ecclésiastique de chaque diocèse, dont la composition serait modifiée. Les députés des curés, qui forment la masse des ecclésiastiques du diocèse, y sont toujours l'infinie minorité ; il faut augmenter leur nombre et leur donner une part plus grande à une répartition qui intéresse la majorité du clergé 1. Il faut se garder aussi contre les abus d'autorité des évêques. Des synodes annuels ou triennaux, composés de tous les ecclé- siastiques du diocèse, éliraient un conseil permanent chargé de siéger avec l'official et d'assister l'évêque dans l'administration de la justice -. Pour opérer ces réformes et réaliser ces améliorations, les curés comptent sur l'Assemblée nationale. Ils s'en remettent à elle du soin de détruire les abus de l'Eglise, ils provoquent son inter- vention dans un domaine dont plus tard ils lui interdiront l'accès, dans le règlement de questions vitales comme celles des rapports avec Rome, de la distribution des pouvoirs ecclésiastiques ou du sort des biens d'Eglise. L'on trouve déjà en germe, dans ces cahiers particuliers, la future Constitution civile du clergé. Les curés bas-normands avaient eu tout le temps de dresser leur programme de revendications. Pendant un mois et demi, il leur avait été donné d'assister au mouvement électoral du Tiers état ; ils en avaient été partout les témoins ; quelquefois ils y avaient joué le rôle d'acteurs. Partout ils avaient annoncé au prône la date de l'assemblée électorale de leur paroisse ; en plus d'un endroit ils avaient, directement ou indirectement participé à ses délibérations ; sur quelques points même ils l'avaient pré- sidée 3. La communauté de leurs intérêts ne les avait-elle pas rapprochés souvent des paysans? N'avaient-ils pas à se plaindre du haut clergé comme le Tiers se plaignait de la noblesse, et pour les mêmes raisons? Ils suivirent donc avec une complai- 1; Souhait et doléances pour une réforme clans la chambre ecclésiastique chargée de la répartition des décimes, que fait Jean-Jacques Bouffey, prêtre, curé de Saint -Aiynan-le- Malherbe. diocèse de Bai/eux, dans Hippeau, ouv. cité, t. VU, p. 191-199. 2i Vœu de Jacques Seigle, curé de la paroisse de Monceaux. Vœux du clergé de Saint-Pierre-de-Caen, dans Hippeau, ouv. cité, t. VII, p. 206 et 159. 3 Exemples à Mondeville bailliage de Caen ; Aubusson, La Chapelle-Cesselin, Roucamp, Saint-Pierrc-du-Tronchet bailliage de Vire ; Saint-Martin-le-Vieux bail- liage de Coulances ; Maupertuis. Omonville-la-Petile, Sideville, Sortosville près Valognes, Saint-Martin-le-Gréard. Sa4nte-Geneviève bailliage de Valognes. LA COALITION DES CURES 191 santé attention les doléances de leurs paroissiens. Il arriva même qu'ils en inspirèrent plus d'une. Maint d'entre eux fut directe- ment incité à se mêler au mouvement. Un prince du sang, le duc d'Orléans, apanagiste du comté de Mortain, ne fit-il pas adresser à tous les curés du Mortainais par son agent, le marquis de Limon, une circulaire les invitant à donner de bons conseils à leurs paroissiens »?*. Plus d'un cahier rural, en tout cas, contient des traces évidentes de leur influence. Quand les diverses assemblées préliminaires des bailliages secondaires rédigèrent leurs cahiers, les curés virent avec joie que les vœux émis sur la religion leur étaient favorables. Le Tiers état, d'une façon générale, s'y montrait ennemi des moines et des grands dignitaires, ami des desservants ruraux. Les doléances du bailliage de Caen, quand elles furent connues, firent la plus grande sensation dans le clergé. On les réimprima jusqu'à trois fois de suite 2. Une campagne ouverte fut-elle entreprise dans les deux grands bailliages de Caen et de Coutances en vue des élections du clergé? Aucun document ne le prouve. Un arrêt du Conseil du 25 février 1789 avait interdit les réunions en corps de cet ordre. Il semble toutefois que, dans ces deux ressorts, l'exclusion des hauts digni- taires du clergé était chose tacitement convenue et que l'entente s'était déjà faite sur plusieurs noms. L'abbé Soulavie, qui joignait à ses fonctions de vicaire général de l'évêque de Châlons celles de curé de Septvents dans le Bocage, et qui dut être un des plus ardents agitateurs du clergé bayeusain, nous a laissé des élec- tions du bailliage de Caen un journal assez intéressant 3. Dès le 6 mars 1789, dix jours avant la réunion de l'assemblée électo- rale, il écrivait à Necker L'ordre des curés ne veut que des curés pour députés et leur choix paraît déterminé ». La veille de l'élection il lui écrivait à nouveau L'assemblée élira trois curés pour Paris ; depuis plusieurs mois le parti qui était pris avait nommé d'avance trois à quatre sujets qui réunissent les voix » 4. Mêmes pronostics pour l'assemblée de Coutances. 1 Journal de la Basse-Normandie, année 1789, n° 12, supplément. 2 Journal des élections du bailliage de Caen, par Soulavie. Arch. nat. , Ba 27. 3 Sur Soulavie, voir le travail de A. Mazon, Histoire de Soulavie, naturaliste, diplo- mate, historien, 2 vol.. Paris, 1893. —A. Brette a publié les sept bulletins de Soulavie dans La Révolution française, 1894, p. 162 sqq., sous ce titre Les Elections du Clergé du Bailliage de Caen en 1789. 4 Le 14 mars, Le Tuai, curé de Saint-Viger-le-Grand, diocèse de Baveux, adressa à Necker une plainte contre son évêque, qui lui avait refusé l'autorisation de se 192 LES CURÉS A L*ASSAUT DK LA DEPUTATION o L'ordre ecclésiastique, écrit à l'intendant dès le 16 mars le subdélégué d'Avranches, Montitier, composé pour la plupart de curés, malgré la politesse et la prévenance affectueuse des deux prélats ], paraît décidé à ne pas leur accorder son suf- frage. . . Ils veulent que les prélats les traitent avec plus d'égards, et soient enfin convaincus que les curés et les autres ecclésiastiques forment la portion la plus essentielle du clergé . . . Il est probable que leurs députés pour Versailles seront élus dans la classe des curés » 2. Ainsi, à la veille des élections, le clergé des trois diocèses de Bayeux, d'Avranches et de Coutances était apparemment divisé en deux partis d'inégale force les épiscopaux et leurs adver- saires, ceux-ci beaucoup plus nombreux. Le clergé démocratique, recruté parmi les fils de laboureurs et de paysans, et désireux de se soustraire au joug oppressif du clergé aristocratique, issu de la noblesse, allait prendre dès le premier jour une vigoureuse offensive, et marcher avec une hardiesse parfois brutale à l'assaut de la députation. Avant toute réunion, sa victoire était assurée. Comme le clergé, la noblesse ne formait pas un ordre unifié et compact en Basse-Normandie. A côté de la grande noblesse, étrangère au pays par son origine, et qui y possédait les plus riches terres, le duc d'Orléans, comte de Mortain, les Grimaldi- Matignon comtes de Torigni et barons de Saint-Lô, les Mont- morency, les Sully, les Brancas, les Soubise, les Juigné, etc., il y avait une noblesse locale, d'illustration plus ou moins ancienne faire remplacer par un vicaire, sans doute pour rendre impossible son voyage à l'as- semblée électorale de Caen. Le but de la conduite de Monseigneur, écrivait Le Tuai, est d'empêcher que ce ne soit trois curés d'être députés aux Etats de Ver- sailles, et d'y en faire parvenir selon son vœu ». Arch. nat., Ba 27, 1. 45. Il Les deux évoques de Coutances et d'Avranches. 2 Lettre de Montitier à l'intendant, 10 mars 1789, Arch. dép., Calvados, G 0353.— Cette entente préalable entre les curés du Cotentin est attestée par un autre docu- ment significatif. Le 20 février 1789, Lelubois, curé de Fontenay, celui-là même qui devait être élu premier député du clergé à l'assemblée le Coutances, écrivait à Neckef au nom de ses confrères, auxquels des arrêts défendent de s'assembler eu corps, sans quoi ils auraient pris la liberté de lui adresser cette supplique ». Il lui représente que, pour répondre à ses vues, il est de la plus grande importance que „ e clergé du second ordre, qui peut s'assimiler au Tiers état comme le peuple rela- tivement à la noblesse, se trouve en grand nombre à l'assemblée qui nommera les députés pour les Etats généraux ». Pour loger tant de monde, les séminaires lui paraissent indispensables; il prie Necker de les faire évacuer pendant la durée de l'assemblée électorale pour que les logements soient libres. — Cette démarche directe auprès du ministère, par dessus la tête de révêque, faite au nom des curés par leur futur député, est l'indice d'une ligue occulte du bas clergé, dont Lelubois était un des meneurs. Arch. nat., B"1 53. MOUVEMENT ÉLECTORAL DE LA NOBLESSE. LES LIBERAUX 193 et de fortune variable, mais qui avait conservé un pied dans la contrée tels les Coigny, les Vassy, les Faudoas, les Balleroy, les Cussy, les Auxais, les Bricqueville, les Vendœuvre, les Osse- ville, les Rotours, les Carbonnel, les Bonvouloir, et tant d'au- tres 1]. Attachés à leur pays, ces gentilshommes étaient prêts à en défendre les intérêts la plupart d'entre eux étaient associés à l'administration provinciale depuis la réforme de 1787. A la session de l'Assemblée provinciale de Caen, la députation de la noblesse, jointe à celle du clergé, avait offert une contribution volontaire annuelle de livres jusqu'à complète extinction des dettes que la généralité avait contractées envers les paysans expropriés pour les travaux des routes 2. D'Auxais de Monfar- ville, président de l'assemblée du département de Saint-Lô, y avait pris la défense des petits propriétaires ruraux dans son mémoire sur les bordiers r. Le comte Louis de Vassy avait préconisé la création de cours d'accouchements dans les villes et la construction de maisons salubres pour les paysans . Cette large accession des gens de robe à la députation rurale s'explique encore par une autre considération. Si l'on excepte les six villes nominativement désignées dans F Etat annexé au Règlement du 24 janvier 1789 » f4, toutes les autres villes des deux grands bailliages de Caen et de Coutances n'avaient droit qu'à quatre députés. Il y avait même là une inégalité assez cho- quante. Tandis qu'en vertu de l'article 31 du Règlement, des bourgs sans organisation municipale eurent droit à une repré- sentation plus nombreuse par exemple Bricquebec à 10 députés, Saint-Sauveur-Lendelin à 8, Vassy à 7, Périers, Brix, Saint- Vaast à 6, etc . . . , des villes chefs-lieux d'élection, comme Avranches, Carentan, Saint-Lô, Vire furent réduites à élire quatre députés. C'était un trop maigre enjeu pour l'ambition 1 Voir ci-dessus, chap. V, p. 2 Le Garpentier à Vire et Amette à Ferrières, sont deux étudiants en droit; Tail- lebrocq à Baron, Mattingley à Gavrus, Dumanoir à MonlsurvenL Duchesne au Désert, Tétrel à La Trinité, Théauit des Orgeries à Saint-Aubin-de-Terregate, sont Licenciés ès-lois. 3 et Debled, procureurs au bailliage de Caen, sont '-lus à Canteloup et à Ainayr-sur-Orne — Huissiers députés ruraux Mette, à Courson ; Lemarchant, à Lesnault ; Fillâtre, à Bréeey ; et Lefràhc-Bouillonnière, à Hambye. 1' Etal par ordre alphabétique, contenant les noms des villes des pays d'élection qui doivent envoyer plus de quatre députés, publié par A. Bivtle, ouv. rilé, I. p. 101. SUCCÈS ÉLECTORAUX QU'ILS Y OBTIENNENT 203 des nombreux officiers de justice et hommes de loi qui habi- taient ces villes. Perdus dans la foule des électeurs urbains, ils étaient, au contraire, des personnages de premier plan dans les assemblées rurales. Ils s'y firent élire et vinrent tenir leur place, comme députés des campagnes, aux assemblées bailliagères ]>. On en trouve une preuve éclatante dans les opérations électorales du bailliage de Vire. Au procès-verbal de l'assemblée prélimi- naire du bailliage tenue à Vire le 5 mars 1789, figurent comme députés ruraux une vingtaine de citoyens désignés en qualité d'électeurs sur le procès-verbal de l'assemblée urbaine du 26 fé- vrier 2!. Entre ces deux dates, la paroisse de Coulonces avait élu deux conseillers au bailliage, Brenet de Brais et Mauduit de la Groudière. Saint-Germain de Tallevende, placé aux portes de la ville, avait député un autre conseiller au bailliage, Faucon de Saint-Germain et un procureur honoraire à 1'éiection, Surbled de la Mahère. De Sainte-Marie-Laumont vinrent le conseiller Vivien et l'avocat Cotelle ; du Theil, le doyen des conseillers, du bailliage Saillofest de la Tigerie, qui en était lieutenant parti- culier. Cahours, maître des eaux et forêts à Vire, fut député de Pontfarcy. Des avocats, des notaires, des huissiers virois vinrent représenter Beaumesnil, Courson, Campagnolles, Saint-Pierre- Tarentaine et d'autres paroisses du Bocage. Une telle consta- tation est importante. Elle permet de suivre l'action continue exercée par la bourgeoisie de robe dans la série des assemblées électorales du Tiers état. Elle sert à éclairer d'un jour nouveau l'étude critique de la rédaction des cahiers. 1 Le fait de ces élections rurales a été général en Basse-Normandie. Cf. une lettre de Montitier, subdélégué d'Avranclies à l'intendant, 27 février 1789 Les offi- ciers du bailliage de Coutances ne se sont pas trouvés aux assemblées des villes tenues par les officiers municipaux ; on dit qu'ils se proposent d'aller dans les paroisses où, sont situés leurs biens et les maisons de campagne qu'ils habitent pen- dant les vacances, pour y concourir à la nomination des députés ». Arch. dép., Cal- vados, C 6353. — Dans d'autres bailliages, l'élection des juges royaux et hommes de loi par les paroisses rurales avait précédé la tenue des assemblées urbaines. A Caen, par exemple, les députés urbains furent élus le 4 mars Costy, un des trente députés de Caen, avait déjà été député par la paroisse de Maisoncelles-sur-Ajon. Daigremont, lieutenant particulier, était, dés le 1er mars, député de Fontenai-le-Pes- nel ; Roussin, conseiller au bailliage, député de Vieux, etc. L'abbé Soulavie fait allusion, dans son journal manuscrit, à ces élections des hommes de loi dans les paroisses rurales du bailliage de Caen. Le 1er mars, écrit-il, les paroisses de cam- pagne nomment leurs députés, et plusieurs privilégiés, qui avaient été éloignés de l'assemblée de la ville, accoururent à leurs propriétés des campagnes où ils se firent élire. »> Arch. nat., Ba 27, 1. 45. 2 Cf. F. Mourlot, La conuoeation des Etats généraux de 17H9 dans le Bailliage de Vire. La Révolution française, t. XXXI, 1896, p. 380-346 et 414-420. 204 LES ÉLUS DE L'INDUSTRIE, DU COMMERCE ET DE L'AGRICULTURE En dehors des juges et des hommes de loi, les députés ruraux se recrutèrent, en assez petite quantité, parmi les gens exerçant des professions libérales professeurs d'Université l\ médecins '2> chirurgiens 3, arpenteurs-géomètres *. L'industrie et le com- merce, sans être systématiquement éliminés de la députation rurale, n'ont fourni qu'un nombre insignifiant d'élus. Dans une région où le littoral est si développé, où la population presque entière vit de la mer, on s'attendrait à voir représenter les indus- tries maritimes, à trouver des noms d'armateurs, de construc- teurs de navires, de capitaines et de matelots. Seuls quelques officiers gardes-côtes, quelques officiers d'amirauté rappellent le voisinage marin 5. Un bourg industriel, comme Villedieu, ne compte qu'un seul marchand sur huit députés. Les industries locales, dans certaines régions, fournissent çà et là quelques représentants l'Avranchin délègue des sauniers 6, le Bocage, des papetiers et des tanneurs 7. La grande majorité des élus appartient à l'élément rural laboureurs » dans les pays de culture, herbageurs » dans les pays d'élevage fS . La plupart d'entre eux étaient syndics muni- 1 Lecoq de Bu-ville, professeur à la Faculté de droit de Caen, élu à Biéville ' Moysant, bibliothécaire de l'Université de Caen, à Verson. 2 Médecins Briard, à Cheux ; Cauvet, à Mondeville ; Havard, à Villedieu ; Couil- lard, à Bréville ; Bécherel el Laroche, à Saint-Hilaire-du-Harcouët ; Poirier, à Brécey ; Roussel, aux Loges ; Roullier et Durand, à Saint-Cornier-des-Landes ; Denis, à Saint-Sauveur-le-Vicomte ; Sarouve, à Périers ; Questin, à Barfleur ; Lehurey, à Saint-James. 3 Chirurgiens Osmond, à Argences ; Mûrie, à Bény Vigeon, à Septfrères ; Hastey, à Bricqueville-sur-Mer ; De la Cour, à Coudeville ; Hamelin, à Roncey ; Rabasse, à Saint-Martin-le-Vieux ; Surget, à Saint- Romphaire ; Anfray, à Sourde- val ; Boutry, à Barenton ; Haye-Ladivière, à Saint-Georges-de-Rouellé ; Lemarchand, à Mesnil-Thébaut ; Lair, ;'i Saint-Hilaire-du-Harcouët ; Roussel, à Brécey. 4 Géomètres Dupoul de la Morlière, au Petit-Truttemer ; Boursin, à Tirpied. 5 A Anneville-en-Cères, Barfleur, Dinneville, Port-Bail, Tourville, Le Vretot, Valcanville. — Sur la représentation des diverses professions aux assemblées électorales du Cotenlin, voir un mémoire de M. Bridrey publié dans les Comptes-rendus de l'As- sociation française pour l'avancement des Sciences. Cherbourg, 1905, p. 1079 et suiv. 6 Coupard et Bouffaré, sauniers, à Courtils ; Lebiguet et Lampérière. à Vains ; Bienvenu, à Genest ; Lechevalier, à Saint-Jean-le-Thomas. 7 Papetiers Nougeot et Chaplière, à Brouains ; Gasté, à Chérencey ; Homo les Vallées, à Vengeons. — Tanneurs Queslier, à Chèvreville ; Poulain, au Neufbourg. — Ajoutons, parmi les autres genres de commerce un teinturier à Ver; un boulan- ger à Monlhuchon ; des négociants à Ducey et au Fresne-Poret ; des marchands à Saint-James et Saint-Nicolas-des-Bois, à Fontenay et à Parigny. 8 Les professions étrangères à l'agriculture étant mentionnées aux procès-ver- vaux des assemblées, il est permis de croire, lorsque ces derniers sont muets, que les élus non qualifiés sont des paysans, propriétaires ou fermiers, adonnés à la vie rurale assez souvent, d'ailleurs, apparaît la mention de laboureur. ÉLIMINATION DU PROLÉTARIAT RURAL 205 cipaux et présidaient l'assemblée électorale de leurs paroissiens 0 Qn'ils fussent propriétaires, ou fermiers, ou tenanciers à un titre quelconque, ils étaient probablement tous rangés dans la caté- gorie des possédant-fonds. Il semble que les prolétaires ruraux, manœuvres, journaliers, travailleurs mercenaires, les futurs citoyens passifs de la Constituante, aient été partout écartés. Je n'en trouve mentionnés que deux, dans la paroisse de Gri- mesnil bailliage de Coutances et à Cagny bailliage de Caen. Dans les six villes de la généralité de Caen auxquelles le Règle- ment royal accordait une représentation exceptionnelle 2, c'est- à-dire à Caen, Bayeux, Cherbourg, Coutances, Granville et Valognes, les opérations électorales furent un peu plus compli- quées. Les assemblées urbaines du Tiers état y furent formées par les délégués des communautés d'arts et métiers, les représen- tants des divers corps et ceux des citoyens non incorporés. Chacune des communautés d'arts et métiers se réunit au siège de la corporation pour nommer ses députés et leur donner des instructions. Ces assemblées préliminaires n'ont laissé aucune trace à Coutances et à Valognes ;J. Le procès-verbal de l'assem- blée du Tiers état de Granville, tenue le 27 février 1789, men- tionne la présence des députés des corporations 4. Les archives 1 Voir ci-dessus, chap. V. p. 104. 2 Les autres villes de la généralité de Caen comprises dans les deux ressorts judiciaires de Caen et de Coutances, n'eurent droit qu'à quatre députés en vertu de l'article 31 du Règlement du 21 janvier 1789. On n'a conservé les procès-verbaux d'assemblée électorale que pour trois d'entre elles Carentan, Saint-Lô et Vire. A Carentan, l'assemblée des électeurs, forte de 106 membres, réunie le 1er mars dans une salle de l'hôpital, élut pour députés Desplanques-Dumesnil, maire de la ville ; Hervieu de Pontlouis, lieutenant particulier du bailliage, et deux avocats, Lereculley de la Huberderie et Caillemer. Bridrey. Cahiers de doléances, t. I. p. 712. — A Saint- Lô, deux assemblées successives celle du 27 février, où l'on élut six commissaires pour la rédaction du cahier, et celle du 6 mars, où l'on élut quatre députés, tous avocats Vieillard fds. de Boismartin, Lemenuel de la Jugannière, et Bernard. Arch. nat., B1" 54. — A Vire, le 26 février, 171 assistante réunis dans la chapelle de Saint-Thomas, élurent Flaust, lieutenant général du bailliage ; Mauduit, maire de la ville ; Monlien de Perthou, président de l'élection, et Surirey, premier juge-con- sul et échevin. F. Mourlot, La Convocation dans le bailliage de Vire, article cité, p. 309. 3 Le procès-verbal d'assemblée du Tiers état de Valognes du 5 mars 1789 men- tionne en bloc les cinquante et un comparants représentants des différentes cor- porations, corps et communautés de cette ville, des bourgeois et habitants ». Nulle indication plus précise. Arch. greffe du Tribunal civil de Coutances. Voir Bridrey, , ouv. cité, t. II, p. 7. 4 Arch. coram. Granville, Registre des délibérations, séance du 27 février 1789. Bridrey, oau. cité, t. I, p. 111-114 Négociants et armateurs, capitaines de na- vires, chirurgiens, procureurs, apothicaires, marchands, huissiers, perruquiers, 206 ASSEMBLÉES DES CORPS ET CORPORATIONS DANS LES VILLES municipales de Cherbourg conservent, avec la liste complète des membres des diverses corporations de la ville, celle des députés que ces corporations envoyèrent le 4 mars 1789 à l'assemblée urbaine du Tiers état ]. Ces documents ne nous renseigneraient pas de façon suffisante sur les premières opérations électorales des villes des bailliages de Caen et de Coutances ; deux d'entre elles heureusement, et non des moins importantes, Caen et Bayeux, offrent des informations plus précises. Leurs archives munici- pales ont conservé les procès-verbaux de la plupart des réunions corporatives préparatoires qui ont été tenues du 21 au 28 février 1789 celles de Caen contiennent 31 procès-verbaux et 29 cahiers de corporations '2 ; celles de Bayeux, 32 procès-verbaux, 11 ca- cordonniers, cabaretiers, menuisiers, charpentiers, marins, boulangers, tonneliers tailleurs et tisserands ». 1 Arch. corn m., Cherbourg, AA G4. Voici, dans l'ordre du procès-verbal de l'as- semblée du 4 mars 1789, 1 énumération des groupements corporatifs adonnés au com- merce ou à l'industrie Porteurs de commission de la marine ; entrepreneurs de travaux du roi ; négociants, fabricants de draps et marchands merciers, de fer et de vin ; tanneurs, teinturiers, selliers, bourreliers ; capitaines de long cours ; maîtres au cabotage ; constructeurs de navires; maîtres charpentiers, voiliers et cordiers marchands épiciers graissiers ; maîtres perruquiers; maîtres tailleurs; aubergistes; tonneliers; cafetiers; traiteurs; pilotes lamaneurs ; bouchers; boulangers; cabare- tiers chapeliers ; menuisiers ; forgerons, armuriers, ferblantiers ; cordonniers ; maçons ; meuniers. > Voir Brîdrey, oui', cité, t. 11, p. 43-4G. 2 Arch. connu., Caen, AA 47. Procès-verbaux d'assemblées électorales de 31 com- munautés d'arts et métiers, réunies du 21 au 25 février 1789 au bureau de la c. Par suite d'un tel empressement, les assemblées préliminaires des bailliages furent partout au complet. Si dans les ressorts judi- ciaires de petite étendue, le nombre des députés présents ne forme 1 Un certain nombre de paroisses se trouvent dans ce cas particulier Isigny, Anctoville, Banville, Fresnay-sur-Mer, Louvières, Saint-Loup-Hors bailliage de Bayeux; Anctoville bailliage de Coutances; Gouberville. Neuville-au-Plain, Vras- ville bailliage de Saint-Sauveur-le-Vicomte. — Réville, au bailliage de Valognes, envoya deux députés sur quaire. 2 Sur les défauts de paroisses dans les deux ressorts de Caen et Coutances, voir Onou, La Comparution des paroisses en 1789, dans La Révolution française, t. XXXII, 1897, p. 339. Sa liste présente quelques erreurs. Cf. Bridrey, ouv. cité, t. I, p. 9, 10. 214 TRANQUILLITÉ DES ASSEMBLÉES pas un total très élevé, comme à Cérences 26 députés, à Tinchebrai 79, ou à Saint-Lô 80, l'effectif fut plus considérable à Saint- Sauveur-Lendelin, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Carentan, Torigni, où il dépassa la centaine ]\ L'assemblée de Mortain atteignit presque deux cents membres 191 ; celle d'Avranches réunit 217 députés et celle de Vire 259. Dans les trois bailliages de Valognes, Bayeux et Caen, qui comprenaient un grand nombre de paroisses rurales, les procès-verbaux mentionnent la présence de 324, 311 et 488 députés. Malgré leur importance numérique, ces réunions furent des plus pacifiques, au témoignage des con- temporains. Les assemblées se sont passées dans le plus grand ordre et la plus grande harmonie, écrit Robillard subdélégué et lieutenant général à Saint-Lô, tout esprit de parti a été éloigné»^2. Desmarets de Montchaton, lieutenant général du bailliage de Coutances, en écrit autant au garde des sceaux sur les opérations électorales de son bailliage J'ai joui de la satisfaction de voir régner dans cette assemblée la concorde et l'esprit de patrio- tisme si désirables dans la circonstance. Chacun s'est empressé de donner des preuves de son zèle » 3. A Avranches, l'harmonie, la concorde et la liberté des suffrages ont passablement régné dans les différentes assemblées » [\ L'assemblée du Tiers état de Valognes s'est passée assez tranquillement, car on ne peut appeler troubles quelques clameurs indispensables à la réunion d'une multitude un peu tumultueuse » 5. Cette tranquillité est due en grande partie au procédé de tra- vail qu'adoptèrent la plupart de ces assemblées. Comme il fallait un certain temps pour fondre les cahiers particuliers des villes et des campagnes en un cahier unique, elles confièrent cette tâche, dès leur séance d'ouverture, à un certain nombre de com- missaires ^6. Le mode d'élection des rédacteurs varia selon les 1 A Carentan, 111 membres; à Saint-Sauveur-Lendelin, 118; à Saint-Sauveur-le- Vicomte, 131 ; à Torigni, 136. 2 Arch. dép., Calvados, C 6356. Lettre du subdélégué Robillard à l'intendant. 3 Arch. nat., Ba 35, liasse 70. Lettre du lieutenant général du bailliage de Cou- tances au garde des sceaux, 16 mars 1789. 1 Arch. dép., Calvados, C 6318. Lettre du subdélégué de Montitier à l'intendant 7 mars 1789. 5 Ibid., C 6358. Lettre du subdélégué Sivurd de Beaulieu à l'intendant, 16 mars 1789. 6 Dans deux assemblées préliminaires de bailliage le cahier fut rédigé en com- mun à Cérences, où l'assemblée, qui comptait 26 membres, élut 7 députés le 2 mars 1789 Bridrev, ouv. cilr, t. II, p. 787, et à Vire, où les députés demandèrent à vaquer tous » à la rédaction du cahier. Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du bailliage de Vue. Arch. dép., Calvados, non inventorié. ÉLECTION DES COMMISSAIRES REDACTEURS 215 bailliages. A Coutances, l'assemblée divisa les paroisses com- parantes en cinq districts et chacun d'eux nomma deux commis- saires M. Celle de Bayeux les élut en faisant l'appel des sergen- teries. À Caen, l'on discuta pour savoir si on les nommerait par arrondissement ou successivement ». Les paroisses de campagne désiraient l'élection par arrondissement ; mais une ordonnance du bailliage déclara cette forme contraire au règlement et après avoir choisi les six commissaires de Caen, l'assemblée se mit à procéder isolément à la nomination des dix-huit commissaires ruraux, à haute voix et par ordre alphabétique des villages. Cette opération menaçait de traîner en longueur et malgré des protes- tations, on se vit obligé d'élire en bloc les huit derniers commis- saires 2\ Ces commissions comprirent en général un nombre assez res- treint de membres vingt-huit à Bayeux, vingt-quatre à Caen, vingt à Saint-Lô, quinze à Torigni, douze à Carentan, Mortain, Valognes, onze à Coutances et à Avranches, dix à Saint-Sauveur- le-Vicomte, sept à Périers, six à Tinchebrai W. Pendant que s'accomplissait sans bruit leur travail, les assemblées s'étaient séparées. Quelques-unes d'entre elles se réunirent à nouveau pour entendre la lecture du cahier bailliager, lui donner leur appro- bation et élire le quart de leurs membres comme députés au bailliage principal ; cette seconde réunion était forcément incom- plète, plus d'un délégué rural n'y revint pas, ou ne fit qu'y apparaître. A Caen, écrit Soulavie, le lieutenant général proposa à l'assemblée d'élire en bloc les 122 députés du bailliage. Le parti de la robe et de la municipalité soutint cet avis et les dépu- te tés de la campagne y consentirent, déposant entre les mains du lieutenant général et du procureur du roi une liste de 122 députés et se retirèrent » 4. Dans maint bailliage les assemblées n'exercèrent même pas ce contrôle de forme sur la rédaction du cahier. Pour éviter aux Cl Arcli. nat., B 35, liasse 7n, et Àrch. du greffe du Tribunal civil de Cou lancés. Dans ce dépôt est conservé le procès-verbal d'élection des deux commissaires d'un de ces cinq districts, celui de Villedieu. Les autres étaient Coutances, Granville, Gavray, Tessy. 2 Arch. nat., Ba 27, liasse 15. Bulletins de l'abbé Soulavie. 3 Procès-verbaux des assemblées préliminaires du Tiers état de ces divers bail- liages; tous ceux du bailliage de Cotentin, au greffe de Coutances, sauf celui du ressort propre de Coutances Arch. nat., Ba 35, 1. 70 ; ceux de Bayeux et Torigni, au greffe de la Cour d'appel de Caen, et celui de Caen aux Arch. nat., BH 27, I. 4~>. 4 Arch. nat., Ba 27, liasse 45. 216 ÉLECTION DES DEPUTES DU QUART RÉDUIT trois quarts des députés ruraux les frais onéreux d'un retour à la ville 0>, elles procédèrent à la fois à la nomination des rédacteurs et des députés au bailliage principal et s'en remirent à ces der- niers du soin de tout régler. Celle d'Avranches, composée de 217 délibérants, donna le 5 mars 1789 à ses 54 députés plein pouvoir d'arrêter et signer le cahier général des plaintes, deman- des et doléances tel et en l'état qu'il aurait été rédigé par les dits sieurs commissaires et qu'il leur serait représenté le vendredi 13 de ce mois » ; elle se sépara ensuite définitivement 2. Les 301 députés rangés dans les cinq districts électoraux du bailliage de Coutances, en même temps qu'ils choisissaient les commissaires rédacteurs du cahier unique, désignèrent le quart d'entre eux afin de l'examiner et d'y faire pour le bien commun telles obser- vations qu'ils aviseraient ». Ils déclarèrent s'en rapporter en tout à la prudence et à la décision de ceux-ci » 3. A Saint-Lô, les 20 commissaires rédacteurs élus dès le premier jour se trou- vèrent former juste le quart de l'assemblée 4. L'assemblée du bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin, réunie à Périers le 9 mars, forte de 128 députés, se réduisit au quart le lendemain et donna à ses 31 délégués mission d'approuver le travail que les sept com- missaires devaient leur présenter le 13 mars 5. Cette hâte des paysans à retourner à leurs champs favorisa le succès électoral des magistrats et des hommes de loi. Plus d'un d'entre ceux-ci, après avoir été éliminé par les suffrages urbains, rentrait le front haut à l'assemblée bailliagère, comme élu d'une paroisse rurale. Ils n'étaient, à vrai dire, qu'une minorité plus ou moins importante selon les ressorts à Coutances, où ils étaient 54 en face de 216 laboureurs, ils formaient à peine le sixième de la représentation du bailliage ; à Mortain, ils étaient moins de 30 sur 191 députés ; à Tinchebrai, moins de 10 sur 97 présents. Dans les autres assemblées préliminaires du Cotentin et dans celles du ressort de Caen, ils étaient aussi, sans qu'on puisse en préciser la proportion, en infériorité numérique par rapport aux délégués paysans, désignés sous le terme de laboureurs ou de propriétaires ; ils partageaient cette infériorité avec les représentants urbains 1 Beaucoup d'entre eux étaient pressés de rentrer dans leurs fermes pour faire les mars ». Voir Bridrey, oiw. cité, t. 1, p. 14. 2 Arch. greffe du Tribunal eivil de Coutances. Procès-verbal de l'assemblée pré- liminaire du Tiers état du bailliage d'Avranches, 5 mars 1789. 3 Ibid., Etat des députés du district de Villedieu, 3 mars 1789. 4 Ibid., Procès-verbal de l'assemblée préliminaire du Tiers étal du bailliage de Saint-Lô, 10 mars 1789. 5 Arch. nat., Bm 54. EFFACEMENT DES DEPUTES RURAUX 217 de l'industrie et du commerce, assez clairsemés dans la masse des électeurs. Et cependant, par un acte de véritable abdication, les laboureurs, qui avaient la prépondérance numérique dans les assemblées et qui pouvaient la conserver dans les commis- sions et les députations, s'effacèrent presque partout devant une minorité plus éclairée et plus audacieuse. La nécessité d'un séjour plus ou moins prolongé à la ville pour la rédaction et la ratification des articles du cahier de l'assemblée préliminaire donna l'avantage aux habitants des villes, à ceux qui y avaient leur rési- dence et leurs occupations. Par une habile tactique, issue des cir- constances, l'élément urbain, dans la plupart des assemblées, prit le pas sur l'élément rural; dans ces réunions, tenues par autorité de justice, les gens de robe parvinrent à éliminer la masse des paysans, à substituer à la force incohérente du nombre l'influence victorieuse de leur fortune, de leur situation sociale et de leurs lumières. On vit cette influence se manifester à deux reprises, d'abord dans le choix des commissaires rédacteurs du cahier, puis dans l'élection des députés du quart réduit » ' . A Coutances, malgré la division en districts qui eût dû être favorable au recrutement rural, on compte, sur 11 commissaires, un conseiller et un procureur en élection, cinq avocats, deux médecins, un négociant et un seul laboureur. A Saint-Lô, douze hommes de loi, un médecin, un négociant l'emportent, dans une commission de 20 membres, sur trois laboureurs et trois sieurs propriétaires ». A Tinchebrai, en plein Bocage, aucun des six rédacteurs n'est un paysan les élus sont le lieutenant général du bailliage et le procureur du roi, trois avocats et un médecin. A Mortain, où 31 paroisses sur 70 n'ont envoyé que des labou- reurs comme députés, et où ceux-ci comptent 113 voix sur 191 présences, les douze rédacteurs du cahier sont huit avocats, deux médecins, un conseiller au baillage, un négociant. A Avran- ches, la commission de onze membres comprend huit hommes de loi et trois laboureurs. A Valognes, sur onze membres, la commission de rédaction ne compte que cinq laboureurs ; les sept membres, qui forment la majorité, sont le lieutenant parti- culier du bailliage, le procureur du roi de l'amirauté de Saint- Vast, le bailli de Bricquebec, le vicomte de Barfleur, un conseiller honoraire au Conseil supérieur de Corse et deux avocats. Sans avoir une majorité aussi écrasante dans les autres bailliages, à 1 Voir, pour les bailliages du Cotentin, Bridrey, La Représentation des Profes- sions, etc. 218 PRÉPONDÉRANCE DE LA BOURGEOISIE URBAINE Caen, Bayeux, Torigni, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, les hommes de loi contrebalancèrent tout au moins dans les commissions l'influence des laboureurs. La même élimination des laboureurs s'accomplit dans l'élection des députés du quart réduit ». Elle fut moins accusée toutefois. Le nombre de ces députés étant beaucoup plus élevé que celui des rédacteurs, force fut aux assemblées d'adjoindre à ceux-ci, pour compléter la délégation, une escorte parfois assez considé- rable de ruraux. Dans certains bailliages, comme Valognes, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Tinchebrai, les paysans l'emportèrent sur les hommes de loi W ; dans ceux de Carentan, de Cérences, de Saint-Sauveur-Lendelin, d'Avranches, les deux catégories de députés se firent à peu près équilibre *. Il en fut de même dans le bailliage de Vire, où la balance se tint égale entre urbains et ruraux l8, tandis qu'elle pencha sensiblement en faveur de l'in- fluence urbaine dans le bailliage de Caen *. Dans trois bailliages, le triomphe de la bourgeoisie de robe fut significatif. A Mortain, sur 48 députés, le quart seulement est composé de laboureurs 12; le reste est formé par des avocats 14, des médecins et chirur- giens 8, des notaires 2, un conseiller au bailliage, cinq bour- geois vivant noblement et quelques négociants. A Coutances, les hommes de loi formaient le dixième de l'assemblée préliminaire ; ils furent la moitié de la députation sur 80 députés, 29 seulement él nient laboureurs. Saint-Lô surtout offrit le spectacle d'une annihilation presque totale des campagnes au profit de la ville ; les commissaires rédacteurs, au nombre de 20, composèrent la députation du bailliage. Trois laboureurs y furent admis, ainsi qu'un négociant. Les 16 autres députés étaient des juges, des avocats, des procureurs ou des médecins, c'est-à-dire des bourgeois. fl Le quarl réduit comprit, à Valognes, 42 laboureurs contre 23 hommes de lui et 7 négociants ; à Saint-Sauveur-le-Vicomte, 24 laboureurs et 3 herbageurs contre H gens le robe à Tinchebrai, sur 23 députés, il n'y eut que 5 avocats ; le reste des élus lui formé de propriétaires, laboureurs ou gens non qualifiés. 2 Le quarl réduit compta, à Carentan. sur 32 députés, 10 ruraux contre 13 geas de loi; à Cérences, 1 laboureurs contre î hommes de robe ; à Saint-Sauveur-Lende- lin, 15 hommes de loi contre 11 laboureurs el ;{ négociants ; à lÀvranches, 23 gens de oi contre 20 laboureurs et 10 marchands. 3 Sur les 06 députés que compta le quart réduit du bailliage de Vire, une tren- aine de gens de loi et quelques négociants faisaient équilibre aux propriétaires et laboureurs formant l'autre moitié de la députation. 4 Sur les 122 députés formant le quart réduit du bailliage de Caen, on compte, outre les députés urbains, i hommes de robe parmi les 18 commissaires ruraux, dont plusieurs résidaient à Caen, et une quarantaine de gens de loi et négociants de Caen parmi les 74 députés dits de la campagne ; au total, environ 80 députés urbains. VICTOIRE DES GENS DE ROBE 219 L'évolution de la campagne électorale du Tiers-état, dans les deux bailliages principaux de Caen et de Coutances, avait été très favorable aux villes. La majorité rurale, si écrasante au début, allait se fondant peu à peu dans les assemblées électorales graduelles. Les gens des villes en avaient imposé aux paysans, s'étaient attribué la meilleure part dans les commissions et une place notable au sein des délégations. Et c'est la robe, plus encore que le négoce ou l'industrie, qui avait profité de cette évolution . Outre le procès-verbal au l lien tique de l'assemblée du clergé de Caen et la correspondance de Coigny, nous possédons sur cette réunion d'autres renseignements fort intéressants les protes- tations successives adressées par l'évêque de Bayeux et son chapitre au ministre de la province, Villedeuil 3 ; une lettre écrite de Caen le 21 mars 1789 à M. B. . . » et que j'attribuerais à Revel de Bretteville, procureur du roi au bailliage W; le Journal de Soulavie. Curé de Septvents au bailliage de Torigni depuis 1787, l'abbé Soulavie, qui était en même temps vicaire général de l'évêque de Châlons, s'associa avec passion au mouve- ment électoral de 1789 et joua un rôle des plus actifs dans l'as- semblée du clergé de Caen, où il chercha vainement à se faire élire. Ses bulletins manuscrits, adressés au jour le jour à Necker, contiennent une relation fort curieuse des événements l5. En rapprochant ces documents divers, et en tenant compte des exagérations inspirées à leurs auteurs par l'esprit de parti, on peut reconstituer assez exactement les scènes vraiment drama- tiques auxquelles donna lieu l'élection des députés du clergé. Dans le diocèse de Bayeux, comme dans ceux de Coutances et d'Avranches, cet ordre était divisé en deux camps l'évêque et les gros commendataires d'une part, les curés et les petits bénéficiers de l'autre. L'évêque de Bayeux, du Cheylus, qui passait pour avoir plus de livres de revenu annuel, n'était pas des plus populaires. Les curés lui en voulaient parce que quelques-uns d'entre eux avaient plaidé contre lui pour avoir une augmentation de traitement qu'il leur refusait malgré 1 Esnault, Mémoires de la ville de Caen, t. I, p. 4. 2 Lettres du duc de Coigny à Necker et Villedeuil. Arcli. nat, Ba 27, 1. 45. Ct Arch. château d'Harcourt, 1. 338. Lettre du même au duc d'Harcourt. Le rédacteur du catalogue manuscrit de ces archives attribue à tort ces Ici lies au marquis d'IIé- ricy. 3 Arch. nat., Ba 27, 1. 45. Ibid., C 17, 1. 38. Arch. greffe de la Cour d'appel de Caen. Registre n° 4. 4 Copie d'une lettre écrite de Caen le 21 mars 1789; pas de signature. Arch. nat., Ba27, 1. 45. 5 Journal des élections du bailliage de Caen ; 7 pièces. Ibid., publiées par A. Brette dans La Révolution française, t. XXVII, p. 162-169. Cf. A. Mazon, Histoire de Soulavie,. naturaliste, diplomate, historien, t. II. p. 85-90. MALVEILLANCE RECIPROQUE DES DEUX PARTIS 227 ses revenus considérables ». On lui reprochait aussi d'avoir récemment interdit les Capucins de Caen, très respectés dans la ville l. On l'accusait enfin d'avoir voulu enlever les pouvoirs à tous les vicaires des paroisses pour empêcher l'absence des curés et les écarter des élections 2. Le bas clergé était en grande majorité hostile, non seulement à l'évêque, mais au chapitre de la cathédrale de Bayeux. Dès la veille de l'assemblée les curés avaient tenu, en dehors de l'abbaye Saint-Etienne qui leur avait été assignée pour leur réunion, des conférences particulières, convoquées par billets anonymes, à l'église voisine de Saint-Nicolas. Ces conférences clandestines et illégales », tenues malgré l'arrêt du 25 février 1789 et la défense de l'évêque, avaient excité chez celui-ci une vive indignation. Elles avaient eu pour but de préparer les opinions et les élec- tions » i>. On y avait tenu des propos séditieux, on y avait arrêté les listes des commissaires et des députés. On semblait tout y avoir réglé d'avance. Déjà fort mécontent du Règlement du 24 janvier, qui décimait son chapitre et donnait la prépondérance au clergé du second ordre, l'évêque du Cheylus était arrivé à Caen avec des vues hostiles ». La manifestation de Saint-Nicolas accrut son dépit. D'accord avec son chapitre, il résolut de faire un éclat, de procéder par l'intimidation, et de rompre l'assemblée ». Il débuta par un discours incendiaire où il fronda de la manière la plus indé- cente le Règlement du Roi ». Le lieutenant de police trouva ce discours si affreux » qu'il en interdit l'impression 4. Avec des dispositions si malveillantes de part et d'autre, la lutte ne devait pas tarder à s'engager 5. La première journée 17 mars, assez paisible, fut consacrée à l'élection du secrétaire de l'assemblée, au scrutin individuel. Lefrançois, curé de Mutrécy, 1 Esnault, Mémoires de la ville de Caen, p. 4. 2 Lettre de Le Tuai, curé de Saint- Vigor-Ie- Grand, citée ci-dessus, ch. IX, p. 191, note 4. Arch. nat., Ba 27, I. 45. Bisson adresse à du Cheylus le même reproche Il lit tous ses efforts, écrit-il, pour écarter de l'assemblée quelques curés remuants dont il redoutait les principes austères. » Mémoires, fol. 78. 3 Lettre de l'évêque de Bayeux à Villedeuil, 22 mars 1789. Arch. nat., Ba27, 1. 45. 4 Lettre écrite à M. B... auteur anonyme le 21 mars 1789. Ibid. J'ai retrouvé ce discours prononcé par l'évêque de Bayeux à l'ouverture de l'assemblée de l'ordre du clergé le 17 mars 1789, aux Arch. comm. Caen, ancien carton 20. 5 Ce discours déplacé, écrit Bisson, produisit tout son effet. Il acheva de soule- ver tous les esprits contre M. l'évêque et contre le chapitre de sa cathédrale et devint le signal du scandaleux combat qui eut lieu contre le prélat, ses grands vicaires et chanoines et le reste du clergé. » Mémoires, fol. 78. 228 TUMULTE ET CONFUSION DE L'ASSEMBLÉE recueillit la plupart des suffrages. Le 18 mars, le tumulte com- mença, lorsque le chapitre de Bayeux demanda à présenter ses observations. Il contestait la validité du Règlement du 24 jan- vier, proposait de déclarer l'assemblée inconstitutionnelle et demandait la nomination de commissaires pour délibérer sur cette proposition. Ses membres se retirèrent ensuite pour ne pas gêner les décisions de l'assemblée. Après leur dépari, la discussion s'éleva et prit bientôt un caractère aigu. Pendant plus d'une demi-heure, au milieu d'un vacarme indescriptible, les partisans et les ennemis de l'évêque et du chapitre furent aux prises. La très grande majorité refusa de mettre en délibération le Règlement royal. Quand Soulavie, monté sur une table au milieu de cette confusion, demanda le vote par mains levées sur ce point, cin- quante têtes pelées se dressèrent pour juger le règlement, et mille mains se levèrent contre le jugement » i1. Les épiscopaux furent impuissants à se faire écouter, et quand le chapitre rentra, on lui signifia le refus de ses propositions. Il déposa alors sur le bureau de l'assemblée une protestation passée devant notaire à Bayeux le 13 mars, et se retira. L'évêque sentit sa situation absolument compromise 2. Il perdit la tête et s'écria à haute voix que le Règlement royal n'était qu'un maussade chiffon et une mépri- sable besogne, un chiffon détestable auquel il n'obéirait jamais »3. Faisant cause commune avec son chapitre, il se retira aussi en prétextant le peu de tranquillité qui régnait dans l'assemblée et l'indécence des clameurs qui troublaient les opérations et les suf- frages 4. Le chapitre de Sées, l'abbé de Troarn par son procureui, 1 Mazen, Histoire de Soulavie, t. I, p. 85 sqq. — Après une demi-heure, écrit l'évêque de Bayeux à Yilledeuil. on fit rentrer les membres du chapitre pour leur annoncer le rejet de leur proposition. Quelqu'un Mesnilgrand représenta qu'on n'avait pas été aux voix, qu'il ne pouvait y avoir délibération. Aussitôt bruit affreux et le refus se trouva tumuïtuairement consommé. » Lettre de du Cheylus à Ville- denil. 22 mars 1789. Arch. nat, Ba 27, 1. 45. 2 Il y eut, écrit Bisson, une sorte d'émulation parmi les curés à qui le moleste- rait davantage. » Mémoires, fol. 78. 3 Lettre écrite à M. B., 21 mars 1789. Arch. nat., Ba 27, 1. 45. 4 Lettre de l'évêque de Bayeux à Villedeuil, 22 mars 1789. Ibid. Du Cheylus y pro- teste auprès du ministre contre l'inexactitude du procès-verbal de sa retraite, tel qu'il a été rédigé par le lieutenant général du bailliage pie le tumulte de l'assem- blée avait forcé d'intervenir. — Vous verrez par ce procès-verbal, écrit le procu- reur du roi au bailliage de Caen, que lors des discussions de l'évêque et de son clergé nous tûmes appelés, M. Delisle et moi, pour y mettre la paix dans l'assem- blée , que le bon évêque n'avait pas même un secrétaire pour rédiger un procès-ver- bal, que celui que l'on va recevoir fut rédigé sous notre dictée, et qu'actuellement Monseigneur bonde contre nous pour l'avoir fait. » Lettre du 21 mars 1789. Ibid. RIVALITÉ DE SOULAVIE ET DE MESNILGRAND 229 de Cairon, abbé de Barbery, Méry de Berthenonville, doyen du Sépulcre, et quelques autres adhérèrent à la protestation du chapitre. Mesnilgrand, prieur de l'abbaye Saint-Etienne, un des membres les plus actifs de la Commission intermédiaire provinciale, très ambitieux et désireux de capter les suffrages en ménageant les deux partis, y adhéra aussi, mais en formulant des réserves ; il déclara respecter le Règlement royal » et se contenta d'une protestation platonique pour l'avenir. Une partie del'Univer- sité de Caen se rangea à son avis. Ces diverses protestations restè- rent d'ailleurs sans effet l'immense majorité de l'assemblée se rallia à la voix du prêtre Jarry qui en faisait justice, et sans se préoccu- per davantage du départ du chapitre et de l'évêque, auquel, par courtoisie, elle avait envoyé une délégation pour le prier de revenir sur sa détermination, elle continua à délibérer sous la présidence de l'abbé de Barbery tt. Sur la proposition de Sou- lavie, vingt-cinq commissaires cinq par bailliage furent élus pour la fusion des cahiers particuliers $. Soulavie fut l'un des commissaires du bailliage de Torigni et le rédacteur général du cahier. Il avait déjà exposé son programme de réformes dans une brochure intitulée V Aristocratie enchainée 3. II y demandait la soumission des biens du clergé à l'impôt, la fusion du clergé et des autres ordres, le retour des dîmes au curé après la mort des commendataires. Il espérait faire accepter ce programme aux curés, en grande majorité dans la commission, où il n'était entré que cinq religieux. Mais le chef de cette minorité, le béné- dictin Mesnilgrand, jeune, vigoureux et beau parleur » fut assez habile pour effrayer les autres commissaires, et bientôt Soulavie se trouva isolé. Obligé de modifier contre son gré les 1 Un vieillard moribond s'est saisi du fauteuil et s'est nommé président... » Journal des élections, etc., 22 mars 1789. Arch. nat, Ba 27, 1. 45. 2 Commissaires-rédacteurs élus Pour le bailliage de Bayeux Le Tuai, curé de Saint- Vigor-le-Grand ; Liot, curé de Catilly ; Scelles, curé de Houtteville ; Delleville, curé de Crépiu, et le prieur de Saint-Vigor. Pour le bailliage de Caen Levêque, curé de Tracy ; les curés de Hamars, de Saint-Sauveur et de Saint-Nicolas de Caen et dom Mesnilgrand, prieur de Saint-Etienne de Caen. Pour le bailliage de Falaise Le Tellier, curé de Bonnœil ; les curés de Saint-Germain de Falaise, de Mézidon, de Sainte-Opporlune et de Pont, près Jores. Pour le bailliage de Torigni Soulaville ainsi écrit le procès-verbal original, curé de Septvents ; les curés de Sallen, La Chapelle-IIeuzebrocq, Saint-Clair et le prieur de Guilberville. Pour le bailliage de Vire les prieurs de Carville et de Roullours ; les curés de Saint-Martin-de-Talle- vende, Saint-Germain-du-Crioult et Cerisy-Belle-Etoile. 3 La deuxième partie de cette brochure était intitulée Les doléances des curés de Normandie présentées par le sieur Soulavie, curé de Septuents, au bailliage de Caen 16 pages. 230 ÉLECTION DE TROIS CURÉS RURAUX articles du cahier général, puis mortifié par l'accueil plutôt froid que sa lecture avait trouvé parmi ses auditeurs, Soulavie donna avec éclat sa démission de rédacteur. Il distribua une protesta- tion imprimée contre la déloyauté des commissaires, demanda à prouver par témoins que plusieurs de ceux-ci avaient essayé de le corrompre par des présents, accusa les épiscopaux de faire boire les curés dans l'abbaye ». La faction des commendataires tenta de le perdre. Une sentence du bailliage lui interdit l'assis- tance aux assemblées ; Mesnilgrand lui en fit fermer l'accès et le séquestra même pendant plusieurs heures dans une salle de son abbaye. A la prière des curés, et après rétractation publique de ses accusations, Soulavie rentra dans la chambre du clergé et put assister aux dernières séances. Mais il n'y joua désormais aucun rôle et ne fut pas élu aux Etats généraux, pas plus d'ail- leurs que son rival Mesnilgrand. Ce furent trois curés ruraux qui rallièrent la majorité des suffrages *. Le secrétaire de l'assemblée, Lefrançois, curé de Mutrécy, fut le premier des trois députés. Le même jour 26 mars fut élu le premier commissaire du bailliage de Caen, Levêque, curé de Tracy. Le Tellier, curé de Bonnœil et premier commissaire du bailliage de Falaise, fut nommé le 27 mars. La- rancune des curés contre l'évêque, son chapitre et les moines avait persisté jusqu'à la fin des élections. C'était la victoire du bas clergé et sa revanche contre les humiliations et les vexations qu'il avait endurées. Ces élections avaient un caractère démocratique indéniable le premier ordre, celui des gouvernants », était battu par le second, celui des gouvernés ». Vainement l'évêque et le chapitre protes- tèrent-ils contre les décisions de l'assemblée électorale et refu- 1 Les curés avaient leur siège fait avant l'ouverture de l'assemblée électorale, témoin les lettres de Soulavie, curé de Septvents, et de Le Tuai, curé de Saint- Vigor- le-Grand, à Necker, 6 mars et 14 mars 1789 voir ci-dessus, chapitre IX, p. 191-192. Leur entente persista pendant la durée de l'assemblée. Bisson, dans ses Mémoires, raconte, sur leurs manœuvres, des détails assez intéressants Les curés, dit-il, ne voulurent que des curés pour les remplacer. 11 en fallait trois pour le bailliage de Caen, et ceux qui furent désignés et qui réunirent la majorité des suffrages furent le sieur Lefrançois, curé de Mutrécy, Lévèque, curé de Tracy-Bocage, et Letellier, curé de Bonnœil. En prenant les trois lettres initiales de ces trois paroisses, ils en firent une espèce de mot d'ordre ou de guet assez singulier, au moyen duquel les curés s'assuraient mutuellement qu'ils étaient dans la même opinion sur le choix des députés à nommer. Le premier disait à l'autre M'aimes-lu bien ? et l'autre devait répondre Ma toute belle. Quand on s'était parlé ainsi de part et d'autre, on se ser- rait la main l'un à l'autre en signe d'union de cœur et de sentiment. » Mémoires, fol. 79 V. l'assemblée de la noblesse a coutances 231 sèrent-ils de reconnaître les députés du clergé. Leur attitude fut blâmée par tous, même par le roi 1>. Les deux assemblées de la noblesse, celle de Coutances comme celle de Caen, furent plus paisibles. A Coutances, l'ordre de la noblesse se réunit le 20 mars dans l'église des Capucins, sous la présidence du doyen d'âge, Plessard de Servigny 2. Le marquis de Caillebot la Salle, lieutenant général des armées du roi, dirigea bientôt les séances, en l'absence du grand bailli d'épée, le marquis de Blangy, vieillard qui s'éteignait alors dans un château des environs de Caen 3. L'assemblée élut pour secrétaire Frémin de Beaumont, procureur syndic noble du département de Coutances. Elle procéda le 21 mars à l'élection de onze commissaires chargés de la rédaction de son cahier. Chacun des dix bailliages secon- daires devait fournir un rédacteur, et le onzième devait être élu par l'assemblée. Les suffrages tombèrent sur des hommes déjà initiés à l'administration et qui avaient tous joué un rôle plus ou moins actif comme présidents ou députés des assemblées de département ou comme procureurs syndics *î. C'est parmi eux qu'allait être choisie la plus grande partie de la députation. Après trois jours de travail, ces commissaires, qui avaient eu à leur disposition de nombreux mémoires particuliers, soumirent à la discussion de l'assemblée les articles de leur cahier. L'élection des quatre députés aux Etats généraux prit quatre jours et fut des plus calmes. Pas la moindre querelle ne s'y éleva. Mais la majorité fut difficile à atteindre, les suffrages s'égarant sur une vingtaine de candidats 5. Sur quatre députés, deux seulement 1 Lettre de Delessart, du 1er avril 1789, sur la surprise indignée du roi à cette occasion. Arcb. nat, Ba 27, 1. 45. L'évêque de Bayeux, en juin 1789, refusa de recon- naître l'ordre du clergé au sein des Etats généraux et d'adhérer à ses délibérations. Ibid. 2 Procès-verbal de l'assemblée de la noblesse du bailliage de Coutances. Arch. nat., C 18, 1. 62. Ibid., B"1 53. 3 Voir ci-dessus, chap. IX, p. 186, note 2. 4 Commissaires-rédacteurs de la noblesse pour le bailliage de Cotentin. Cou- tances Le Forestier de Mobecq ; Cérences Le Forestier de Munevîlle ; Saint-Lô d'Auxais de Montfarville ; Avranches Artur de la Villarmois ; Mortain de Vau- fleury de Saint-Cyr ; Carentan Le Maignan ; Valognes Beaudrap de Sotteville ; Saint-Sauveur- le- Vicomte d'Anneville du Vaast ; Saint-Sauveur-Lendelin Achard de Bonvouloir ; Tinchebrai de Gassé, du bailliage de Valognes élu par l'assemblée à la pluralité des voix, vu l'abstention en bloc de la noblesse de celui de Tinche- brai ; le onzième commissaire, élu aussi par toute l'assemblée, fut Michel de Cham- bert. 5 Lettre du comte de Vassy, 31 mars 1789. Arch. dép., Calvados, série E, famille Vassy. 232 LES DÉPUTÉS NOBLES DU COTENTIN furent élus au premier tour de scrutin ; il fallut deux tours pour l'élection du troisième, et trois tours pour celle du dernier. Le premier élu fut Achard de Bonvouloir, seigneur patron du Désert, près Saint-Lô, ancien capitaine de cavalerie. C'était un des plus fougueux aristocrates de l'assemblée, un des partisans les plus opiniâtres de l'Ancien régime, un des plus ardents défenseurs des privilèges nobiliaires. Il avait exprimé avec véhémence ses opinions dans son Tribut d'un gentilhomme normand à V Assem- blée des notables. Il passa au premier tour de scrutin, le 28 mars. Son élection était caractéristique et dévoilait les tendances rétrogrades de l'assemblée. Le second siège fut attribué, le 29 mars au soir, à Beaudrap de Sotteville, ancien officier au corps royal de l'artillerie, procureur syndic noble du département de Valognes. On se rappelle les motifs de son triomphe sur Colleville à l'occasion de l'élection au syndicat en 1788 l\ et la signification de cette nouvelle victoire électorale n'était douteuse pour per- sonne. Le 30 mars, un noble de l'Avranchin, Artur de la Villar- mois, fut nommé au premier tour. Le quatrième siège fut disputé entre Leclerc de Juigné, comte de Courtomer, seigneur de Sainte- Mère-Eglise, maréchal de camp des armées du roi, parent de l'archevêque de Paris, et Frémin de Beaumont, secrétaire de l'assemblée. Au scrutin de ballottage ce fut le premier qui l'em- porta. La noblesse du Cotentin n'avait pas élu un seul noble de robe c'est dans l'aristocratie militaire et foncière qu'elle avait à dessein choisi ses représentants. L'assemblée de la noblesse du bailliage de Caen, réunie à l'abbaye Saint-Etienne, tint douze séances du 17 au 28 mars 1789. Le grand bailli d'épée, le duc de Coigny, la présida *. Les huit plus anciens gentilshommes de chacun des cinq bailliages réunis formèrent une commission de quarante membres, qui élut pour secrétaire Grandin de la Gaillonnière. On procéda ensuite à l'élection de vingt-cinq commissaires cinq par bailliage pour la rédaction du cahier de doléances. Beaucoup d'entre eux étaient aussi des membres de l'Assemblée provinciale ou des assemblées de département, tels pour le bailliage de Caen, le comte d'Osse- 1 Voir ci-dessus chap. III, p. 14, noie 2. f-2 Procès-verbal de l'assemblée de la noblesse du bailliage de Caen. Arch. greffe de la Cour d'appel de Caen, Registre n° 3. Cf. Arcb. nat, C 17, 1..88etBm 40. Le mar- quis de Than, lieutenant-général d'épée au bailliage de Caen, qui avait réclamé la présidence de la noblesse, fit, au début de l'assemblée, une protestation purement formelle vu lu présence du grand bailli. l'assemblée de la noblesse a caen. ses députés 233 ville, le marquis de Cagny et le marquis d'Héricy de Vaussieux ; pour celui de Bayeux, le comte de Faudoas, de Berné, de Wimp- fen ; pour Falaise, le comte de Vendceuvre ; pour Vire, le comte de Vassy, le marquis de Canisy, des Rotours baron de Chaulieu et Brouard de Clermont. Du 18 au 23 mars, ces commissaires travaillèrent en commun pour fondre en un seul les différents cahiers particuliers qui leur avaient été remis. Le 23, le comte d'Osseville en commença la lecture devant l'assemblée ; elle dura trois jours. Dès les premières séances, sur la proposition du duc de Coigny, la noblesse avait fait abandon de ses privilèges pécu- niaires, tout en exprimant le désir du maintien de ses autres privilèges *. Le 26 mars, le baron de Wimpfen lut un long mé- moire, demandant une marque distinctive pour la noblesse des deux sexes, en dédommagement des sacrifices qu'on exigeait d'elle 2. îl fut acclamé et ce succès opportun le mit en vue pour la députation. L'assemblée avait à nommer trois députés ; l'attri- bution de ces trois sièges nécessita, pour chacun, deux tours de scrutin. Le duc de Coigny, président, fut le premier élu ; le comte Louis de Vassy obtint le second rang. Tous deux étaient de vieille noblesse normande, comptaient parmi les grands proprié- taires fonciers du pays et avaient joué pendant ces dernières années un rôle considérable dans l'administration de la province. Un autre gentilhomme, d'origine, normande, le rapporteur des doléances de la noblesse, le comte d'Osseville, dont le zèle géné- reux avait eu déjà tant d'occasions de se manifester, recueillit un nombre assez grand de suffrages pour le troisième siège. Mais il trouva un concurrent plus heureux dans la personne du baron Félix de Wimpfen, dont le mémoire sur un nouvel ordre de che- valerie venait de séduire l'assemblée. Wimpfen n'était normand que d'adoption né dans une petite ville de la Basse-Alsace, il avait servi dans des régiments étrangers à la solde de la France, pris part à la guerre de Sept Ans, à l'expédition de Corse, à la guerre de l'indépendance américaine. Pendant son séjour au 1 Une lettre du 23 mars 1789, écrite par un membre de la noblesse, Néel de Ton- tuit, faisait un pressant appel à l'union. Songeons au bien public, écrit-il,... Que la parfaite équité serve de base à la démarcation des privilèges de cbaque ordre. Sacrifions-nous au bien-être de la patrie, chacun dans la mesure où nous pouvons la servir... Accordons à nos députés] la liberté de sacrifier nos droits. » Cette lettre nous est connue par une copie transcrite à la suite du cahier des armuriers, fourbis- seurs et couteliers de Caen. Arch. comm., Caen, ancien carton 20. 2 Arch. nat., Ba 27, 1. 15, dossier 6, et Bm -10. p. 352 publié par Hippeau, t. Vil, p. 231. Cf. ci-dessus, chap. IX, p. 194. 234 l'assemblée du tiers état A CAEN camp de Vaussieux 1778-1780, il avait épousé une châtelaine du Bessin, et il était devenu seigneur de Saint-Germain-la-Lieue, près Bayeux. La paix de Versailles l'y avait ramené comme maréchal de camp en 1784. Il y vivait depuis cinq ans ; membre de l'académie locale, il occupait ses loisirs à des travaux sur l'art militaire, et à des études philosophiques et littéraires 1. En 1788, il avait été choisi comme député de la noblesse à l'assemblée du département de Bayeux. Le rôle actif qu'il joua dans l'assemblée électorale de Caen le fit préférer au comte d'Osseville et le scrutin de ballottage lui attribua la troisième députation *. Les élections de la noblesse du bailliage de Caen avaient eu un caractère aristocratique, autant que celles du Cotentin. Pas un noble d'office n'était député de cet ordre. La noblesse de race l'avait emporté 3. Les assemblées générales du Tiers état commencèrent à des dates différentes à Caen et à Coutances. Dans la première de ces villes, 455 délégués des bailliages se réunirent le 17 mars à l'abbaye Saint-Etienne, sous la présidence du lieutenant général Duperré de Lisle 4. Trois commissaires furent désignés par bailliage pour fondre les cinq cahiers bailliagers en un seul ; ces quinze rédac- teurs étaient des magistrats, des avocats ou des négociants 5. Delauney, député de Bayeux, semble avoir été le plus actif d'entre eux et comme le rapporteur général. Leur besogne étant achevée le 21 mars, le cahier général fut lu en assemblée publique et plusieurs changements y furent faits. Des observations pré- sentées le 23 mars par deux députés du bailliage de Caen, Le Canu et Laurent, et une protestation de Le Tellier, avocat de Bayeux, qui rallia 68 signatures, déposée le 26 mars sur le. bureau de l'Assemblée, ajournèrent jusqu'à cette date la rédaction défi- nitive du cahier. Delauney dut prendre la parole pour défendre 1 Voir Pezet, Bayeux au XVIIIe siècle, p. 60 et suivantes. 2 On fut surpris, dit un contemporain, de la nomination de Wimpfen, comme si dans la noblesse du pays on n'eut pu trouver un homme capable et digne de cet honneur ». Esnault, Mémoires de la ville de Caen, t. I, p. 4. 3 Voir Pezet, ouv. cité, p. 105. 4 Arch. greffe de la Cour d'appel de Caen. Registre n° 2 intitulé Procès-verbal de l'ordre du Tiers état 1789. Cf. Arch. nat., C 17, 1. 38 et B1" 10. 5 Commissaires-rédacteurs du Tiers état. Pour le bailliage de Caen de la Rue, Costy, Lamy ; pour celui de Bayeux Delleville, Delauney et de la Londe Sainte- Croix ; pour celui de Falaise Bertrand l'IIodiesnière, de l'Epine et Poulain de Reau- chesne ; pour celui de Torigni Ileudeline, Pain, Fleury ; pour celui de Vire Flaust, Lecourt et Brenet de Rrais. LES DÉPUTÉS DU TIERS ETAT DU BAILLIAGE DE CAEN 235 l'œuvre des commissaires *, et réussit à faire accepter le cahier par une majorité de paysans pressés de retourner aux travaux des champs 2. Les opérations électorales commencèrent le 22 mars et durèrent trois jours. Douze tours de scrutin furent nécessaires pour nom- mer six députés. Le premier député fut l'avocat bayeusain Delau- ney, un des commissaires et celui qui avait pris la part la plus active à la rédaction des doléances membre de l'Académie des lettres de Bayeux, poète à ses heures, c'était un esprit distingué et un administrateur consciencieux qui avait donné de grandes preuves de compétence, surtout en matière de travaux publics, comme député du bureau intermédiaire de Bayeux. Il fut élu au second tour le 23 mars. Le même jour, le bailliage de Falaise fournit le second député les suffrages s'étant partagés entre deux de ses commissaires, Bertrand de l'Hodiesnière, procureur du roi, et Poulain de Beauchesne, propriétaire à Saint-Martin- l'Aiguillon, le scrutin de ballottage donna l'avantage à ce der- nier. Le troisième député fut plus difficilement élu. On annula le premier scrutin parce qu'un électeur du bailliage de Falaise, Lebailli des Loges, avait déposé deux bulletins dans l'urne ; le second et le troisième tour ne donnèrent aucun résultat les voix se partageaient entre le lieutenant général qui présidait l'assem- blée, Duperré de Lisle, et un négociant protestant de Caen, commissaire du bailliage, Lamy. Celui-ci l'emporta au quatrième tour. Restaient trois sièges à attribuer les deux bailliages de Vire et de Torigni en obtinrent un. Le lieutenant général de Vire, Flaust, et le conseiller assesseur de Torigni, Pain, furent tous deux élus au premier tour, le 25 mars. A ce moment, un des députés de la ville de Caen, de Cussy, ancien directeur de la Monnaie, se leva et lut à l'assemblée un long mémoire apologé- tique pour réfuter des écrits injurieux dirigés contre sa personne ; la lecture finie, il annonça son intention de quitter l'assemblée. il Le discours de Delauney figure parmi les pièces annexées au procès-verbal de l'assemblée. Arch. greffe de la Cour d'appel de Caen. On y trouve également la pro- testation rétrograde de Letellier, avocat de Bayeux, et des observations de Lecanu et Laurent, dont l'étude sera plus opportune dans le chapitre suivant consacré aux cahiers. 2 Toutefois, on trouve d'assez nombreuses protestations à la suite du cahier, émanant de rédacteurs eux-mêmes. Flaust, lieutenant-général du bailliage de Vire, l'un des quinze commissaires, qui fut même un des députés du Tiers aux Etats généraux, signe le cahier comme rédacteur et sans l'approuver ». Brenet et Louis Lamy, deux autres commissaires, sont aussi parmi les protestataires. Voir ci-dessous, chap. XI, p. 290. 236 l'assemblée du tiers état a coutancês Cette diversion habile le servit les assistants le prièrent de demeurer au milieu d'eux, et pour rendre hommage à sa droi- ture », lui confièrent le sixième mandat de député aux Etats généraux. Trois officiers des juridictions royales, un avocat, un négociant et un grand propriétaire rural, tel fut le bilan des élections du Tiers état pour le bailliage de Caen. Celui du Cotentin avait droit à huit députations. L'assemblée électorale, réunie le 20 mars dans la grande salle du présidial de Coutancês, y tint ses séances jusqu'au 30 mars *. Elle fut nom- breuse jusqu'au bout et le procès-verbal des dernières réunions nous révèle 367 votants. Comme il y avait dix bailliages, c'est-à- dire dix cahiers à fondre en un seul, on décida de confier ce travail à dix-neuf commissaires, deux pour chacun des bailliages de Coutancês, Saint-Lô, Avranches, Carentan, Mortain, Périers, Saint-Sauveur-le-Vicomte et Tinchebrai, et un pour le petit bailliage de Cérences. Le choix fut significatif 11 avocats, 6 baillis, lieutenants généraux ou particuliers, 2 procureurs au bailliage ou à l'élection 2. Desplanques Dumesnil, maire de Carentan, fut, comme doyen d'âge, le président de la commission ; mais le rôle le plus actif dut appartenir à un avocat de Mortain, Le Sacher de la Pallière, qui fit passer à peu près tous les articles du cahier de son bailliage dans le cahier général. Après la lecture et la discussion de ce cahier, qui furent des plus minutieuses et prirent trois jours entiers, on ouvrit le scrutin pour l'élection des huit députés. Il avait été convenu que chacune des six élections nommerait un député et que celles de Valognes et de Coutancês fourniraient deux représentants » 3. C'était une protestation de fait contre la division bailliagère et une reconnaissance anticipée 1 Procès-verbal de rassemblée du Tiers état du grand bailliage de Coutancês. Arch. nat., C 18, 1. 32. Cf. Bm 53. 2 Commissaires-rédacteurs du Tiers état. Pour le bailliage de Coutancês Duha- mel, lieutenant général de police et Letullier, avocat, procureur du roi à l'élection ; pour Saint-Lô Lemenuet de la Jiigannière et Vieillard fils, avocats; pour Avran- cbes Tesnière de Brémesnil, lieutenant général du bailliage et Morin, avocat ; pour Carentan Desplanques-Dumesnil, maire de la ville et Caillemer, avocat pour Cérences Broban, lieutenant général du bailliage ; pour Mortain Le Sacher de la l'allière et Le Bebours de la Pigeonnière, avocats pour Saint-Sauveur-Lemh lin séant à Périers Pouret-Boquerie, procureur du roi au bailliage et Euvremer, avo- cat pour Valognes Besnard-Duchesne, lieutenant particulier au bailliage et Cour- taut-Desfontaines, avocat ; pour Saint-Sauveur-le-Vicomte Angot, bailli de robe longue et Glatigny, avocat pour Tinchebrai Lelièvre de la Provôtière et Laîné- Deshayes, avocats. 3 Lettre de Monlitier, subdélégué d'Avranches, à l'intendant Cordier de Launay 16 mars 1789. Arch. dép., Calvados, C 6353. LES DÉPUTÉS DU TIERS ÉTAT DU COTENTIN 237 du département comme véritable circonscription électorale. Sur un autre point encore, l'assemblée réalisa les vœux exprimés en 1788 par le Tiers état bas-normand elle convint verbalement, écrit un témoin, de ne choisir aucun représentant dans la classe des privilégiés » *. Vu la pluralité des opinions, ces der- niers, malgré l'injustice de cette réclamation », ajoute Ferey de Montitier, furent obligés de garder le silence. Le premier député élu fut Le Sacher de la Pallière, du départe- ment de Mortain. La part prépondérante qu'il avait prise à la rédaction du cahier le désignait à tous les suffrages et il passa au premier tour. Il ne fallut pas moins de douze scrutins pour nommer les sept autres députés. Chaque département devant fournir d'abord un représentant, le deuxième siège fut attribué à Avranches par l'élection de Burdelot, vicomte et maire de Pontorson, membre de l'Assemblée provinciale de Caen. Saint-Lô fournit le troisième député dans la personne d'un avocat, Vieil- lard fils, secrétaire de l'assemblée du département. Valognes obtint le quatrième siège, avec Besnard Duchesne, lieutenant particulier du bailliage. Le cinquième député, du département de Coutances, fut un armateur de Granville, Perrée Duhamel. On choisit le sixième dans le département de Carentan ce fut Desplanques Dumesnil, maire de cette ville. Pour compléter la députation, il restait deux membres à élire dans les départements de Valognes et de Coutances. Pouret Roquerie, procureur du Roi au bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin, séant à Périers, fut élu septième député, au premier tour. Ce ne fut qu'au troisième tour qu'on parvint à nommer le huitième député la chance, bientôt circonscrite entre Drogy, avocat à Coutances et Angot, bailli de robe longue à Saint-Sauveur-le-Vicomte, tourna en faveur de ce dernier. Des administrateurs, des magistrats, des avocats, un gros négociant, tels sont les élus du Cotentin. A Coutances comme à Caen, c'est le triomphe de la robe et de la bourgeoisie. 1 Lettre de Montitier, subdélégué d'Avranches, à l'intendant Cordier de Launay^ 1G mars 1789. Arch. dép.. Calvados, C 6353. ' LES CAHIERS DES TROIS ORDRES CHAPITRE XI LES CAHIERS DES TROIS ORDRES DANS LES BAILLIAGES DE CAEN ET DE COUTANCES Prestation de serment des députés et remise des cahiers généraux. — Les cahiers du clergé incidents provoqués par leur rédaction, à Coutances et à Caen. Leurs tendances communes. Leurs vues diver- gentes. Les revendications du bas clergé relatives à son organisa- tion ; son ardent désir d'émancipation. — Les cahiers de la noblesse. Plus d'étroitesse et d'égoïsme dans les vœux du bailliage de Cou- tances ; plus d'ampleur et de générosité dans ceux du bailliage de Caen. — Les cahiers du Tiers état, produits de réductions successives opérées à plusieurs degrés. Lacunes de la documentation qui les concerne. — I. Cahiers primaires. 1° Cahiers des paroisses rurales a doléances d'intérêt local, ayant trait surtout à la question agraire plaintes, non du prolétariat rural, mais des détenteurs du sol. Leur sincérité. Leurs précédents requêtes à l'intendance et Observations générales de 1788. Leur véracité relative. — b doléances d'intérêt général. Influence des écrits publics et des modèles généraux, d'une part, des hommes de loi, d'autre part, sur la rédaction des cahiers ruraux. Questions d'ordre général traitées par ceux-ci. Le style des cahiers ruraux les cahiers incorrects ou naïfs ; les cahiers politico- littéraires. Groupements de cahiers et cahiers-types. — 2° Cahiers des villes, tantôt produit direct d'une assemblée unique, tantôt fusion des doléances d'assemblées préparatoires pour six villes de la géné- ralité de Caen. Prépondérance des bourgeois et gens de robe dans les commissions de rédaction élimination du prolétariat urbain, industriel et ouvrier. Prédominance des vœux d'intérêt général au détriment des vœux d'intérêt régional et local d'ordre économique, et notamment des vœux agraires. — II. Cahiers des assemblées pré- liminaires de quinze ressorts bailliagers. Prépondérance de l'élément urbain au sein des commissions de rédaction, et influence très mar- quée du cahier du chef-lieu dont la substance est souvent presque intégralement adoptée. Exemples précis. Motifs invoqués par les rédacteurs pour justifier l'élimination de nombreux vœux locaux plaintes que celle-ci soulève. Envois directs de cahiers primaires à Versailles. — III. Cahiers généraux du Tiers état à Caen et à Cou- tances. A Coutances, influence dominante de Sacher de la Pallière et du cahier de l'assemblée préliminaire de Mortain. A Caen, incidents et protestation contre le cahier définitif, où perce visiblement l'in- fluence des commissaires de Caen et de Baveux. PRESTATION DE SERMENT. REMISE DES CAHIERS 239 Vœux des cahiers bas-normands relatifs à l'administration provinciale Indifférence presque absolue à l'égard des intendants et des subdé- légués. Désir du maintien des Assemblées provinciales formulé çà et là. Presque unanimité des vœux en faveur du rétablissement des Etats provinciaux. Sur ce dernier objet, aspirations élevées du Tiers état, qui, en prévoyant le sacrifice nécessaire de l'autonomie provin- ciale, prépare l'unité nationale. Le 30 mars 1789, en l'église Saint-Etienne de Caen, dans une assemblée générale des trois ordres, le lieutenant général du bailliage de Caen, Duperré de Lisle, recevait la prestation de serment des députés de ce bailliage aux Etats généraux tf. La même cérémonie eut lieu clans la cathédrale de Coutances le 1er avril, sous la présidence du lieutenant général Desmarets de Montchaton, pour les députés du bailliage de Cotentin 2>. La prestation de serment fut accompagnée, à Coutances, par la remise aux députés des trois ordres des trois cahiers où se trou- vaient définitivement arrêtées les doléances et remontrances du bailliage. A Caen, les cahiers généraux du clergé et de la noblesse furent probablement emportés par les députés de ces deux ordres ; quant à celui du Tiers état, il ne fut adressé que le 17 avril 1789 à Lamy, l'un des six députés du Tiers, par le lieutenant général du bailliage de Caen. Les six cahiers des deux bailliages de Caen et de Cotentin •', forment un volume si mince que cinquante pages imprimées suffiraient à les contenir, et sont d'un poids si léger que la main d'un enfant les soutiendrait sans peine. Ils avaient pourtant l'ampleur d'une importante manifestation sociale ; ils étaient lourds des revendications de nombreux milliers de citoyens. 1 Procès-verbal de prestation de serment des députés du bailliage de Caen, nom- més aux Etats généraux. Arch. nat., C 17, 1. 381. — Cf. Arch. dép., Calvados, C 7636, et Journal de la Basse-Normandie, du 5 avril 1789. 54 Lettre du lieutenant général de Montchaton au garde des sceaux, 2 avril 1780. Arch. nat.. Ba 35, 1. 70. — Procès-verbal de l'assemblée des trois ordres du bailliage à la suite duquel est celui de prestation du serment des seize députés du bailliage. Ibid., C 18, — Cf. abbé Pigeon, Le grand bailliage de Morlain en 1789, t. 111, ]. 531. Cinq députés manquaient à cette dernière réunion l'évèque de Coutances, malade, Le Sacher de la Pallière, Burdelot, Bernard Duchesne et Angot, partis la veille pour affaires urgentes. 3 On possède la série presque complète des cahiers originaux des trois ordres, aux greffes de la Cour d'appel de Caen pour le bailliage de Caen et du tribunal de première instance de Coutances pour le bailliage de Cotentin ; les fonds des Archives nationales renferment aussi d'autres exemplaires de ces cahiers, pièces originales ou expéditions authentiquées, séries Ba 27 et 35, C 17 et 18, ou simples transcriptions de la collection improprement dite collection Camus, B 40, 53 et 54. 240 COMMISSAIRES RÉDACTEURS DU CLERC. É A COUTANCES Rédigés dans des milieux différents, inspirés par des préoccu- pations souvent contradictoires, ils allaient offrir, avec le spec- tacle d'un zèle enthousiaste universel pour le bien public, la trace de divergences nombreuses entre les trois ordres sur les moyens de le réaliser. Pour s'en convaincre, il suffit d'en examiner les dispositions essentielles, d'en analyser sommairement le contenu, de dégager la portée, l'esprit et autant qu'il sera possible l'origine première des vœux qu'ils contiennent. Les cahiers du clergé, à Coutances lJ comme à Caen 2, furent en grande partie l'œuvre des curés à qui leur nombre assura la prépondérance dans les assemblées et dans les commissions. Toutefois l'influence du haut clergé n'y fut pas complètement annihilée, comme la violence du mouvement électoral aurait pu le faire pressentir. L'assemblée ecclésiastique du Cotentin, moins houleuse que celle de Caen, tout en reléguant au quatrième rang de ses élus l'évêque de Coutances, lui avait cependant confié le mandat de député. Parmi les douze membres de la sous-commis- sion chargée de la rédaction définitive du cahier figuraient l'abbé de Cussy, archidiacre du Cotentin, l'abbé régulier de la Luzerne, Gautier de l'Espagnerie, le curé de la collégiale de Mortain, Lebel, et un chanoine du chapitre de Coutances, l'abbé Dubois. Il est fort probable que la majorité des commissaires, choisis dans le clergé des paroisses, subit l'ascendant de la minorité, formée des hau»ts dignitaires. Les cahiers particuliers des vingt-huit doyennés, qui n'ont pas été retrouvés, durent servir de base à la confection du cahier général ; les rédacteurs furent accusés d'avoir systématiquement éliminé certains de ces cahiers, comme suspects de tendances trop hardies, et cette accusation amena même des dissensions dans l'assemblée 3. A Caen, après le 1 Cahier de Coutances original au greffe du tribunal de première instance de Coutances ; copie dans la série Bm 53; publié par Ilippeau, ouv. cilè, t. VIII, p. 1 à G. 2 Cahier de Caen original au greffe de la Cour d'appel de Caen Registre n° 4 inti- tulé Procès-verbal de l'ordre du clergé... avec les pièces et pouvoirs y établis, pièce 1; copies collationnées aux Arch. nat., C 17, liasse 1, dossier 382, pièce 11 ; B1 27, liasse 45, dossier 3, pièce 2 ; transcription dans le B"1 40, pièce 40 ; publié par Hippeau, ouv. cilè, t. VII, p. 151 à 159. 3 Protestation imprimée s. 1. n. d. de la minorité du clergé du bailliage de Cou- tances, rédigée par trente-six prêtres ; lettre d'envoi du 27 mars nu garde des sceaux, signée par Tristan Brission, curé de Saint-Sauveur-Lendelin, et Le Jardinier des Landes, curé de La Feuillie. Arch. nat., Ba 35, liasse 70. Cette protestation a été publiée par Ilippeau, ouv. cilè, t. VIII, p. 6. — Pour plus de détails sur l'attitude du clergé du Cotentin lors de la rédaction de son cahier général, voir Bridrey, L'Assem- blée générale des trois ordres à Coutances Revue de Cherbourg el de la Basse-Nor- mandie, 15 février 1907, p. 121-125. COMMISSAIRES RÉDACTEURS DU CLERGÉ A CAEN 241 tumulte de la première heure, après le départ bruyant de l'évêque de Bayeux et de son chapitre, les curés avaient élu vingt-cinq commissaires pour la rédaction de leur cahier les quatre cin- quièmes d'entre eux étaient membres du clergé paroissial ; cinq seulement appartenaient au clergé régulier. La victoire du clergé du second ordre » semblait assurée par le choix de son ardent dé- fenseur, le curé de Sept vents, Soulavie, comme rédacteur général du cahier. Il emporta les cahiers particuliers, dont la masse formait une imposante collection1;, et passa quatre nuits sans dormir», plongé dans cette analyse laborieuse. Il y cueillit les vœux les plus agressifs contre les moines et les gros décimateurs ; il réclama la fusion des ordres et l'inscription du clergé au rôle commun de l'impôt. Ce fougueux champion effraya vite ses partisans par son ambition, son esprit novateur et l'audace de ses vues. Les cinq commissaires du clergé régulier, et à leur tête le bénédictin Mesnilgrand, prieur de l'abbaye de Saint-Etienne, auquel sa situation et son caractère assuraient une grande influence dans la Commission, n'eurent pas de peine à retourner l'opinion de leurs collègues. Resté seul de son avis, Soulavie se retira en fermant la porte avec bruit . A l'entendre, ce fut la moinaille qui fit l'enfant ». Le propos est exagéré; toutefois la disparition de Soulavie assura le triomphe des modérés iiK Les deux cahiers du clergé ne sont pas de même étendue celui de Caen est presque deux fois plus long que celui de Coutances. Et pourtant celui-ci, sous sa forme concise, est plus riche de fond et louche à plus d'objets 4l. En tête de leurs revendications li Outre le cahier général du clergé, on ne connaît à l'heure actuelle, pour le grand bailliage rie Caen, jue fie s" cahiers particuliers suivants ceux du clergé de Saint-Pierre de Caen, Notre-Dame Us ont, écrit-il, arbitrai- rement l'ait tout ce qu'ils ont voulu. » Lettre du 12 avril 1789. Ibid., Ba 27, liasse ir,. {A Le cahier du clergé du bailliage de Caen est divisé en sept chapitres de la religion et des mœurs; constitution française ; constitution particulière de la Nor- mandie ; constitution du clergé ; finances ; législation ; procuration et pouvoirs. 11 16 342 CAHIERS \H CLERGÉ A CAEN ET V COUTANTES communes, ils placèrent l'obligation pour le gouvernement de protéger la religion catholique. Si l'on montra, à Coulances, une certaine tolérance en faveur des protestants, on fut intraitable à Caen contre tous les dissidents V. Des deux côtés, on exigea le res- pect dû aux choses, aux jours, aux lieux et aux personnes de la religion », la destruction des mauvais livres ». Caen proposa l'adoption d'un plan d'éducation nationale, catholique et monar- chique. Dans les deux bailliages, le clergé émit son avis sur la Consti- tution. Il réclama la périodicité des Etats généraux, la rédaction d'une charte constitutionnelle précédée d'une Déclaration des droits du citoyen. Il sembla préoccupé surtout de mettre un frein au despotisme royal, de prendre ses précautions contre l'arbi- traire ministériel. Dans cette monarchie ainsi restaurée il reven- diqua la première place W. Si, par une extrême prudence, il n'effleura d'aucune allusion la question alors brûlante du vote par ordre ou par tête, sa conception générale de l'Etat ne laisse aucun doute sur ses préférences à cet égard. En face de l'impôt, le clergé des deux bailliages n'eut pas la même attitude. A Cou- tances, la majorité demanda à conserver ses formes » d'assiette et de répartition, se déclarant prête aux sacrifices pécuniaires » que les circonstances exigeraient $. Le clergé de Caen, gagné an* idées de Soulavie, demanda à rentrer au regard de l'impôt dans la classe commune des citoyens » et renonça à toute espèce de distinction pécuniaire, à la condition que l'Etat se chargeât de ses dettes. Les nombreuses réformes que, dans l'ordre social, judiciaire, économique l'opinion publique signalait aux futurs est plus verbeux que le cahier de Coutances, divisé en quatre parties religion ; législation ; impôts et finances ; clergé, el comprenant en tout soixante et un articles très brièvement formulés. 1 One la religion catholique soit la seule religion reçue el dominante dans loul le royaume... que tout autre culte -.il absolument défendu et prohibé. » Clergé du bailliage de . intitulé ; Procès-verbal de l'Assemblée de la noblesse... avec les pièces et pouvoirs \ relatifs, pièce . ci au* Arch. nat., Ba 27, liasse 15, dossier j ; Arch. dép., Calva" dos, série l>> non inventoriée, copie certifiée conforme par le duc île Coigny trans- cription dans la série I'."' in publié par Hippeau, uuv. cité, t. Nil, p. 220 231. 2 Cahier de la noblesse de Coutances. Original au greffe du Tribunal le pre- mière instance de Coutances ci aux Vrch. nat., I." r». liasse 70, dossier i; transcrip lion dans la série B"' 53 ; publié par Hippeau. ouv. cité, t. VIII. p. 7 12. LE CAHIER DE LA NOBLESSE DU COTENTIN 245 chique et le vote par ordre au sein des Etats généraux. Mais ils reflètent, sur beaucoup d'autres points, des sentiments et des préoccupations assez dissemblables chez les membres des deux assemblées. La noblesse du Cotentin, dont le cahier ne compte que vingt-quatre articles, se renferme dans un horizon très res- treint. Elle proteste d'abord contre le Règlement du 24 janvier, parce qu'il a doublé la députa Lion du Tiers état et elle déclare ne lui accorder qu'une obéissance provisoire V. Elle est hypno- tisée par une idée fixe le maintien de ses privilèges honorifiques et pécuniaires sous un roi constitutionnel. Et ce qu'elle entend par régime constitutionnel, c'est le retour de l'ancienne monar- chie tempérée par des Etats généraux périodiques, et de l'an- cienne autonomie provinciale, incarnée dans les Etats provin- ciaux ; elle compte exercer, au sein des uns et des autres, une action prépondérante. Si elle offre un don gratuit » pour parer aux besoins du moment, elle refuse d'être assujettie à la taille, impôt contraire aux droits et aux franchises de la noblesse » {2\ Nul regard sur la situation des deux autres ordres pas un mot des droits féodaux, des vices de l'organisation judiciaire, des souffrances du peuple, des questions sociales et économiques agitées par l'opinion. Confinée et comme emmurée dans son égoïsme de caste, la noblesse du Cotentin s'isole du reste de la nation ; l'intransigeance de ses commissaires, des Bonvouloir et des Sotteville, s'est retranchée dans cette hautaine déclaration comme dans une Bastille. Le cahier de la noblesse du bailliage de Caen a à la fois plus d'ampleur et de générosité. Sans doute celle-ci réclame, en s'appuyant sur des précédents historiques, le maintien des trois ordres et celui du vote par ordre. Sans doute elle sollicite, sur la proposition d'un de ses membres, la création d'une décoration spéciale, d'une sorte de Légion d'honneur à son usage exclusif 3 ; sans doute, elle glisse à la fin de son cahier, à l'adresse des futurs Etats généraux, une timide prière pour la conservation d'une 1 L'assemblée... a arrêté unanimement que l'obéissance provisoire qu'elle rend dans ce moment aux ordres du roi ne pouvait préjudiciel1 dans les réclamations et protestations qu'elle charge ses députés de faire aux Etats généraux sur l'at- teinte qu'on a portée au droit inaltérable d'une représentation égale et légale de chaque ordre. » Noblesse du bailliage de Cotentin, art. 2. 2 Ibid., art. 17. 3 Instructions relatives au Bien public, art. 18. Voir ci-dessus, chap. IX, p. 194, la proposition du baron de Wimpfen. 246 CE CAHIER DE LA NOBLESSE DE CÀEN franchisa quelconque » ''. Kllc veut qu'on la distingue, et croit indispensable au salul de l'Etat l'existence d'un ordre respec- table, intermédiaire entre le peuple et le souverain » rll Mais elle se glorifie d'être une noblesse citoyenne ». Elle jette les yeux hors de sa sphère ; elle s'intéresse aux graves problèmes du temps, réclame la liberté de la presse, la liberté des croyances, l'abolition de la vénalité des charges, la réforme des abus judi- ciaires. Parmi les commissaires rédacteurs ! , plus d'un apparte- nait à l'administration provinciale nouvellement créée, soit comme membre de l'Assemblée provinciale, soit comme admi- nistrateur de département ; plus d'un avait joué un rôle actif, fait montre de sentiments généreux et d'idées libérales dans les séances de ces commissions qui portaient le beau nom de Bu- reaux du Bien public » W. Sous cette rubrique, ils introduisirent pêle-mêle dans leur cahier une série de demandes très diverses, mais inspirées par un visible souci de l'intérêt général. Fondations de dépôts de mendicité, écoles de religion, de bonnes nncurs et de travail » 5 ; primes et encouragements à l'agriculture et sur tout à l'élevage, ressource essentielle du pays ,i^ ; réglementation delà question des biens communaux au gré des communautés '7 ; suppression des maisons religieuses inutiles et emploi de leurs richesses à la création d'hôpitaux et d'écoles gratuites pour les pauvres 8 ; en un mot, amélioration matérielle, intellectuelle et morale du peuple, tels étaient les principaux vœux formulés par la noblesse de Caen. Maint article de son cahier, qui n'eût pas été désavoué par le Tiers état, témoignait des tendances philan- thropiques de plusieurs de ses membres, et notamment de son rapporteur général, le comte d'Osseville. Les deux cahiers généraux du Tiers état pour les bailliages de Caen'J' et de Coufances1° sont le résultat d'une série de réduc- '1 Instructions relative- au Hini public, art. §5. 2 Mémoire de Wimpfen, lu à l'Assemblée de la noblesse, 26 mars 1789. 3 Voir ci-dessus, chap. X, p. 231, note 4. I Ibid., chap. IV, p. 73-7t cahiers sont conservés aux Archives départementales de la Manche i série B non classée huit cahiers ont été retrouvés dans les Archives communales au registre des délibérations, soit comme transcriptions contemporaines de l'original, à la date de février ou mars 1789, soil comme copies exécutées en 1S89 sur l'ordre du Préfet de la Manche, à l'occasion du centenaire de la Révolution française cahiers de Carne ville, Montebourg, ."Mont gardon, Ouetletot, Saint-Floxeh Sainte-Geneviève, Urville-près Valognes, Videcos ville; onze cahiers sonl empruntas à diverses publications, savoir cinq à Hippeau. oav. cité, t. VIII, p. 389. 414, 452 et 459 cahiers de Canteloup, Morsalines, Octeville- la- Venelle, Pierreville, Réville ; cinq dans Lecacheux, Documents pour servir à l'his- loirede Montebourg cahiers d'Hémevez, Ozeville, Saint Cyr, Saint Mailin-d'Andou- ville. Sainte-Marie-d'Andouville ; un dans Lecanelier, Mémoires de la Société archéologique de Valognes, t. VI, p. 'il cahier le Carteret. Pour le bailliage le Carentan, 3 cahiers pour 47 paroisses Carentan-ville et Cauquigny. Arch. dép., Manche, série B non classée ; La Haye-du-Puits, Arch. nal., IIV ,,is 10,231. Pour le bailliage de Saint-Lù, un projet de cahier, celui de Saint-Lô-ville imprimé, 1781» et un cahier, celui de Saint-Jean -d'Ai>neaux, Arch. nat., Ba 35, liasse 70. Pour le bail- liage de Saint-Sauveur-le-Viconite, 3 extraits des cahiers de Turqueville, Le Vastel Néville, \rch. nat., B1" 54. p. 70. Pour le bailliage de Saint-Sauveur Lendelin, 2 ca- hiers, Agon et Saint-Germain do la Campagne pour 19 paroisses ; pour celui de Tin chebrai, 4 cahiers de paroisses mixtes, Le Détroit, Durcet, Espins, Les Tourailles, pour !ti paroisses pour ceux d'Avranches. Cérences et Morlain, pas un muI cahier paroissial. — 4'ous les cahiers du bailliage de Cotentin l'ont l'objet d'une publication de M. Bridrey, en trois volumes. Deux volumes ont déjà paru c'est une édition excellente et définitive. 2 Voir ci-dessous, Appendice III. 3 Les 125 cahiers urbains ou paroissiaux du bailliage de Valognes. publiés par E. Bridrey, ouv. cilé, t. Il, proviennenl en très grande partie des Arch. dép., Manche, série B non classée 106 cahiers. La provenance des 19 autres cahiers 8 extraits de registres de délibérations communales, 5 transmis par Hippeau, 5 par Lecacheux et 1 par Le Canelier a été indiquée dans la note précédente. DISPARITION DE NOMBREUX CAHIERS PRIMAIRES 249 Coutances l, de Falaise 2, où les cahiers paroissiaux abondent, de Torigni W et de Vire 4, où il en existe un groupe assez notable. Or, par une coïncidence regrettable, les cahiers de ces cinq bail- liages n'ont influé que fort peu sur la rédaction du cahier général, soit à Caen, soit à Coutances. Au contraire, les bailliages parti- culiers dont les vœux ont passé presque en entier dans le cahier général, tels ceux de Caen 5 et de Bayeux pour le cahier de Caen, celui de Mortain 7 pour le cahier du Cotentin, n'offrent à nos recherches, les deux premiers qu'un nombre très insignifiant de cahiers primaires, et le troisième, pas un seul. Essayons cependant, dans la limite des moyens dont nous disposons, de refaire le trajet que les cahiers du Tiers état de li Les 117 cahiers primaires du bailliage de Coutances, publiés par Bridrey, ouv. cité, l. 1, p. 133-644, sont conservés aux archives du greffe lu tribunal de première instance de Coutances. Voir ci-dessus, p. 248, note 1. 2 Les 240 cahiers primaires du bailliage . Malgré le libéralisme de la législation électorale, qui permettait aux plus petits cotisés de l'aire entendre leur voix, il n'est pas prouvé que le prolétariat rural y ait assisté en masse. On le voit encore moins figurer dans les députa lions des paroisses 1 Sur 306 cahiers paroissiaux étudiés, j'en ai trouvé 185 ne présentant qu'une des lieux catégories de vœux, soit d'intérêt local 57, soil d'inlérèl général 128 ; les 121 autres cahiers renferment chacun les vœux des deux catégories, tantôt faisant l'objet de développements distincts, tantôt, et le plus souvent, exposés pêle-mêle. 2 Toutefois, quelques cahiers ruraux ont émis des vœux relatifs à l'industrie et au commerce. Le cahier de Villedieu esl rempli de détails typiques sur l'industrie du cuivre et sûr la fahrication des poêles et autres ustensiles de cuisine. Plusieurs paroisses du bailliage de Vire nous font connaître les industries locales les plus diverses toi lier S d'Aubusson, hacherons et charbonniers de la forêt de Ilalouze. ouvriers des forges de Saint-Clair cl de Danvou, etc.. La liberté du commerce est réclamée par une quinzaine de communautés des bailliages de Coutances et de Valo- gftés la suppression des maîtrises et jurandes esl demandée dans les cahiers de Camhernon, Brainville, llauteville-sur-Mer et Nicorps. ! Voir ci-dessus, chap. IX, p. 196-197. Cf. Jaurès, Histoire socialiste. I. I. p. 223-224 An lard, Histoire de la Rêvolitlion, p. 29 et suivantes. ENTRAVES A LA PROPRIÉTÉ RURALE 251 aux assemblées préliminaires de bailliages. Je n'ai trouvé que deux journaliers mentionnés comme députés ruraux, l'un à Grimesnil, dans le bailliage de Goutances, l'autre à Cagny, dans le bailliage de Caen. M. Bridrey croit qu'il s'est opéré, en contradiction du Règlement royal, une sélection spontanée, et qu'il y a en abdica- tion ou exclusion de toute nue partie de la population agricole la population ouvrière » r. Ge qui tendrait à lui donner raison, c'est le caractère même des revendications locales contenues dans ces cahiers elles révèlent des gens intéressés à défendre le sol, dont ils sont propriétaires ou fermiers, contre les charges nombreuses qui pèsent sur lui. Kmanciper la terre, l'affranchir de toutes les entraves qui l'asservissent, de foules les redevances qui absor- bent la plus grande partie de son rendement, voilà ce que veulent les paysans de Basse-Normandie, des grèves du Gouesnon aux falaises de la llague, et des marais de la Dives aux croupes gra- nitiques du Bocage. Ils se plaignent, tout d'abord, de n'en point posséder assez. La plus grande partie du sol, et la meilleure, appartient aux seigneurs et aux privilégiés de tout ordre, cj ni possèdent, tant en fonds qu'en revenus, la moitié, les deux tiers, parfois les trois quarts des paroisses. Le reste est divisé, par petites parcelles, entre les taillables i2. Encore ceux-ci n'en sont-ils, le plus souvent, que fieffataires ; leur propriété n'est pas franche, mais maculée » de lourdes rentes g. La paroisse possède-t-elle, de temps immé- morial, des biens communaux, landages ou bruyères, où va paître la vache du pauvre, où celui-ci va, l'hiver, ramasser un 1 Bridrey. La Représenlalion des Professions, p. 1070 et suivantes. 2 Cahiers d'Acque ville, Gatteville, Herqueville, Montfarville, Saint-Pierre-cTAl- lone, Surtainville, Tonneville et Vasteville bailliage de Vàlognes ; cahiers de La Beslière, de Coudeville, Chantelou, Courcy, Sainl-Martin-le-Vieux, Qucttreville, Dra- gueville, La Haye-Comtesse, Herenguerville, L'Orbehaye, Montaigu, Saint-Jean-des- Champs, Saint-Louet-sur-Sienne, Sainl-Martin-le-Vieux, Saint-Ursin bailliage de Coutances ; cahiers de Biéville, Clouai, Guilberville, SepLvents bailliage de Tori- gni ; cahier de Landelles-et-Coupigny bailliage de Vire. Voir Appendice IL n° 1. Je laisse systématiquement de côté les cahiers du bailliage de Falaise, la. presque totalité des paroisses de ce bailliage étant hors des limites de la généralité de Caen. 11 n'entre pas davantage dans mon plan d'analyser tous les cahiers ruraux conservés pour les paroisses de cette généralité, mais de signaler en note ceux qui contiennent les doléances les plus caractéristiques sur chacun des objets traités. 3 Cahiers de Picauville, Surtainville, Saint-Lô-d'Ourville Vàlognes ; Bréhal. Hugucville, Montaigu-les-Bois, Saint-Martin-le-Vieux, Tourville Coutances ; Mont- bertrand, Saint-Ebremond-de-Ia-Barre Torigni ; Landelles-el-Coupigny, Vaudi y Vire. Voir Appendice II, n° 2. 252 ENTRAVES AUX PROGRÈS DE L* AGRICULTURE peu de bois mort, le seigneur en dispute la propriété aux habi- tants et leur en interdit l'usage l. Pour devenir plus productif, ce sol sur l'infertilité duquel gémissent tant de communautés 2, aurait besoin d'être amendé ; mais les engrais sont très coûteux par suite de leur éloignement et des lourds frais de transport 3. Qu'il aille chercher la charrée à l'intérieur du pays, ou la tangue et le varech sur le rivage marin, le laboureur doit équiper de forts attelages et parcourir un long trajet. Et, à supposer qu'en dépit des ordonnances qui interdisent l'enlèvement de ces engrais de men'4, il ait pu s'en approvision- ner, combien le retour est pénible par ces chemins bourbeux et impraticables, où la charrette s'enlise dans les ornières profondes, où le chargement risque de verser à chaque pas ! L'agriculture ne manque pas seulement d'engrais et de routes ; elle manque de bras. La rareté et la cherté de la main-d'œuvre font l'objet de plaintes fréquentes les travaux de Cherbourg dépeuplent le Cotentin d'ouvriers agricoles, qui vont grossir la plèbe urbaine ^K La milice cause un double ravage elle enlève à la charrue de nombreux fils de laboureurs W ; d'autres, pour se il Cahiers d'Acqueville, Brix, Vasleville, etc. Le roi lui-même revendique la pro- priété des biens communaux pour son Domaine, et lève sur eux une redevance annuelle cahier du Ham. Voir Appendice 11. d° >. 2 Cahiers de Champrepus, La Colombe, La Baleine, Hyenville. Montagu, Saint Malo-de-la Lande, Montcuit, Sourdeval, Saint-Ursin, etc. Coutances ; Carneville, Fontena} en-Cotentin, Montgardon, Morsalines, Notre-Dame-d'Allonne, Banville la- Bigot, Senoville, Surtainville, Saint-Pierre-d'Allonne, etc. Valognes; Aubusson, Landelles-et-Coupigny, La Lande-Vaumont, Sainte-Marie-des-Monts, Saint-Maur- des-Bois Vire; Septvents, Montberlrand, Saint-Pierre-de-Semilly, etc. Torigni. Ibid., n° L 3 Cahiers de Lengronne, Trelly, La Colombe, Percy, Mesnil-Bonant, La llaye- Bellefond, etc. Coutancesj ; d'Acqueville, Aumeville-l'Estre, Pierreville, Quettetot, Rauville-la-Bigol Valognes ; Beuvrigny, Sallen, La F erri ère-Hareng Torigni ; Saint-Maur-des-Bois Vire. Ibid., u" 5. I Cahiers de Brainville, Caillebot-la-Salle, Monthuchon, Saint-Malo-de-la-Lande, etc. Coutances ; de Canville, Gonneville, Sainte-Geneviève, Le Vicel, etc. Valo- gnes de Rampan Torigni ; de Sâint-Denis-Maisoncelles, Saint-Martin-de-Chaulieu Vire. Ibid., n° 6. .r> Cahiers de La Colombe, Le Loreur, Mesnil-Aidierl, Régneville, Saint-Denis-le- Casl, Saint-Bomphaire, Trelly, Sourdeval, etc. Coutances de Fierville, Fontenaj cn-Cotentin, Hautmoitié, Les Perques, Saint-Pierre-d'Allonne, Le Theil, etc. Valo- gnes ; de Saint-Pierre-de-Semilly Torigni. Ibid.. n" 7. 6 Cahiers de Gatte ville, La Pernelle, Saint-Germain-le-Gaillard, Valcanville, Varouville, Montfarville, Carneville, Theurteville-au-Bocage, Ozeville. Saint Mar- tin-d'Audouville, Brettevi lie Valognes. Ibid., n" 8. 7 Cahiers d'Englesqueville-l'Estre, Alleaume, Anneville-en-Cères, Breuville, Bricquebec, Helle ville, Montfarville. Notre-Dame-d Allonne, Ozeville, La Pernelle, Réville, etc. Valognes. Les cahiers du bailliage; de Coutances contiennent surtout LES IMPOSITIONS ROYALES 253 soustraire à son joug, émigrent en masse vers les villes, recher- chant, au service des privilégiés, les emplois de domesticité qui les exempteront de cette charge 1. La grosse question, écrit M. Bridrey, celle sur laquelle revien- nent à tout instant les cahiers du Cotentin, ce sont les charges de la production » -. Acquittées en argent ou en nature, envers le roi ou les privilégiés, elles constituent un fardeau très onéreux pour la propriété roturière. La taille, tout d'abord, atteignait en Basse-Normandie la propriété, l'exploitation et l'industrie ; arbitrairement répartie, en l'absence d'un cadastre régulier 3, elle frappait en aveugle les fonds les moins fertiles et se détour- nait des meilleures cultures l>. La perception en était rigoureuse, vexatoire et vraiment ruineuse 5. La capitation, modelée sur la taille, en doublait le poids. L'imposition des vingtièmes, équi- table dans son principe, puis qu'elle atteignait tous les biens- fonds, ne l'était plus dans son application, en raison des évalua- tions arbitraires des contrôleurs et des complaisances coupables du fisc à l'égard des privilégiés ,r,. Ajoutez-y la prestation de la corvée, cette taille des chemins, dont trop de paroisses ne profi- taient jamais 7, l'imposition territoriale et celle des bâtiments des doléances sur la milice de terre ; ceux du bailliage de Valognes., région pénin- sulaire, mit la milice de mer ou garde-côte. Voir Appendice II, n° 9. I Cahiers d'Acqueyille, du Ham, Pierreville, Surtainville, Vasteville, Tonneville, Sauxemesnil, Hémevez, Saint-Germain-de-Tournebul Valognes Ibid., n° In. •> Bridrey, Recueil cité, t. I, Introduction, i». t;7. 3 Cahier d'Urville-près- Valognes, arl. 4. U Parmi les nombreux cahiers paroissiaux se plaignant de l'injuste répartition de la taille, citons ceux de Digosville, Surtainville. Acqueville, Flottemanville, Magneville, Biville, Gatteville, Saint-Martin-le-Gréard, Theurteville-au-Bocage Valognes; ; Gailiebot-la-Salle, Carantilly, Quettreville Coutances ; Landelles-et- Coupignv Vire. Voir Appendice II, n° 11. 5 Cahiers de Clitourps, Fresville, Gonneville, Mesnil-au-Val, La Pernelle, Saint- Christophe du-Foc, Saint-Lô-d'Ourville, Le Vretot Valognes ; de la Bloutière, Percy Coutances. Ibid., n° 12. 6 Les doléances relatives aux vingtièmes sont, dans la plupart des cahiers, associées à celles concernant la taille, capitation el accessoires; elles sont cepen- dant l'objet d'un développement spécial dans certains cahiers, notamment ceux de Digosville, Ilenneville, Pierreville, Saint-Denis-le-Vêtu, Saint-Martin-du-Mesnil, Yvelol Valognes. Ibid., n° 13. 7 Cahiers de Breuville, Digosville, Emondcville, Rauville-la-Bigot, Saint-Chris- tophe-du-Foc, Theurteville-au-Bocage, Hémevez, Urville-près- Valognes Valognes ; de Beaucoudray, Belval, Chantelou, Gavray-bourg et Gavray-village, Le Loreur, Mesnil-Aubert, Monlchalon, Ouville, Percy, Saint-Denis-le-Vêtu, Saint-Louet-sur- sieune Coutances ; Gouvets, Montîlly, Saint-Manvieu, Sainte-Marie-Outreleau \ ire ; Bures. Cuilherville, Rampan, Sallen, Septvents Torigni. Ibid., n° 14. '?."> 1 u;s \iii;s i;t gabelles de justice, surcharges écrasantes, dont le chef-lieu seul profitait W, Aussi n'y a-t-il qu'un cri parmi les populations rurales pour demander l'abolition de tous ces impôts, et leur remplacement par une taxe unique, indistinctement assise sur tous les possédant- fonds. Abolition de tous les privilèges pécuniaires, égalité et proportionnalité de l'impôt dans tous les ordres, simplification de son assiette et de sa perception, tels sont les vœux essentiels du Tiers état rural en matière fiscale 2, Les paysans étaient encore plus prévenus contre les impôts indirects qui frappaient les objets de consommation et les denrées de première nécessité, comme les aides et les gabelles. La multi- plicité des droits, qui mettaient les commis en contact incessant avec les populations, la dureté que ceux-ci apportaient dans leur mode de perception, la rigueur des châtiments infligés à la moin- dre faute rendaient ces impositions haïssables. Aussi la majorité des cahiers en demandaient-ils, non pas la réduction, mais la suppression totale et sans compensation, comme une des servi- tudes les plus vexatoires et les plus odieuses 3. Quand le laboureur avait payé sa dette au roi, il n'était point quitte envers l'homme d'église et le seigneur. Au premier, il devait d'abord le logement. La question de l'entretien et de la reconstruction des presbytères tient une grande place dans les doléances rurales ; toutes les paroisses demandent à être déchar- gées des lourdes dépenses qu'ils entraînent 4. Il lui devait surtout la dîme, sous ses diverses espèces grosses et menues dîmes, 1 Cahiers de La Bloutière, Brainville. Chantelou Coutances ;-àe Flotteraanville- près -Valognes Valognes ; de Rampas Toifigo,i. Voir Appendice II. n" 15. •2 Il faudrait, citer à peu près tous les cahiers paroissiaux. La plupart deman- dent un seul impôt, l'impôt foncier, ; c'esl une infinie minorité qui se prononce en laveur de deux impôts la subvention territoriale ou impôt réel, et la eapitation ou impôl personnel tels les cahiers de La Bloutière,, Bricipieville-la Blouette, Belval. 3 Sur ce point encore, les cahiers abondent; aussi, je n'en cite que Le Rozel, Saint-Martin-le-Gréard, Surtainvftle, Theur- teville-au-Bocage, etc. Valognes ; Aunoville-Tournoville, La Baleine, Briqueville- la-Blouette, Contrières, CoudeviHe, Courcy, La Haye-Bellefond, Mesnil-Aubert, Mcsnil-Villeinanl, Montinartin, Ouetlreville, Tourville, l rville Coutances ; Claire- fougère, Le DéserÉ, SainteMarie-Outréleau Vire. Voir Appendice 11, n° 18. 3 Les rentes seigneuriales étaient souvent fort lourdes. J'en ai donné quelques exemples à l'Appendice 11, n" 2. Il semble qu'à la fin de l'ancien régime le poids en avait augmenté par suite du renouvellement des terriers. Ces seigneurs aggravaient leurs exigences et doublaient parfois les redevances cahiers de Moyon, de Fourneaux, de Montbertrand. Ibid., n°I9. D'après la coutume de Normandie, les seigneurs bas- justiciers pouvaient réclamer jusqu'à trois années d'arrérages de rentes seigneu- riales, et les hauts-justiciers jusqu'à vingt-neuf années, ce qui rendait la situation des paysans incertaine et précaire cahiers de La Beslière, Montaigu-ïes-Bois, La Colombe. thM.\ n° 20. Enfin, les seigneurs refusaient de faire à leurs vassaux la déduction des vingtièmes sur ces rentes, ce qui provoqua de nombreuses plaintes cahiers de La BesKère, Suint Nicolas -de-Coutances, Contrières, Bangy, CarentiHy, Camprond, Le Loremr, Mroyon, etc., bairliage {. 3 Cahiers de Belval, Blainville, Bricqueville, Gratot, La Baleine, La Haye-Com- tesse, Lorbehaye, Muneville, Ouvillc, Savigny, Saint Malo-de-la-Lande, Saint- Pierre île Coutances, Saultchevreuil, Saint-Romphaire, Tourville Coutances ; de llelleville, Su rtai n ville . Le Vi'etol, Saint-Marcouf Valognes ; de Clinchamps, Gou- vets, La Çhapelle-aux-Moines Vire ; de Sallen, La Perrière-Hareng, Montbertrand, Fourneaux, Litteau, Saint Martin de la Besace Torigni. Yoii Appendice II, n° 2&. 4 Cahiers très nombreux, dont voici les plus typiques Brainville, Caillebot-la Salle, Camprond, Dangy, Longueville, Montcarville, Saussey, Saint-Aubin-des- Préaux, Saint-Planchers, Tourville Coutances ; Crasville, Biville, Equeurdreville, Joganville, Le Bozel, Martinvast, Sainl Germain-le-Gaillard, Pierreyille, Surtain- ville, Saint-Floxel, Sainte-Marie-d'Audouville, Saint-Germain-de-Tournebut, Saint- Vaast-la Hougue Valognes; Clouai, Litteau Torigni; Boucamp, Sainte Marie Outreleau Vire. Ibid., n° 2G. 5 Cahiers très nombreux, parmi lesquels ceux de Saint-Jean-des-Champs, Saint- Malo-de la-Lande, Tourville- Coutances ; d'Alleaume, Biville, Martinvast, Saint-Lô- d'Urville, Le VretoL, Hémevez, Saint-Marconi', Saint- Vaast-la-Hougue Valognes ; de La Lhapelle-aux-Moines, Daiivou, Montilly, La Selle, Saint-Clair-de-Ilalouze Aire. Dans de nombreuses paroisses du Bocage, les paysans, obligés de veiller la nuit sur leurs récoltes, demandent l'autorisation du port d'armes interdit en Nor- mandie depuis 17GG, pour tuer les animaux malfaisants qui, sortant des garennes el des forêts, dévastent leurs champs. Ibid., n" 27, et F. Mourlot, Lu Convocation des Etals généraux dans h- bailliage de Vire {Lu Révolution française. 1896, t. XXXI, p. 337339. tîj Voir le cahier de Héauville. Bridrey, ouv. cité, I. II, p. 32J. PROLÉTAIRES ET MENDIANTS RURAUX 257 prélèvements successifs sur les produits de la terre » !, nous renseignent-ils avec autant de précision sur les malheurs d'une classe plus misérable encore? En effet, au-dessous de ces labou- reurs possédant-fonds, petits propriétaires, fieffataires ou fer- miers, il y avait, dans les campagnes, des individus de condition plus précaire encore journaliers, manœuvres mercenaires, n'ayant que leur pelle et leur pioche, artisans de petits métiers, fileurs de coton, tisserands, colporteurs, etc..., tout un prolé- tariat rural, sans avoir et sans espérance 2. Au premier chômage, maladie ou vieillesse, ces malheureux allaient grossir l'armée des indigents pauvres domiciliés ou mendiants vagabonds. Toute cette plèbe rustique, qui devait composer bientôt la classe des citoyens passifs, put-elle faire entendre sa voix dans le concert des revendications paysannes? Probablement non, ou excep- tionnellement. Sans doute, plus d'un cahier rural renferme des vœux sur le soulagement des pauvres et sur l'extinction de la mendicité ; mais ces vœux ne peuvent-ils s'expliquer sans l'inter- vention directe de ceux qu'ils concernent? N'est-il pas naturel qu'ils aient été inspirés à ceux qui possédaient quelque chose par le souci de leur propre intérêt et par la crainte de dangers prochains? C'est, ne l'oublions pas, une minorité de cahiers qui pose les deux questions du paupérisme et de la mendicité 3. Si les paysans signalent, çà et là, le nombre des pauvres, des veuves et des orphelins, c'est peut-être moins pour s'apitoyer sur le dénuement de ces malheureux que pour faire ressortir le taux excessif des impositions dont on frappe leur paroisse W ; c'est pour flétrir l'avarice des gros décimateurs et la pratique abusive des déports, pour constater la charité impuissante des curés ; c'est pour déplorer la lourdeur de la charge qui retombe sur les pa- roisses rurales 5 ; c'est aussi pour réclamer l'admission, jusque-là 1 Bridrey, ouv. cité, t. I, p. 67. 2 Sur l'existence de ce prolétariat rural, voir Appendice II, n° 28, et Kowalewsky, La France économique et sociale à la veille de la Révolution les Campagnes, p. 190. — Voir surtout les Etats d'impositions de 1788, dressés par les municipalités des départements de Caen et de Vire. Arch. dép., Calvados, C 7817-8088, passim. 3 Dans le bailliage de Coutances, 25 cahiers, et dans celui de Valognes, 27 ca- hiers, c'est-à-dire moins du quart, s'occupent des pauvres, et presque tous à l'occa- sion de la mendicité, qu'on redoutait. 4 Cahiers de Blainville, Bréhal, Bricqueville-près-la-Mer, Saint-Malo-de-la- Lande, Les Planchers, etc. 5 Cahiers de Percy, Questreville, La Haye-Bellefond, Chantelou Coutances ; du Mesnil-au-Val, Biville, Emondeville, Le Rozel, Saint-Pierre-d'Allonne, Le Theil, Saulxemesnil Valognes. Voir Appendice II, n° 29. 17 "258 CAHIERS UURAUX, 1NTEHPRETES DES DETENTEURS DU SOL refusée, de leurs indigents malades ou infirmes jJansÂles hôpitaux des villes l. Quant à l'extinction de la mendicité, elle les préoc- cupe davantage ; les mendiants, en effet, qui promènent la terreur dans les campagnes, constituent à leurs yeux un danger public^. Ce que les cahiers demandent, ce n'est pas tant l'amélioration du sort des mendiants que des mesures de répression sévère et l'ap- plication rigoureuse des lois draconiennes que l'ancien régime a édictées {'SK Le partage des biens communaux, que l'on trouve demandé par plusieurs cahiers primaires, ne doit pas être envisagé comme une mesure philanthropique en faveur des prolétaires ruraux ce partage tendait plutôt à arrondir la possession du paysan déjà propriétaire qu'à créer celle de l'indigent 4. On peut, en somme, considérer les doléances locales du Tiers état rural de Basse-Normandie comme une dénonciation collec- tive des conditions économiques fâcheuses imposées à la propriété paysanne, dénonciation faite par des gens intéressés à voir celle-ci délivrée ou grandement allégée de toutes les charges qui pèsent sur elle. C'est un appel à l'émancipation de la terre, poussé par ceux qui la détiennent et l'exploitent, et Doniol trouvait la for- mule juste lorsqu'il écrivait, il y a plus de quarante ans ta Tous ceux à qui la possession du sol, sa culture, une participation quelconque à la production agricole donnaient un motif d'espé- rer un avantage dans les réformes qu'on entrevoyait, dressèrent le tableau de leur condition et de leurs griefs, l'exposé des obli- gations et de l'état économique que le régime de la féodalité leur faisait » 5. Ces doléances sont en général sincères et spontanées. Elles sont l'œuvre de paysans avisés, très clairvoyants sur leurs propres intérêts ; ils n'ont besoin ni de guide ni de modèle pour décrire lj Cahiers de Saussoy, d'Orval, de Saint-Ebremond-de-la-Barre. 2 Cahiers d'Annoville, Tourneville, Hocquigny Coutances ; Saint-Pierre-du- Fresne, Notre-Dame-du-Bois-d'Elles Torigni. Voir Appendice II, n° 30. 3 Cahiers de Gavray, Hocquigny, Saint-André-de-Valjouais, Rideauviille. lbid., n° 81. Voir F. Mourlot, La question de la Mendicité en Normandie au XVIIIe siècle, p. 16 et 38-41. 4 Cahiers de Blainville. Bricqueville-la-Blouette, La Haye-Bellefoud, Saint- Martin-le-Vieux, Saint-Pierre-de-Coutances Coutances ; de Fresville, Gonneville, Mesnil-au-Val, Valcanville, Varouville Valognes. Voir Appendice II, n° 32. — D'a- près la jurisprudence constante du Parlement de Bouen, le partage des communaux devait se faire non par feux, mais uniquement entre les possédant-fonds, et propor- tionnellement à leurs propriétés. Les prolétaires n'avaient, par conséquent, rien à y gagner ; aussi certains cahiers demandent-ils qu'on ait égard, dans le partage, aux pauvres habitants cahier du Vretot. 5 Doniol, Histoire des Classes rurales en France, p. 492. LEURS PRÉCÉDENTS. REQUÊTES A L'INTENDANCE 259 la rapacité des commis du fisc, l'avidité et la dureté des décima- teurs, les ravages des bêtes de la forêt voisine ou le pitoyable état de leurs routes. C'est leur angoisse et leur souffrance qui parlent tout haut, depuis qu'elles en ont le droit ll Aussi, pour toute cette partie des cahiers qui traite des questions rurales, ne faut-il chercher d'autre source d'inspiration que la situation des plai- gnants. Assez souvent, ceux-ci n'ont fait que reproduire des récla- mations anciennes, que renouveler des protestations demeurées sans effet. En feuilletant les dossiers cle l'Intendance et de la Commission intermédiaire provinciale de Caen, on peut retrouver maintes requêtes qui dormaient dans les cartons et dont les cahiers nous apportent l'écho 2. L'administration provinciale de Basse-Normandie avait elle-même indirectement facilité la rédaction de ces doléances locales en provoquant, l'année précé- dente, une vaste enquête, dans tous les départements de son ressort, sur l'état économique des paroisses rurales. Cette enquête devait aboutir à une plus équitable répartition de la taille. Chaque 1 Le pauvre oublie sa misère en franchissant l'intervalle immense entre la cabane et le trône. » Cahier de Gratot. — C'est le cri que le peuple pousse vers le roi du fond de sa misère. » Cahier de Saint-Jean- des-Champs. — Vive le Roi ! le père de la nation française, qui appelle ses enfants de toutes les classes auprès de lui pour entendre leurs voix plaintives et subvenir à leurs besoins. » Cahier de Rampan. 2 Le cahier de Pierreville déclare reproduire, à propos de la surcharge des ving- tièmes dans cette paroisse, des réclamations dont les bureaux de l'Intendance de Caen sont remplis et garnis ». En effet, l'on trouve, au fonds de l'Intendance, de nombreuses requêtes de Pierreville sur cet objet entre les années 1782 et 1788. Arch. dép., Calvados, C 5910. — Le cahier de la section de Montceaux, paroisse de ^uet- treville, reproduit une plainte adressée en mars 1788 au Rureau intermédiaire de Coutances, par 18 paroisses qui demandent le rétablissement d'un ancien pont sur la Sienne. Voir le procès-verbal de l'Assemblée du département, d'octobre 1788 Arch. dép , Calvados, C 7700, et ci-dessus, chap. VII, p. 146, note 1. — La recons- truction du pont de La Rocque, également sur la Sienne, a déjà fait l'objet de requêtes à l'intendant Ibid., C 4011, et d'un vœu à l'Assemblée de Coutances Ibid., C 7000, avant d'être réclamée par les cahiers de Montchaton, Hauteville, Heugue- ville, Regnéville et Urville. — Les vœux relatifs aux routes reproduisent très sou- vent d'anciennes requêtes à l'Intendance ou à l'Assemblée provinciale, comme à Nicorps mémoire de 5 paroisses à l'Assemblée de Coutances, Ibid., C 7000; à Saint- Romphaire mémoire de Montaure, signé par 30 municipalités et adressé à l'Assem- blée de Saint-Lè, Ibid., C 7712 ; à Moon requête de 13 paroisses au Rureau inter- médiaire de Rayeux, 18 mai 1788, Hippeau, ouv. cité, t. VIII, p. 358. — 11 en est de même pour les plaintes relatives aux reconstructions de presbytères ex. à Relval, à Montchaton, Arch. dép., Calvados, C 1340 ; aux retards du paiement des indemni- tés pour terrains expropriés ex. à Equeurdreville, Ibid., C 1711 ; à l'augmentation des jours de fabrication du sel ex. à Muneville, Ibid., C 7700. — Un article du cahier de Carantilly, relatif à la ruine des fabricants de toile, est inspiré par le récent krach d'une maison de Saint-Lô, qui a fait subir de grosses pertes à de nom- breux habitants Ibid., C 1477. 260 LES OBSERVATIONS GÉNÉRALES DES MUNICIPALITÉS assemblée municipale était invitée à dresser un état mentionnant le chiffre total des impositions levées sur la paroisse, taille, en principal et accessoires, vingtièmes et sols pour livre, capitation, taxe représentative de la corvée, impôt territorial et impôt des bâtiments de justice. Chaque état devait contenir le nom des taillables, avec le montant et la nature de leur taille de propriété, d'exploitation et d'industrie, le nom des privilégiés et taxés d'of- fice ; une large colonne y était réservée à des Observations générales » relatives aux ressources agricoles ou industrielles de la paroisse, aux charges qui pesaient sur elle, aux remèdes dont l'emploi semblerait nécessaire. L'Assemblée provinciale de Caen avait voulu, comme celle dont parle Tocqueville, apprendre des paysans eux-mêmes, dans le détail, tous les griefs dont ils pouvaient avoir à se plaindre » *>. Partout où elle fut obéie, dans les départements de Caen et de Vire notamment, les municipa- lités dressèrent le bilan de la vie économique des campagnes. Leurs Observations générales », rédigées en juillet-août 1788, dépassèrent souvent en longueur et en abondance d'information les cahiers de l'année suivante 2. Moins de six mois plus tard, lorsque ces paysans furent à nouveau consultés, ils n'eurent qu'à reproduire, in-extenso ou en abrégé, des plaintes qui résonnaient encore à leur oreille et dont le texte était peut-être resté sous leurs yeux. Il est permis de conclure que la valeur documentaire de ces cahiers, au point de vue économique et local, est à peu près incontestable 3. La preuve en a été faite dans certaines régions de la Basse-Normandie où l'on possédait les éléments nécessaires au contrôle de leurs allégations. M. Bridrey, après avoir rappro- ché les cahiers primaires du bailliage de Cotentin de leurs éléments de contrôle essentiels rôles de 1789, journaux de rentes, décla- rations de bénéfices, etc . . . , a pu déclarer, avec pleine assurance pour ceux du bailliage de Coutances, avec plus de réserve pour ceux du bailliage de Valognes, que leur véracité lui était 1 Tocqueville, L'Ancien régime el la Révolution, p. 272. 2 L'importance de ces Etats d'impositions Arch. dép., Calvados, C 7817-8088, déjà signalée par M. A. Bénet, qui les appelle la préface des cahiers de 1789 » et en forçant un peu la note, les cahiers de 1788 », n'a pas échappé à M. Aulard. Voir La Révolution française, t. XXXVIII, p. 81. 3 C'est la conclusion à laquelle sont arrivés M. Onou La valeur des Cahiers au point de vue économique et social, La Révolution française, t. XLIX, 1905, p. 409-416 et M. Sagnac Les Cahiers de 1789 et leur valeur, Revue d'Histoire moderne, t. VUI, 1907, p. 346. INFLUENCE DES MODÈLES GENERAUX DE CAHIERS 261 apparue éclatante et indéniable » et que l'ensemble était franc et loyal » W. Les vœux d'intérêt local ne forment qu'une partie des cahiers paroissiaux ; un très grand nombre de ceux-ci font, en outre, une place, parfois assez large, aux considérations d'intérêt général. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Le mouvement d'opinion qui remuait le Tiers état des villes ne s'était pas arrêté au seuil de celles-ci il avait pénétré dans les campagnes. Les idées de réfor- mes y circulaient librement, colportées de village en village par des pamphlets, des brochures, des factums aux titres les plus variés. En même temps que la fameuse brochure de Sieyès inti- tulée Qu'est-ce que le Tiers état ? i2, beaucoup d'autres publi- cations, aujourd'hui oubliées, parurent à la fin de 1788 et au commencement de 1789 3. Dans ce concert de revendications, la Normandie ne resta pas muette, et l'on y vit éclore une série de manifestes politiques, avant-coureurs des cahiers de doléances Le Tiers état de Normandie éclairé ou ses droits justifiés M ; Prenez-y garde, ou avis à toutes les assemblées d'élection qui seront convoquées pour nommer les représentants des trois ordres aux Etats généraux 5 ; Réflexions toutes simples et toutes naturelles d'un Normand 6 ; Projet d'un cahier général par un gentilhomme de Normandie ami de la Nation ? ; Le seul intérêt de tous, par un gentilhomme de Normandie 8, et autres écrits de même nature s'évertuaient à éclairer l'opinion et à orienter les vœux du Tiers état. Deux de ces écrits surtout, dus à la plume de l'avocat Thouret, le futur député du bailliage de Rouen aux Etats généraux, dépassèrent tous les autres en reten- tissement et en influence. Ce sont L'Avis des bons Normands à leurs frères tous les bons Français de toutes les provinces sur 1 E. Bridrey, ouv. cité, t. I, Introduction, p. 70. Il constate, en d'assez nom- breux passages des cahiers du bailliage de Valognes, que les observations émises par ceux-ci sont localement sans portée » et sont les reproductions irraisonnées de doléances étrangères ». 2 Bibl. nat., Lb 39, n° 1086. 3 Sur les nombreux opuscules parus avant ou pendant la convocation dès Etats généraux, voir à la Bibliothèque nationale, série Lb 39, nos 493 à 908 année 1788 ; 909-2750 année 1789. J'y ai spécialement consulté les n°s 607, 675, 676, 677, 678, 681, 682, 706, 755, 758, 788, 792, 1086, 1187, 1249, 1250, 1378, 1379, 1387. 4 Publié par Hippeau, ouv. cité, etc., t. VI, p. 297-307. 5 Ioid., p. 307-316. 6 Ibid., p. 371-382. 7 Ibid., p. 382-402. 8 Ibid., p. 402-417. 262 INFLUENCE DES HOMMES DE LOI Venvoi des Lettres de convocation aux Etats généraux 0>, et sur- tout La suite de l'Avis des bons Normands, dédiée aux assem- blées des bailliages, sur la rédaction des cahiers des pouvoirs et instructions W; Thouret recommandait aux électeurs de sacrifier l'amas indigeste des doléances locales futiles et inté- ressées », à la perspective de l'intérêt universel », afin d'épar- gner à la future Assemblée nationale les embarras d'une docu- mentation trop touffue et trop confuse, où son activité réforma- trice risquerait de s'enliser. Rédigés à l'adresse des assemblées bailliagères, ces mémoires influèrent certainement sur la tenue des assemblées paroissiales ; ils dictèrent l'esprit et parfois la lettre de maints cahiers ruraux 3. A cette influence des écrits, il convient d'ajouter celle des personnes. J'ai montré plus haut, en étudiant la composition des assemblées municipales élues dans les campagnes en 1787-1788, de quelle considération y jouissaient les hommes de robe, magis- trats des diverses juridictions royales, avocats et notaires. J'ai relevé une liste très longue de syndics municipaux élus parmi eux 4. N'est-il pas naturel qu'ils aient joué un rôle prépondérant lors de la tenue des assemblées électorales de 1789, qu'ils aient occupé, dans leur paroisse, un des premiers rangs et parfois le premier, et que leur autorité se soit imposée en beaucoup d'en- droits sans rencontrer de résistance ? L'examen des procès- verbaux d'assemblées rurales confirme cette hypothèse 5. Dans de nombreuses localités, les hommes de loi sont les comparants les plus en vue ; souvent même ils président les séances. Ils y 1 Bibl. nat., L b 39, 1249 ; publié par Hippeau, ouv. cité, etc., t. VI, p. 265-285. 2 Ibid.% Lb 39, 1250; Hippeau, ouv. cité, p. 285-297. — Thouret avait joint à sa brochure un Essai d'un cahier de pouvoirs et instructions projeté pour une des assemblées dans l'ordre du Tiers état » le cahier de Thouret, qu'Hippeau n'a pas publié et que l'on trouve dans le Recueil des rapports et opinions de Thouret » à la Bibl. comm. de Rouen, U 3047 a. Cf. Le Parquier, Les Cahiers du bailliage de Colentin, Revue d'Eludés normandes, 1909, p. 401. 3 Les articles 2 à 8 du cahier de Dangy sont directement inspirés par le Projet d'un Cahier général dû au gentilhomme de Normandie ami de la nation ». Voir Bridrey, ouv. cité, t. I, p. 294, note, 1. On retrouve aussi, dans ce cahier, l'influence de Thouret, ainsi que dans ceux de Marigny et Tessy. Voir Le Parquier, Le Bailliage de Coulances en 17X9, Revue de Cherbourg et de la Basse-Normandie, 1905, p. 27. — Le long préambule qui précède chacun des cahiers du groupe du Mesnil-Opac a dû être emprunté à quelque factum de la région. Bridrey, ouv. cité, t. I, p. 147. 4 Voir ci-dessus, chap. V, p. 102-103. 5 Voir au chap. IX, p. 200 à 202 et notes y correspondant, l'énumération des gens de loi qui furent mêlés aux assemblées primaires rurales, comme présidents ou députés EXEMPLES PRÉCIS DE CETTE INFLUENCE '263 sont les conseillers les plus écoutés, les guides les plus influents ; ce sont eux qui suggèrent aux paysans les doléances d'intérêt général, qui en précisent la portée, qui en déterminent l'ordre, qui en rédigent la formule. Le cahier est en grande partie leur œuvre il est le reflet de leur culture juridico-politique W. Parfois, ils l'apportent tout fait, soit qu'ils en aient emprunté la teneur au cahier de la ville voisine, préalablement rédigé, tels les robins de Vire aux assemblées de Clinchamps et de Courson W, soit qu'ils l'aient tiré de leur propre cru. Le même personnage a pu influer sur la rédaction de plusieurs cahiers ruraux, parfois même d'un grand nombre. Un notaire de Caumont, Aveline, envoyant à Necker, le 7 février 1789, son Mémoire relatif au Bocage, l'in- forme qu'il l'a écrit dans l'esprit de son pays » et qu'il a un pouvoir signé de 18 municipalités de paroisses voisines pour les objets d'utilité publique qui peuvent les intéresser W. N'est-il pas probable qu'à la fin du même mois le texte de ce mémoire a circulé dans les assemblées de ces paroisses et servi de modèle à leurs revendications ? Il est arrivé parfois qu'un même homme, en sa qualité de juge, a présidé plusieurs assemblées. Heurtevent de la Haule guida, le 5 mars, les délibérations des habitants du Vicel et, le lendemain, celle des paroissiens de Valcanville, et nous avons la preuve qu'il abusa de sa situation dans la première de ces paroisses, pour dicter et rédiger lui-même, contre le consentement de l'assemblée », un premier cahier de doléances, annulé trois jours plus tard par cette même assemblée *. Housset de Janville, conseiller au bailliage de Caen, présida, dans la semaine du 22 février au 1er mars, cinq assemblées de paroisses 5. 1 Les exemples abondent dans le Cotentin. Le cahier de Bricqueville-la-Blouette a été rédigé par Lescaudey, substitut au bailliage de Contances ; celui de Montcha- ton a dû être inspiré par Desmarets de Montchaton. lieutenant général du bailliage, président de l'assemblée paroissiale ; celui de Gavray est l'œuvre probable de Gui- chard, avocat au Parlement. Le Tuilier, procureur du roi à l'élection de Coutances, est le rédacteur présumé du cahier de Hambye ; Estur, avocat, celui du cahier com- mun de La Haye-Bellefond et Maupertuis. C'est au notaire Chauvel qu'est dû vrai- semblablement le cahier de La Lande-d'Airou, et on attribue à Lhermitte, conseiller au bailliage de Coutances, la paternité du cahier d'Ouville. Voir Le Parquier, Le Cahier du bailliage de Cotentin, Revue d'Etudes normandes, 1909, p. 328 et suivantes. 2 Voir F. Mourlot, La Convocation des Etats généraux dans le bailliage de Vire La Révol. française, t. XXXI, p. 315. 3 Lettre d'Aveline à Necker, 7 février 1789, Arch. nat., Ba 27, 1. 15. Cl Voir Bridrey. oiw. cité, t. IL p. 691 et 712. 5 Celles des paroisses de Troarn, Janville. Bavent, Bernières et Courseulles. Il fut élu député de Janville. Arch. du greffe de la Cour d'appel de Caen, Registre des procès-verbaux des assemblées primaires du bailliage de Caen. 264 PRÉPONDÉRANCE DES QUESTIONS D'ORDRE GÉNÉRAL C'est Vincent Mariage, bailli de la haute justice de Bricquebec, qui semble tenir le record des présidences d'assemblées électo- rales. Son nom figure dans les procès-verbaux de 15 communau- tés du bailliage de Valognes 0-\ Sans doute, il ne put imposer à toutes sa façon de voir celle de Pierreville, notamment, opposa une vive résistance à ses procédés autoritaires et s'assembla, après son départ, pour rédiger de nouvelles doléances 2. Mais le bailli président dut se faire mieux écouter dans les autres paroisses, et l'air de parenté que leurs cahiers présentent atteste la part active que Mariage a prise à leur confection. Ainsi, influence des modèles généraux ou particuliers, qui offraient aux rédacteurs de cahiers primaires une matière déjà élaborée, et ingérence des hommes de loi dans la rédaction de ces cahiers, voilà deux raisons qui expliquent la place très large faite aux vœux d'ordre général dans les doléances des campagnes. En examinant la masse des cahiers ruraux conservés par les quatre bailliages particuliers de Coutances, Valognes, Torigni et Vire, c'est-à-dire plus de trois cents cahiers, voici quelles consta- tations j'ai pu faire. 56 cahiers seulement formulent exclusive- ment des griefs locaux 3 ; parmi les 250 autres, 122 mêlent à leurs plaintes particulières des vœux ayant trait à des questions d'ordre général 4; ; 128 ne font aucune place aux vœux locaux, 1 Celles de Bricquebec. Baubigny, Breuville, Magneville, Les Perques, Pierre- ville, Quettetot, Le Rozel, Sénoville, Sotteville, Surlainville, Saint-Germain-le-Gail- lard, Saint-Martin-le-Hébert, Saint-Paul des-Sablons, Le Vretôt. Voir Bridrey, ouô. cité, t. II, p. 129, note 2. 2 Les doléances [de la communauté] ne furent ni écoutées ni suivies par le dit sieur bailli ; il en dicta lui-même, de son autorité particulière et prépondérante, sans permettre aucune observation... C'est pourquoi la dite communauté s'est assem- blée de nouveau pour procéder à la juste rédaction de ses doléances... » Bridrey, ouv. cité, t. II, p. 450. 3 Cahiers de La Baleine, La Beslière, Bourey, Bréhal, Bricqueville-sur-Mer, Champrepus, Herenguerville, Hugueville, La Lande-d'Àirou, Montaigu-les-Bois, Moncuit, Quettreville, Saint Denis-le-Vêtu, Saint-Léger, Saint Louet-sur-Sienne, Saint-Malo-de-la-Lande, Saint-Martin-le-Vieux, Tourville, en totalité ; Hycnville, Saint-Ursin, Trelly, en grande partie b. de Coutances. — Brix, Crasville, Denneville, Haineville, La Haie-d'Ectot, Montfarville, Nouainville, Omonville-la-Bogue, Pierreville, Sideville, Sortosville-en-Beaumont, Saint-Georges- de-la-Rivière, Saint-Lô-d'Ouville, Saint-Pierre-d'Allonne, en totalité ; Carteret, Fon- tenay-en-Cotentin, Notre-Dame-d'Allonne, Saint-Germain-de-Tournebut, en grande partie b. de Valognes. — Biéville, Clouai, Guilberville, La Ferrière-Hareng, La Vaquerie, Montaigu, Montbertrand, Sallen, Sept- Vents, Sainl-Ebremond-de-la-Barre, Saint-Pierre-du-Fresne, Saint-Pierre-de-Semilly b. de Torigni. — Aubusson, Sainte- Marie-des-Monts, Saint-Maur-des-Bois, Saint-Pierre-du-Troncbet b. de Vire. 4 Dans quelques-uns de ces cahiers, les deux catégories de doléances, au lieu d'être exposées pêle-mêle, sont nettement séparées. Ex. à Blainville, Carantilly vœux d'ordre politique, administratif, judiciaire 265 ies assemblées ayant cru devoir mettre à l'écart toutes les plaintes et doléances personnelles qu'elles pourraient faire, pour ne s'occuper que des grands intérêts nationaux » ]. Ces 250 ca- hiers passent en revue les importantes questions d'ordre politique et administratif qui préoccupaient alors l'opinion publique Constitution 2, périodicité, composition et attributions des Etats généraux 3, dette nationale W, pensions 5, responsabilité minis- térielle 6, Etats provinciaux et Assemblées provinciales ? ; ils traitent aussi, et avec une certaine complaisance, qu'explique la compétence spéciale de la plupart de leurs rédacteurs, des ques- tions d'ordre juridique '8^ ; ils dénoncent les abus des tribunaux 9, b. de Coutances ; Quettetot, Réville, Le Rozel b. de Valognes ; Pierres, Roucamp b. dé Vire. 1 Cahiers de Rures, Rrectouville, Lamberville, Rousseville, Saint-Georges-d*Elle, Saint-Jean-des-Raisants b. de Torigni. — Le cahier de La Rloutière contient des remontrances, plaintes, doléances et avis sur l'administration et les affaires géné- rales du royaume ». — Les habitants de Gratot, simples matelots et pauvres labou- reurs, n'ont que des idées générales, qu'ils croient justes. — Clitourp consacre son cahier aux vices et abus des lois dn gouvernement actuel de la France dans plu- sieurs de ses parties ». 2 Les vœux multiples sur cet objet se ramènent à l'octroi, avant tout vote de subsides, d'une Constitution stable et appuyée sur des principes invariables ; ils contiennent en germe le serment du Jeu de Paume et la Déclaration des droits de l'homme. 3 La périodicité est fixée en général à cinq ans; quelques cahiers allongent le délai, dix ans à La Rloutière, douze ans à Cauville, quinze ans à firicqueville-la- Blouette, vingt ans à Rlainville ; d'autres le réduisent à trois ans Montaigu, Le Theil, Saint-Cyr. — Le vœu relatif au doublement du tiers et au vote par tête est unanime. — On demande, pour les Etats généraux, l'exercice du pouvoir législatif et, au premier rang, le vote de l'impôt. 4 Les cahiers en demandent la fixation et l'acquittement au prix des sacrifices jugés nécessaires ; quelques-uns indiquent, pour combler le déficit, la vente des biens du clergé régulier. 5 Vœu à peu près unanime pour la réduction des pensions actuelles et pour la concession des pensions futures au mérite seul. 6 On demande qu'ils rendent leurs comptes, soit à chaque tenue d'Etats géné- raux Anneville-en-Cères, Le Vretot, soit par la presse Négreville. 7 Les vœux relatifs à l'administration provinciale demandes de suppression des intendants et des subdélégués, du maintien éventuel des Assemblées provinciales, et surtout du rétablissement des Etats provinciaux font l'objet d'un développement spécial. Voir ci-dessous, chap. XI, p. 293-299. 8 Certains cahiers ressemblent à de véritables traités sur la réforme judiciaire, tels ceux de Rricqueville-la-Rlouette, de La Rloutière, de Montchaton, de Dangy. de Hambye, ceux du groupe de Mesnil-Opac, dans le bailliage de Coutances, et celui de Rricquebec, dans le bailliage de Valognes. La plupart des vœux qu'ils expri- ment s'inspirent des projets de réforme judiciaire de mai 1788. Sur l'importance des vœux d'ordre judiciaire dans les cahiers primaires du bailliage de Cotentin, voir Le Parquier, art. cité, Revue d'Etudes normandes, 1909, p. 329-334. 9 Tels les privilèges judiciaires, comme les committimus et autres droits d'évo- cation au civil et au criminel. ?'' voeux d'ordre social et économique la multiplicité des juridictions l, la vénalité des charges '2\ les formalités tortueuses de la procédure 3; ; dans l'ordre social et économique, ils abandonnent le point de vue étroit des intérêts de clocher pour s'élever à une conception plus large des intérêts régionaux et nationaux suppression de tous les privilèges . Parmi toutes leurs doléan- 1 Cahier de Caen, 3." partie Représentations particulières el doléances de lu ville de Caen, art. I à 27. 2 Cahier de Valognes, art. 27 et 20. 3 Cahier de Cherbourg, art. 58, 59 el Go. 4 Sur les cahiers des corporations de Bayeux, voir ci-dessus, chap. IX, p. 207, noie 1. 5 Vuhix des cafetiers et des tailleurs. 6 Cahier de Bayeux, au chapitre Commerce. 7 La formation du cahier de doléances de la ville de Caen, et la série des opé- rations qui aboutirent à ce résultat, ont donné lieu à une élude spéciale et détaillée de ma part, et font l'objet de ma thèse complémentaire, intitulée Le Cahier de doléances du Tiers étal de Caen en 17X9. 8 Cahiers des tanneurs, des serrurriers, des perruquiers, des cartiers-papetiers, des bouchers., des bonnetiers has-étamiers, des fabricants d'éloffes de soie. 18 274 ADOPTION DE CERTAINS VOEUX CORPORATIFS A CAEN ces, un nombre restreint seulement a pu se glisser dans le texte du cahier de Gaen. Les rédacteurs ont fait place à la requête des tanneurs sur la suppression de la marque des cuirs *, parce qu'elle était appuyée par les selliers, Jes cordonniers, les libraires, les parfumeurs, les chaudronniers, parce que le corps des négo- ciants s'y intéressait et parce que les juges-consuls la réclamaient avec insistance. Pour des raisons analogues, ils admettent les vœux des cartiers relatifs à la suppression des droits sur le pa- pier *2, ceux des épiciers, cuisiniers et brasseurs relatifs à la sup- pression du trop-bu 3, et, d'une façon générale, tous ceux que la juridiction consulaire, qui comptait trois de ses membres au sein de la commission de rédaction, avait pris sous son patronage. Ils empruntent h certains cahiers particuliers l'idée de réformes utiles à la cité a celui de l'amirauté, le projet d'un canal entre l'Orne et la Sarthe, destiné à faire de Caen l'entrepôt d'une vaste région agricole i} ; à celui des vinaigriers, une sévère critique du corps des ingénieurs, qui s'entêtaient à construire des ponts de bois dans un pays où les carrières abondaient, et qui, au lieu de faire aboutir le pont tournant du canal de l'Orne à la rue des Garnies, pour l'embellissement de la ville, l'avaient maladroite- ment placé en face du clocher d'une église voisine $ ; à celui des maçons, l'heureuse idée d'une école gratuite de dessin, capable de former de bons ouvriers W. Le cahier urbain est loin de refléter avec exactitude la pensée intime des corporations en ce qui concerne leur régime ; alors que presque toutes en demandent l'amélioration par la suppression de l'édit fiscal de 1779 C'\ il suppose la prolongation de ce régime, et se contente d'insérer deux vœux relatifs à l'hérédité des maîtrises pour les enfants des maîtres décédés, et à la survivance des droits de ceux-ci en faveur de leurs veuves S ; mais il omet les demandes de suppression des droits de marque et de visite, si impatiemment supportés par les artisans des divers métiers 9. 1 Cahier de Cacn, 3 partie, art. 18. 2 Ibid., art. 19. Ibid., art. 18. I Ibid., art. 5. 5 Ibid., art. 4. 6 Ibid., art. 13. 7 Cahiers des passementiers, des fabricants d'étoffes de soie, des tailleurs, des tapissiers, des merciers-drapiers, des épiciers, des cordonniers, des chaudronniers, des chapeliers., des bonnetiers bas-étamiers, des boulangers, des bouchers. 8 Cahier de Caen, 3 partie, art. 7. 9 Cahiers des fabricants d'étoffes de soie, des tailleurs-fripiers, des tapissiers, il» > serruriers, les selliers, des cartiers-papetiers, des maçons, des brasseurs de bière. RARETÉ DES VOEUX D'ORDRE AGRICOLE 275 De même que les vœux relatifs à l'industrie se rencontrent à l'état exceptionnel dans les cahiers ruraux, les vœux d'ordre agricole n'apparaissent que rarement et sous une forme concise dans les cahiers urbains ; ils s'y trouvent sacrifiés à d'autres intérêts. Çà et là, quelques plaintes sur les dommages que la milice cause à l'agriculture l ; quelques considérations sur les avantages que celle-ci retirerait du libre enlèvement des engrais de mer 2i ; quel- ques demandes d'ateliers de charité 3, de partage de marais et communes À> ; tout cela brièvement exposé, avec une réserve voisine de l'indifférence. Si le cahier de Bayeux consacre d'assez longs développements à la demande d'abrogation de nombreuses redevances et servitudes féodales rj, celui de Caen, qui compte cent articles, n'a pas trouvé de place pour les droits féodaux, alors que douze cahiers de corps et corporations en réclamaient l'abo- lition ou le rachat, en peignant avec vivacité les abus des banalités de fours, moulins et pressoirs, et les dégâts des colombiers 6l Les droits féodaux, a-t-on écrit, gênaient assez peu les habitants des villes pour qu'on ne crût pas utile d'adopter des articles en vue de leur disparition {7K On peut croire aussi que leur existence n'était pas pour déplaire à de riches roturiers, seigneurs de fiefs nobles, possesseurs de colombiers, de moulins et de pressoirs banaux. Ce qui est certain, c'est que les rédacteurs bourgeois du cahier de Caen restèrent sourds à l'appel des artisans, qui leur signalaient les maux des paysans et qu'une foule de questions intéressant le régime foncier furent systématiquement écartées. En somme, les cahiers urbains furent, en Basse-Normandie, l'expression des sentiments et des aspirations de l'élite du Tiers état des villes, magistrats, négociants, bourgeois, et exception- nellement des maîtres des corporations les plus importantes. Il ne paraît pas que le prolétariat urbain compagnons des commu- nautés ou travailleurs libres y ait participé ; ses doléances, s'il en exprima, n'eurent aucun écho. 1 Cahiers de Vire ait. 13, de Granville art. 21, de Carentan art 2i 2 Cahiers de Vire art. 15, de Coutances art. 53. 3 Cahier de Vire art. 9. 4 Cahiers de Carentan art. 31, de Valognes art. 35. 5 Cahier de Bayeux, au chapitre Droits féodaux, neuf alinéas 6 Cahiers des pharmaciens, des officiers du dépôt des sels art. 5, 6, 12, des négociants et armateurs art. 21 à 23, des couteliers art. 36 à 39, des chapeliers art. 14;, des vinaigriers art. 9. des maréchaux art. 7, des parfumeurs art. 9, des épiciers. 7 E. Champion, La France d'après les Cahiers de 17S9, p. 95. 27b CAHIERS D ASSEMBLEES PRELIMINAIRES A COUTANCES Quand les députés des paroisses urbaines et rurales eurent déposé aux quinze sièges d'assemblées préliminaires du Tiers état, réunies dans les deux ressorts judiciaires de Caen et de Coutances, les cahiers dont ils étaient porteurs, ceux-ci furent soumis à une opération nouvelle. Chacune de ces assemblées préliminaires devait rédiger un seul cahier ; ce travail fut confié à des commis- sions restreintes, élues dans leur sein ; à en juger d'après les procès-verbaux, les membres de ces commissions étaient, en majorité, des citadins. Aussi ne doit-on pas s'étonner que, d'une façon générale, la prépondérance ait été assurée aux vœux expri- més par les villes. Pour six cahiers d'assemblées préliminaires du Cotentin, ceux d'Avranches, de Cérences, de Mortain, de Péri ers, de wSaint- Sauveur-le-Vicomte et de Tinchebrai, on ne peut rien affirmer de certain ; en l'absence des cahiers de ces six villes, nulle compa- raison, nulle conclusion n'est permise. Mais pour les quatre autres assemblées préliminaires réunies dans le même ressort, il est de toute évidence que le cahier de la ville chef-lieu a été pris pour base de la discussion et que son texte, peu sensiblement modifié, et augmenté de quelques articles empruntés aux cahiers ruraux, est devenu la formule des revendications de l'assemblée. Le cahier de l'assemblée préliminaire du Tiers état du ressort propre du bailliage de Coutances, qui comprend 60 articlesn, est, en très grande partie, formé par les apports des deux villes principa- les du ressort Coutances et Granviller2\ Bonté représentait la pre- mière et Perrée-Duhamel la seconde au sein de la commission ; un autre commissaire, l'avocat Havin, du Mesnil-Opac, dut inspirer le préambule. Les commissaires firent, en outre, quelques em- prunts aux importants cahiers de Bricqueville-la-Blouette et de Montchaton , et, émus par la précision poignante des doléances de Villedieu sur la ruine de son industrie ouvrière, donnèrent à celles-ci une place particulière dans le cahier 4 . 'Il Publié par Bridrey, ouv. cité, t. I, p. G61-67S. 2 Le caliicr le Coutances a inspiré, en très grande partie, les articles 1, % 3, 4, relatifs à la Constitution, aux impositions, à l'administration et à la justice. — Celui de Granville, les alinéas 7 à lu de l'article l,r, quelques vœux judiciaires alinéas l et 1S de l'article 4, et presque tout l'article G, relatif au commerce alinéas 1 à 4. \ oir Bridrey, ouv. cilc. t. I, p. 664, note 2. 3 Bricquevillè-la-Blouette parait avoir fourni les alinéas 5 et 6 de l'art. 2 et l'ali- néa l!i de l'art. 4 Montchaton. le vomi relatif aux non-catholiques alinéa 13 de l'art. 1. 4 L'alinéa 5 de l'art. 4 résume brièvement les vœux de Villedieu relatifs aux droits sur les cuivres. Les vaux relatifs aux pailles des dîmes, aux colombiers et A VALOGNES, CARENTAN, SAINT-LÔ 277 A Valognes, sur douze commissaires rédacteurs, quatre habi- taient la ville l ; c'est à leur influence qu'est due l'insertion de 38 articles du cahier urbain au cahier de l'assemblée du Tiers état du bailliage, qui n'en compte que 45 2. Les six derniers vœux, d'un caractère rural, résument trop brièvement les plaintes des nombreuses communautés agricoles, dont les commissaires laboureurs purent obtenir l'adjonction \ La ville de Cherbourg avait formulé des exigences inadmissibles, en prétendant imposer, par un mandat impératif donné à ses députés, l'insertion intégrale de ses doléances particulières dans le cahier de l'assem- blée préliminaire du bailliage. La commission, dans laquelle ne figurait aucun habitant de Cherbourg, exclut systématiquement ces vœux ; elle essaya de donner de mauvaises raisons de cet ostracisme rigoureux r, dont le véritable motif était la vieille jalousie qui divisait les deux villes. A Carentan, où, sur les douze rédacteurs, il y avait quatre commissaires urbains, le cahier de la ville inspira plus ou moins directement la plupart des cinquante-six articles du cahier soumis à l'acceptation de l'assemblée préliminaire 5 ; celle-ci se contenta d'y ajouter quelques vœux relatifs à l'élevage des che- vaux et des moutons, principale source de richesse de la contrée. A Saint-Lô, la commission de rédaction comprenait vingt membres ; elle se confondait avec la députation du quart réduit. Sur ce nombre, il y avait douze hommes de loi, dont six habitants de Saint-Lô, ceux-là même qui avaient rédigé le projet de cahier sou- mis à l'assemblée de la villef6. Le cahier urbain, qui était leur œuvre, banalités diverses et à la pèche du lançon, semblent inspirés par les cahiers de cer- taines paroisses rurales ou côtiereS, notamment Belval, Ouville et Hauteville-sur-Mer. 1 Besnard-Duchesne, Courtaux, Lambert et Baudoin. 2 Les articles 1 à 38 du cahier de l'assemblée préliminaire du Tiers état du bail- liage de Valognes sont la reproduction textuelle du cahier de la ville ; le préambule a été abrégé, les articles 17 à 19 ont été un peu remaniés. Voir Bridrey, ouv. cilé, t. Il, p. 757, note 1. 3 L'un de ces vœux, relatif à l'interdiction de brûler le varech sur les côtes art. 41, a très probablement été ajouté en séance, sur la réclamation des paroisses maritimes. Voir Bridrey, Ibid., I. II, p. 777, note 1. 11 semble bien pie cette addition des vœux ruraux soil comme une concession tardive arrachée aux rédacteurs, et il est utile de remarquer que la question des banalités et des rentes seigneuriales, si sou veut abordée par les cahiers ruraux, n'a pas même été effleurée par le cahier de l'assemblée préliminaire. 4 Voir l'art. 45 du cahier de l'assemblée préliminaire et la note de M. Bridrey y relative, ouv. cité, t. IL p. 778, note 1. 5 Voir Bridrey, ouv. cilé. I. I, p. 765, note 1. 6 Voir ci-dessus, p. -270. noie 2, et 271, note 4. Ces six commis-aires étaient Le Menuet de la .luiiannière, Vieillard lils, Lemonnier, Bernard, Vieillard de Buismartiu el Vieillard père. 278 cahiers d'assemblées préliminaires a vire et bayeux fut, grâce à leur influence, adopté en entier par l'assemblée préliminaire du bailliage. Les commissaires ruraux se bornèrent très probablement à demander l'intercalation de vœux d'ordre agricole part des pauvres dans le partage des biens com- munaux, mesures contre la disette des bois, rachat des bana- lités et corvées, réforme de la jurisprudence des dîmes insolites 1. Mêmes constatations pour les cahiers des assemblées prélimi- naires des bailliages du ressort de Caen, où le contrôle est pos- sible, c'est-à-dire pour Vire, Bayeux et Caen . Dans ce dernier article, on entassa pêle-mêle des doléances d'un caractère agri- cole, dont la plupart figuraient déjà au cahier de Vire demandes relatives à la liberté d'usage des engrais de mer, à la destruction des bêtes fauves, à une meilleure répartition des ateliers de cha- rité. Une seule, concernant l'obligation de la vente des pailles à un prix modéré, par les curés décimateurs à leurs paroissiens, apparaît comme étant d'une origine exclusivement rurale W. A Bayeux, le cahier de l'assemblée préliminaire fut l'œuvre de vingt-huit commissaires, parmi lesquels figurent une douzaine au moins d'hommes de loi domiciliés dans cette ville 5. 11 s'ins- 1 Article 6, paragraphes 4 el > ; art. 8, paragraphe 1 ; art. 9, paragraphe 4 du cahier de l'assemblée préliminaire du Tiers état. Il est impossible de dire, en l'ab- sence lu cahier original de la ville de Saint-Lô, si ces vœux d'ordre agricole ont été ajoutés sur la demande des habitants de dans l'assemblée du Tiers état de la ville, du mars 1789. 2 Le cahier de la ville de Torigni n'a pas été retrouvé. Hippeau a commis une grave erreur en publiant, parmi les paroisses du bailliage de Yalogne? ouv. cité, t. V1I1, p. 502, un cahier de la paroisse de Torigni, qui n'est autre pic le cahier de l'assemblée préliminaire du bailliage de ce nom, déjà publié par le même éditeur au commencemenl du même tome {Ibid., p. 82. 3 F. Mourlot, La Convocation des Etais généraux dans le bailliage de Vire, La Révolution française, 189G, t. 31, p. 318. I C'est la reproduction de l'art. 5 du cahier de Lamlelles et-Coupigny. Sur la question des pailles dans le Bocage normand, voir F. Mourlot, Ibid., p. 420-122. 5 L'avocat Tanqueray, à qui l'on attribue la paternité du cahier de la ville de LE CAHIER DE l\\SSEMBLÉE PRELIMINAIRE DE CAEN 279 pire du cahier urbain en ce qui concerne l'ordre et les titres des chapitres successivement traités. Dans chacun d'eux, il est vrai, la matière a été remaniée. Des développements prolixes, où les considérants s'étalent avec trop de complaisance, ont été rame- nés à de courts alinéas, qui en ont condensé la substance ; en sens contraire, des lacunes du cahier urbain ont été comblées par des apports étrangers à la ville, dont l'origine ne peut être établie, vu la disparition presque totale des cahiers primaires du bailliage. Sur quelques points même, on saisit une contradiction flagrante entre le vœu de la ville et celui de l'assemblée préliminaire par exemple, sur la question de l'existence d'une Commission inter- médiaire au sein des Etats généraux et sur celle du maintien des privilèges de la Normandie CD. Toutefois, à le considérer dans l'ensemble, le cahier de l'assemblée a recueilli, sous une forme plus brève et plus châtiée, la plupart des doléances bayeusaines et la contribution que les campagnes lui ont apportée paraît presque insignifiante. Le cahier de l'assemblée préliminaire du Tiers état du bailliage de Caen fut arrêté, le 11 mars 1789, par vingt-deux des vingt- quatre commissaires que l'assemblée du 6 mars avait élus ; six d'entre eux étaient des députés de Caen, trois autres, bien que députés ruraux, étaient des hommes de loi qui résidaient dans cette ville {'2 '. Là encore, l'influence urbaine prédomina. Des 123 articles que contient ce cahier, 100 articles sont la reproduction à peu près littérale du cahier de Caen. Tous deux comprennent trois parties désignées sous les mêmes rubriques. La première partie est consacrée aux Articles préliminaires à arrêter aux Etats généraux » ; les 12 articles du cahier urbain se retrouvent dans celui de l'assemblée préliminaire du bailliage, avec deux articles nouveaux a. La seconde partie, intitulée Propositions générales à faire aux Etats généraux », comprend, dans le cahier issu de l'assemblée du 4 mars, 61 articles le cahier de l'assemblée Bayeux ; l'avocat Delauney, procureur-syndic du département ; Lareherdelà Londë, maire de Bayeux ; Delleville, lieutenanl général de l'amirauté, étaient parmi le> plus notables. 1 Les art. 9 et 21 du chap. I du cahier de l'assemblée préliminaire du bailliage renferment, sur ces deux questions, des vues entièrement opposées à celles qu'ex- prime le cahier urbain. 2 Les six commissaires de la ville de Caen étaient ; Delarue, Delafosse-Çhatry l'aîné, de Prébois, Saffray, Chibourg et de Cussy parmi les commissaires députés des paroisses rurales, Moisant, Daigremont et Signard d'Ouffières résidaient, à Caen. 3 Sur les 14 articles de ce chapitre, ces additions forment les numéros 2 et 11. 280 ÉLIMINATION l RÉDUCTION DES VOEUX RURAUX des 12-14 mars les reproduit et y mêle 33 articles nouveaux. Cet apport considérable, qui enfle le cahier jusqu'au chiffre de 94 ar- ticles, provient de deux sources 12 articles, qui, bien qu'em- pruntés aux doléances particulières de Caen, ont pu être rangés parmi ceux qui traitaient de questions d'intérêt général lj ; 21 autres, relatifs à des questions rurales, et fort probablement inspirés par les cahiers des assemblées paroissiales de la cam- pagne 2J ; il est impossible, en l'absence de textes, d'en préci- ser l'origine. Quant à la troisième partie, elle se compose, au cahier de l'assemblée préliminaire, des 15 articles des Représen- tations particulières de la ville de Caen», qui n'avaient pu trouver place dans la section précédente, en raison du caractère stricte- ment local de leurs vœux. Exclusion, ou tout au moins condensation des vœux ruraux au profit des doléances urbaines, telle avait été la règle à peu près généralement suivie par les commissaires rédacteurs. En plus d'un endroit, ceux-ci se crurent obligés de justifier un tel ostra- cisme. Si quelques articles particuliers n'ont pas été employés dans le cahier, les commissaires rédacteurs Ide Valognes] observent qu'en suivant les mouvements de leur conscience dans l'honorable commission qui leur a été confiée, et considé- rant que le but de ces remontrances est de faire connaître au prince les maux communs qui nous affligent et les remèdes qu'il convient d'y apporter, ils n'ont pas cru devoir y com- prendre certaines demandes déterminées par un intérêt parti- culier des premières assemblées de ce ressort et contredites par les autres, les objets controversés ou litigieux ne pouvant trouver place dans un ouvrage fait pour réunir les vœux parti- culiers en un seul. Il en est de même, pour quelques autres demandes, qui sont du ressort des Etats provinciaux ou des divers départements » 3. Les commissaires de Coutances tinrent à déclarer que leur tâche avait présenté un travail pénible et des difficultés fréquentes, et que, malgré leur attention et leur 1 Ces douze vœux, qui formaient les art. 16 à Ti de [a troisième partie du cahier urbain, oui, été rangés à la lin de la deuxième partie du cahier le l'assemblée préli- minaire art. 82 à 94. 2 Ce sonl les art. s. 17, 23, 32, 33, 34, 15. 16, 57, 58, 72, 73. 71. 75, 7,. Pour la plupart de ces trente-quatre élus, ce n'était pas une fonction nouvelle, mais la prorogation, sur une nouvelle scène, d'un mandat à l'exercice duquel ils étaient déjà accoutumés. Tous venaient en effet, à l'exception de deux !^, de jouer un rôle actif dans la rédaction du cahier de l'assemblée préliminaire de leur bailliage, après avoir participé à la confection du cahier de leur cité. Fiers d'avoir pu assigner aux doléances de celle-ci une place prépondérante dans les revendications du bailliage parti- culier, ils allaient tenter, en vue du triomphe définitif de ces doléances, le dernier assaut qui leur permît de forcer l'entrée du cahier général. Mis en présence les uns des autres par la réunion des commissaires qui les avaient apportés de leurs circonscrip- tions respectives, les cahiers des assemblées préliminaires devaient se trouver, non pas en conflit, car ils étaient animés d'un même souffle réformateur, mais en rivalité d'influences, t. 'élément rural étant depuis longtemps éliminé, ce furent les villes qui, par l'in- termédiaire de leurs plus notables représentants, se disputèrent l'honneur d'exprimer, sous leur formule dernière, les aspirations et les volontés du Tiers état. A Cou tances, Desplanques-Dumesnil fut, en raison de son âge, le président de la commission; mais le plus actif des quinze commis- saires semble avoir été un avocat de Mortain, LeSacher de la Pal- lière. 11 était le plus en vue de ses collègues, puisqu'il fut le premier élu comme député du Tiers état du bailliage 4. Il eut surtout l'habileté de faire adopter en bloc le cahier du bailliage de Mortain, dont il était porteur. En effet, sur les 106 articles du cahier géné- ral du bailliage de Cotentin, le cahier du bailliage de Mortain en a inspiré 53 littéralement et 12 en très grande partie, soit plus de la moitié r,. C'est à la concision de sa teneur qu'il dut d'être préféré aux cahiers prolixes des autres bailliages particuliers. Ces der- niers ont cependant influé, mais à un moindre degré, sur la con- fection des doléances générales, en contribuant à la rédaction de 1 Voir ci-dessus, chap. X, p. 234. 2 Ibid., p. 236. '' Duhamel, lieutenant général de police, pour le bailliage de Coutances, et Laîné-Deshayes, avocat; pour celui de Tin-chebrai, étaient, ru qualité de commis- saires rédacteurs, deux hommes nouveaux. l l Voir ci-dessus, chap. X, p. 237. 5 Voir Appendice III. LEURS APPORTS RESPECTIFS PRÉPONDÉRANCE DE MORTAIN 285 39 articles relatifs à des objets négligés par le cahier du bailliage de Mortain. Celui-ci avait, dans un style lapidaire, traité les ques- tions qui concernaient la Constitution, l'organisation des Etats généraux et provinciaux, l'égalité des impôts et charges publi- ques, la suppression et la réforme des impôts vicieux et arbi- traires, l'administration de la justice, les matières ecclésiastiques ». Les commissaires de Coûtâmes, Duhamel et Le Tuilier, ont pu y ajouter 12 articles de leur cahier, qui touchaient aux objets suivants remèdes contre l'abus des pensions et suppression des charges inutiles ; liberté des élections municipales ; législation des biens des non-catholiques ; réduction des droits de sceau et de greffe ; obligation de résidence imposée aux bénéficiers ; régle- mentation générale des dîmes ; augmentation des portions congrues des curés ; suppression des maîtrises d'arts et métiers ; révocation des privilèges de Bayonne en matière d'entrée des morues et huîtres de pêches étrangères ; suppression des droits sur le poisson ; modération des droits sur les cuivres bruts ; liberté de l'usage des engrais de mer fl!. Ces additions représentent la part de Cou tances, de Gran ville, de Villedieu et de quelques paroisses côtières dans la formation du cahier général. Des- planques-Dumesnil et Caillemer, commissaires de Carentan, firent adopter quatre articles de leur cahier, relatifs à la suppres- sion de la mainmorte, à l'unité des poids et mesures, au partage des landes, marais et biens communaux, à la suppression des colombiers et garennes '-'. Lemenuet de la Jugannière et Vieillard, commissaires de Saint-Lô, purent introduire les vœux de leur bailliage qui concernaient l'aliénation des domaines, à l'exception des forêts, la suppression des abbayes en commande, des corvées et des banalités, la révision du traité de commerce avec l'Angle- terre et P abrogation de l'arrêt du Conseil de 1784 sur le commerce des colonies !. Pouret-Koquerie et Euvremer, commissaires de Périers,, demandèrent un règlement qui autorisât le prêt à intérêt et obtinrent l'insertion de ce vœu l. Les commissaires d'Avran- ches, Tesnière deBrémesnil et Morin, se bornèrent à faire ajouter à l'article de la gabelle la demande d'une indemnité pour les pays de quart-bouillon, dans le cas d'abolition de cet impôt ^ ; ils 1 Articles 17, 38, 4o. ru, 81, 85, 87 cm partie, 89, 92, 93, 91. 98 lu cahier général. 2 Cahier général du Tiers état du bailliage de Coutances. ail. 77, 90, 97 el 99. 3J Ibid., art. 41,82, 91. 4 Ibid., art. 96. 5 Ibid., art. 51. 28 LE CAHIER Dl BAILLIAGE ni COUTANCES VUE D'ENSEMBLE joignirent aussi leurs efforts à ceux de leurs collègues de Valognes pour faire insérer la réclamation d'un député par district lors des prochaines élections aux Etats généraux *. Lelièvre de la Provôtière et Laîné-Deshayes, délégués du bailliage de Tinchebrai, suggérèrent à l'assemblée la rédaction d'un vœu contre le céré- monial humiliant imposé jusque là au Tiers état à l'occasion delà présentation du cahier et de la harangue faite au roi, et celle d'un autre vœu sur la nécessité d'une rupture complète avec la chan- cellerie romaine en matière de dispenses, grâces et provisions. Ils introduisirent, en même temps, une réclamation d'ordre moins général, mais d'un intérêt tout aussi considérable pour les paysans de Basse-Normandie, en demandant que l'entretien et la répa- ration des chemins vicinaux fussent désonnais à la charge des paroisses lK Ce furent Ango et Glatigny, au nom du bailliage de Saint-Sauveur-le-Vicomte, qui dotèrent le cahier général de son dernier article, en préconisant l'adoption de mesures favo- rables au développement des écoles de charité 3. Après trois jours et demi de laborieuses séances, les commis- saires s'étant mis d'accord sur le texte du cahier, le soumirent à l'assemblée générale, qui le discuta très sérieusement, article par article, et consacra trois jours pleins et quatre séances entières à son examen. C'est un document des plus importants, par la variété des objets qu'il embrasse, l'ordonnance logique des ma- tières et la substantielle concision de sa teneur. Bien que ses 106 articles n'aient point été affectés d'une numérotation spéciale, on peut le diviser en sept parties distinctes, ce qui permet d'en saisir d'un coup d'œil tout le contenu. I. Doléances relatives à la Constitution, aux Etats généraux, à l'administration des provinces et des villes article 1 à 38. IL à des questions d'ordre social disci- pline militaire, non catholiques, éga- lité civique article 39 à 44. III. — aux impositions article 44 à 54. IV. — à la justice article 55 à 72. V. — aux libertés privées et publiques ar- ticle 73 à 77. 1 Cahier général, ait. S fin. 2 Ibid., art. 5, 7S et lui. 3 Ibid., art. 106. COMMISSAIRES RÉDACTEURS DU CAHIER GENERAL, A CAEN 287 VI. Doléances relatives aux affaires ecclésiastiques article 78 à 88. VIL à des objets divers vœux d'ordre éco- nomique agriculture, industrie, com- merce ou d'ordre moral réforme des mœurs et éducation publique, ar- ticle 89 à 106. Dans le bailliage de Cotentin, le cahier général du Tiers état nous apparaît comme le fruit d'une entente raisonnable et de concessions réciproques entre les mandataires des divers ressorts électoraux. Nul incident fâcheux ne se produisit au cours des opérations, s'il faut en croire le procès-verbal de l'assemblée, et nulle protestation ne les suivit. Il n'en fut pas de même dans le bailliage de Caen, où d'assez vives discussions éclatèrent entre les députés à l'occasion de la rédaction du cahier général. Cette rédaction avait été confiée à quinze commissaires, élus, à raison de cinq par bailliage secondaire, dans une assemblée tenue le 17 mars, à l'église Saint-Etienne, sous la présidence de Duperré de Lisle, lieutenant général du bailliage. Ceux-ci y tra- vaillèrent du 17 au 21, jour où l'on commença, en présence de tous les députés, la lecture du projet de cahier définitif. Il fut, semble-t-il, arrêté et signé » séance tenante l. Quelques jours plus tard, il devenait l'objet d'assez vives attaques. Le procès- verbal officiel n'y fait qu'une très discrète allusion ; on y trouve, à la date du 21 mars, la mention suivante, d'une obscure brièveté après différents changements faits au dit cahier » 2 ; il signale aussi, le 26 mars, plusieurs déclarations et protestations de divers membres contre le cahier général » ainsi que l'intervention conciliante de Delauney, récemment élu député du bailliage. D'autres documents, qui complètent ces renseignements par trop 1 Le procès-verbal de l'assemblée du 21 mars, dans laquelle fut arrêté le cahier général, est suivi de 233 signatures. Arch. nat., C 17, 38, et Arcb. greffe de la Cour d'appel de Caen, Reg. n° 2. 2 Ces changements furent soit des additions au texte proposé, art. 15, 19, 23, 28, 41, 48, 55, soit l'intercalation d'un article nouveau, art. 61, et assez rarement des remaniements profonds du texte primitif, art. 20, 61 et 62. A la fin du cahier furent ajoutés deux vœux, sur l'opposition de l'assemblée à toute création de commission intermédiaire au sein des Etats généraux, et sur la suppression de tous les tribunaux d'exception. — Un député du Tiers état caennais, Gouy le jeune, crut devoir accompa- gner sa signature d'une réserve au sujet du mutisme observé par le cahier à l'égard de l'anéantissement des fabriques ». 288 PROTESTATIONS LE CANU ET LAURENT sommaires, révèlent la trace de divergences profondes au sein de l'assemblée ce son! les Observations de Le Garni et Laurent, formulées à la séance du 23 mars, et la protestation de Michel LeTellier, qui se produisit à celle du 26 mars. Ces deux documents figurent comme pièces annexes au procès-verbal. Le Canu, médecin, professeur à l'Université de Caen, avait présenté, le 1er mars 1789, des Réflexions relatives aux cahiers de doléances arrêtés par MM. les Maire et Echevins de la ville de Caen cl lus dans rassemblée du 28 février 1k Ce mémoire était divisé en six chapitres. L'auteur y approuvait les vœux urbains relatifs a la levée d'un double impôt, réel et personnel, à la création de juges de paix, à la mise à la charge des propriétaires des chemins ruraux ; mais il y protestait contre le vœu relatif à la suppression des cinq grosses fermes, le considérant comme préma- turé, dangereux et gros de conséquences funestes. L'assemblée préliminaire du bailliage de Caen ayant écarté sa protestation, Le Canu la renouvela dans l'assemblée générale du bailliage prin- cipal, où il assistait comme député de Caen ; un avocat caennais, Laurent, député de la paroisse de Cheux, s'associa à ses vues et leurs Observations furent lues dans la séance du 23 mars 2. Tout en convenant qu'il existait des abus innombrables dans toutes les parties de l'administration », Le Canu et Laurent déclaraient qu'il serait mal avisé et dangereux de tenter, sur le champ, une réforme générale». Ils présentaient un projet de cahier en douze articles bornés aux principes de la Constitution et aux moyens de vérifier et d'acquitter la dette nationale ». Alléguant que le bien doit se faire lentement, qu'on doit se garder de le précipiter, que le temps n'avait pas permis à l'assemblée de mûrir ses idées, et qu'il était impossible, en quinze jours, de dresser un plan général de législation, ils invitaient le Tiers état du bailliage de Caen à écarter de son cahier tout ce qui ne touchait pas au grand objet de la Constitution, le seul qu'il fût urgent de fixer, et à ajourner à une seconde session d'Etats généraux, demandée pour 1791, le soin de remanie- plus profondément l'état politique lj L'original manuscrit de ces Réflexions esl conservé aux Arch. connu., Caen, ancien carton 20. {2 Arch. du greffe delà Cour d'appel de Caen, Registre. Ces Observations ont été publiées par Hippeau, aiw. cité, l. Y] II. p. 160-17i. Il n'est pas question de cette lecture dans le procès verbal de rassemblée à la date du 23 mars, mais le mémoire de Le Canu et Laurent contient, en souscription; l'indication suivante, qui est for- melle- Lu et, déposé m rassemblée générale du Tiers état des cinq bailliages réu- nis, etc.. par les soussignés, ce 23 mars 1789. » PROTESTATION LE TELLIER 289 et administratif du pays. Ils traitaient de mesure inopportune et malfaisante, non seulement l'abolition des cinq grosses fermes, mais celle de la vénalité des charges et ils désavouaient formelle- ment l'article du cahier relatif au vote par tête dans le sein de la fui ure assemblée nationale, cette forme nouvelle étant absolu- ment contraire aux anciennes lois ». L'assemblée prit acte de ces observations et ordonna leur annexion à la suite de son procès- verbal, mais elie n'en tint aucun compte. Une autre protestation, qui eut des conséquences plus sérieuses, fut déposée, le 26 mars, sur le bureau de l'assemblée par Le Tellier, avocat de Bayeux, un des soixante-quatorze députés ruraux du quart réduit envoyé par le bailliage de Bayeux l]l Le Tellier demandait à ses collègues de réviser l'œuvre des commissaires. Il reprochait à ceux-ci d'avoir négligé une foule de particula- rités » et réclamait la suppression de certains articles qu'il croyait propres à semer la division entre les ordres. En tête de ceux-là, il plaçait l'article 6 du cahier, qui, conformément au vœu le plus général », sollicitait le vote par tête. Imbu des mêmes craintes que Le Canu et Laurent, Le Tellier pensait qu'un tel mode de délibé- ration, avantageux aux administrations provinciales, offrirait les plus grands dangers aux Etats généraux. Il eût voulu qu'on le proscrivît comme contraire à la Constitution nationale, dont la forme antique de délibérer par ordre garantissait la liberté de toute atteinte du pouvoir arbitraire, de l'obsession et de la subor- dination ». Le Tellier conjurait aussi l'assemblée d'approfondir la question délicate de l'impôt avant de prendre une résolution radicale à son endroit. Il combattait le vœu relatif à l'aliénation des grands domaines et défendait à nouveau la motion qu'il avait probablement fait triompher à l'assemblée préliminaire de Bayeux en faveur de leur conservation et de l'amélioration de leur régie. Enfin, il s'élevait contre la rédaction du dernier paragraphe, par lequel on déclarait approuver tacitement les cinq cahiers particuliers, quoique plusieurs positions d'entre eux ayant révolté l'assemblée à la simple lecture ». Delauney, de Bayeux, le premier élu des six députés du bailliage aux Etats généraux, et l'un des commissaires rédacteurs les plus influents, défendit habilement son œuvre et celle de ses collègues. Il rendit hommage à leur zèle, montra les difficultés de leur tâche, la nécessité où ils 1 Le Tellier élait député de l'assemblée primaire de Saint-Laurent- sur-Mer. Sa protestation es! conservée aux Arch. du greffe de la Cour d'appel de Caen, Registre 2, el aux Arch. dép., Calvados, série B, non inventoriée. 19 290 DÉFENSE Dl CAHIER PAU DELAUNEY s'étaient trouvés, après avoir tout mûrement pesé, d'élaguer l'ac- cessoire pour ne formuler que le vœu générale . Il invita l'assemblée à accepter le cahier tel quel, en lui adjoignant les cinq cahiers des bailliages particuliers, et il lui donna l'assurance que les députés du Tiers état porteraient également » aux Etats généraux les sages réflexions des villes comme les doléances des campagnes vexées et sensibles ». Ses explications furent acceptées par une grande partie de l'assemblée, formée de députés de la campagne, pressés de retourner à leurs travaux. Mais de nombreux mécon- tents, refusant d'approuver le cahier, s'étaient inscrits à la suite de In protestation de Le Tellier. Celle-ci ne compte pas moins de quatre-vingt-neuf signataires, parmi lesquels figurent cinquante députés du bailliage de Caen, et dix du bailliage de Vire. Deux des commissaires virois, Brenet et Flaust, ce dernier élu député aux Etats généraux, déclarent n'avoir signé le cahier général, quoique rédacteurs, que par respect pour l'assemblée et sans approuver le dit cahier ». Louis Lamy, commissaire de Caen, et Pain, commissaire de Torigni, tous deux aussi députés aux Etats généraux, adhérèrent à leur tour aux protestations dirigées contre ce cahier dont ils avaient reçu mission de défendre les vœux à l'Assemblée nationale. Une telle constatation ne manque pas de piquant 2. Le cahier général du Tiers état du bailliage de Caen contient 90 articles, répartis en huit chapitres ainsi intitulés I. Constitution article 1 à 27 ; IL Subsides et perception article 28 à 33 ; III. Domaines article 34 à 39 ; IV. Droits féodaux et polices de chasse article 40 à 45 ; V. Commerce article 46 à 56 ; VI. Affaires bénéficiais article 57 à 70 ; VIL Justice article 71 à 84 ; VIII. Ouvrages publics article 85 à 89. 1 Chaque classe, disait Delauney, a ses intérêts particuliers... Les municipali- tés Mit été exigeantes, les villes ne l'ont pas moins été et de là ces énormes suppres- sions demandées et dont l'imagination s'effraie. Ce qui a paru fort simple dans un village et successivement grossi du vomi d'une demi-douzaine de villes et de huit cents paroisses, a, à la dernière analyse, offert un résultat dont les commissaires eux-mêmes ont été môriifiés d'être obligés de développer toute l'étendue. » 2 Le procès-verbal de l'assemblée du 21 mars 1789, portait 233 signatures ; la pro- testation de Le Tellier se couvrit, dès le 23 mars, de 89 signature*; le procès-verbal de l'assemblée du 26 mars contient 109 signatures. APPORTS DES DIVERS BAILLIAGES AU CAHIER GÉNÉRAL 291 Ce cahier est le produit de la fusion des cinq cahiers des assemblées préliminaires des bailliages de Caen, Bayeux, Falaise, Torigni et Vire 1;. Au premier coup d'œil, il est évident que ceux- ci n'ont pas également influé sur sa composition. C'est au cahier de Bayeux que la disposition des matières et la plupart des titres eux-mêmes semblent avoir été empruntés. Des formules littérale- ment extraites des cahiers de Caen et de Bayeux alternent en groupes sensiblement égaux dans les chapitres relatifs à la Consti- tution, aux subsides, à la justice. Le cahier de Caen a prêté davan- tage au chapitre des droits féodaux -' ; le cahier de Bayeux, à celui des ouvrages publics ft. En matière commerciale et ecclé- siastique, Caen est presque seul porte-parole ''.. L'influence des rédacteurs caennais et bayeusains, très visiblement, a été prépon- dérante au sein de la commission. Ceux des autres bailliages, moins audacieux ou moins heureux, ont marqué moins fortement leur empreinte. Les commissaires virois ont pu cependant faire adopter les doléances de leur cahier sur la liberté des élections aux Etats généraux, la suppression des déports et de la vénalité des charges, la gratuité de la justice, l'aliénation des domaines r> . C'est à l'instigation de Falaise que le cahier général condamne les abus de la caisse de Poissy, demande la suppression des droits de roulage et de messageries et l'établissement d'une tutelle vraiment protectrice pour les pauvres des campagnes G>. Torigni ne fournit guère en propre, au même cahier, qu'un vœu sur la gratuité des dispenses ecclésiastiques ~, et se contente d'insinuer discrètement, çà et là, quelques tournures plus heureuses dans la rédaction d'un bailliage voisin. Un examen plus détaillé du cahier, article par article, amène aux conclusions suivantes. Le cahier de l'assemblée préliminaire du bailliage de Caen a donné 38 articles et contribué à la rédaction de 6 autres il a donc inspiré à peu près la moitié du cahier général. Le cahier de l'assemblée préliminaire de Bayeux a fait adopter 19 articles et influé sur la formation de 10 autres ; il entre donc pour un tiers environ dans la confection de l'ensemble. Reste un sixième d'influence à répar- l Voir Appendice III. •> 4 articles sur 6 art. 40, 41, 44 et 45. 3 3 articles sur 5 art. 85, 80, 87. 4 9 articles sur 11 en matière commerciale art. 40 à 53 et art. T>0 8 articles sur 14 en matière ecclésiastique art. 58, 03 à OS, et 70. 5 Art. 4, 0, 24, 25, 35, 57, 00 et 71. 0 Art. 54, 55, 09 et 83. 7 Art. 59. 292 MISE \l POINT DE LEURS VOEUX tir entre les autres cahiers d'assemblées préliminaires, et qu'il faudrait attribuer, dans un ordre décroissant, à Vire, Falaise et Torigni. De telles conclusions, dans leur rigueur mathématique, ne rendraient pas un compte exact de l'influence réellement exercée par chaque bailliage. Tous les vœux, en effet, n'ont pas même importance, et la contribution d'un bailliage, pour n'être pas très étendue, peut avoir été riche de conséquences h. 11 est aussi arrivé souvent que, sans être directement manifeste, l'in- fluence d'un cahier particulier ne s'en est pas moins exercée sur le cahier général. Tel vœu ne peut point être considéré à priori comme éliminé parce qu'on ne le retrouve pas au cahier définitif avec une physionomie rigoureusement semblable à celle qu'il avait dans le cahier originel. Si la lettre s'est évanouie, l'esprit demeure. Obligés, par la brièveté du temps » et par l'exiguïté du cadre dont ils disposaient, à faire œuvre à la fois prompte et concise, les commissaires rédacteurs du bailliage principal de Caen ont tenté la mise au point loyale des diverses opinions en présence. Pour 70 articles environ sur les 90 articles du cahier général, ils ont adopté intégralement, en l'empruntant aux divers cahiers particuliers, la formule qu'ils jugeaient la plus heureuse et la plus adéquate à la pensée générale. Les autres articles sont le résultat d'un patient travail de marqueterie, qui a consisté à détacher des divers cahiers particuliers, non plus le texte entier de leurs vœux, mais leurs fragments les plus expres- sifs pour les fondre en une formule générale qui demeurât l'inter- prète des aspirations communes. Ce cahier contenait d'ailleurs, dans son dernier alinéa, sa propre justification &. Les députés étaient invités à compléter ses indications générales par les indi- cations plus précises et plus détaillées renfermées clans les cinq cahiers des bailliages particuliers, sur tous les points qui ne lui seraient pas contraires ». Il apparaissait ainsi comme une construc- tion légère, aux voûtes élancées, aux frêles colonnes, mais flan- quée d'arc-boutants qui en assuraient la solidité sans en masquer l'élégante simplicité. \u premier rang des objets que le pouvoir central avait spécia- lement signalés à l'attention des populations consultées, figurait la question de la réforme administrative du royaume. Necker, 1 Telle a été, par exemple, la contribution du cahier de l'assemblée préliminaire du bailliage de Vire, en raison de l'importance économique et sociale des vœux qu'il a suggérés. 2 Article 90. VOEUX RELATIFS A L'ADMINISTRATION PROVINCIALE 293 on l'a vu plus haut1, avait prescrit aux sujets des trois ordres de donner à leurs députés une mission particulière pour dresser un plan de formation des Etats provinciaux ». Ce plan devait être discuté et débattu entre les députés intéressés, avant l'ouverture de l'Assemblée nationale. La Normandie, et en particulier la Basse-Normandie, ne resta pas sourde aux demandes du ministre. La question l'intéressait au plus haut point, et elle avait déjà fait l'objet d'une ardente campagne 2. Aussi assigne-t-elle une assez large place, parmi ses revendications si diverses, à celles qui concernent la future orga- nisation administrative de la province. Des 306 cahiers primaires que j'ai consultés pour les deux res- sorts judiciaires de Caen et de Coutances, 127 n'expriment aucun avis sur la forme d'administration préférée par leurs auteurs c'est un peu plus du tiers. Les deux autres tiers prennent assez nettement position, soit en faveur du maintien du régime créé par l'édit de 1787, c'est-à-dire des Assemblées provinciales, soit en faveur du rétablissement des Etats provinciaux. En général, il n'est guère fait mention des anciens administra- teurs, intendants et subdélégués. L'institution est depuis long- temps impopulaire ; toutefois le discrédit où elle est tombée n'a plus sa source dans la crainte, mais dans le mépris. La réforme de 1787 a dessaisi et désarmé les intendants ; elle les a blessés à mort, et c'est au milieu de l'indifférence publique qu'ils vont disparaître. Presque tous les cahiers sont muets à leur égard. Quelques-uns rappellent leurs anciens méfaits, les dangers de leur pouvoir d'autrefois, comme La Llaye-Bellefond 3 et Saint- Waast-la-Hougue 4, mais c'est leur inutilité bien plutôt que leur malfaisance qui se trouve mise en cause. On leur reproche d'être en surnombre et de faire double emploi {y>. Je n'ai trouvé qu'un exemple de cahier supposant que leur existence sera prolongée 1 Voir ci-dessus, chap. VIII, p. 168-169. 2 Ibid., chap. VIII, La Campagne en faveur des Etals provinciaux, p. 155-169. 3 Le despotisme des commissaires départis, auxquels l'administration de la généralité a été confiée ci-devant, les désordres l Celui de Carentan les annihile sans les mentionner, en demandant le transfert à d'autres pouvoirs de leurs dernières attributions en matière de contentieux financier et de tutelle administra- tive 4. Mortain, par le même procédé indirect, éteint leur com- pétence judiciaire ; Coutances 5', Péri ers 6 et Bayeux 7 envi- sagent formellement leur suppression comme une simplification des rouages administratifs et comme une mesure d'économie. Les deux cahiers généraux des bailliages de Caen et de Coutances enfin, usent de la même discrétion et les exécutent par préte- ntion 8. Les Assemblées provinciales comptent encore des partisans en Basse-Normandie. Dans une trentaine de cahiers primaires envi- ron, on voit demander leur continuation ». Les uns désirent leur fl Le cahier de La Bloutière, dans son art. 6, mentionne l'intervention future des subdélégués de l'intendant » dans les opérations du tirage de la milice. Bri- drey, Ibid., t. 1, p. 177. 2 Voir C. Bloch, La Révolution française, t. LVI, 1909, p. 557. Les tonneliers de Caen, les perruquiers et les selliers de Bayeux ont toutefois demandé la suppression des intendants, de leurs secrétaires et subdélégués. 3 Art. 11 Interdire aux commissaires départis, s'ils subsistent, la compétence des matières contentieuses de finances, et réduire leurs appointements. » 4 Art. 16 et 29. 5 Art. 1, paragraphe 8. Au précieux avantage de régénérer les provinces, les Etats particuliers joindront celui de faciliter la suppression des bureaux des inten- dants. » 6 Au chapitre des Etats provinciaux Inutile d'observer rpie chaque province, soumise à son régime particulier, n'aura plus besoin des ministres qui, sous le nom d'intendants ou commissaires départis, entraînent des dépenses que la nouvelle constitution rendra superflues. >i . 1 Cahier de l'assemblée préliminaire du bailliage de Saint-Sauveur-le-Yicomte, chap. Vénalité. 2 Voir ci dessus, chapr. VIII, La Campagne en faveur des Etats provinciaux. 3 Cahiers des assemblées préliminaires de Baveux art. 13. el, de Caienlan art. 6. 1 Exemples parmi les cahiers paroissiaux, Gantelou, Villedieu et quatorze paroisses bocagères du bailliage de Vire parmi les cahiers d'assemblées prélimi- •MAINTIEN DES ASSEMBLÉES MUNICIPALES 297 forme des futurs Etats ; aucun d'eux ne songe au rétablissement de la forme ancienne et désuète des Etats du moyen-âge ou du XVIIe siècle. Pour exprimer leurs exigences nouvelles, ils em- ploient une formule, qui, sous ses variantes légères, enferme un même désir. Les uns demandent le retour des Etats particuliers de Normandie dans la proportion adoptée au Résultat du Conseil » li, ou encore, dans la forme et proportion qui vient d'être adoptée pour les Etats généraux » '-. Les autres, plus nom- breux, réclament la restaura lion de ces mêmes Etats dans la forme du Dauphiné », à l'instar du Dauphiné » 3. Pour tous, cela signifié doublement du Tiers état et vote par tête au sein des Etats provinciaux. Un très petit nombre de cahiers s'attardent à l'étude détaillée de la future organisation administrative, comme celui de La Haye-Bellefond liK Quelques-uns prévoient l'existence d'une Commission intermédiaire provinciale unique ; d'autres pro- posent le maintien des trois Commissions intermédiaires déjà établies au chef-lieu de chacune des rois généralités normandes. Les assemblées de département, qui ont tenu deux sessions, en 1787 et en 1788, et qui, composées d'hommes intéressés à la prospérité du pays, ont pu faire apprécier leurs services, trouvent grâce devant l'opinion ; plus d\\n projet les encadre, dans l'ébau- che du nouveau régime administratif l5, entre les Etats provin- ciaux et les assemblées municipales /i, dont les bienfaits sont naires de bailliages, Carentan, Torigny, Vire. Toutefois, quelques paroisses du Cotentin hésitent entre Caeu et Lisieux Gonneville, Varouville, Le Mesnil-au-Val. Bretteville se prononce catégoriquement en faveur de Lisieux. 1 Cahier d'Acqueville. 2 Cahiers de Picauville, Montagu-la-Brisette, Clïtourps, Tonneville, Vasteville. 3 Quinze cahiers paroissiaux dans le bailliage de Valognes ceux de Fervaches, Saint-Romphaire. Mesnil-Rault, Troisgots, au bailliage de Coutances ; de Carvillé, au bailliage de Vire de Bures et de La Ferrière-au-Doyen, au bailliage de Torigni. I Sur le plan très détaillé de réorganisation des Assemblées provinciales, tel qu'il est exposé au cahier de La Haye-Bellefond, voir Bridrey, ouo. cité. t. I, p. 356- 358, et la note 1 de la page 356. 5 Cahiers de Montchaton, Chantelou, Tessy, Danvou, Gouvets, Herqueville. Le cahier d'IIerqueville caractérise ainsi leurs membres Ces messieurs, dit-il, n'é- tant ni de la classe des ingénieurs, ni de celle des adjudicataires, mais tous du lieu, distingués par leurs mérites, n'ayant d'autres motifs que l'amour de la justice el le bien de la pairie. » Bridrey, ouv. cité, t. Il, p. 344. G Cahiers de Béaucoudray, Caillebot-la-Salle, Chantelou, Le Chefresne, Gratot, Hudimesnil, Mesnil-Garnier. Mesnil-Villeman, Montchaton. Montabot, Montcuit, Nicorps, Saint-Louet-sur-Sienne, Sourdeval-les-Bois, Tessy b. de Coutances; de Breuville, Galteville, Gouberville, Rau ville, Saint-Christophe-du-Foc, Saint-Ger- main-le-Gaillard, Saint-Martin-le-Gaillard b de Valognes; de Gouvets, de Mantilly ?.S ASPIRATIONS PROPRES A CHACUN DES TROIS ORDRES vantés en maints cahiers, et dont le maintien et l'affermisse- ment » sont généralement demandés. Les vœux de la Basse-Normandie offraient, en somme, aux délibérations de la future Assemblée nationale un plan d'admi- nistration provinciale assez nettement ordonné. Les cahiers généraux des trois ordres, dans les deux bailliages de Caen et de Coutances, exprimaient clairement les sentiments et les aspi- rations propres à chacun de ces ordres. Ce que réclamait avant tout la noblesse, c'était le retour de son antique constitution, dans la province restaurée par la confirmation solennelle de ses privilèges, sous l'empire de la charte normande, intégralement exécutée lK Les deux cahiers du clergé, où la prépondérance des curés avait introduit un esprit moins exclusif, demandaient aussi le retour des Etats de Normandie, mais avec une organisation perfectionnée », et dans la forme des Etats généraux » 2\ Mais les vœux du clergé, pas plus que ceux de la noblesse, ne dépas- saient l'horizon normand. Le Tiers état vit plus loin et de plus haut. A Caen, il sollicita le rétablissement des Etats provin- ciaux dans les provinces qui en avaient et leur établissement dans celles qui n'en avaient pas » {^K Plus sobrement, mais avec autant de netteté, il demanda à Coutances, que l'ensemble de la Consti- tution nationale fût complété par l'établissement d'Etats pro- vinciaux dans toutes les provinces du royaume » f4\ Ce sentiment de fraternelle générosité, tout à l'honneur du Tiers état normand, et qui le guidait au-delà de sa frontière provinciale pour le hausser à la conception de la Nation française, corrigeait ce qu'il y avait eu d'étroit et d'égoïste dans les revendications antérieures de la Normandie en faveur de ses Etats particuliers. Au lieu d'un entêtement irraisonné à la poursuite de chimères mortes, il annonçait une sagesse politique d'heureux augure. Tout en expri- mant leurs préférences pour leurs Etats, suspendus et non anéan- b. rie Vire. Le cahier d'Hudimesnil s'exprime ainsi Rien ne paraît plus juste el plus avantageux pour le peuple que l'institution des assemblées municipales, à cause du bon ordre qui nous y parait établi ». Bridrey, ouv cilé, t. 1. p. 378. 1 Cahier de la noblesse du bailliage de Coutances, art. 18 à 20 de Caen, Contrat art. 10, 18. 19;, Magistrature art. 3, Bien public art. 5 et 22. 2 Cahier du clergé du bailliage de Coutances, Législation, art. 3; de Caen, cha- pitre Constitution particulière de la Normandie. Le clergé de Caen désirait que toutes les classes de son ordre, et notamment celle des curés, fussent davantage intéressés à la formation de ces Etats. M Cahier général du Tiers étal du bailliage de Caen, art. 7. 1 ahier général du Tiers étal du bailliage de Coutances, alinéa -27. HAUTEUR DES VUES DU TIERS ETAT 299 tis, sur lesquels ils avaient soin de réserver tous leurs droits, les citoyens du Tiers état de Basse-Normandie laissaient à leurs mandataires la liberté de se concerter avec les autres députés de la France sur les moyens de s'assortir au régime d'adminis- tration générale qui serait jugé par l'Assemblée Nationale comme plus convenable au bien commun de tout le royaume » tl. Ils consentaient à lier les intérêts de la province à ceux du reste du royaume », afin de faciliter la régénération générale par l'uni- formité de principes et de gouvernement ». En un mot, ils don- naient leur consentement anticipé à la fusion de l'individualité normande dans la Nation française. L'unité nationale de la France était en germe dans les cahiers du Tiers état de Basse-Normandie. il Cotte heureuse formule, ainsi que celles qui suivent, était due à la plume des commissaires de Saint-Lô, dont l'un. Vieillard fils, fillait représenter, comme député du Tiers état, le bailliage de Cotentin aux Etats généraux. 300 PAROLES D'ESPÉRANCE CHAPITRE XII les troubles publics et l'anarchie administrative mars-juillet 1789 Rôle joué par les députés des trois ordres des bailliages de GaBïi et de Goutances au début de la session des Etals généraux*. Adhésions pro- gressives du clergé, puis de la noblesse aux vues du Tiers état. Enthousiasme causé en Basse-Normandie par la réunion des ordres et la prise de la Bastille. Les adresses des villes. La fermentation générale ses causes économiques et sociales. La disette des grains les émeutes de Saint-Lô, Caen, Cherbourg. Les retards dans la perception des impositions résistances et révoltes dans les villes, à Caen, Cherbourg, Vire. Soulèvement des campagnes contre les droits féodaux destruction des colombiers el chartriers ; actes de renonciation des seigneurs. La Grande Peur en Basse-Normandie à Vire, Carentan, Cherbourg, Caen, Torigni, Bayeux. Arrestation du duc de Coigny et de Delleville. Conséquences de la Grande Peur. Impuissance de la Commission intermédiaire provinciale et de l'inten- dant, accrue par leur antagonisme. Conflit relatif à la prestation de la corvée. Tentative d'indépendance des pouvoirs locaux. Impopularité et découragement des subdélégués. Départ de l'intendant anarchie administrative. Annulation, à la veille du 4 août 1789, par les nobles du Cotent in et du bailliage de Caen. des mandats impératifs donnés à leurs députés. — Organisation spontanée des pouvoirs révolution- naires nouveaux pour la défense de l'ordre public. Le 1er avril 1789, dans la séance de clôture de l'assemblée générale des trois ordres du bailliage de Cotentin, le lieutenant général, Desmarets de Montchaton, félicitait les nouveaux élus en ces termes C'est à vous qui par la réunion des qualités les plus estimables et les plus précieuses avez si justement mérité Mes suffrages de vos concitoyens, c'est à vous de remplir leur attente et de consommer le grand œuvre de la félicité nationale. Puissent tous les membres qui composeront avec vous l'Assem- blée y porter comme vous un zèle ardent pour le bien public et l'esprit de paix et de conciliation » 0. L'avant-veille, à Caen, 1 Abbé Pigeon, Le grand bailliage de MoHain en 1789. Mémoires de In Société -aca- démique du Cotentin} t. III, p. 532. •• ATTITUDE DES DÉPUTÉS DES TROIS ORDRES AUX ETATS GÉNÉRAUX 301 le lieutenant général du bailliage, Duperré de Lisle, avait adressé les mêmes éloges aux députés des trois ordres du bailliage princi- pal de Caen, et avait exprimé les mêmes espérances {X. Tous deux se faisaient illusion. Sans doute tous les députés bas-normands avaient reçu de leurs commettants des instructions communes sur plus d'un point. Ils avaient reçu le pouvoir général de proposer, rémontrer, aviser et consentir tout ce qui concer- nait les besoins de l'Etat, la prospérité du royaume et le bonheur, tant commun que particulier, de tous les citoyens ». On leur prescrivait, avant tout vote de subsides, l'établissement d'une Constitution, et tout spécialement la restauration des Etats provinciaux de Normandie. Mais sur d'autres objets essentiels il y avait entre les mandats respectifs dont ils étaient porteurs des divergences trop profondes pour que l'accord fût possible dès le début. La question du vote par ordre ou par tête, que le gouvernement n'avait pas tranchée, allait surtout les mettre en opposition. La représentation des deux bailliages de Caen et de Coutances fut, comme celle des autres bailliages du royaume, divisée en deux groupes. Les quatorze députés du Tiers état répondirent le 12 juin 1789 à l'appel des députations fait au sein de l'assemblée des communes et y remirent leurs pouvoirs W ; on les voit figurer dans la séance du 20 juin et prêter le serment du Jeu de Paume l3î. Des sept députés du clergé, trois seulement firent partie de la majorité qui consentit à la vérification des pouvoirs' en commun le 22 juin, et qui fit le 24 juin son entrée dans l'Assemblée nationale ce furent Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances, Lefrançois, curé de Mutrécy, et Lévêque, curé de Tracy ; les quatre autres ne s'y rallièrent que le 27 juin, après les injonctions du roi *. Les sept députés de la noblesse appartinrent à la pluralité » des gentilshommes qui s'entêtèrent à réclamer la distinction des ordres et ne cédèrent qu'aux ordres royaux. Dès le 1er juin, Achard de Bonvouloir avait protesté au nom de la noblesse du Cotentin contre le doublement du Tiers et l'atteinte illégale portée aux droits des deux premiers ordres. ] Journal de la Basse-Normandie, n° 14, 5 avril 1789. 2' Procès-verbal des séancesde l'Assemblée nationale.. Arcli. nat., AD xvm 1, p. 11-15. 3 A. Brette, Le Serinent du Jeu de Paume, p. 9, 11 et 12. Ango, député de Saint- Sanveur-le Vicomte, absent lors de cette séance, signa le 23 juin. i Procès-verbal des séances de l'Assemblée nationale. Arch. nat., AD xvm 1, p. 12-16. Lefrançois, atteint de sciatique. donna le 12 octobre sa démission, acceptée le 22. Arch. nat., B'1' 40. Voir A. Brette, Les Constituants, chap. III 3, p. 280. 302 LÀ FUSION DKS ORDRES Quelques jours plus tard, un des députés du bailliage de Caen, le baron de Wimpfen, fit preuve d'une attitude moins intransi- geante. Le 19 juin, la chambre de la noblesse, effrayée par les hardiesses du Tiers qui, l'avant-veille, venait de se déclarer Assemblée nationale, avait rédigé une adresse au Roi pour pro- tester contre l'esprit d'innovation » qui menaçait la Constitution; invoquant les vrais principes, lois et usages de la monarchie »; elle s'élevait contre les prétentions du Tiers qui voulait s'attri- buer les droits réunis du Roi et des trois ordres ». Pour faire échec à cette adresse, votée par la majorité, le baron de Wimpfen en proposa une autre à la minorité. Cette protestation signée de quarante-trois membres déplorait l'inanité des efforts faits pour déterminer la chambre de la noblesse à se renfermer dans l'ex- pression de ses sentiments pour le Roi, et à écarter de ce discours tout ce qui pouvait rappeler l'idée d'une funeste division entre les ordres, présenter sur l'égalité des impôts des principes inad- missibles, et indiquer une dénonciation des démarches de l'un des ordres » f1'. Le 25 juin la plupart de ces signataires s'agrégeaient au Tiers état. Wimpfen ne fut pas de ce nombre. Il était lié comme ses collègues de Basse-Normandie par son mandat impératif, et le 27 juin, à son entrée dans la salle des séances, il déposa comme eux, sur le bureau de l'Assemblée, un acte de réserve et de pro- testation ?. A cette date, la fusion des trois ordres était consom- mée. Lorsque l'intendant de Caen, Cordier de Launay, reçut le 8 juillet des ministres Barentin et Villedeuil la Déclaration royale du 23 juin, celle-ci était déjà lettre morte et la volonté du roi était frappée d'impuissance »3. Un mois plus tard, Villedeuil et Barentin envoyaient à l'intendant le récit de la séance du 15 juillet et un nouveau discours du roi, de ton tout différent. Louis XVI, comme chef de la nation » venait témoigner sa confiance aux représentants de la nation », et implorer leur assistance pour 1 Mémoires, de Bailly, t. 1, p. 451. — Causes inconnues de la Révolution, par Robert, t. I, p. 313. Cf. Pezet, Bayeux à la fin du XVIIIe siècle, p. 110-111. 2 Les députés nobles de la Basse- Normandie, réfractaires à la fusion des ordres, devaient adhérer, à la lin de juillet 1789, sur l'invitation de leurs commettants, aux délibérations antérieures de l'Assemblée nationale et prendre ensuite une part effec- tive à ses travaux. Voir ci-dessous, chap. XII, p. 331. 3 Arch. dép., Calvados, C 6317. A Granville, Quinette de Cloisel, homme ardent et très démocrate », va le 14 juillet a la principale porte de la ville arracher le compte-rendu imprimé de la séance royale du 23 juin, affiché par le subdélégué Couraye sur les ordres de l'intendant. Ibid., C 6354. Cf. Arch. nat., D xxix, 8. l'enthousiasme a la prise de la bastille 303 assurer le salut de l'Etat lK Du 23 juin au 15 juillet, le pouvoir royal avait franchi une grande étape dans la voie de sa déchéance. Le 14 juillet la Bastille était tombée. La chute de cette forte- resse, qui symbolisait le despotisme de l'ancien Régime, causa une profonde impression de joie dans la Basse Normandie. La ville de Bayeux, prévenue par un de ses députés, le baron de Wimpfen, envoya, le 23 juillet, deux adresses enthousiastes à l'Assemblée nationale et à l'hôtel de ville de Paris '2/. Elle félicitait la première de ses lumières et de ses vertus patriotiques, des arrêts que la sagesse et l'honneur dictaient à cette réunion de héros citoyens, et qui étaient de sûrs garants à la liberté fran- çaise ». Elle remerciait les chefs de la municipalité parisienne, pères et libérateurs de la France, qui, au prix des plus grands périls, avaient scellé de leur sang la liberté du pays ». A Caen, des jeunes gens débarquent le 18 juillet par la diligence. Ils se disent députés de Rouen et portent au chapeau la cocarde natio- nale. Ils la font arborer à la jeunesse caennaise ; on va l'offrir ensuite aux échevins, au comte de Faudoas qui est très populaire, au duc d'Harcourt. Officiers et soldats du régiment d'Aunis s'en parent à leur tour ; une procession de gens décorés parcourt la ville musique en tête \ La cocarde devient un passe-port obli- gatoire, sans lequel on est insulté dans la rue *'. A Cherbourg, même fermentation. Le 21 juillet, les officiers municipaux, auxquels se joignent Dumouriez, maréchal de camp, comman- dant du Roi, le vicomte de la Bretonnière, brigadier, commandant en chef de la marine, et Deshayes, commissaire général des ports et arsenaux, se réunissent à l'hôtel de ville pour délibérer sur les moyens de rendre plus éclatante et plus authentique la joie que vient de verser dans tous les cœurs l'heureuse nouvelle du jour ». Une assemblée générale des citoyens, tenue le 21 juillet dans l'église Notre-Dame, décide qu'une grand'messe sera célé- brée le lendemain, qu'un Te Deum sera chanté le soir, qu'un feu de joie et des illuminations suivront. Une députa tion est envoyée à l'hôtel du gouvernement, où réside le duc de Beuvron ; elle lui 1 Arch. dép.. Calvados, C 6317. 2 Arch. comm., Bayeux. Registre de délibérations D i 13, et Arch. nat., C 88, 3 La musique du régiment de Bourbon a accompagné le peuple par compagnie malgré les officiers du régiment. » Dufour, Mémoires et remarques, t. I, p. 31. 4 Esnault, Mémoires de la ville de Caen. 1. 1. p. 7. — Cf. Arch. comm., Caen, carton 56. Lettre de Levallois, commis de l'intendance, à Levallois, entrepreneur à Cherbourg, 20 juillet 1789. , '! LES ADRESSES DES VILLES apporte La cocarde nationale rouge et bleue telle que le roi l'a reçue de AI. Bailly, prévôt des marchands, lors de son entrée à Paris ». Le duc l'arbore à son chapeau, ton les les personnes de sa suite l'imitent ; l'après-midi on la voit aux coiffures de tous les militaires et de tons les bourgeois 'l >. A Granville, sur l'initiative de la Chambre littéraire, des réjouissances publiques turent organisées. Les édifices publics furent illuminés, une garde d'honneur fut placée à la porte de Perrée Duhamel, député aux Etats généraux ; on distribua du froment et du riz aux pauvres. Deux adresses de remercîments furent envoyées, l'une à l'Assem- blée nationale et l'autre à la municipalité de Paris. Si nous avions tremblé pour nos pères adoptifs, disait la première, si nous avons frémi en apprenant que les enfants de la patrie étaient massacrés par des cohortes étrangères, si nous versons des pleurs sur nos o frères de Paris qui ont cimenté de leur sang la liberté, leurs mânes s'indignent de nos larmes. L'étendard de la victoire u flotte sur les ruines du gouffre du despotisme ». — Vous avez sauvé le royaume de l'anarchie », écrivait-on aux Parisiens 2. Ces manifestations étaient absolument spontanées ; nul mot d'ordre officiel n'avait présidé à leur organisation, témoin cette lettre du subdélégué de Granville à l'intendant! Je n'ai jamais vu une plus belle joie, on célébra la paix et la liberté. Vous me direz sans doute paon aurait dû attendre des ordres pour se livrer aux fêtes et pour en faire la dépense ; mais il est des cir- constances impératives et pour ne pas voir commencer des mouvements de sédition, il faut avoir l'air d'aller au devant des vœux qu'il serait dangereux de contrarier » 3. Ces explosions fiévreuses de l'enthousiasme populaire n'étaient pas sans danger ; elles révélaient une agitation profonde des 1 Arch. comm., Cherbourg. Registre les délibérations, BB5, séance du 21 juillet 179. A Carentarij un Te Deum est chanté If -20 juillet pour célébrer la réunion le tous les ordres de lu nation ». Aïch. comm., Carenlan, Registre des délibérations. 2 Arch. comm., Granville. Registre des délibérations. 3 Arch. dé., Calvados, C 6351. Lettre de Couraye-Duparc à l'intendant, 21 juillet 1789. D'autres adresses, destinées à célébrer l'heureuse réunion des trois ordres, furent envoyées à l'Assemblée nationale, par le bailliage le Cérenees le G juillet, par les officiers municipaux de Coutances le 27 juillet, par les communes réunies du bailliage de Morlain sans date, par le bailliage el présidial de Coutances le 28 juil- let. Arch. nat., C 88, 89 et 90. — Le retour de Necker, le ministre-citoyen », le Sully du XVIIIe siècle », fut aussi l'objet d'adresses de félicitations de Saint-Sau- veur-lé- Vicomte 29 juillet, ïbîd., C K9. et des officiers municipaux d'Avranches 28 juillet, Ibid., C 9J. MISÈRE PUBLIQUE ET FERMENTATION GENERALE 365 classes pauvres, en proie à une grande misère, et pouvaient se changer brusquement en explosions de révolte. En plus d'un endroit l'affolement succéda à l'allégresse publique et les émeutes aux fêtes ; dans plus d'une ville les feux de joie dégénérèrent en incendies et les réjouissances en pillages. Le manque de travail était une des premières causes de la misère publique. Par esprit d'économie, l'Assemblée provinciale de Caen avait suspendu la construction coûteuse des grandes routes et parcimonieusement réglé la distribution des ateliers de charité. La lenteur du recouvrement de la corvée ne permettait pas la régularité des paiements. Les travaux du port de Cher- bourg, qui avaient attiré dans cette ville une plèbe remuante et dépeuplé le Cotentin de ses ouvriers agricoles, avaient été inter- rompus. Cet arrêt dans la vie économique du pays constituait un péril social. Il engendrait l'oisiveté, la mendicité ; il avivait les plus violentes passions au cœur des malheureux. Ouvriers sans travail, qui formaient des clubs en plein air sur leur ancien chan- tier, voyers aigris par les retards apportés à leur paiement aug- mentaient chaque jour la troupe d'oisifs et de mécontents, qui pouvait devenir un gibier d'émeute. La faim, mauvaise conseillère, sévissait alors cruellement. La récolte de 1788 avait été insuffisante. La dureté de la saison, une grêle désastreuse, la difficulté des charrois, l'inaction forcée des moulins avaient mis le comble à la misère sur les divers points de la généralité. Une terrible émeute avait éclaté à Caen le 5 janvier 1789, la veille du jour des Rois. La foule avait enfoncé les portes des boulangeries, pris le pain, brisé les tailles et déchiré les registres. La maison du lieutenant de police, tout naturelle- ment désignée à la fureur des mauvais sujets, avait été pillée de fond en comble *. A mesure qu'on avançait dans l'année, les effets de la mau- vaise récolte de 1788 se faisaient davantage sentir. Le prix des grains allait croissant de mois en mois sur tous les marchés ; un sac de blé se vendait à la halle de Caen 26 livres 16 sols 7 deniers en janvier, 40 livres 4 sols 10 deniers en juin. A la fin de ce mois, il monta jusqu'à 68 et même 72 livres 2. Ce renchérissement continu était dû aussi en grande partie à l'indécision des mesures 1 Arch. dép., Calvados, C 2665. On y vola un gigot de mouton à la broche, raconte Dufour dans ses Mémoires et remarques, t. I, p. 29. 2 Ibid., C 2756. 20 306 MESURES POUR L APPROVISIONNEMENT DES VILLES prises par le gouvernement pour l'approvisionnement des villes. Les ordres les plus contradictoires se succédaient depuis deux ans. La déclaration royale du 17 juin 1787 relative à la libre cir- culation des grains avait été abrogée par un arrêt du Conseil du 7 septembre 1788. Inquiet de la récolte insuffisante, le gouverne- ment suspendait l'exportation des grains à l'étranger, tout en maintenant le libre transit dans le royaume. Une restriction nouvelle fut apportée à cette liberté de circulation par l'arrêt du 23 novembre 1788. Cet arrêt interdisait les spéculations achats ou accaparements entreprises uniquement en vue de profiter de la hausse des prix. Il n'était permis de vendre ou d'acheter grains et farines que dans les halles et marchés ; les approvisionnements journaliers des consommateurs locaux devaient avoir lieu avant toute autre transaction. Des arrêts ultérieurs accordèrent des primes d'encouragement à l'impor- tation des blés d'Amérique ou d'Europe, de l'orge et des autres grains. Pour rassurer les esprits inquiets de la cherté croissante, le roi prit des mesures plus sévères encore. Par arrêt du 23 avril 1789, il autorisa les commissaires départis et les magistrats de police à user de leur pouvoir pour faire approvisionner les mar- chés à prix modérés par les possesseurs de grains, à s'informer de la contenance de leurs dépôts, et à s'assurer à cet effet du concours des municipalités ;l\ Necker essaie de justifier par les circonstances critiques la rigueur d'une telle mesure. La tran- quillité publique, écrit-il à Cordier de Launay, et la nécessité de procurer à chacun sa subsistance exigent que l'on s'écarte de l'application de tous les grands principes de liberté qui peuvent être très bons dans des temps de calme et d'abon- dance » $. Il était imprudent de confier aux intendants une aussi lourde mission. On leur prescrivait des recherches inquisitoriales dans les greniers des particuliers ; on les invitait à contraindre ceux-ci, au besoin manu militari à garnir les halles publiques. Mais était-on sûr qu'ils réussiraient? Pour appliquer avec succès une législation aussi draconienne, il eût fallu un gouvernement fort, 1 Arch. dép., Calvados, C 2692. Le texte des arrêts des 23 novembre 1788 et 23 avril 1789 a été publié par M. Caron, Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution. Bulletin trimestriel, année 1906, tomes 2 et 3, pièces n° 2 et n° 3. 2 Lettre de Necker à l'intendant Cordier de Launay, 4 avril 1789. Arch. dép., Cal- vados, C 2675. SOUPÇONS INJUSTIFIÉS CONTRE r/lNTENDANT 307 servi par une administration toute puissante. De quelle efficacité pouvait être, en avril 1789, le concours de ces administrateurs dessaisis, désavoués par le gouvernement lui-même depuis l'insti- tution des Assemblées provinciales, discrédités dans l'opinion, et dont plus d'un cahier de doléances avait demandé la suppres- sion? Depuis que l'emploi des fonds libres de la capitation, les distributions de secours et les remises ou exemptions d'impôts étaient du domaine de la Commission intermédiaire provinciale, l'intendant n'était plus le dispensateur de la bienfaisance royale. Les fonctions charitables, qui lui attiraient la reconnaissance publique, lui avaient été dérobées ; celles qu'il- gardait, celles de haute police, n'étaient pas de nature à raviver sa popularité déchue. Dans ces temps troublés, l'opinion publique en efferves- cence faisait crédit aux pires soupçons. N'alla-t-on pas jusqu'à accuser Cordier de Launay et son secrétaire Guyard de spéculer sur les primes d'importation des grains et d'édifier leur fortune privée sur la famine?/1 Ils faisaient enlever, disait-on, les blés des marchés de la Basse-Normandie pour les faire expédier à nouveau de ports très éloignés et les ramener dans les ports normands >. C'était là pure calomnie. La correspondance très active que Cordier de Launay entretenait avec Necker, avec Montaran, l'intendant des finances, témoigne au contraire de sa vive solli- citude pour la généralité de Caen 3>. Il réclame avec insistance 1 Lettres de Lambert au Comité national de Caen 18 septembre 1789, et de Necker aux officiers municipaux de Caen 26 septembre 1789 pour recommander Guyard à toute leur protection. Arch. comm. de Caen, carton 56. 2 On trouve un écho de ces assertions dans les Mémoires de la ville de Caen, par Esnault, t. I, p. 5. — Perrot, secrétaire du duc de Beuvron, accuse l'intendant de Caen d'être un accapareur de grains ». Lettre à Clérisse, concierge du château d'Harcourt, 1er mai 1789. Dans une autre lettre au même, du 23 juin 1789, il lui dit v. Des blatiers revenant du marché d'Isigny sont surpris à Osmanville par des émeutiers accompa- gnés de soldats qui pactisent avec eux. On les ramène de force au bourg. Le siège de police reste indifférent ; sans jugement, un blatier est emprisonné et doit payer une forte amende au profit de la troupe 6 juillet 6. 1 Lettre de Chantereyne à l'intendant, 28 mars 1789. Arch. dép., Calvados, C 2679. Garantot et Chantereyne, également traités d'accapareurs, devaient voir leurs mai- sons incendiées et leurs vies menacées dans l'émeute du 21 juillet 1789. Voir ci-des- sous, chap. XII, p. 31^-314. 2 Lettre de Launay à Necker, 20 juin 1789. Arch dép., Calvados, C 2641. 3 Arch. comm., Carentan, Registre des délibérations de l'hôtel de ville, 24 juin 1789. 4 Esnault, Mémoires de la ville de Caen, p. 6. 5 Bibl. comm. de Vire, ms. Séguin, p. 8. 6 Lettre du duc de Beuvron au lieutenant de police d'Isigny, 6 juillet 1789. Arch. dép., Eure, E suppl. Chartrier du Champ de bataille marquisat du Neubourg non inventorié. — A Carentan, une populace séditieuse a mis lundi dernier un tonneau de cidre sur le grand chemin avec cette inscription C'est pour tous les bons enfants 310 TROUBLES A SAINT-LÔ, MAI 1789 L'agitation est entretenue et propagée, les souffrances aug- mentent, les passions s'exaspèrent, le moindre incident provoque une émeute. D'avril à juillet 1789, trois villes de la généralité de Caen sont le théâtre de soulèvements populaires qui présentent une certaine gravité Saint-Lô, Caen et Cherbourg. A Saint-Lô, l'effervescence commença le 26 mars ; le peuple excité par les enlèvements considérables de grains, pilla les voitures des blatiers. Un mois plus tard, deux mégères firent un nouvel appel à la révolte ; l'intendant les fit enlever de nuit et transférer à la maison de force de Beaulieu, près Caen. Le 2 mai, la halle est vide ; les bourgeois et les pauvres » souffrent de la même disette ; un attroupement de 400 personnes va demander au subdélégué Robillard, qui est en même temps lieutenant général de police, du grain ou la permission d'aller en chercher dans les campagnes voisines. La semaine suivante, mêmes pri- vations ; murmures du peuple, qui menace de faire un mauvais sort à un négociant, Fontaine, possesseur d'un magasin d'orge et de froment dans un des faubourgs de la ville '. L'impunité enhardit les séditieux. Robillard attend des ordres pour informer contre eux W, les juges sont à leur maison de campagne et la milice bourgeoise, divisée et sans chef, ne peut prendre les armes 3. Pour maintenir l'ordre, le duc de Beuvron envoie à Saint-Lô des troupes de renfort ; Dumouriez accourt avec un détachement de Cherbourg le 13 mai, réunit les officiers municipaux et ceux du bailliage, organise un comité d'approvisionnement et de sûreté publique *. Le calme semble rétabli, mais de nouvelles secousses se font sentir en juin, et la maréchaussée doit procéder à des arrestations 5. A Caen, l'insurrection fut plus violente et fit plus de ravages , Boutrais i'2, voient leurs maisons envahies, leurs vies menacées. Les hommes et les femmes des faubourgs et des campagnes voisines pénètrent, sans rencontrer aucune résistance de la part des troupes, dans les dépôts des grainetiers, dans les boutiques des boulangers, à l'abbaye aux Dames où se trouvent de fortes provisions. Le lendemain et le surlendemain le désordre augmente. Les grains sont semés dans les rues on en suit les traces depuis la rue Neuve jusqu'à l'abreuvoir de la rue de Bernières '3. Vainement Cordier de Launay remontre-t-il à une femme que ce gaspillage va priver les pauvres de subsistance. Tant mieux, lui répond la mégère ; plût à Dieu qu'il n'y eût ni marché ni magasin nulle part alors on s' entretuerait et il y aurait moins de monde à nourrir » 4. La fermentation devient telle que le duc de Beuvron, regrettant sa faiblesse des premiers jours, veut prendre de sévères mesures et fait dresser des potences. La foule s'en moque, y attache des chats avec des vases remplis de farine détrempée et un écriteau lettres de l'intendant de Launay au ministre, des 23, 24, 25 et 26 avril 1789, Arch. dép., Calvados, C 2G65 ; — une lettre de Perrot, secrétaire du duc de Beuvron, à Clérisse, concierge du château d'Harcourt, du 1er mai 1789, Arch. château d'Har- court, liasse 106 ; — les Mémoires de la ville de Caen, d'Esnault, t. 1, p. 6, et les Mémoires et remarques de Dufour, t. I, p. 30. 1 Bellissent, négociant de Caen, réclama à l'Assemblée nationale et obtint de celle-ci une indemnité de 12,494 livres pour le pillage de ses grains, effectué dans la journée du 23 avril 1789. Un dossier de dix-huit pièces, relatif à cette requête, est conservé dans le fonds du Comité de Liquidation, aux Arch. nat., D xi 2, 1. 9. — Cf. la lettre du Directoire du Calvados au ministre de Lessart, du 24 juillet 1791, sur le même objet, dans le fonds du Comité des Rapports, Arch. nat., D xxix 29, 1. 5 et 6. 2 Le 16 février 1791, Boutrais, marchand grainetier à Caen, adresse au Comité des finances de l'Assemblée nationale une requête tendant à obtenir une indemnité de 6,731 1. 14 s. pour compenser la perte de 10 à 12,000 livres de grains subie lors du pillage de ses greniers à Caen, dans l'émeute d'avril 1789. Arch. nat., D vi 24, 1. 317. 3 Déclaration de la femme Hunouf, 29 avril 1789. Arch. comm., Caen. Registre des délibérations, BB 93. 4 Lettre de Cordier de Launay à Necker, 23 avril, 10 heures du soir écrite pen- dant le pillage nocturne. Arch. dép., Calvados, C 2665. 312 NOUVELLE ÉMEUTE A CAEN, JUILLET 1789 couvert de cette inscription Bouillie pour les chats » 0. Toute- fois, quand l'émeute s'attaque aux magasins du roi, les troupes offrent une vive résistance. Gentilshommes et bourgeois s'arment aussi et forment une garde qui arrête à l'entrée de la ville les paysans prêts à l'envahir. La fureur de ceux-ci se retourne contre les fermiers de la banlieue qu'on soupçonne d'avoir conservé des grains. Dans une ville aussi frémissante, il était fatal que les événe- ments de Paris eussent leur répercussion. La prise de la Bastille à peine connue, le peuple s'assemble impatient de courage et d'amour pour la chose publique ». Le 20 juillet, il se rend à la halle aux blés et y fait abaisser le prix des grains *2. Il veut des armes a et se porte vers le château, où il est assuré d'en trouver. Les ponts sont levés ; le gouverneur, Saint Maclou, est sommé d'ouvrir sous peine de mort. Après un essai de résistance, il capi- tule pour éviter un assaut. La foule entre et pille les armes, em- porte fusils et cartouches, chasse du château le régiment de la Reine et y installe une forte garde. Comme le peuple parisien, le peuple caennais s'est armé par le force et a pris sa Bastille, mais sans effusion de sang. Pour compléter sa victoire, il se dirige vers les prisons, élargit six détenus et les escorte triomphalement ; il force les magasins de la gabelle, il enfonce les portes du bureau des aides >4, dont le directeur s'enfuit à grand peine, et enlève les registres. Pendant trois jours, la ville est le théâtre d'une véri- table révolution populaire 5. 1 Le dimanche 26 avril, le duc de Beuvron a fait planter quatre gibets en potence dans la ville de Caen, savoir une à Saint-Sauveur, une à Saint-Pierre, une à Saint-Nicolas, et la quatrième proche le pont de Vauchelles. On a pendu deux chats à celle de Saint-Sauveur, un blanc et un noir, et une affiche entre les deux chats. » Dufour, Mémoires et remarques, t. I, p. 30. 2 Le lundi 20 juillet, la populace a été à la halle et a pris du blé à 40 livres le sac qui coûtait 54 livres. » Dufour, Mémoires et remarques, t. I, p. 31. 3 D'après Dufour, le peuple, à l'issue d'une messe du Saint-Esprit célébrée le 21 juillet sur le Cours-la-Reine, serait allé demander des armes au comte de Faudoas. Celui-ci ayant voulu ajourner cette remise, un jeune homme lui aurait répondu Monseigneur, il y a assez longtemps qu'on nous engueuse ; aussi nous en voulons tous. » Faudoas adressa les réclamants à Dubus, distributeur des poudres et salpê- tres du roi, qui leur délivra des munitions. Dufour, Mémoires et remarques, t. I, p. 31. 4 Arch. comm., Caen, Registre BB 103 ; Esnault, Mémoires de la ville ae Caen, t. I, p. 7, 8. Dufour, Mémoires ei remarques, t. I, p. 31. — Dans une letlre au président de l'Assemblée nationale, du 31 juillet 17S9, Boyer, directeur des aides et octrois de Caen, raconte cette émeute du 20 juillet. La foule se précipita dans ses bureaux, enleva et dispersa ses registres, pilla ses effets et ses meubles. Arch. nal., D xxix 29, 1. 5 et 6. 5 Révolutions de Caen, capitale de la Basse-Normandie, ou récit exact de ce qui s'est passé dans cette capitale et particulièrement de la prise de la forteresse, juillet 1789. Pièce imprimée, in-12. L'ÉMEUTE DU 21 JUILLET 1789 A CHERBOURG 313 A Cherbourg, l'émeute fut terrible. Cette ville était plus que toute autre un foyer d'insurrection. Depuis longtemps, le subdé- légué avait signalé le danger à l'intendant. Le nombre infini de misérables que tous nos travaux ont attirés dans notre ville, dans ses environs et tout le long de la côte, et le défaut de res- sources où l'interruption de la plupart des travaux plonge tous ces individus, nous fait appréhender... » l\ D'avril à juillet, Necker avait pu envoyer à Cherbourg plusieurs cargaisons de blé f2 ; mais, à cette époque, hypnotisé par la question du ravi- taillement de Paris, il dut cesser ses envois. Dans la soirée du 21 juillet, à l'issue de l'assemblée tumultueuse qui s'est tenue dans l'église Notre-Dame pour l'organisation des réjouissances pu- bliques, un grand concours de peuple se porte vers l'hôtel de ville où se trouve Garantot, maire et subdélégué. On réclame l'ouverture du magasin à blé de l'Etat, la distribution de ce blé à 4 livres le boisseau au lieu de 6 livres 4 sols, et l'abaissement du prix du pain de 3 sols 5 deniers à 2 sols la livre. Garantot parlemente, traverse la place d'armes pour se rendre à l'hôtel de Caux où Beuvron et Dumouriez se sont déjà réunis. Après une courte délibération, le duc de Beuvron annonce la diminution du prix du blé et du pain. Il est trop tard la foule impatiente n'a pas attendu cette réponse et s'est déjà livrée à des excès 3; Depuis longtemps elle hait Garantot, qui doit la mairie à la nomination royale et non à l'élection populaire, et qui joint à cette charge les deux titres détestés de subdélégué et de lieutenant général de 1 Lettre de Garantot à Cordier de Launay, 25 avril 1789. Arch. dép., Calvados, C 2679. 2 Dans le fonds du Comité des Rapports, aux Archives nationales, se trouve un dossier de lettres de l'intendant Cordier de Launay et du subdélégué et maire de Cherbourg, Garantot, relatives à l'approvisionnement de cette ville de mars à juillet 1789. Arch. nat, D xxix 32. 3 Pour l'émeute de Cherbourg, j'ai consulté aux Arch. comm. de Cherbourg, le registre BB5 délibérations municipales, f°157à 160 ; le registre BB 11 de correspon- dance, f° 26 à 30 ; la liasse FF 22, relative au jugement prévotal du 31 juillet el au rôle de Dumouriez dans cette affaire ; en outre, à la Bibliothèque communale de Cherbourg, le ms. 321 intitulé Précis de ce qui s'est passé à Cherbourg depuis le 21 juil- let jusqu'au 2 août 17S0, avec le procès et le jugement des brigands séditieux qui ont porté la désolation et la terreur dans celte ville Cf. Arch. nat., D xxix 32 ; aux Arch. dép. de l'Eure chartrier du Champ de Bataille, une Relation de ce qui s'est passé à Cherbourg les 21 et 22 juillet, malheureusement incomplète; aux Arch. dép. du Calva- dos, C 6370, le rapport de l'intendant de Caen proposant à l'intendant des finances, Montaran, une indemnité en faveur de Chantereyne 28 mars 1790 ; enfin, aux Arch. du château d'Harcourt. liasse 106, une lettre de Perrot, secrétaire du duc de Beu- vron, à Clérisse, concierge du château d'Harcourt, écrite de Cherbourg et datée du 24 juillet 1789. 314 PILLAGE DES MAISONS DE GARANTOT ET GIIANTEREYNE police. Il a eu l'imprudence de consentir à la vente des grains du roi, et il est traité d'accapareur. Accapareur aussi, l'armateur Chantereyne, dont le seul crime a été de prêter ses magasins et son nom à cette entreprise. Aveuglée par la colère, la populace se rue d'abord à l'hôtel de Garantot elle enfonce les portes, brise les meubles, en jette les débris dans la cour, comble le puits, précipite la voiture dans le port. Le malheureux subdélégué, dont les jours sont menacés, a de la peine h quitter Cherbourg et à gagner Valognes, caché sous une botte de paille dans une mau- vaise charrette de paysan. La bande des pillards, enivrée de vin et enhardie par l'absence d'obstacles, va saccager ensuite la maison de Chantereyne bijoux, papiers, argenterie, livres d'argent monnayé, tout disparaît dans la bagarre. Chantereyne lui-même ne dut son salut qu'à la fuite, et il mourut peu de temps après, des suites de sa frayeur. La nuit tombée, c'est à la lueur des torches que les pillages continuent les bureaux de Boulabert, entrepreneur des travaux du roi, sont menacés, ainsi que ceux des aides ; celui de la Romaine est envahi et les papiers sont jetés dans le bassin. Les séditieux se dirigent ensuite vers la maison d'un négociant, Mauger, qu'ils dévastent de fond en comble. Surprise par la rapidité de l'émeute, la force armée n'avait pu lui opposer aussitôt une résistance victorieuse. La dispersion des détachements essaimes dans les casernes éloignées de la rade réduisait considérablement les troupes de la garnison ; les piquets de soldats, qu'on avait jugés suffisants au maintien de l'ordre dans une fête populaire, ne l'étaient plus pour contenir une révolte. La milice citoyenne, formée par acclamation le jour même, n'avait ni armes ni organisation, et Dumouriez, le chef qu'elle s'était donné, n'était plus malgré toute sa popularité le maître des circonstances f*. Lorsque, las de piller et gênés par la pointe du jour », les forcenés commencèrent à se débander, les patrouilles militaires, aidées des citoyens amis de l'ordre, leur firent la chasse dans les rues. 219 individus furent arrêtés 180 hommes et 39 femmes. On les emprisonna dans les écuries de Dumouriez, dans les caves d'un particulier, dans les cales de deux vaisseaux mouillés en rade. Leur procès fut rapidement fait. La cour prévôtale, composée du prévôt général de la maré- 1 Dumouriez fut accusé d'avoir été l'instigateur secret des troubles de Cherbourg. Sur ces accusations, voir de volumineux dossiers aux Arch. nat., F7 4688, 4689. — Quelques pièces en ont été publiées par Amiot, en supplément à son Inventaire des Archives de Cherbourg, p. 316-320. MESURES DE REPRESSION 315 chaussée auquel on avait adjoint douze avocats, prononça le 31 juillet la peine de mort contre deux des mutins, Nicolas Pic- quenot, du Vretot, et Bon Mesnil, de Valcanville. Ils furent pendus dans la soirée, sur la place de la Fontaine. Dix autres meneurs furent condamnés à des peines variables trois aux galères perpétuelles ; cinq, fouettés, marqués au fer rouge, subirent la peine du bannissement perpétuel ; un autre fut enfermé à perpétuité ; le dixième fut puni de dix ans de galères. Cinq fem- mes furent marquées sur l'épaule droite des lettres S. D., battues de verges par l'exécuteur des sentences criminelles, puis dirigées sur la maison de force deBeaulieu pour y tenir prison perpétuelle. Malgré la rigueur de cette répression, l'agitation avait été trop forte pour espérer de faire rentrer de sitôt dans les bornes de la raison un peuple qui ne l'entendait plus ». Pendant plus d'une semaine, la ville de Cherbourg fut en état de siège. Elle se vit aussi appliquer un régime onéreux qui greva les finances muni- cipales. Obligée d'ouvrir ses magasins et de livrer le blé à 4 livres le boisseau, la municipalité prit ses précautions pour que ces mesures ne profitassent qu'aux malheureux et pour éviter des abus. Elle créa un bureau où furent enregistrés les ménages indigents, donna des bons à raison d'une livre et demie de pain par jour et par individu ; sur ces bons, remis aux boulangers, il était fourni du pain à 2 sols la livre, et le boulanger qui les repré- sentait à l'hôtel de ville recevait le supplément de la taxe. Réso- lue à prévenir toute rumeur et à empêcher le retour de l'insur- rection, la municipalité fut contrainte à des dépenses énormes pour assurer la subsistance du peuple. Il fallut faire participer à la diminution du pain toute la population flottante qui s'était accrue dans les derniers temps matelots des chasse-marées employés au transport des pierres de la digue, soldats détachés pour les carrières, troupes de la garnison. Un tel effort devait épuiser pour longtemps les ressources de la ville. Quant au malheureux subdélégué, il dut rester exilé pendant plus d'une année de Cherbourg où se trouvaient ses affections et ses intérêts. Son impopularité n'avait pas diminué et sa présence dans cette ville y eût été une cause permanente de troubles l>. Les soulèvements populaires ne sont point dûs uniquement à l Lettre de Garantot à Lamy-Desvallées, 30 octobre 1789. Arch. dép., Calvados, C 2679. Garantot avait essayé de revenir à Cherbourg, mais il dut s'enfuir devant l'excitation populaire les tètes étant échauffées par les dîners que les capitaines de la milice nationale donnaient à leurs soldats ». 316 RÉSISTANCE OPPOSÉE A LA LEVÉE DES IMPOSITIONS la disette des grains. La dureté du fisc en a provoqué plus d'une. L'hostilité du paysan contre les impôts ne se traduit plus seule- ment en plaintes et en gémissements. Des doléances on passe aux actes, de la résignation aux violences. La perception des impôts directs éprouve de sérieux obstacles après juillet 1789. Les recettes diminuent de mois en mois dans une proportion effrayante. Le bruit a couru dans les campagnes que les impositions sont illégales, que le roi en a fait la remise ; les naïfs y croient et les malveillants accréditent ce bruit. On refuse de payer la taille et les collecteurs sont repoussés à coups de fourches ; un huissier des tailles manque d'être assommé ]. Condé, ville tarifiée, est divisée en deux partis l'un qui veut conserver le tarif et l'autre y substituer la taille. Cette division cause des troubles et en juillet 1789, dans une émeute, les registres du tarif sont incendiés P. Les impôts indirects surtout sont l'objet de l'exécration géné- rale. Tous les cahiers en ont demandé la suppression. En atten- dant que l'Assemblée nationale la vote, le peuple se fait justice. Il s'attaque aux commis des fermes, aux gabelous qu'il accuse de tous ses maux. Le 9 mai 1789, la brigade de Villers-Bocage est assaillie à Tournay-sur-Odon par une bande de paysans qui la poursuit à coups de bâtons et de faucilles H>. A Caen, les insur- gés du 18 juillet, après la délivrance de six contrebandiers, courent au magasin de la gabelle, en enfoncent les portes et font crier le sel à 6 sols la livre. Ils vont aussi au bureau des aides, forçant le directeur général, Boyer, à prendre la fuite ; ils s'emparent des registres qu'ils portent chez Faudoas 4. A Cherbourg, le 21 juil- let, les émeutiers n'oublient pas les bureaux de la Romaine ; ils s'emparent des papiers qu'ils y trouvent et en jettent une partie dans le bassin. La présence d'esprit et la conduite prudente de Mme Maudry, femme du receveur des aides les empêchent d'y commettre de plus graves excès &. A Vire, le 20 juillet, une dizaine d'individus vont proclamant dans les rues, au son du tambour, l'abolition des aides et de la gabelle. Il se forme des 1 Lettre du receveur des finances de Vire à la Commission intermédiaire provin- ciale, 10 mars 1790, rappelant les événements de juillet 1789. Arch. dép. Calvados, C 7788. 2 Arch. comm., Condé-sur-Noireau, BB 1 et BB 7. 3 Arch. dép.. Calvados; série B, grenier à sel non inventorié. 4 Esnault, Mémoires de la ville de Caen, t. I, p. 8. Révolutions de Caen, p. G. Voir ci-dessus, p. 31?. 5 Arch. comm., Cherbourg, BB 5. Begistre de correspondance, 21 .juillet 1789. SOULÈVEMENT DES CAMPAGNES CONTRE LES DROITS FÉODAUX 317 attroupements tumultueux aux cris de à bas les aides ». Quatre jours plus tard, le 24, l'insurrection éclate. Un nombreux rassem- blement se forme sur les deux heures de l'après-midi et se porte rue du Neubourg, où sont les bureaux du receveur des aides Lecoq. Les exaltés menacent de le chauffer », et déposent une gerbe de genêts à sa porte. Un peloton de troupes, envoyé pour les disperser, fraternise avec eux. Lecoq, pressentant l'émeute, a eu le temps de s'enfuir et la journée s'achève sans d'autre incident que le bris de nombreuses vitres ft. De tels désordres ne sont pas particuliers aux villes. Les habi- tants des campagnes se croient affranchis par la Révolution des rentes et redevances seigneuriales. Ils se refusent à acquitter les droits féodaux tout comme l'impôt royal. Pour en opérer plus vite la liquidation, ils courent aux châteaux de leurs seigneurs, coupent les arbres des avenues, tuent les pigeons, démolissent les colombiers, brûlent les chartriers qui contiennent les titres de leur servitude ?. La duchesse d'Harcourt abandonne son château pour venir à Caen ; après son départ, la foule l'envahit et brise dans le vestibule une statue colossale en marbre blanc qui repré- sente Louis XIV terrassant l'hérésie C3. Dans les environs de Bayeux, le seigneur de Vidouville est en butte aux violences de ses vassaux. L'un d'eux, Robert Guillemette, vient attaquer son château à la tête d'une bande de charbonniers et sabotiers du bois de la Bigne. Pour les exciter au pillage, il leur a distribué 200 livres de pain, 100 livres de lard et un tonneau de cidre. Le 4 août au point du jour, cette bande embusquée dans les bosquets voisins envahit le château. Le seigneur, en robe de chambre, est entouré d'hommes armés de fusils, de sabres, de pioches, de haches et de cordes. Guillemette lui met le pistolet sur la gorge en le sommant de lui remettre la clef de son colombier pour le détruire, celle de son chartrier pour brûler ses titres, et de son argent pour se rembourser des rentes seigneuriales qu'ils payaient 1 Bibl. comm., Vire. ras. Séguin, p. 9. 2 Le subdélégué de Vire fait allusion à ces pillages dans une lettre à l'intendant, du 16 août, où, lui accusant réception de l'ordonnance du roi sur les troubles, il ajoute Il eût été à désirer qu'elle fut venue un mois plus tôt. On aurait évité bien des événements et des arebives conservées sic. » Arch. dép., Calvados, C 2688. 3 Esnault, Mémoires de la ville de Caen, t. I, p. 9. — J'ai pu voir, au château d'Harcourt. les traces des coups de pique qui ont crevé les tableaux de la salle des Maréchaux, les couronnes ducales qui ornaient la rampe du grand escalier en fer forgé sont tordues ou arrachées ; quant à la statue du vestibule, elle a été réédifiée, mais en pierre. 318 DESTRUCTION DES COLOMBIERS ET CHARTRIERS SER1NEURIAUX depuis si longtemps injustement ». Je n'ai pas mes clefs sur moi, répond Durel de Vidouville. Laissez -moi rentrer et je vais vous satisfaire. » Pendant que la bande tue poules, pigeons et ca- nards et se rue à la destruction du colombier, le seigneur envoie ses domestiques pour sonner le tocsin dans la chapelle du château; le curé de Vidouville le fait sonner dans la paroisse. Des villageois se rassemblent, mais les insurgés résistent. Durel peut s'échapper à grand peine, en sautant par une fenêtre dans son jardin. A la nouvelle de sa fuite, les forcenés se retirent, l'injure et la menace à la bouche l]l. Les châteaux de Tilly, d'Amayé, d'Ecrammeville, de Hottot sont le théâtre de semblables dévastations C2'. Dans le Bocage, les seigneurs tremblent pour leurs propriétés et pour leur vie. Le marquis de Ségrie, qui par la rigueur de ses exactions a soulevé trop de haines, chassé de son château, doit se réfugier dans une caverne des rochers d'Oître. Rentré à Falaise, où la noblesse du pays est plus en sûreté, il renonce par acte notarié, le 22 juillet 1789, à ses droits féodaux sur les cinq pa- roisses de Ségrie-Fontaine, La Lande-Saint-Siméon, Rouvrou, Mesnil-Hubert et Mesnil-Villement 3. Deux jours plus tard, le marquis d'Oilliamson voyait ses vassaux des paroisses de Caligny, Montilly, La Bazoque et Athis s'attrouper au nombre de trois à quatre cents, auxquels se joi- gnirent une infinité de brigands. Cette troupe de furieux, écrit-il, après avoir sonné le tocsin dans plusieurs paroisses des environs, a fondu sur ma maison de Caligny, a foncé les portes, vidé les caves et brûlé en entier mon chartrier » 4. La colère des foules était déchaînée et frappait parfois en aveugle. Une lettre du comte de Vassy, adressée au président de l'Assemblée nationale, fait saisir sur le vif, avec l'âpreté des revendications paysannes, l'impopularité dont furent victimes les seigneurs jusqu'alors les plus respectés 5. Vassy était un des gentilshommes les mieux estimés de la Basse-Normandie. Il avait joué, on l'a vu plus haut, un rôle considérable dans l'administration provinciale et s'y était 1 Arcli. coinm., Bayeux, Di 12, Registre des délibérations de l'Hôtel de ville. 2 Pezet, Bayeux à là fin du XVI II" siècle, p. 129. 3 La Sicotière, Léon de Frotté, 1. I, p. 149. — Lelièvre, Abandon de droits féodaux avant la nuit du 4 août, dans La Révolution française, 1905, p. 419-420. 41 Lettre du marquis d'Oilliamson au président de l'Assemblée nationale, 4 août 1789. Arch. nat., D xxix 29. 5 Lettre du comte de Vassy au président de l'Assemblée nationale. 27 juillet 1789. Ibid. PILLAGE DES CHATEAUX DU COMTE DE VASSY 319 révélé comme l'un des organisateurs du Bien public » *. La noblesse du bailliage de Caen l'avait élu comme second député de son ordre aux Etats généraux 2. Vassy possédait, en Norman- die, des fiefs assez importants il était seigneur patron de Brécé, de la Forêt-Auvray ^ près Falaise et de La Landelle-en-Clécy dans le Bocage virois [\ Le 16 juillet au soir, son homme d'af- faires l'avertit que, depuis cinq à six jours, une grande fermen- tation existe dans les campagnes des environs de Falaise et de Condé-sur-Noireau », où est située une grande partie de ses biens. Beaucoup d'habitants y annoncent que des ordres d'en haut leur enjoignent de brûler tous. les titres et papiers des seigneurs, l'Assemblée nationale ayant aboli tous cens, rentes seigneuriales, redevances et banalités des moulins. Alarmé par cette nouvelle, Vassy quitte Versailles et se rend, en toute hâte en Normandie 5. Le 19 juillet, il se trouve, non loin de Falaise, dans une de ses terres, qu'il vient de vendre ; il est à table, lorsque plus de trois cents personnes, les unes armées, les autres avec des bâtons, arrivent pour brûler les papiers et mettre, en cas de refus, le feu au château ». N'ayant aucun droit pour leur remettre des titres qui ne lui appartiennent plus, Vassy se sauve à pied, avec sa femme et ses enfants, tandis que les paysans, parvenus aux portes du château, les enfoncent à coups de haches et, après avoir vidé le chartrier, font dans la cour un autodafé d'archives seigneuriales. Réfugié dans sa terre de La Landelle, paroisse de Clécy, Vassy y subit d'autres assauts. Le mercredi 22 juillet au soir, cent à cent cinquante habitants de Clécy viennent le sommer de leur remettre ses titres. Ils s'excusent de lui faire de la peine, n'ayant jamais reçu, depuis dix-neuf ans qu'il possède cette terre, que de bons traitements de sa part; mais ils sont obligés d'exécuter des 1 Voir ci-dessus, chap. IV, p. 75. 2 Ibid., chap. X, p. 266. 3 Le comte de Vassy, seigneur de La Forêt-Auvray, ligure, à ce titre, dans le rôle des impositions de cetle paroisse, en 1790, pour 55S livres. L. Du val. La petite Pro- priété dans l'Orne en 1789, p. 15. 4 La terre de La Landelle produisait 120 livres de rentes seigneuriales, plus 80 livres de lods et ventes, 75 et 50 livres pour les foires et les marchés de Clécy, d'après la déclaration faite en 1781, au contrôle des vingtièmes, par le comte Louis de Vassy. Arch. dép., Calvados, C 5801. 5 Vassy justifie en ces termes l'intérêt qu'il avait à se déplacer d'urgence Dans le pays où est situé mon bien, le sol étant généralement mauvais et d'une culture difficile, les seigneurs propriétaires de terres ont, de tous temps, inféodé des por- tions plus ou moins considérables pour des redevances en grains, soit en froment, seigle ou avoine, et c'est le principal revenu d'une partie de ces terres. » Arch. nat., D xxix 29. 320 RENONCIATION DE VASSY A SES DROITS FÉODAUX ordres venus d'en haut, des ordres du roi ». Vassy leur promet un acte d'affranchissement de tous droits seigneuriaux, à condi- tion de garder ses titres et, après quatre heures de discussion, les plaignants, qui paraissent satisfaits, se retirent. Le lende- main, dans la matinée, nouvelle irruption d'une troupe plus nombreuse, composée de trois à quatre cents personnes, armées de fusils, haches et bâtons, menaçant de mettre le feu au château, si le comte ne leur livre pas ses papiers. Je leur remis les clefs, ajoute ce dernier ; ils pillèrent tout, mais voulant avoir chacun ce qui les intéressait, le plus grand nombre ne sachant pas lire et toutes les étiquettes ayant été confondues par eux, ils m'ac- cusèrent alors de les avoir soustraits ; à chaque instant, il en arrivait d'autres, presque tous ivres et armés, tous menaçant de brûler ma maison et de se porter aux dernières extrémités si je ne retrouvais pas leurs papiers, dont ils avaient à mesure brûlé la plus grande partie. » Vassy passa une fort vilaine jour- née et assista, impuissant, au pillage de sa maison, qui dura jusqu'à la nuit tombante. Sa personne fut toutefois respectée et il dut son salut au souvenir des bienfaits qu'il avait répandus dans ce canton, soulevé par la haine de longs siècles de tyrannie féodale l. Il fut d'ailleurs obligé, comme Ségrie, Oilliamson et d'autres seigneurs normands, de renoncer à ses droits, le 25 juillet, par acte notarié, dont lecture publique fut donnée à l'audience de sa haute justice et dont des expéditions furent délivrées, à ses frais, aux cinq paroisses dépendant de la seigneurie '2. C'était une perte de cent mille livres et la menace d'une ruine prochaine^1. Pendant la seconde moitié de juillet et la première quinzaine d'août, la crainte d'une nouvelle Jacquerie terrorise la Basse- Normandie. L'affolement gagne villes et campagnes. Des bruits sinistres y circulent. Une troupe de brigands approche, dit-on, et va tout saccager. L'opinion accueille sans contrôle les nou- 1 Je n'ai peut-être dû la vie, écrit-il, qu'à ce qu'au milieu de leur fureur, rap- pelant aux moins emportés ce que j'avais toujours t'ait pour eux, ils répétaient Oui, nous ne vous ferons pas de mal, car vous avez toujours secouru les pauvres, vous nous avez toujours fait soigner dans nos maladies et jamais vous ne nous avez fait de procès. » Arch. nat., D xxix 29. 2 Ces cinq paroisses étaient Saint-Lambert, La Villette, Saint-Marc-d'Ouilly, Sallen et Saint-Bénin. 3 Lettre du comte de Vassy au président de l'Assemblée nationale, D xxix 29. — A Balleroy, le ebartrier du château fut aussi brûlé sur la place publique. On avait joint au monceau de papiers entassés, tous les titres de droits seigneuriaux qu'on avait trouvés chez le notaire de la localité, Jean Dezert. Bidot, Histoire de Balleroy, p. 295. LA GRANDE PEUR DANS LE BESSIN ET LE GOTENTIN 321 velles les plus fantaisistes et une étrange panique, la peur des brigands, la Grande peur » se déchaîne sur le pays. Nous pouvons en suivre les traces sur les divers points de la généralité de Caen. Le 24 juillet, un habitant de Bayeux, Léonard de Rampan, apporte à Caen la nouvelle que des vagabonds affligent les campagnes et brûlent les chartriers ». On décide d'organiser une troupe de volontaires nationaux pour les combattre et d'inviter les villes de Bayeux et de Saint-Lô à suivre cet exemple, afin de former une chaîne qui puisse servir de barrière à l'insurrection de ces hommes dangereux » lK Le même jour, les nobles du bailliage de Vire, réunis dans cette ville, parlent des alarmes répandues dans le pays par les incursions dont leurs propriétés et leurs personnes sont menacées » 2. Le 26 juillet, le lieutenant général du bailliage de Caen, Duperré de Lisle, écrit à M. de LiancourL Les maux dont nous sommes menacés sont affreux ; des bandits se répandent de toutes parts ; on brûle, on pille et on enlève les papiers dans tous les chartriers ; on arrête et on suspend la perception des dîmes du roi » 3. A Carentan, l'in- quiétude règne du 26 au 30 juillet, Le 26, le corps municipal annonce à la bourgeoisie assemblée sur les remparts qu'il existe dans la province une troupe de bandits qui, profitant des trou- bles et des malheurs des temps, se portent dans les châteaux et autres maisons réputées riches et y commettent les excès les plus terribles ». Le même jour, il reçoit de Dumouriez, qui est à Cherbourg, une lettre sur le même objet On m'a fait entendre, écrit Dumouriez, qu'il y a une troupe de bandits qui rôdent autour de Bayeux. Je vous prie, s'il se présentait une troupe quelconque soit par les Veys, soit par la route de Saint-Lô, de m'en avertir sur le champ et de prendre garde à votre ville. Concertez-vous pour les moyens de votre sûreté avec M. de Versamy et amalgamez votre milice avec la troupe militaire comme cela se fait à Cherbourg et à Valognes. . . Il faut qu'au moins nous assurions la tranquillité de la presqu'île. » Suivant ces conseils, Carentan organise sa milice. Le 27 juillet une com- pagnie va au château de Franquetot et en ramène huit pièces de canon, appartenant au duc de Coigny. Le 29, le corps municipal ! Arch. comm., Caen, Bli 93. Registre des délibérations, séance du 24 juillet. 2 Arch. connu., Vire, ms. Seguin. 3 Lettre de Duperré de Lisle à M. de Liancourt, 26 juillet 1789. Arch. nat.. Ba27, 1. 45. 21 3Î2 LA '-MANDE PEU'R DANS LE BOCAGE ET LA CAMPAGNE DE CAEN confirme ses renseignements précédents, annonce qu'il existe aux environs d'Aunay et dans le canton appelé Bocage une troupe de bandits que quelques-uns font monter à 12 à 1,500 hom- mes, qui attaquent les châteaux, brisent les meubles, brûlent les char tri ers et se portent aux excès les plus terribles », et il prend de sévères mesures pour assurer l'ordre dans la ville l. Le 27 juil- let, sur les dix heures du matin, une fausse alerte se produit à Cherbourg. Le bruit court qu'une troupe de bandits se dirige vers la ville pour la piller. On bat la générale. La milice nationale en armes se porte sur la route de Tourlaville pour guetter l'arrivée de l'ennemi qui, dit-on, doit venir de Valognes. Elle en est quitte pour la peur et, par des nouvelles rassurantes, revient dissiper une alarme sans objet comme sans vraisem- blance » W. A Cairon, village voisin de Caen, les paysans orga- nisent des patrouilles de nuit pour voir si contre toute attente les brigands viendront du Bocage dans la plaine » >>. A Caen, on parle d'attroupements qui se forment dans le voisinage, de gens malintentionnés qui veulent démolir la petite boucherie sise au bourg l'Abbé l. Le directeur de la mine de Littry écrit à la date du 4 août La forêt de Cerisy et les bois des environs sont farcis de brigands auxquels on fait la chasse nuit et jour. Des détaehe- ments de gens armés à cheval, tant de Bayeux que de Balleroy, font des rondes et battent la forêt. » Une semaine plus tard il ajoute Depuis les patrouilles qui se font ici on n'a plus entendu parler des brigands. On n'en a pas encore vu et tant mieux, car nos paysans se fatiguent » i7>. Le péril est imaginaire, tout au moins fort exagéré par la rumeur publique. Le moindre inci- dent a une répercussion intense. Apprend-on à Caen qu'une troupe de séditieux vient de détruire le colombier de la ferme d'Ajon, le 7 août, vite on croit à une nouvelle invasion de bri- gands °. Un homme est arrêté aux landes de Montbrocq, près de Villers-Bocage ; on le trouve armé de pistolets. Il raconte que 1 Arch. eoram., Carentan. Registre des délibérations, séances des 26. 27 et 29 juil- let. A la suite de celle 1 1 1 26, transcription de la lettre de Dumouriez. 2 Arch. connu., Cherbourg, BB5, loi. 152. Registre des délibérations, 27 juillet 1789. Sur cette fausse alarme, voir une lettre de Dumouriez au président de l'Assem- blée nationale, du là octobre 1790. Arch nal., V 4691. 3 Arch. comm., Caen, BB 93. Registre des délibérations, 28 juillet 1789. 4 Ibid., 30 juillet 17». 5 dép., Calvados, Registre non inventorié. Copie île lettres du directeur de la mine de 1786 an II. 6} \rch. connu, Caen, Registre des délibérations, 7 août 1789. l'arrestation du duc de coigny 323 hommes le suivent, prêts à mettre le pays à feu et à sang. La nouvelle se propage, amplifiée par les commentaires; elle arrive à Torigni qui envoie des messagers à la recherche d'informations plus précises et qui, dans la crainte d'un pillage, organise des pa- trouilles et fait allumer la nuit des chandelles à toutes les croi- sées». f1 Un des épisodes les plus dramatiques de la Grande peur» en Basse-Normandie fut l'arrestation du duc de Coigny 2. Le 24 juil- let 1789, pendant que les citoyens de Bayeux procédaient à la formation de leur garde nationale, une étrange nouvelle tomba à l'improviste dans la ville. Des gardes-pêche de Ver venaient d'arrêter deux individus sans passeports, qui demandaient à être embarqués pour les îles anglaises et offraient aux matelots une bourse pleine d'or longue d'une aune ». Inquiétude et défiance immédiates, vive émotion populaire il faut s'assurer de la personne des fugitifs, qui sont de prime abord suspects. Le lieutenant général de l'amirauté, Philippe Delleville, magistrat très populaire à Bayeux, et commandant provisoire de la milice en formation, part en voiture de poste vers la mer. Arrivé à la descente de Pierre-Solain, à deux heures de Bayeux, il rencontre une voiture attelée de quatre chevaux, entourée d'une escorte de paysans armés. Il reconnaît aussitôt les deux voyageurs qu'elle renferme ce sont le duc de Coigny, député de la noblesse de Caen aux Etats généraux, et son secrétaire. Le duc explique sa situation. Parti de Versailles quelques jours auparavant pour régler des affaires personnelles à son château de Franquetot, dans le Cotentin, il a pris le chemin du retour vers l'Assemblée nationale. A son passage par Bayeux, il a été informé des troubles de Caen et des menaces proférées contre sa personne. Désireux d'éviter la traversée de cette ville, il a cru prudent de gagner la côte, de fréter une embarcation qui le mènerait à Honfleur ou au Havre, et lui permettrait de regagner Versailles. Arrêté par des pêcheurs, il demande à être mené chez le maire de Bayeux pour s'y justifier de toute accusation. Delleville use de son autorité de magistrat pour renvoyer l'escorte, en lui promettant de garder les prisonniers. Mais, ] Arch. comm., Torigni, D 36. Registre des délibérations, 6, 12 et 15 août 1789. 2 Sur l'arrestation du duc de Coigny, voir Arch. comm., Bayeux, D 12. Registre des délibérations, 21 juillet 1789 et jours suivants. Ce document a été utilisé succes- sivement par Pezet, Essais sur l 'Administration de la Justice dans le Bessin,p. 184 sqq., et Bayeux à lu fin du XVIIIe siècle, p. 118 sqq., et par Anquetil, Une Page d'Histoire bayeusaine, Philippe Delleville. Bayeux, 1877. 3?4 conséquences de la grande peur convaincu de la sincérité des déclarations du duc et craignant que son arrivée à Bayeux n'y soit le prétexte d'une insurrection, il lui fait reprendre la route de Ver et protège son embarquement. De retour à Bayeux, Delleville devient l'objet des pires soupçons. Les exaltés l'accusent d'avoir favorisé l'émigration d'un prince. Sur le rapport de deux avocats, Duhamel de Vailly et Gandin de Villers, qui lui reprochent d'avoir violé ses engagements et sur les dénonciations d'un domestique de Chouains, il est arrêté et emprisonné. Un Comité général improvisé dans ces circonstances critiques nomme une commission spéciale, qui fait subir au prisonnier de longs interrogatoires. Son procès dure depuis quatre jours. L'émotion populaire croissant, Delleville est menacé d'un vilain parti, lorsqu'arrive dans la riuit du 30 juillet un courrier de cabinet extraordinairement envoyé de Versailles. Necker annonce aux officiers municipaux le retour de Coigny aux Etats généraux et les invite à contribuer efficacement à faire rendre la liberté à Delleville ». De son côté le duc de Coigny expose au maire de Bayeux, dans une lettre attristée, son étonne- ment et ses regrets. J'avoue, dit-il, que je me croyais fort à l'abri que mes démarches, en aucun pays et surtout en Nor- mandie, pussent être suspectes, ne m'étant jamais mêlé d'in- trigues, ni même de tracasseries, faisant le bien quand je l'ai pu ; j'ai toujours vécu, du moins je le croyais, avec une répu- tation intacte. Jugez avec quel chagrin j'ai appris que j'avais compromis aussi cruellement M. Delleville. Il me connaissait bien et savait que, sans avoir l'honneur même d'être député, j'étais incapable d'abandonner mon pays. Il faut être ou cou- pable ou bien faible. Ce n'est pas à cinquante-sept ans qu'on devient ni l'un ni l'autre. . . » Pour calmer l'effervescence populaire, la municipalité lait imprimer et afficher ces lettres. Delleville est mis en liberté. Un arrêté du Comité général proclame son innocence et déclare qu'il a toujours été un citoyen sans reproche. La tranquillité renaît subitement, la défiance fait place à un enthousiasme sans bornes. Les sentiments les plus extrêmes se succèdent dans l'affolement général de tout un peuple. Cette terreur contagieuse, née de périls imaginaires, eut de graves conséquences. Elle rendit le peuple inquiet et soupçonneux. Il serait excessif de dire avec Beugnot que la peur des brigands enfanta le brigandage » *. Elle devait au contraire faire surgir 1 Beugnot, Mémoires, t 1, p. 47?. Kropotkiue me parait avoir mieux compris le RIVALITÉ DE LA COMMISSION INTERMÉDIAIRE ET DE L INTENDANT 325 les mesures d'ordre, les milices citoyennes et les Comités natio- naux. Mais comme elle avait profondément remué les masses, comme elle les avait armées avant toute organisation, comme elle avait entretenu chez elles la défiance et souvent la haine, elle créa un malaise politique et social d'une certaine durée, qui accrut l'anarchie dans le pays. En face de cette anarchie, que pouvait le gouvernement et que pouvait l'administration? Quand l'intendant de Caen reçut l'ordonnance du 9 août sur la prévention et la répression des troubles d\ possédait-il l'autorité nécessaire pour l'exécuter? Il n'avait plus, dans sa généralité, qu'une part restreinte de pouvoir ; l'autre était possédée par la Commission intermédiaire provinciale. Or la rivalité continue de ces deux administrations paralysait leur action respective. Pendant cette période, la Commission intermédiaire, secondée par les bureaux intermédiaires de département, se borna à répar- tir l'impôt et à surveiller les travaux des routes. wSa gestion administrative entravée, comme nous l'avons vu, par de nom- breux obstacles 2, n'eut pas de très heureux résultats. Préoccu- pée surtout de réaliser des économies, acculée à une situation financière plutôt désastreuse, elle contribua indirectement à la misère publique en supprimant des travaux qu'elle considérait comme ruineux. Elle augmenta la classe des indigents sans pou- voir leur donner aucune compensation. Bien que le souci du Bien public » fût au premier rang de ses devoirs, elle sembla négliger la question des approvisionnements. Necker témoigne à l'intendant, le 15 janvier 1789, sa surprise de ce que la Commission intermédiaire ne lui ait pas écrit un mot sur la grande émeute de Caen, du 5 janvier 3. Cordier de Launay, dans sa réponse, lui réitère ses plaintes contre l'indifférence de caractère de ce mouvement lorsqu'il écrit Ce qu'on nomma alors la grande peur o saisi! en effet un bon nombre le villes dans les régionr. de soulèvements. » Les événements de Carentan, de Cherbourg et de Baveux racontés dans ce chapitre viennent donner raison à sa thèse. Mais Kropotkine pousse celle-ci 1res loin quand il affirme que la bourgeoisie, non contente de s'armer pour repousser les brigands, inverto quelquefois ceux-ci pour trouver prétexte à s'armer. Kropotkine, La Grande Révolution, p. 152-153. 1 Ordonnance du roi, enjoignant de prévenir les délits commis par des troupes de brigands répandues dans le royaume, qui s'attachent à tromper les habitants de plusieurs communautés, etc. 9 août 1789. Arch. dép., Calvados, C 2685. 2 Voir ci-dessus, chap. VI, p. 122-129. 3 Lettre de Necker à l'intendant Cordier de Launay. 15 janvier 1789. Arch. dép.. Calvados, C 2665. 326 CONFLIT Al SUJET Dj; LA CORVÉE cette Commission. Il n'y a, dit-il, que le lieutenant de police, les officiers du bailliage et moi qui, agissant de concert, aient pris des mesures relatives à l'approvisionnement de la ville et au rétablissement de l'ordre ». Mêmes récriminations quelques mois plus tard J'ai enfin déterminé, écrit-il à l'intendant Montaran, l'Assemblée provinciale, qui consomme presque tous les fonds ci-devant employés en bienfaisance et en au- mônes, à venir un peu au secours d'une détresse que la nature a développée plus tôt qu'on ne pouvait s'y attendre, mais qui vient en partie dans notre généralité des suites de l'établisse- ment des Assemblées provinciales et de la suppression de la Compagnie des vivres. Le défaut des aumônes, en effet, a coûté la vie cet hiver à des milliers de citoyens ; la suppression de presque tous les travaux publics et le défaut de paiement a des entrepreneurs et par suite de leurs ouvriers produisent partout des essaims d'oisifs et de pauvres. J'en ai cinquante sur les bras depuis cinq mois. Chacun s'épuise. . . La misère tient plus à la désorganisation de l'administration . . . qu'au manque d'espèces » *. L'intendant se décourage. Son activité se dépense vainement en ordres discutés et mal obéis. Son administration est une lutte de tous les instants contre les pouvoirs officiels ou spontanés, qui *o nt surgi auprès du sien. Ses relations avec la Commission intermédiaire sont toujours tendues ; un véritable conflit, qui éclate à propos de la corvée, retarde pendant plus de six mois le recouvrement de cet impôt et aggrave une situation déjà très compromise *; Les rôles de la taxe représentative de la corvée avaient été dressés dans le courant d'octobre 1788 par les assem- blées municipales. L'intendant devait les rendre exécutoires ; il s'appuya, pour ajourner son visa, sur deux arrêts du Parlement et de la Cour des Aides de Rouen. A la demande de la Commis- sion intermédiaire, le roi avait, par ses lettres patentes du 27 jan- vier 1789,£levé l'opposition des deux cours normandes. Ces lettres 1 Arch. dép., Calvados, C 2639. — La Commission intermédiaire, sur laquelle l'intendant rejetait ainsi une partie de la responsabilité, avait cependant distribué, en 1789, 35,000 livres environ en secours aux indigents, sinistres, aveugles, pères de nombreuses familles, etc., comme le prouve le Compte-rendu de sa gestion publié en 1790, p. 87 et 97. 2 Ibid., C 8256. — Cf. F. Mourlot, Rapports d'une Assemblée provinciale et de sa Commission intermédiaire avec l'Intendant, 1787-1790, p. 17-18. Extrait du Bulletin des Sciences économiques et sociales du Comité des Travaux historiques et scientifiques, année 1902. RÉSISTANCE PROLONGÉE UE L INTENDANT 327 furent enregistrées, mais avec des modifications qui permirent à Cordier de Launay de faire de nouvelles objections au sujet du visa des rôles. Par ses démarches personnelles et réitérées, le président de l'Assemblée provinciale de Caen, le duc de Coigny, obtint un arrêt du Conseil le 7 mai 1789, qui, sans tenir compte des modifications insérées par le Parlement et la Cour des Aides de Rouen dans leur arrêt, ordonnait l'exécution immédiate des ordres du 24 janvier. Necker invitait l'intendant à faire mettre au plus tôt en recouvrement les rôles de la corvée. Enfin, écrvit Coigny à la Commission intermédiaire, nous pourrons bientôt faire honnneur aux engagements de l'administration provin- ce ciale ». Il avait compté sans la résistance de Cordier de Launay. Celui-ci exigea la rédaction par la Commission intermédiaire d'un arrêté nouveau qui fût conforme aux dispositions de l'arrêt du 7 mai. La loi qui m'est imposée, écrit-il, émane de la volonté du Roi ; il ne m'appartient pas d'y porter atteinte, ni d'auto- riser de mon chef aucun acte qui y déroge. Il m'est impossible pour cette raison de rendre exécutoires ces rôles. J'ai présenté cette difficulté au ministre et j'attendrai ses ordres. Si sa déci- sion porte que la somme entière mentionnée dans chaque rôle sera acquittée par les contribuables, je citerai son ordre en tête de mon ordonnance, et je ne paraîtrai pas aux yeux des habi- tants de la province le seul agent immédiat d'un surcroît d'im- pôt dont vous leur avez donné l'espoir d'être soulagés ». Sa résistance dura jusqu'au mois d'août, où Necker, revenu au pouvoir, lui donna de façon ferme l'ordre de rendre immédiate- ment exécutoires les rôles de la prestation des chemins. Ce trop long débat, qui avait retardé la levée des deniers nécessaires aux travaux des routes et jeté le plus grand désarroi dans la vie des entrepreneurs et ouvriers employés à ces travaux, s'était en somme terminé à la confusion de l'intendant. De jour en jour, Cordier de Launay se rendait compte davan- tage du peu d'importance que le gouvernement attachait à son concours. Il en avait déjà manifesté sa surprise, non sans amer- tume. Vous conviendrez sans doute, écrivait-il à Montaran, le 18 avril 1789, qu'il est bien singulier qu'un intendant de pro- vince soit le dernier instruit de ce qui intéresse si essentielle- ment les sujets du Roi et qu'il se trouve réduit à apprendre d'un simple négociant quelles ont été les décisions du Conseil sur un objet confié à son administration immédiate et qu'il est de son devoir de surveiller. » Il se plaint de ce qu' on affecte de ne plus avoir de correspondance avec lui... Ce 328 DÉCOURAGEMENT DE L'INTENDANT défaut d'égards est décourageant et fait perdre dans l'esprit public la considération nécessaire pour le bien du Roi » {lK Déjà entamée par la rivalité de la Commission intermédiaire provinciale, l'autorité de l'intendant va souffrir davantage encore des empiétements des pouvoirs révolutionnaires nouvellement surgis. Dumouriez, qui joue un rôle des plus actifs, comme commandant du port de Cherbourg, fait partir trois cents sacs de blé pour Saint-Lô et Isigny et charge de cet envoi le subdé- légué Garantot à l'insu de Cordier de Launay, qui proteste contre de tels ordres '-l A Saint-Lô, un comité d'approvisionnement, établi dans la ville, en juin 1789, par le duc de Beuvron, discute et arrête en toute souveraineté, sans avoir égard aux instructions ministérielles, tout ce qui a trait à la police des grains ?. Cordier de Launay méconnaît ces tentatives d'émancipation locale. Il veut les ignorer, au moment même où il les condamne. On s'isole, on contrevient aux règlements, écrit-il à son subdê- légué de Saint-Lô. . . Je ne sais ce que c'est que le comité dont vous me parlez. Tout ce que je sais, c'est que le pouvoir judi- claire, c'est-à-dire le bailliage et la police qui en fait partie, doivent s'occuper de la police du marché, de la proportion du pain avec le blé et du jugement des coupables ; que le pouvoir '-militaire doit prêter main forte pour l'exécution des règlements et lois et non autrement ; qu'enfin le pouvoir d'administration civile, dont vous êtes membre en qualité de subdélégué, doit agir pour ce qui le concerne. Tous ces pouvoirs se meuvent séparément et ne se concertent que pour concourir au même but. Tout le reste est chaos et incompétence » W. Il est obligé de constater que sa puissance s'affaiblit de jour en jour. Ses subordonnés immédiats, les subdélégués, ne sont plus que des collaborateurs impuissants, découragés. Ils sont, écrit-il dès le 9 avril, sans appointements et n'ont pour l'exercice de leurs fonctions pénibles aucun traitement particulier. On leur a enlevé leur crédit et la considération dont ils jouissaient. . . Ils n'ont ni un homme ni un écu à leur disposition pour envoyer 1 Lettre de l'intendant Cordier de Launay à Monta ran, 18 avril 1789. Arch. dép., Calvados, C 2639. 2 Lettre du même à Garanlot, 22 juin 1789. Ibid., C 2679. . 1 Arch. dép., Calvados, C 2639. 2 Lettre de Robillard, 11 mai 1789. ïbid., C 2675. 3 Lettre de Launay à son secrétaire, 22 août 1789. -Arch. dép., Calvados, C 2610. Il lui envoie la circulaire que celui-ci doit adresser aux subdélégués pour demander les renseignements d'usage sur le produit des récoltes. Il ajoute en post- scriptum à la lettre destinée au subdélégué de Coutances M. Duparc m'ayanl l'ait la remise de sa commission, vous voudrez bien vous occuper des détails relatifs aux paroisses de sa subdélégation. Couraye avait démissionné le 10 août. 4 Arch. comrn., Granville, Registre des délibérations de l'hôtel de ville, séance du 10 août 1789. 5 Lettre de Necker à Launay, 14 janvier 1789. Arch. dép., Calvados. C 2665. 6 Lettre de Garantot à Lamy- Desvallées. 30 octobre 1789. Ibid., C 2679. 7 Cordier de Launay, écrivant, de Versailles le 2 août 1789 au Comité national de 330 l'anarchie Le secrétaire de L'intendance dirige les bureaux et expédie les affaires courantes, en attendant l'heure prochaine de la liqui- dation tt. La desorganisation administrative est complète et le lieutenant général du bailliage de Caen peut écrire Chaque jour est témoin d'actes de violence multipliés. La force a pris la place de la loi. Le pouvoir exécutif est sans activité et le pouvoir judiciaire ne peut s'exercer. Daigne l'Assemblée nationale mettre fin à une anarchie qui tend à bouleverser tout le royaume » 3. Tous les a citoyens honnêtes, de quelque ordre que ce soit, ajoutait-il, se réunissent pour conjurer l'Assemblée de s'occuper sans délai, de concert avec le Roi, des moyens de rétablir l'ordre et la tran- quillité. » Pour réaliser ce vœu il fallait permettre à tous les députés de prendre une part effective aux séances de l' Assemblée. Or les députés nobles des deux bailliages de Caen et de Cotentin, liés par leurs mandats impératifs, avaient dû se tenir à l'écart des délibérations importantes. Une telle abstention ne pouvait qu'aggraver le malentendu entre les paysans et la noblesse, et augmenter les suspicions contre celle-ci. Effrayés par la Jacquerie naissante, les gentilshommes du bailliage de Caen résolurent de se rassembler pour prendre une délibération convenable aux circonstances et faire accorder à leurs députés des pouvoirs généraux et sans limitation ». La réunion, fixée au 25 juillet, ne put avoir lieu à cause des troubles qui agitaient Caen à cette époque 3. Mais le duc de Coigny, pendant le court voyage de Normandie qui s'était terminé par l'incident dramatique de Bayeux, avait pu voir nombre de ses commettants. Ils lui expri- mèrent leur intention de voir annuler tout pouvoir impératif et Caen, annonce que Necker . Le duc de Coigny put déclarer le 27 juillet à l'Assemblée nationale que les députés nobles de Caen étaient autorisés à concourir au bien qu'elle opérerait, qu'ils prenaient donc voix délibérative et adhéraient à tout ce qui pouvait avoir été fait en leur absence » 2. La noblesse du Cotentin, poussée par les mêmes mobiles, s'était réunie à Coutances autour d'Achard de Bonvouloir. La majorité, désireuse du bien général, consentit sans aucune restric- tion à l'égalité des impôts sans distinction d'ordres \t->. Le Comité de Granville naquit d'une situation des plus trou- blées. Couraye-Duparc, que ses triples fonctions de subdélégué, de vicomte et de maire par brevet royal prédisposaient à l'impo- pularité, avait été chargé par l'administration de la vente de sacs de blé destinés à l'approvisionnement de Granville. Un envoi de 575 sacs, pris sur cette masse, à la municipalité de Saint-Servan, le fit accuser de malversations. Un mécontent, Quinette de Cloizel, le dénonça dans les cabarets et au bas de Mauduit, ancien maire de Vire et conseiller au bailliage, à l'intendant. 9 sep- tembre; 1789, Arch. dép., Calvados, C 2688. I Arcb. comm., Tinchebrai. Registre les délibérations, 30 juillet 1789. i-2 Ihid., Torigni, D 36. Registre des arrêtés et des délibérations du Comité natio- nal de Torigni, 4 août 1789. — Dans une délibération de décembre 1789, il est l'ait mention de la lecture des délibérations constitutionnelles en comité des mois de juillet et août derniers ». 3 Arch. comm., Périers, Registre des délibérations, 23 août 1789. — Cf. Lerosay, Histoire de Périers, p. 109-110. LE COMITÉ DE GRANVILLE 339 peuple » euninie un accapareur de grains qu'il serait bon de pendre ». On accusa aussi Couraye-Duparc de tramer un complot avec le commandant de la place pour le massacre des habitants. Dans la nuit du 1er août, un placard incendiaire fut affiché à sa porte. Le lendemain, deux citoyens déposent une pétition des notables demandant la réunion d'une assemblée générale des habitants, afin d'aviser à la sûreté publique. Cette assemblée se tient le soir même, à 5 heures, dans l'auditoire de la ville. Qui- nette y dénonce les fréquentes absences du maire, l'infirmité d'un officier municipal, et demande l'adjonction de quatre conseillers au corps municipal, avec droit de participation aux séances et aux délibérations. Sa motion est repoussée *;. Quelques jours plus tard, le 6 août, éclate une émeute amenée par la cherté du pain. La foule va briser les vitres d'un apothicaire. La muni- cipalité est obligée d'abaisser la taxe du pain et de voter une indemnité aux boulangers. Le commandant du roi à Granville, de Préfort, s'est rendu suspect par ses tendances aristocrates. Ses vexations et ses abus de pouvoir le désignent à la vindicte publique ; on lui reproche surtout de se prêter avec indifférence à la défense de la ville. Le Conseil général de la commune arrête sa déchéance le 10 août et lui redemande les clefs de Granville. Saisi de crainte, Préfort les abandonne et demande un passe- port. Le jour même où le départ du commandant rompt les liens d'obéissance qui attachaient Granville au représentant militaire du pouvoir central, Couraye-Duparc donne au Conseil général sa démission de subdélégué il cesse d'être un agent du roi pour rester maire de Granville et se consacrer tout entier au service de ses concitoyens. Le lendemain 11 août, dans une nouvelle séance du Conseil général, il expose la gravité de la situation. Dans presque toutes les villes, ajoute-t-il, la liberté des citoyens et la sûreté publique sont remises- aux soins des habitants par les officiers qu'ils se sont choisis, et qu'ils ont formés en Comité national ; il pourrait y avoir lieu d'en établir un à Granville, afin d'assurer l'activité du service public. Le Conseil général décide la formation d'un Comité de vingt-cinq membres et procède à sa constitution immédiate. Il comprend en premier lieu les cinq membres du Conseil municipal, député-né du Comité national ». I Arch. coinm., Granville, Registre des délibérations, 2 août 178'J. Cf. une lettre de Couraye-Duparc à l'Assemblée nationale, du 7 septembre 1789. Ou fiL. écrit Duparc, la motion de donner des conseillers au conseil municipal. » Arch. nat., D xxix 40. 340 LES COMITÉS DEHANCHES ET DE MORTAIN Restent vingt membres à nommer ; l'assemblée en désigne {lia Ire par acclamation, le chevalier de Léglize, commandant de la garnison, de Massely, chef des classes, Manduit, commis- saire aux classes de la marine, de Belprey, chef du corps royal du génie, et élit les seize autres au scrutin. Le nouveau Comité est spécialement investi de l'autorité nécessaie pour assurer la liberté des citoyens, la sûreté et la tranquillité publiques fl. A Avranches, le Comité général et national met trois jours à se constituer, du 22 au 25 août 1789. Les neuf compagnies de volontaires Avranchins, assemblées au bois des Capucins, nom- ment quarante-cinq électeurs, six par compagnie, qui le 24 août désignent les vingt-cinq membres du Comité. On y relève les noms des principaux notables Tesnière de Brémesnil, Bacilly, maire, lieutenant général du bailliage, Payen de Chavoy, Vivien, membres du bureau intermédiaire de département, Blondel, procureur-syndic. Ces vingt-cinq députés élisent Brémesnil comme président et se divisent en six bureaux de quatre mem- bres. Le Comité national d'Avranches se déclare en permanence, s'adjoint le commandant et le major de la milice nationale. Il se donne pour mission de correspondre avec les députés aux Etats généraux, de veiller à la sécurité publique, aux subsistances ; il prétend au droit de réquisition sur tous les dépositaires de la puissance judiciaire 2l Même révolution municipale à Mortain, qui, formée de trois communautés séparées, avait trois municipalités en vertu de l'édit de 1787, et qui y substitua une municipalité unique, véri- table Comité national, en arrêtant les bases d'une administration nouvelle 3. A Coutances, Saint-Lô, Valognes, mêmes formations sponta- nées que nous pouvons constater malgré les lacunes de l'histoire municipale 4J. Des villes de moindre importance, comme Condé- 1 Arch. comm., Granville, Registre des délibérations, 10 et 11 août 1789. 2 Jhi41 sur-Noireau l , Isigny 2, Sain t-Sauveur-le- Vicomte I3, Saint- Sauveur-Lendelin 4, des bourgs comme Villedieu 5, Monte- bourg es membres, le citoyen de la Rue, ancien premier capi- taine de la garde nationale. 18 frimaire an XI Bibl. nat.. nouv. acq. fr. ms. 4401 ; de la Rue raconte le rôle qu'il joua dans l'affaire Belzunce ; — 3° Les journaux de l'époque Le Journal des Révolutions de Paris. n° du 22 août ; Le Moniteur, année 1789, n° 30 ; Le Mercure de France, n0' des 22 août et 12 septembre 1789. — Voir aussi Dumouriez. Mémoires, éd. Berville. t. II, p. 52-51; Chateaubriand, Mémoires d outre- tombe éd. Biréi, t. II, p. 17 F. Vaultier. Souvenirs de l'Insurrection normande. Appendice, p. 299-303 ; et E. de Beaurepaire. L'Assassinat du major de Belzunce. Revue de la Révo- lution. 1884, I. III, p. 109-129, et t. IV. p. 26-17. 1 Sur cite fête du 29 juin 1789 et les inscriptions qui ornaient la pyramide, voir d'intéressants détails dans le ms, de Dufour, Mémoires el Remarques, I. I, p. 30. l'émeute du 11 août 1789 345 allant jusqu'à tirer sur un citoyen un coup de pistolet dont heu- reusement l'amorce ne partit pas. Cette aventure lui avait valu plusieurs jours d'arrêt et le redoublement de la haine publique. Il ne pouvait souffrir que la garde nationale se fût emparée du château et se vantait de le reprendre bientôt. Des bruits étranges couraient sur ses projets son insistance à coucher à la caserne depuis plusieurs nuits, le sens énigmatique d'un serment qu'il avait fait prêter à ses troupes, le rassemblement présumé de cartouches et de munitions de guerre, tout le rendait suspect au peuple l. De telles imprudences avaient déterminé le Comité national à solliciter du duc d'Harcourt l'éloignement deBelzunce ; il refusa de partir. Le moindre incident pouvait déchaîner l'é- meute. Le 11 août, deux soldats du régiment d'Artois, se trouvant de passage à Caen, s'attablaient au cabaret avec deux soldats du régiment de Bourbon. Ils portaient à la boutonnière une mé- daille à l'effigie de Necker dont la municipalité de Rennes les avait décorés. Une rixe éclata bientôt, leurs décorations furent arrachées. Ils allèrent se plaindre au Comité général, qui en référa au duc d'Harcourt. On leur rendit leurs médailles et leurs agres- seurs furent punis. L'affaire paraissait réglée. Il était une heure de l'après-midi. Sur les trois heures, un autre soldat du régiment d'Artois, caché à Vaucelles, se plaint d'avoir été menacé et maltraité par le major du régiment de Bourbon. La fermentation augmente. La foule s'assemble rue Saint-Jean et place Saint-Pierre ; elle demande à grands cris le départ deBelzunce. A dix heures du soir, un coup de fusil donne le signal de l'émeute. Une sentinelle de la garde bourgeoise l'a tiré au pont de Vaucelles sur un officier du régiment de Bourbon qui s'obstine à passer malgré la consigne et qui joint les menaces à la résistance. Cet officier est tué. Le tocsin sonne aussitôt, l'alarme se répand. Le peuple court à la citadelle, y enlève de force des armes, des munitions, en déloge les canons. Il envahit la salle du Comité 1 Peu après la mort de Belzunce, parut un libelle intitulé Les nouveaux pro jets de la cabale dévoilés, ou Lettre du prince de Lambesc au marquis de Belzunce. interceptée trois jours après la mort de ce dernier, pièce imprimée, in-16, 15 p., de l'imprimerie de la municipalité de Caen, Bibl. nat., Lb 39 2280. Cette lettre, censée écrite de Vienne le 30 juillet par Lambesc, mettait Belzunce au courant des efforts des alliés pour envahir la France et chauffer les culottes aux impudents qui les ont contraints de reculer ». L'origine de ce document, surpris au chef d'une troupe ambulante de chanteurs étrangers », me paraît très suspecte. o46 LE MEURTRE DE BELZUNCE national, alors en séance de nuit. Bientôt arrive Belzunce qu'on vient d'arrêter aux casernes, et qu'escorte un détachement de la garde nationale. On le met en accusation pins de cent voix le somment de mettre bas ses armes. 11 tombe sur une chaise, la tête clans les deux mains, comme un homme affaissé de fatigue ». Dans le vestibule, dans la cour de l'hôtel de ville, au dehors le peuple impatient gronde il veut briser portes et fenê- tres, envahir la salle des séances, arracher Belzunce au Comité qu'il accuse de trahison. La résistance vigoureuse des volon- taires nationaux l'écarté et la refoule sur la place Saint-Pierre. Le Comité décide que Belzunce, gardé comme otage, sera conduit au château sous bonne escorte ; il arrête aussi le départ du régi- ment de Bourbon, par trop impopulaire. Le matin du 12 août celui-ci quitte la ville, ne laissant aux casernes de Vaucelles que les deux soldats enfermés pour l'affaire des médailles. Une bande de furieux les en arrache pour les amener au château, où on les confronte avec Belzunce l. On s'empare de sa personne, malgré la résistance de la garde 2>, on le traîne jusqu'à la place Saint-Pierre. Il y est bientôt massacré par une foule en délire, qui le lapide à coups de crosse de fusils et tire à bout portant de nombreuses balles, dont plusieurs blessent les spectateurs. Ses assassins s'acharnent sur son cadavre et déchargent sur celui-ci plus de cent cinquante coups de fusil. Sa tête est séparée du tronc et promenée en triomphe au bout d'une pique ** ; on le mutile et on se dispute ses dépouilles sanglantes {]\ 1 Belzunce Hait accusé par la rumeur publique d'avoir donné l'ordre à ses sol- dats d'arracher ces médailles. 2 Dans son rapport du 12 août, Etienne, commandant du poste, déclare qu'il n'a cédé que devant la force et sous la menace de la foule armée qui voulait massacrer la garde entière au cas de plus longue résistance. 3 Mon bataillon, écrit Renée, arrivait dans ce moment-là même sur la place Saint-Pierre. Il me semble voir encore les pieds et les mains de M. de Belzunce pro- menés au bout des baïonnettes de fusils, surtout cette belle et jeune tète, aux che- veux poudrés, dont les traits conservaient encore, malgré la mort, un air de noblesse et de fierté. » Pour préciser ses souvenirs, il ajoute J'ai vu, de mes deux yeux vu, le cœur de M. de Belzunce entre les mains d'un jeune homme de 18 ans environ, nommé D..., plâtrier de son état. Ce jeune homme, d'un teint blême, les cheveux et les sourcils d'un blond filasse, était en chemise, la tête et le cou nus ; il avait les bras retroussés, ensanglantés jusqu'au coude, et faisait sauter le cœur dans ses mains comme une balle, avec une joie féroce. » Mes Souvenirs, p. 8 et 9. 4 Arch. comm., Caen, BB 93. Registre des délibérations, 12 août 1789. — On lit dans les Mémoires d'Oulre-tombe, de Chateaubriand, t. II, p. 17 A Caen, on se rassasia de massacres et l'on mangea le cœur de M. de Belzunce. » On a prétendu que 'tic accusation était fausse. Il est certain que des atrocités sans nom furent commises sur le cadavre de Belzunce. Une sage-femme de Caen, Joséphine Sosson, DEMISSION DU COMITE DE CAEN 347 Le crime est consommé sans que le Comité national, trop tardivement informé, ait pu s'opposer à son exécution. Consterné, il rend l'arrêté suivant Considérant que l'attentat porté à la vie de M. de Belzunce est une violation de la sûreté publique, sous laquelle il avait été confié à la garde du poste du château, qu'un pareil attentat est aux yeux de tous les citoyens un acte de férocité qui emporte l'exécration publique envers tous ceux qui en seraient coupables, a arrêté de faire faire les informations qui seront à sa disposition sur tous les faits qui ont précédé, accompagné et suivi cette fatale journée » M. Cette protestation, la seule que les circonstances permet- taient au Comité d'élever contre un pareil forfait, fut suivie le lendemain par la démission de tous ses membres. Abandonnant volontiers toute espèce d'autorité qu'on leur avait confiée », ceux-ci laissaient les citoyens libres de procéder à une nouvelle nomination et se bornaient à faire des vœux pour l'union, le calme et la tranquillité publique ». Un nouveau Comité, élu le 14 août par les députés des paroisses *, nomma Chatry-Lafosse l'aîné comme président et Costy comme vice-président ; il com- prit, outre les officiers municipaux, 24 députés choisis par les paroisses. Le 15 août, il adopta un règlement de police intérieure en 22 articles, qui dictait les précautions les plus minutieuses pour assurer le calme des séances, le bon ordre et la tranquillité des discussions. Le Comité du 14 août ne vécut pas deux mois le 6 octobre, Chatry-Lafosse démissionnait ; on décida de soumettre la prési- dence et la vice-présidence à une élection bimensuelle. On se lassait de voir constamment les mêmes personnes au pouvoir l'inquiétude publique exigeait de fréquentes consultations élec- mit en bocal un débris pantelant, de ce cadavre. Un maçon ivre, Hébert, de Maltot, découpa un quarteron » de chair sur la cuisse du malheureux officier, le lit griller et le mangea dans une auberge de la rue de Baveux en buvant une chopine de cidre. — Ces faits sont racontés tout au long dans un dossier de procédure contenant 23 pièces, alors adressées au garde des sceaux et conservées aujourd'hui dans le fonds du Comité des recherches, aux Arch. nat, D \xixbis 4, — Le jardinier caennais Dufour ajoute un détail horrible à cette série déjà longue d'atrocités On lui a coupé la tête, écrit-il, et on a promené sa tète par toute la ville au bout d'une fourche. Quand ils ont été à Vaucelles, on l'a fait entrer chez un perruquier pour la faire friser et arranger proprement. » Dufour, Mémoires et Remarques, t. I, p. 36. 1 Arch. comm., Caen BB93, fol. 72-73. Begistre des délibérations, 12 août 1789.— Cf. ms. Pépin. Bibl. nat. nouv. acq. françaises, 4401. 2 Les 180 députés élus par les 12 paroisses de Caen 15 par paroisse n'avaient pu se réunir le 13 août à l'hôtel de ville, à cause du tumulte de la place Saint- Pierre. 348 INSTABILITÉ DES COMITÉS PERMANENTS fondes. D'autre pari, les membres des Comités et des bureaux trouvaient trop lourdes les obligations qu'entraînait la perma- nence de ceux-ci ; les uns s'absentaient de Caen, d'autres s'ac- quittaient négligemment de leurs fonctions. Le bureau des subsistances, un instant déserté, faillit suspendre ses séances. Le 12 octobre, le Comité national donna sa démission collective. Il y eut de nouvelles élections le lendemain et d'autres encore le 3 novembre". Dans un espace de temps très court, l'autorité s'était quatre fois déplacée. N'était-il pas fatal qu'à chacune de ses transmissions elle perdît de sa force et qu'on la vît fondre, pour ainsi dire, entre les mains des électeurs ? i2. Dans les autres villes de la généralité de Caen, mêmes fluctua- tions de la vie municipale. A Carentan, après la démission du Comité, de nouvelles élections ont lieu le 13 septembre 1789 »3. A Tinchebrai, le Comité du 19 juillet, discuté par plusieurs mécontents et réélu une première fois le 11 août, décide sa sup- pression le 27 septembre ; le lendemain, l'assemblée des habitants rétablit une municipalité de neuf membres un maire et huit échevins et y fait entrer les neuf démissionnaires 4. A Périers, où le nombre trop élevé des députés menace de rendre les délibé- rations tumultueuses, le Comité est réduit de 30 à 16 membres 5. 1 Aux élections du 13 octobre, Duclos le Goupil l'ut président du Comité, et Pil- le!, le jeune, vice-président; quinze jours plus tard, le 28 octobre, Signard d 'Ouf fi ères succéda au premier et Bougon-Longrais au second ; au renouvellement général du Comité du .'î novembre, de la Rue fut élu président ; sur son refus, la présidence fut donnée à l'abbé de Jumilly qui la conserva jusqu'en février 1790. Arcb. comm., Caen BB93, Registre des délibérations. 2 Le 13 octobre 1789, Duperré de Lisle écrivait au président de l'Assemblée natio- nale Un nouveau Comité qui a élé ordonné pour Caen a pensé à se former... Ce Comité est sans force. » Arch. nat., D xxix 29. — Dans une brochure spirituelle et mordante, publiée sous le voile de l'anonyme par un royaliste militant, Midy, l'au- torité du Comité caennais est bafouée en ces termes Tu sais ce qu'on entend par ce mot Comité » ? C'est un las de gens pris de tous côtés, qui se sont assemblés je ne r-ais comment, qui jugent je ne sais quoi, et qu'on obéit je ne sais quand. Le plus comique des Comités est bien celui de Gêna [Caen]. Ce Comité est une girouette donl nous sommes les vents. » Lettre de l'honorable .Jean Rablu. maître croebeteur et, caporal-major de la milice de Céna, à l'honorable Pierre Tulxeuf, garçon bouclier de Poissy. 17», in-8°. 3 \rch. comm., Carentan. Registre des délibérations, 13 septembre 1789. L'élec- tion des 28 membres eut lieu sur les remparts. 1 Hii'l.. Tinchebrai, Registre des délibérations, séances des 11, 12. 14 aoiU, 27 et 28 septembre 1789. Le 14 août, condamnation de trois perturbateurs du repos des citoyens, qui les excitent au renversement du Comité l'un d'eux, de la Filanchère, est expulsé de la ville. 5 Ibid., Périers, Registre des délibérations. 8 novembre 17S9 élection dans l'église de la ville. Lecaudey de Manneval resta président. DISSENSIONS A CHERBOURG 349 A Avranches, où il se renouvelle par tiers chaque mois, les élec- tions d'octobre en ouvrent l'accès aux ecclésiastiques qui en étaient jusqu'alors exclus M. Cherbourg ne fut pas exempt des agitations intérieures que provoquait l'état anarchique du royaume. Le corps municipal et national » de cette ville, organisé au lendemain de l'émeute du 21 juillet, ne tarda pas à voir battre en brèche son autorité. Dans sa séance du 4 septembre, il se plaignait des réclamations particulières de plusieurs habitants, trop répétées et trop nom- breuses pour ne pas blesser sa délicatesse et exciter î^es inquié- tudes » - . On lui reprochait d'être inconstitutionnel » et de n'avoir ni le crédit ni la confiance nécessaires pour conduire efficacement les affaires de la ville ». On faisait grief au maire et aux deux échevins d'avoir été maintenus dans leurs charges par l'autorité de l'intendant, contre le vœu général et la réclama lion légale de la ville, qui avait autrefois acheté ces charges munici- pales pour s'assurer de libres élections triennales. La nomination de ces magistrats par arrêt du Conseil était qualifiée d'abusive et d'illégale, contraire a la liberté des suffrages ». L'incorporation des électeurs que le corps municipal s'était adjoints par mesure de prudence n'avait pas désarmé l'opposition. Ces derniers n'avaient été désignés qu'en vue d'un objet spécial, l'élection des députés aux Etats généraux ; leur mandat était expiré et on leur niait toute compétence aux fonctions administratives. L'élection du chevalier de Gassé comme maire en comité secret, bien qu'elle fût provisoire, avait soulevé de nombreuses cri- tiques CI'. En présence de la fermentation régnante, le corps municipal résolut de se soumettre cà une consultation générale la question de sa légitimité. Il convoqua pour le 26 septembre une assemblée des députés de tous les corps et corporations. Du 7 au 25 septembre, chaque jour fut marqué par la réunion particulière de l'un ou l'autre de ces groupements 4'. Si la no- blesse, les diverses juridictions, bailliage, amirauté, traites foraines et quart bouillon, si l'ancienne milice bourgeoise convo- 1 Arch. conim., Avranches. Registre des délibérations, 24 octobre 1789. 2 Ibid., Cherbourg, BB 5. Registre des délibérations, 4 septembre 1789. 3 Mémoire sur la reconstitution du corps municipal de Cherbourg, imprimé, 10 p. s. d. n. 1.. Bibl. co-mm., Cherbourg. 4 Arch. comm., Cherbourg, AA 43. Délibérations des communautés, corps et cor- porations de la ville de Cherbourg, pour la nomination de députés chargés de déli- bérer sur le projet de règlement concernant la municipalité 34 délibérations, éche- lonnées du 7 au 2r> septembre L789. 350 RÉORGANISATION DU COMITÉ DE CHERBOURG juée pour la 'dernière fois, si les avocats, les greffiers, les notaires royaux, les herbageurs se prononcèrent pour la continuation pure et simple de la municipalité en attendant le règlement municipal promis par l'Assemblée nationale ; si le clergé et quelques corporations, manufacturiers en laines, apothicaires, chapeliers, tonneliers, aubergistes, maçons consentirent au main- tien du statu quo, avec l'adjonction de six ou douze membres élus, la plus grande partie des corporations se déclara pour la reconstitution, pour la régénération immédiate du corps muni- cipal et national. Aussi l'assemblée générale des 26 et 27 sep- tembre, où se produisirent plusieurs motions nettement révolu- tionnaires, se montra-t-elle absolument favorable à une organi- sation nouvelle de la municipalité et à la nomination de nou- veaux membres. Elle déclara par 41 voix contre une que le règle- ment de 1778 n'avait plus d'objet, que les circonstances actuelles nécessitaient quelques changements relatifs à la liberté indivi- duelle, spécialement en ce que la nomination des officiers devait être faite par tous les députés qui composaient la commune » *>. Six commissaires élus pour rédiger un projet de règlement le firent adopter à une nouvelle assemblée générale, tenue le 6 octo- bre. L'administration de Cherbourg fut confiée à un Comité national permanent placé sous le contrôle d'un corps municipal de 20 membres. Ce dernier, qui comprenait un maire, quatre échevins, un procureur-syndic, un greffier et quatorze notables renouvelés chaque dimanche dans l'ordre du tableau, siégeait tous les jours pour la gestion des affaires courantes. Pour certains actes de la vie publique, comme l'élection des officiers supérieurs de la milice, les députés des corporations devaient être appelés à l'assemblée générale. Ce régime nouveau, basé sur l'élection et qui intéressait un plus grand nombre de citoyens à l'administra- tion municipale, devait durer jusqu'en février 1790. Une assez grande variété existait, on le voit, dans l'organi- sation intérieure des Comités locaux le mode de leur recrutement put différer d'une ville à l'autre ; l'exercice de leur mandat ne fut point partout d'égale durée. Et cependant tous eurent un air de ressemblance et comme de parenté dû à la communauté de leur origine, à l'identité absolue des besoins qui leur donnèrent naissance, de la mission qu'ils s'imposèrent et des attributions qu'ils se conférèrent. Ce furent partout des Comités d'approvi- sionnement et de défense. 1 Àrcb. comm., Cherbourg, BB 5. Registre des délibérations, 26 et 27 sept. 1789. LES COMITÉS ET L'APPROVISIONNEMENT DES VILLES o51 En première ligne des Comités d'approvisionnement. C'est leur raison d'être originelle. Ils sont nés presque partout de la néces- sité de procurer du pain à bon marché aux habitants des villes. Leurs actes de fondation l'indiquent en termes exprès. L'orga- nisation même de leurs bureaux en est une preuve manifeste. A Caen, le premier bureau s'intitule bureau des subsistances ; il est chargé de ce qui concerne les boulangers, des distributions de grains et de farines, de la fixation du prix du pain, de la recherche des magasins et dépôts de blé pour en connaître la contenance ». Il a aussi pour mission d'expédier les permis et congés aux armes de la ville pour le transport au moulin des blés des boulangers destinés à rentrer en farine, et de surveiller les cinq bacs d'Athis, de Colombelles, de Fontenay, du Pont, du Coudray et les autres passages suspects ». Bayeux, Avranches Vire possèdent des bureaux investis d'attributions analogues. On voit le Comité de Caen présider aux achats et aux ventes de farines, prendre des arrangements avec les boulangers, fixer la taxe du pain et de la viande 0. Le 23 juillet, il arrête la fabri- cation du pain à 2 sols 6 deniers la livre pour les pauvres. Le 24 juillet, il fait vérifier les farines chez les boulangers ; le 28, il interdit la sortie de 800 sacs de seigle qui sont dans les magasins de Caen et que des blatiers voudraient emporter à la campagne. Préoccupé avant tout d'éviter des émeutes, il ne songe qu'à l'alimentation de la population urbaine. Il se montre dur à l'égard des voisins. Ses défenses d'exportation des grains se renouvellent le 6 et le 25 août, le 17 octobre, le 25 octobre. Au lieu de fournir des grains aux paysans, il leur en demande à maintes reprises. Il permet aux volontaires de la milice des perquisitions chez les fermiers et les propriétaires à Tilly-la- Campagne, à Saint-Aignan, à Bellengreville, à Cagny ; il ordonne à ces fermiers d'apporter leurs grains à la halle s, Il n'agit pas en tout ceci autrement que l'intendant, Comme lui 1 L'étude des mesures d'approvisionnement prises par le Comité permanent de Caen, a été faite d'après le registre des délibérations BB 93, conservé aux Arch. comm. de cette ville. 2 Lelièvre, fermier de Cagny, est condamné à un mois de prison pour résistance aux ordres du Comité, et malgré l'intervention de Ménage de Cagny, maire de Caen, dont il est le fermier, 27 août 1789. Arch. comm., Caen, Begistre des délibérations, BB93. 3 J'ai retrouvé deux pièces relatives au fonctionnement du bureau des subsis- tances du Comité de Caen 1° Tableau des Halles de Caen le lundi 10 août 17X9, placard imprimé arrêté au bureau des subsistances; 2° Procès des apprécies a la Halle de Caen, du 20 novembre 1789. Arch. comm., Caen ancien carton 9. 352 MESURES D'APPROVISIONNEMENT A CAEN encore, il demande directement des secours en nature au ministre. Le 18 août, peu de jours après le massacre de Belzunce, il réclame avec insistance sacs de blé et Necker effrayé les lui accorde. Le 4 octobre il députe à Versailles deux de ses membres, Saffrey et Charfier, pour obtenir de nouveaux secours. Il surveille rigoureusement les boulangers, les marchands de grains, les amidonniers et réprime avec sévérité les moindres infractions. Pour avoir refusé de cuire du pain, un boulanger est condamné, le 26 août, à huit jours de prison ; un autre, à 12 livres d'amende pour avoir vendu du pain à 36 sols la tourte de 12 livres au lieu de 30 sols. Il réprimande par voie d'ordonnance les boulangers qui ont cessé leur métier si utile à l'humanité pour cuire galettes de pain au lait, torquettes et brioches à l'usage des riches » et leur enjoint de fabriquer du pain sous peine de 50 livres d'amende et d'emprisonnement. Un marchand amidonnier de Caen, Bel- lissent, a commis aux yeux du Comité le crime d'employer à la fabrication de son amidon du blé et d'autres grains propres à faire du pain ; avec les résidus de ces grains, il engraisse quatorze porcs. Par arrêté du 3 août, le Comité le condamne à 600 livres d'amende et à un mois de prison l'amidon de ses magasins, ses quatorze porcs sont vendus et le produit de la vente est versé aux pauvres. Deux jours plus tard, on nomme des commissaires pour surveiller la fabrication des amidons. Le bureau des subsis- tances prépare le projet d'une boulangerie nationale, qui compte- rait trois dépôts à Caen et qui vendrait à prix fixe toute l'année le pain bis à 2 sols 6 deniers la livre, le pain mélangé d'orge et de seigle à 2 sols seulement ih. Les Comités nationaux permanents des autres villes de Basse- Normandie veillent avec autant de soin que celui de Caen à l'approvisionnement des citoyens. A Avranches, pour décharger les membres du Comité national d'un service très lourd, un comité spécial des subsistances se forme à l'instigation du lieute- nant général de police Bacilly ; il a pour mission de veiller au prix des divers comestibles, surtout au prix du pain et de la viande, et de surveiller la fraude commise par les bouchers de 1 Arch. comm., Caen, Registre des délibérations, passim. A Saint-Lô, c'est le bailliage qui, sur la dénonciation du Comité, condamne à G00 livres d'amende un amidonneur, de Çmibou, accusé de convertir chaque année; plus de 5,000 boisseaux de blé en amidon. Mais le Comité, prenant en main les intérêts de la ville, qui doit recueillir les deux tiers de l'amende au profit de ses pauvres, adresse une re-juête à l'Assemblée nationale pour obtenir que toute liberté soit laissée aux juges des con- traventions de grains. Arch. nat.. D xxix 29. MESURES D'APPROVISIONNEMENT A CHERBOURG 353 campagne qui apportent leurs viandes en ville sans acquitter les droits » {>. Le Comité de Cherbourg, à peine formé, met au premier rang de ses préoccupations la question des subsistances de cette ville 2, L'ancienne municipalité, d'ailleurs, en avait eu un égal souci. Lors de l'émeute du 21 juillet, elle avait ouvert au peuple les magasins à blé de l'Etat, établi un bureau des pauvres qui fournissait à chaque indigent un bon d'une livre et demie de pain par jour et promis aux boulangers, qui délivraient ce pain à un prix très réduit, de leur rembourser leurs pertes rA>. Elle avait pris une série de mesures relatives à l'approvisionnement des halles, envoyé par deux fois un député au Havre pour y acheter du blé et, à défaut de celui-ci, une cargaison de boisseaux d'orge à 4 livres le boisseau, revendus à 3 livres *. Après sa réor- ganisation, elle redouble d'activité. Les décrets » et les mani- festes » du Comité permanent se succèdent assez nombreux et accusent ses efforts incessants pour déconcerter dans les marchés de la ville, par une surveillance active, toutes les manœuvres illicites, frauduleuses, ou propres à exciter l'inquiétude du peu- ple » 5. Il interdit aux paysans d'accrocher au passage les blés destinés à l'approvisionnement de Cherbourg, et par contre autorise les perquisitions dans les campagnes. Il fait fouiller les greniers du meunier de Sideville, soupçonné de tenir un dépôt clandestin de grains fi ; il ordonne l'arrestation de ceux qui en font un transport frauduleux 7. Il essaie surtout d'empêcher le commerce criminel », qui, faisant passer les blés du Cotentin dans les îles anglaises voisines d'Aurigny, Guernesey et Jersey, augmente la cherté des grains au lendemain d'une riche récolte. Le Comité de Tinchebrai procède, lui aussi, à des perquisitions dans les paroisses voisines, recense les grains des propriétaires, fermiers, ou décimât eurs et leur enjoint d'en amener une partie a 1 Arch. comm., Avranches. Registre des délibérations, 27 octobre 1789. 2 Décret du 13 octobre 1789 sur l'approvisionnement des marchés Le corps municipal cl national, considérant tpie de tous les objets d'administration qui lui sont confiés il n'en est point qui mérite plus d'attention que ce qui a trait à la sub- sistance de cette ville, etc. » Ibid., Cherbourg, BB5, Registre des délibérations. 3 Ibid. Avis aux citoyens de Cherbourg de l'ouverture d'un bureau de bienfai- sance, 4 août 1789. 1 Ibid. Envoi de Morqueron au Havre, 27 juillet 1789. 5. Ibid. Décret du 13 octobre 1789. G Ibid., BB 11. Registre de correspondance, 17 octobre 1789. 7 Ibid. Arrestalion de La Grandie, paysan de Benoitville, 10 octobre 1789. 23 354 ENTENTE DES COMITÉS Al' SUJET DES SUBSISTANCES la halle de la ville. Il menace d'emprisonnement le curé de Pier- nières-le-Patry, qui résiste à son arrêté'1. A Torigni, le Comité défend aux boulangers de faire gâteaux, moulinets et autres pains amendés 2, envoie ses délégués pour visiter leurs boutiques, fait forcer par un serrurier la porte des récalcitrants W. Au len- demain de l'émeute du 6 août 1789, le Co'mité de Granville abaisse le prix du pain et décide que des gratifications seront accordées aux boulangers pour les indemniser des pertes qu'ils vont subir le montant s'en élève à livres4'. Le Comité de Bayeux, dans une série de délibérations prises du 5 au 12 août 1789, s'occupe sans relâche du salut du peuple » et arrête les mesures relatives aux approvisionnements. Il règle à maintes reprises la taxe du pain . Après la Commission intermé- diaire provinciale de Rouen $, celle de Caen signalait la gravité du mal et, dans son impuissance à faire rentrer l'impôt, adjurait les municipalités, en leur transmettant le décret du 26 septembre relatif a cet objet, de lui prêter main-forte 10. Bien avant cette date, les Comités locaux s'étaient préoccupés de ce soin. Dès le 30 juillet, le Comité de Caen rappelait les citoyens de la ville au respect des anciennes lois fiscales, dont plusieurs voulaient se 1 Arch. comm., Caen. Registre des délibérations, BB 93, 16 août 1789. 2 Ibid., Avranches. Registre des délibérations, 17 octobre 1789. 3 Delleville à Bayeux, Belzunce à Caen furent traduits à la barre des Comités nationaux de ces deux villes. Ceux-ci devaient correspondre avec le Comité des rap- ports de l'Assemblée nationale pour toutes les affaires de ce genre, d'après une lettre du secrétaire d'Etat de la guerre d/u 14 août 1789. Ibid., Caen, carton 56. 4 Le duc d'Harcourt, appelé à Paris pour le service du roi, demande un passe- port au Comité de Caen le 20 août 1789. Ibid., Caen, carton 56. — Celui-ci fait impri- mer et afficher Tordre du roi qui rappelle le duc, afin que le peuple connaisse les causes de son départ. Ibid., BB 93. 5 Les tètes sont tellement fermentées qu'on se refuse même au paiement des impôts les plus légitimes, sous prétexte qu'ils sont tous illégalement établis. » Lettre du bureau intermédiaire de Mortain à la Commission intermédiaire provinciale de Caen, 2 septembre 1789. Arch. dép., Calvados, C 8267. 6 Comple-rendu de la Commission intermédiaire provinciale de Caen, p. 14-15. 7 Lettres de Crespin, receveur des finances de l'élection de Vire. 8 En septembre 1789, des paroisses des élections de Saint-Lô et de Bayeux refu- sent de payer la prestation de la corvée aux collecteurs, parce que les rôles ne por- tent pas la signature du roi. Arch. dép., Calvados, C 7743. 9 Lettre de la Commission intermédiaire provinciale de Bouen à celle de Caen, 3 septembre 1789. Ibid,, C 7628. Nous croyons, écrivait-elle, que vous éprouvez des malheurs pareils aux nôtres, et que vous voyez avec regret que de toutes parts la chaîne de l'administration se brise. » 10 Instruction de la Commission intermédiaire aux municipalités, 17 octobre 1789. ibid., C 7775. 358 PROTECTION DE LA PERCEPTION DES IMPOTS INDIRECTS dispenser sous le prétexte des réformes projetées i. Le 31 août, le président du Comité d'Avranches, Brémesnil, exhortait ses concitoyens à acquitter comme par le passé tous les droits et impôts sous quelque dénomination qu'ils soient perçus et jusqu'à nouvel ordre ; le même Comité promettait secours et protection à tous les préposés et enjoignait aux municipalités des villes et campagnes de l'Avranchin de leur prêter main-forte 2. Le 13 sep- tembre, les officiers municipaux de Mortain prenaient de concert la résolution de maintenir et protéger par les mesures les plus fermes la perception des impositions, droits et taxes publics 3>. En dépit de tous ces efforts, les impôts directs rentraient trop lentement et à la fin de 1789, sur les livres que devait la généralité de Caen, le Trésor avait encore à percevoir une somme de livres, c'est-à-dire la moitié *4. Si le peuple ne consentait à acquitter qu'avec peine les impôts directs, il se refusait au paiement des impôts indirects. Ceux-ci étaient impopulaires au dernier point ; la plainte unanime des cahiers les avait condamnés en mars 1789. Pendant les émeutes de juillet dont Caen, Condé, Cherbourg et Vire avaient été le théâ- tre, les bureaux des aides, les greniers à sel avaient été envahis et pillés, les registres brûlés, déchirés ou jetés à l'eau 5. De juillet 1789 à janvier 1790, la perception de ces impôts rencontra des résistances de plus en plus vives. Les Comités locaux tentèrent, le plus souvent en vain, d'y mettre fin. Celui de Caen, dès le début d'août, était obligé d'approuver la suspension des droits de quatrième que l'inspecteur de la régie avait cru devoir cesser de lever sur les traiteurs, cabaretiers, aubergistes dans la crainte d'une insurrection 6>. Le Comité national et municipal de Cher- bourg, en septembre et en novembre, publia des manifestes » pour engager le public à acquitter les droits aux divers bureaux des fermes il gourmanda l'inertie et la lâcheté des préposés aux recouvrements, que la terreur paralysait et rendait trop accom- modants 7. Des troubles avaient éclaté dans la paroisse des 1 Arch. comm, Caen, BR 93, 30 juillet 1789. 2 Ibid., Avranches. Registre des délibérations. — Cf. Arch. nul., C 92, 78. 3 Arch. dép., Calvados, C 2688. 4 Ibid., C 7778. 5 Voir ci-dessus, chap. XII, p. 312, 314 et 316. 6 Arch. comm., Caen, RB 93. 7 Manifeste pour la protection des droits lus aux bureaux des finances, 2 sep- tembre 1789. Ibid., Cherbourg, BB 5. — Manifeste pour assurer la perception de tous droits établis, 6 novembre 1789. Ibid. — Cf. Arch. nat., C 111. MESURES CONTRE LA CONTREBANDE 359 Loges-Marchis, près d'Avranclies, dont les habitants exercèrent des voies de fait contre les employés des fermes. Le Comité d'A- vranclies prit le 1er octobre un arrêté contre les séditieux, plaça les employés sous la sauvegarde des lois, et délégua trois de ses membres pour rétablir l'ordre dans cette paroisse. Deux mois plus tard, deux commis de la brigade de Courtils se virent insultés et menacés de violence nouvelle intervention du Comité, nou- velle enquête * Malgré l'abaissement du prix du sel, la contre- bande se pratiquait sur une grande échelle, sous les yeux des gardes impuissants et découragés, et avec la complicité des populations. Les mesures d'ordre prises par un Comité étaient compromises par l'inertie du Comité voisin. Celui de Cherbourg demandait instamment la création de corvettes armées pour empêcher la fraude qui s'exerçait sur les côtes de la Hague, et d'un tribunal pour juger les coupables. Dans la nuit du 7 décem- bre 1789, neuf contrebandiers avaient été saisis déchargeant du faux sel dans le port de commerce. On les conduisait à Valo- gnes pour y être jugés, quand une émeute populaire les délivra aux portes de cette ville sous les yeux du Comité impassible 2. A Bayeux, le peuple excité contre Fleury, directeur des aides, se rua sur sa maison, l'en arracha et faillit lui faire un mauvais sort. Il eut grand peine à s'échapper de la ville en promettant de n'y rentrer jamais. Les paroisses furent convoquées par le Comité pour aviser au rétablissement des droits d'aides ; leurs assemblées s'opposèrent au retour des commis et demandèrent que les droits, perçus aux portes de la ville par le receveur du tarif, fussent dorénavant versés dans la caisse municipale W. Les droits de coutume que les villes percevaient dans les halles et marchés avaient le même sort que les impôts royaux ; depuis le 4 août, les paysans n'en voulaient plus entendre parler. A la foire Sainte-Catherine, à Vire, en novembre 1789, des marchands de bœufs des environs de Condé refusèrent le terrage » ou droit de coutume pour les bestiaux qu'ils exposaient au marché. Une rixe violente s'engagea entre eux et les préposés à la recette. La maréchaussée intervint, mais fut obligée de déguerpir devant la force numérique des récalcitrants, qui restèrent les maîtres du 1 Arcli. cornm., Avranches. Registre des délibérations, 1er octobre 1789. i Ibid., Cherbourg, BB 11. Registre de correspondance. Cf. Arch. nat., D xxix 81. » Ibid., Baveux, D i13 ,ls. Registre des opérations du comité national, 30 novembre au 3 décembre 1789. — Délibérations des paroisses de Bayeux, 3 décembre 1789. Ibid. non inventorié. 360 PROTECTION DES DROITS FÉODAUX champ de bataille 1. A la foire de Mortain, le 5 décembre, des individus de Romagny et de Chérencé-le-Roussel essayèrent aussi d'entraver la perception des droits de coutume. La garde nationale les saisit et les incarcéra dans la prison du bailliage . Le 24 juillet, les échevins et notables de Caren- tan s'assemblent pour établir sur une nouvelle constitution une milice volontaire, sous le nom de milice nationale ». Cette troupe nouvelle, différente de l'ancienne milice bourgeoise, n'aura que des chefs à son gré que la bourgeoisie est appelée à élire *. A Vire, la milice bourgeoise refuse le 25 juillet, malgré les ordres réitérés de la municipalité, d'assurer le service de la ville. Une émeute populaire, qui éclate le 28 juillet, détermine les bourgeois à envoyer des députés à Caen pour réclamer des armes et des munitions ; ceux-ci reviennent avec des fusils, un baril de poudre et un poste de garde est aussitôt établi 5. A Granville, la milice bourgeoise apparaît aux réjouissances célébrées en l'honneur 1 Arch. connu. . Cherbourg, BB 5. Registre des délibérations. 2 Ihid.. Caen, BB 9* Registre des délibérations. 3 ibid., Baveux, Dl12. Registre des délibérations. 1 Ibid., Carentan. Registre des délibérations, 24 juillet 1789. 5J Ibid., Vire. Registre des délibérations, 24 juillet 1789. — Cf. ins. Séguin, p. H>. VARIÉTÉ DE LEUR ORGANISATION 363 du 14 juillet ; elle s'organise en corps subsistant » le 2 août, pour assurer le service de garde au port, au faubourg et dans la ville, et veiller à la sûreté publique . Registre des délibérations, 7 et 9 août 1789. Ce fut peut- être un moyen d'enrôler dans une organisation bien disciplinée les nombreux étran- gers employés aux travaux du port. Boulabert et Noël, entrepreneurs des travaux du roi, y enrégimentent leurs ouvriers. 6 Ibid., Granville. Registre des délibérations, 23 février 1790. 7 Ce ne fut qu'en juillet 1790 que les volontaires nationaux de Granville firent la remise solennelle de leur drapeau, et repassèrent dans les rangs de la garde nationale. 8 Ibid., Caen, BB 93, Registre des délibérations. Le 26 août 1789. le Comité, pour apaiser les plaintes des paroissiens de Notre-Dame contre cette conscription, leur rappelle qu'elle est une nécessité, que les circonslances l'imposent et qu'elle cessera avec les causes qui l'ont fait naître. ARMEMENT ET ÉQUIPEMENT DES GARDES NATIONALES 365 toutefois des exceptions. A Caen, on exempte de la garde les membres du Comité national et de ses bureaux, ceux des comités particuliers des paroisses ', les officiers des troupes royales, les ecclésiastiques, les indigents 2>. La milice de Carentan n'enrôle que les citoyens actifs domiciliés depuis un an ' ; celle de Cher- bourg exclut les ouvriers du port, qui forment une population flottante W. Les milices nationales furent armées de fusils, de baïonnettes et de piques. Les magasins d'artillerie de Caen, Carentan, Saint - Lô, Cherbourg étaient remplis d'armes que les commissaires des guerres n'avaient point vendues. On avait craint de les voir tomber entre les mains des vagabonds et des braconniers et de contribuer à la renaissance du brigandage qui avait désolé la Normandie avant son désarmement r>l. Sur la demande des Comités locaux, les ducs d'Harcourt et de Beuvron firent expé- dier aux milices urbaines des armes tirées de ces divers dépôts G'. En peu de temps, toute la Normandie, désarmée depuis 1766, se retrouva en armes. Dans les villes comme Caen, Cherbourg, les miliciens eurent des fusils, des baïonnettes et des piques. On répara les vieilles armes qui étaient déposées au château de Caen avant de les donner aux gardes nationaux. Ceux de Cherbourg, trouvant leurs fusils trop lourds, en firent raccourcir les canons de quatre pouces. Les officiers portaient l'épée ; les sergents le mousqueton et le sabre en beaudrier. Dans les campagnes, les gardes nationales s'armaient comme elles le pouvaient ; les fourches se mêlaient aux fusils dans leurs rangs et leur donnaient parfois le caractère de bandes farouches > A la tête des compagnies et de leurs officiers, l'état-major était investi du commandement suprême. Celui de Caen compre- nait un colonel, un colonel en second, un major, deux aides- majors, deux sous-aides-majors et trois porte-drapeau, quatre adjudants, un tambour-major, un chirurgien-major et un aumô- nier. Partout ailleurs, il était à peu près composé de la même façon. Carentan eut un secrétaire de l'état-major ; Péri ers un trésorier quartier-maître. Les officiers d'état-major, au lieu d'être nommés par le roi ou les officiers municipaux, comme l'étaient les officiers supérieurs des anciennes milices bourgeoises, durent leur pouvoir à l'élection. Le corps municipal de Carentan abdiqua son droit de nomination pour soumettre la composition de l'état-major au choix de la bourgeoisie ;î. A Cherbourg, tandis que les officiers des compagnies étaient élus au scrutin par les gardes nationaux de leur quartier, en présence des offi- ciersmunicipaux qui leur délivraient un brevet spécial M, ceux de l'état-major furent élus dans la même forme que les officiers municipaux, par l'assemblée générale des députés des corps et corporations 5. fourches à gerbes > et demande quelques armes à feu pour ceux qui sauront s'en servir le plus habilement. 1 Règlement concernant la milice nationale, titre IV, 1 novembre 17S1*. Arch. comm., Cherbourg, BBf>. 2 Etat constitutionnel de la milice nationale, 7 août 1781. Ibi> 5 Règlement du 4 novembre 1789, titre II. Ibid., BBS. — A Baveux, en tolérant LES GRANDS CHEFS DE CET ÉTAT-MAJOR 367 Partout le choix des électeurs se porta sur des gens en vue, anciens officiers et chevaliers de Saint-Louis, magistrats des juridictions royales, gens de loi. Granville conserva l'ancien colonel de la milice bourgeoise, Destouches ; Condé-sur-Noireau déféra le commandement des quatre compagnies à Bourdon de Pierreville ; Torigni à Le Chartier de la Varinière. Deux anciens capitaines d'infanterie, Bouquet de Granval et Duprey-Désilles celui-ci déjà membre du bureau intermédiaire de département, furent colonel et major de la garde nationale de Carentan. A Périers, le chef de la garde nationale fut un écuyer, Leclerc de Beauvais, chevalier de Saint-Louis, brigadier des gardes du corps du roi ; le major fut un conseiller honoraire au bailliage. Ce fut un noble qui commanda la milice nationale de Mortain, La Chambre de Vauborel. A Vire, les citoyens choisirent pour colonel Drudes de Campagnolles, qui devait être un des chefs de la chouannerie normande. Les électeurs de Caen avaient nommé, par acclamation, pour colonel le comte de Faudoas et pour lieute- nant-colonel le comte d'Osseville, tous deux anciens officiers. Plusieurs villes créèrent des commandements généraux de leur garde nationale en faveur de concitoyens illustres. Le Comité permanent deBayeux, pour déférer au vœu unanime des citoyens, avait proclamé colonel général des volontaires nationaux de cette ville le baron de Wimpfen, maréchal de camp et député aux Etats généraux, en raison de ses hautes qualités morales, de sa grande capacité pour le service militaire, de son affection pour tout ce qui concernait le bonheur et la gloire de la nation, du Roi et de la ville» *. L'assemblée des citoyens de Cherbourg, tout en maintenant comme colonel Frigoult de la Croix, l'ancien chef de la milice bourgeoise, avait décerné à Dumouriez, maré- chal de camp et commandant de la place le titre de commandant général de la milice nationale 2>. Ces titres furent d'ailleurs pure- ment honorifiques Wimpfen était retenu à Paris par son mandat et Dumouriez quitta Cherbourg en novembre 1789. Il en fut de même des grades que les citoyens de Tinchebrai conférèrent à de puissants princes et à leurs agents, pour se concilier leur pro- tection. Le 9 novembre 1789, la milice en armes proclama le duc que les citoyens qui s'étaient volontairement armés choisissent leurs officiers, la municipalité se réserva la libre élection de l'état-major », d'où un conflil ultérieur avec la garde nationale. Voir ci-dessous, p. 369. 1 Areh. ciiimii., Bayeux, Di . Registre des délibérations, 16 août 1789. 2 Ibid., Cherbourg. EE70 et BB 5. 9 août 1789. 368 PRESTATION DE SERMENT DES GARDES NATIONALES d'Orléans généralissime, le comte de Beaujolais, son jeune fils, général, le comte de La Touche, son chancelier et surintendant, premier colonel d'honneur et de Limon, son contrôleur général, colonel d'honneur en second ' . Formées par le seul effet de la bonne volonté des citoyens », les gardes nationales s'étaient 'donné pour mission de veiller au maintien de la constitution, à la perception des impôts et à la sûreté publique et individuelle. Elles furent le bras du nouveau corps politique dont les Comités permanents étaient la tête. Conformément au décret du 10 août, elles avaient prêté, avec les troupes de garnison et la maréchaussée, le serment d'obéissance aux lois, de fidélité à la nation et au roi. Le 23 août, à Vire, la place du Château avait été le rendez-vous des troupes. Le même jour, à Cherbourg, dans la plaine située entre l'arrière-bassin et le Cauchin, avait été dressé un autel de la Patrie. A Caen, la place Royale avait servi de cadre à la cérémonie. Carentan le 6 septem- bre, Avranehes le 11 octobre, Périers le 22 novembre avaient rempli avec le même éclat les mêmes formalités. Partout la prestation de serment avait été solennelle et avait donné lieu à des fêtes civiles et militaires, véritables prémices des fêtes de la Fédération. Le serment était prêté par ces troupes en présence des oificiers municipaux et des Comités locaux c'était comme un hommage lige des défenseurs armés du pays aux autorités civiles. Ce furent en général des rapports de subordination qui unirent les gardes nationales aux Comités ; les chefs des premières étaient presque partout membres des seconds et associés à l'administration muni- cipale. Deux villes cependant furent le théâtre d'assez graves dissentiments entre milices et Comités. A Cherbourg, où le Comité municipal et national voulait exclure de son sein les officiers de la garde nationale, la milice exhala son mécontentement dans un mémoire d'allure révolutionnaire ; elle y revendiqua le droit de prendre part à la gestion des affaires, se déclara le seul corps constitutionnellement établi » dans la ville et proféra des menaces à l'adresse du Comité f. Le règlement du 6 octobre 1789 ne lui 1 Arch. comm., Tinchchrai. Registre des délibérations, 8 et 9 novembre 1789. 2 Mémoire sur la reconstitution du Corps municipal de Cherbourg, imprimé, 10 p., s. 1. n. d. Bibl. comm., Cherbourg. La milice nationale, qui est la nation, ne peut être exclue d'un corps municipal... Elle se confond dans les corporations et c'est le seul motif qui la dispense de demander une représenlation particulière. Mais s'il arrivait, un jour que, par la difficulté d'assembler les corporations, l'aristocratie menaçai de s'établir dans le corps municipal, alors, comme elle veille sans cesse ACTES D'INSUBORDINATION DES GARDES NATIONALES 369 donna satisfaction qu'en partie, en appelant à l'assemblée géné- rale de l'hôtel de ville, dans les circonstances graves, les citoyens de toutes les corporations encadrés dans les compagnies de la garde D. A Bayeux, le conflit fut plus sérieux. Le Comité repro- chait à la milice nationale d'empiéter sur ses pouvoirs 2 ; un bureau militaire, formé sans son assentiment, multipliait ses exigences. Sans convocation, les compagnies s'étaient assem- blées pour nommer un colonel, au mépris des droits que le Comité prétendait avoir à cette désignation. Blessé d'un tel manque d'égards, celui-ci refusa de ratifier l'élection et, par esprit de conciliation, proposa d'appliquer à Bayeux l'acte constitutionnel de la garde nationale de Rouen, approuvé par décret du 21 octo- bre. Le bureau militaire, passant outre à ce refus, installa ses officiers le 15 novembre. Quelques jours après devait avoir lieu, dans la cathédrale, la bénédiction des drapeaux de la garde nationale. Le Comité décida qu'il assisterait à la cérémonie sans vouloir reconnaître, par cette démarche fraternelle, l'Etat-ma- jor » illégalement formé. Le 22 novembre, quand ses membres se présentèrent à la porte principale de l'église, ils la trouvèrent barrée par le corps des volontaires nationaux, qui les avaient précédés. Ils durent entrer par la porte latérale et, arrivés près du chœur, ne trouvèrent pas de chaises pour s'asseoir. Indignés du procédé, ils se retirèrent sans attendre la cérémonie et, de retour à l'hôtel de ville, rédigèrent un procès-verbal de protes- tation, suivi d'une adresse à leurs concitoyens, où ils offraient leur démission 3. L'intervention de Wimpfen et Delauney fut sur l'intérêt public, comme elle est seule légalement constituée et que c'est d'elle que dérivent tous les autres pouvoirs constitués, elle ressaisirait ses droits parce que c'est en elle que réside la sûreté publique, tant administrative qu'executive.» 1 Règlement pour la composition et l 'organisation de la municipalité de Cherbourg* arrêté par les représentants de la commune à l'hôtel de ville, le 6 octobre 1789. Gkt'i'- bourg, imp. Clamorgan, 1789. — Le 25 octobre 1789, un officier des volontaires itS^o- naux de Cherbourg écrivait qu'il faudrait mettre le corps municipal au beurre roux ». Arch. comm., Cherbourg, BB 11. 2 Arch. comm., Bayeux, Diu s. Registre des opérations du Comité général, etc' Avranches, avec Burdelot. 3 Voir ci-dessous, chap, XV, le détail de ces négociations. 374 LES COMITÉS PERMANENTS ET LES MUNICIPALITÉS D'une façon générale l'accord règne entre les municipalités et les Comités urbains. Celui deCaen admet dans son sein les officiers municipaux en exercice, les anciens maire et échevins. A Gran- ville, où le conseil général garde son existence indépendante, le Comité national ne se réunit à lui qu'exceptionnellement pour délibérer sur les mesures de défense et les officiers municipaux y sont députés-nés ». A Carentan, Bayeux, Avranches, la fusion est complète Comités et municipalité ne forment plus qu'un seul corps. Le maire de Bayeux reste le président perpétuel du Comité bayeusain ; celui d' Avranches l'est alternativement avec un membre élu du Comité. Le corps municipal et national » de Cherbourg n'est qu'une municipalité élargie, dans des circons- tances critiques, par l'adjonction des députés des corporations. La règle n'est pas toutefois sans exceptions. Dans certaines villes, on voit apparaître un réel antagonisme entre les deux corps, par exemple à Torigni T et surtout à Vire. Le Comité permanent de Vire, qui a refusé d'admettre les ecclésiastiques et les nobles, frappe du même ostracisme les officiers municipaux. Ses qua- rante-huit membres, qui tiennent leur pouvoir de l'investiture populaire, estiment que la désignation par brevet royal du maire et des échevins est entachée d'un caractère de réprobation » 8>. Ils se considèrent comme les seuls dépositaires de l'autorité, reçoivent seuls le serment de la milice nationale et du détache- ment du régiment d'Angoulême en garnison à Vire et menacent d'annihiler l'action de la municipalité v3. 1 Arch. comm., Torigni, D 36. Registre des arrêtés et délibérations du Comité national. 6 octobre et 1er décembre 1789. Protestation contre la formation de ce Comité par le syndic de la municipalité. — Parlant des troubles qui divisent la municipalité et la commune » de Torigni, les procureurs-syndics du département de Saint-Lô s'expriment ainsi, dans une lettre du 18 août 1789 Ce dernier corps a anéanti la municipalité légalement établie, pour former un comité auquel elle a attribué toutes les fonctions de la municipalité. » Arch. dép., Calvados, C 7715. 2 Lettre de Mauduit, maire de Vire, et des échevins à l'intendant, 9 septembre 1789. Ibid., C 2688. 3 Nos fonctions, écrit Mauduit, ont dû naturellement devenir très circonscrites mais nous avons considéré comme une trahison à la foi du serment que nous avons prêté de les remettre dans un moment d'agitation à S. M. de qui nous les tenons, et nous nous sommes fait un devoir sacré de conserver jusqu'à un nouvel ordre de choses celles qui ne pouvaient se faire que par nous-mêmes sans préjudice de la chose publique. Cette circonstance nous fait cependant naître des doutes et nous vous supplions, Monseigneur, de bien vouloir les mettre sous les yeux du ministre de la province. Ce comité a déjà piétendu devoir être exclusivement présent à la prestation du serment des troupes qui sont ici en garnison, et nous nous sommes bien gardés de vouloir nous y opposer. Nous n'avons pas même voulu y paraître alors, dans la crainte d'exciter quelque trouble ou de faire naître une division LES COMITÉS, LA MAGISTRATURE ET L'ARMEE 375 Les jugés royaux des diverses juridictions ne sont point tenus à l'écart par les Comités permanents, ils siègent à leurs assem- blées avec les avocats, les gens de loi et l'élite de la bourgeoisie. On y voit des lieutenants généraux de bailliage, comme Robillard à Saint-Lô, Lavalley de la Hogue à Carentan ; Brémesnil est président du Comité d'Avranches et Lescaudey de Manneval président de celui de Périers. Delleville, lieutenant général de l'amirauté de Bayeux, prend place le jour même de sa réhabili- tation dans le Comité de cette ville. Celui de Cherbourg s'associe Groult, procureur du roi de l'amirauté. Les circonstances cri- tiques, dans plus d'un chef-lieu de bailliage, amènent les officiers à partager de leur agrément », le droit de juridiction avec les Comités, parfois même à leur en laisser entièrement l'exercice. A Bayeux, par exemple, en présence de la déclaration des volon- taires nationaux, qui ne veulent accorder leur confiance qu'à un corps judiciaire issu de leurs suffrages, et pour déférer aux vœux exprès des officiers du bailliage, le Comité permanent consent à ne se démettre des fonctions de justice qu'après le rétablisse- ment le plus complet de l'ordre *. Presque partout, les Comités entretiennent d'excellents rap- ports avec les officiers commandant les troupes royales ils ont d'ailleurs tout intérêt à rechercher l'appui de ceux qui sont sincèrement dévoués à la Nation. Le meurtre deBelzunce, victime d'une foule en délire, n'est point imputable au Comité de Caen si le régiment de Bourbon est exécré dans cette ville, celui d'Ar- tois y compte les plus chaudes sympathies. Le Comité de Bayeux compte parmi ses membres le chevalier de Praslin et le chevalier de Buffon, colonel et lieutenant-colonel du régiment de Lorraine. De Versamy, chef du détachement du régiment d'Angoulême, en garnison à Carentan, est le premier élu des vingt-huit mem- bres du Comité aux élections du 13 septembre. Dumouriez, maréchal de camp et commandant pour le roi et la nation » à Cherbourg, est un des membres les plus actifs, peut-être même funeste. Cependant, Monseigneur, s'il allait désormais vouloir porter ses prétentions plus loin et sur des objets qui intéresseraient le service ou la gloire de S. M., quel parti devrions-nous prendre ?...» Arch. dép., Calvados, C 2688. Cf. Arch. comra., Vire. Registre des délibérations, 22 août 1789. La municipalité décide de ne pas se présenter le lendemain sur la place du château à la prestation du serment, pour éviter tout conflit. 1 Arch. comm., Bayeux, Di13biS. Registre des opérations du Comité [national, 18, 19 et 21 septembre 1789. — Le 2 septembre, le Comité de Caen, snr la motion du comte de Vendœuvre, prend un arrêté eu cinq articles, relatif à la protection des juges. IbitL, Caen, BB 93. 376 LES COMITÉS ET LE GOUVERNEUR DE NORMANDIE l'instigateur du Comité. Si le Comité de Granville chasse le com- mandant du roi, qu'il juge incapable de défendre la ville, il n'en offre pas moins un siège aux autres chefs de corps des troupes d'infanterie et d'artillerie. A plus forte raison, les Comités permanents n'essaient-ils point de dresser leur autorité contre celle du gouverneur de la province ou du commandant en chef de la Basse-Normandie. C'est le duc d'Harcourt qui a provoqué la création du Comité de Caen ; le 22 juillet, son hôtel a été le berceau de l'institution nouvelle ; le 23, il a reçu avec sensibilité » la cocarde nationale que lui pré- sentaient les délégués du Comité. Pendant les graves désordres qui suivent, on le conjure de demeurer à Caen, de continuer à se dévouer au salut de la ville». Quand le Comité s'est définitivement organisé, il invite le duc à venir le plus souvent possible partager ses travaux. Le 6 août, celui-ci vient y goûter le pain destiné aux indigents. Le 19 août, pour calmer l'effervescence excitée par l'émeute qui a coûté la vie à Belzunce, il vient, par une démarche personnelle, consolider publiquement la confiance qui doit toujours régner entre le gouvernement et le Comité» et pour donner une preuve éclatante de cette harmonie il invite solennellement et de la manière la plus pressante le Comité à envoyer chaque jour six de ses membres pour dîner à sa table » W. Après son départ pour Versailles, où il est rappelé par le service du roi, il correspond avec le Comité de Caen et lui continue ses bons offices 2. Son frère, le duc de Beuvron, vit dans les mêmes termes de sympathie avec le Comité de Cherbourg. Lui aussi arbore la cocarde à son chapeau, le 21 juillet. Le jour où la garde nationale s'organise, il offre à l'hôtel du gouvernement un grand dîner aux membres du corps municipal et national et aux officiers de la milice. Le duc et la duchesse reconduisent ensuite leurs invités jusqu'à l'hôtel de ville, au milieu des acclamations popu- laires 3. Pendant que les Comités permanents déployaient une grande activité, l'administration provinciale créée par l'édit de 1787 1 Arch. comm., Caen, BB93, 19 août 1789. 2 Lettre de rappel au duc d'Harcourt par le comte de Saint-Priest, 17 août 1789, et lettres postérieures du duc d'Harcourt au Comité de Caen, 20 et 31 août 1789. Ibid., carton 56. 3 Ibid., Cherbourg, BB 5. Registre des délibérations, 18 août 1789. Le duc de Beuvron retient à sa table un député du Comité permanent de Saint-Sauveur-le- Vicomte, qui est venu demander des munitions pour la milice nationale de cette ville. Ibid., BB 11, 15 octobre 1789. LES COMITÉS ET L'ADMINISTRATION PROVINCIALE 377 jouait un rôle de plus en plus effacé. Les assemblées de départe- ment avaient été réunies pour la dernière fois en 1788 ; la Com- mission intermédiaire provinciale de Caen et les neuf bureaux intermédiaires qui lui étaient subordonnés se bornaient à soute- nir, dans les parties d'administration qui leur étaient confiées, l'édifice chancelant de la chose publique ». Leurs opérations, assez restreintes, consistaient dans la confection des rôles, l'en- tretien des routes, la distribution des ateliers de charité ; encore furent-elles paralysées sur plus d'un point par la révolution municipale de juillet-août 1789. Les bureaux intermédiaires, obligés d'envoyer les mandements aux municipalités pour le département des impositions, ne savaient comment procéder dans les quelques villes où le Comité permanent n'avait pas lié son action à celle du corps municipal et où la jeune institution d'origine populaire disputait la gestion des intérêts locaux à l'ancienne administration municipale. Ce fut le cas pour Mortain^ et pour Torigni 2. Dans les autres villes de Basse-Normandie, où cet antagonisme n'existait pas, les bureaux intermédiaires vécurent en bons termes avec les Comités permanents, et plus d'un de leurs membres occupa une place prépondérante au sein de ces derniers 3l Quant à l'intendant et aux subdélégués, dont l'influence était agonisante, ils ne pouvaient reprocher aux Comités nationaux de leur avoir porté le coup mortel. Ceux-ci, en recueillant le 1 Mémoire de la ville de Mortain, 2 décembre 1789. Arch. dép., Calvados, C 7707. Placé entre la nouvelle municipalité organisée par la volonté du peuple » et les anciennes municipalités créées en 1787 dans les trois paroisses de cette ville, le bureau intermédiaire, après de longues hésitations, adresse les mandements des impositions aux trois syndics municipaux, d'où protestation du Comité qui envoie à la Commission intermédiaire une copie de son règlement et nomination pour prou- ver la publicité de son institution et de ses fonctions non interrompues, non par- tagées, non disputées par aucuns soi-disant municipaux ». 2 Lettre des procureurs-syndics de Saint-Lô aux procureurs-syndics provinciaux, relative à Torigni, 18 août 1789. Ibid., C 7715. La commune de Torigni a anéanti la municipalité légalement établie pour former son comité auquel elle a attribué toutes les fonctions de la municipalité. Il résulte de ces troubles que nous croyons ne devoir communiquer officiellement avec aucun de ces corps jusques après votre décision, que nous vous demandons très promptement, d'autant plus que le bien du service l'exige ». La Commission intermédiaire provinciale répondit le 19 décembre 1789, quand la question fut réglée par le décret de l'Assemblée uationale sur les municipalités. 3 Par exemple, Faudoas, Cagny et Costy à Caen ; Le Bret, Dozeville à Bayeux ; Hervieu de Pont-Louis, Lemaignen, Duprey-Désilles, Le Reculey de la Huberderie à Carentan ; Groult, de Cherbourg, à Valognes ; Fremin de Beaumont à Coutances ; Brémesnil à Avranches. 378 LES COMITÉS PERMANENTS ET L'INTENDANT pouvoir de leurs mains défaillantes, n'avaient fait qu'hériter d'une succession déjà ouverte. Parti de Caen au mois de juillet, Cordier de Launay entretint de la Cour, où il se tenait à portée de Necker l, puis de Paris une correspondance courtoise avec le Comité de cette ville. Conscient de son impuissance absolue, affaibli par la maladie ,2, il laissa libre carrière à l'activité des Comités locaux, négligea de pourvoir au remplacement des subdélégués démissionnaires W et rejeta la responsabilité de son inertie sur l'anarchie W. Une remarque intéressante à signaler, en guise de conclusion, c'est le parti pris d'ignorance systématique du pouvoir central à l'égard des Comités permanents. La déclaration royale du 14 août 1789, sur la répression des troubles publics, est adressée aux municipalités seules. Il en est de même de la loi martiale, et cependant les Comités fonctionnent et sont en pleine activité. C'est aux municipalités seules qu'est accordé le droit de réqui- sition sur les milices nationales, en vue de ramener tous les ci- toyens à l'obéissance due aux autorités légitimes 5. Dans la pensée du roi, étaient-ils légitimes ces groupements spontanément 1 Lettre de Cordier de Launay à MM. du Comité national, 2 aoiU 1789. Arch. comm., Caen, carton 5P. M. Necker m'a ordonné de rester à portée de lui et d'at- tendre les ordres que les circonstances le mettraient dans le cas de m'adresser ». 2 Les douleurs que me cause une incommodité que depuis trois mois je n'ai pu guérir... » Ibid. 3 Garantot, à Cherbourg, a laissé la charge de la subdélégation à son secrétaire Cabart ; celui-ci, déjà secrétaire du Comité permanent, se déclare accablé de tra- vail. L'intendant prie son secrétaire, Lamy-Desvallées, d'adresser dorénavant la correspondance administrative aux officiers municipaux de Cherbourg ; les commis- saires des guerres feront le surplus de la besogne. Lettre de Garantot à Lamy, 30 octobre 1789. Arch. dép., Calvados, C 2679. — A Granville, dès le 10 août 1789, après la démission de Couraye-Duparc, c'est le corps municipal qui se charge de dépouiller le courrier de la subdélégation. Arch. comm. Granville. Registre des délibérations, 10 août 1789. 4 Lettre de l'intendant à Montaran, octobre 1789. Arch. dép., Calvados, C2644. Vous savez, lui écrit-il, quel est actuellement le caractère des commissaires dépar- tis et combien leur influence a diminué. La formation des comités et les arrêtés qu'ils publient sont souvent en contradiction avec les décrets de l'Assemblée natio- nale. En vain les personnes qui avaient autrefois quelque autorité font-elles des efforts pour maintenir le respect dû à la loi. L'impulsion actuellement reçue s'op- pose à son exécution, et il sera long et difficile de rétablir l'ordre. » 5 Un décret du 15 oclobre 1789, qui fixait les attributions provisoires des Comités civils et de police établis dans les villes, et qui semblait donner à ces organisations spontanées un caractère officiel, se heurta au refus de sanction du roi. Il ne fut sanctionné que le 20 août 179'J, cinq mois après la disparition des Comités nationaux, à un moment où il n'avait plus guère sa raison d'être, les bureaux administratifs de poliee des villes étant des commissions formées d'officiers municipaux régulièrement élus. Coll. Rondonneau, t. L p. 37. LES COMITÉS PERMANENTS ET LE KOI 379 surgis en dehors de toute loi et de toute intervention gouverne- mentale, issus, au milieu des malheurs publics, de l'élection populaire et qui avaient imposé leur collaboration et leur appui aux représentants de son pouvoir affaibli ? C'est le 3 décembre 1789 qu'apparaît pour la première fois la reconnaissance officielle des Comités permanents, dans les lettres patentes accordant aux corps, bureaux et Comités qui ont été établis par les com- munes ou municipalités, pour administrer seuls ou conjointe- ment avec les officiers municipaux, le droit de continuer à exercer les fonctions dont ils sont en possession » *. Reconnaissance tardive et concession temporaire, car l'Assem- blée nationale allait décider leur suppression, en votant la loi municipale du 14 décembre 1789, 1 Lettres-patentes du 3 décembre 1789 sur décret du 2 décembre. Arch. dép., Calvados, C 10t9. Un décret postérieur, du 3 février 1790, invitait encore les Comi- tés librement élus par les communes à se joindre aux officiers municipaux dans les lieux où ils remplissaient les fonctions municipales conjointement avec les anciennes municipalités » art. 4 ; mais l'article 5 du même décret interdisait la continuation des fonctioas municipales à ces mêmes Comités après la formation des munici- palités. 380 ESPOIRS FONDÉS SUR RASSEMBLÉE NATIONALE CHAPITRE XIV l'organisation municipale des villes et des campagnes décembre 1789 -février 1790 Adresses des villes de Basse-Normandie demandant une Constitution à l'Assemblée nationale. — Décret du 14 décembre 1789 sur l'organisa- tion municipale du royaume. La révolution municipale de juillet 1789 endiguée suffrage censitaire et citoyens passifs. — Les élections dans les campagnes et dans les villes. Condition sociale des nou- veaux administrateurs municipaux ; élection de nombreux curés. Installation des municipalités et réjouissances locales. Adresses des municipalités nouvelles à l'Assemblée nationale. Au milieu de l'anarchie que n'avaient pu enrayer les pouvoirs révolutionnaires élevés sur les débris de l'ancien régime, l'Assem- blée nationale apparaissait à tous les citoyens comme le seul régulateur capable d'en corriger les excès ; dans la nuit profonde où sommeillaient les lois, elle demeurait le phare vers lequel se tournaient toutes les espérances. C'est d'elle qu'on attendait le remède et le salut. Chaque jour lui apportait la rumeur inquiète des cités avides de repos, impatientes d'une Constitution qui viendrait fonder l'ordre dans la liberté. Deux adresses, parties de la Basse-Normandie traduisent fidèlement, entre beaucoup d'autres, les désirs de ses habitants. Les députés de l'ancienne assemblée municipale de Torigni, évincés par le Comité de juil- let 1789, écrivaient à l'Assemblée nationale Très affligés du désordre qui règne dans le royaume et particulièrement dans notre ville et ses environs, où le tribunal ordinaire de la justice est devenu sans fonctions, où les deniers de l'Etat ne se per- çoivent presque plus, où le vertige, la force, l'injustice prennent la place de l'ordre, très vivement alarmés des malheurs qui peuvent résulter de ce désordre, nous avons, Messeigneurs, recours à vos hautes puissances pour apporter secours et remède à ces maux. La Constitution du royaume, l'organisation, le régime, les fonctions et pouvoirs des assemblées municipales sont des REQUÊTES DES VILLES A L'ASSEMBLEE NATIONALE 381 objets dont vous vous occupez sans relâche, nous le savons, Messeigneurs ; mais le mal est si grand et l'anarchie fait de tels progrès que, si une loi consolatrice ne rétablit pas bientôt l'ordre public, les sollicitudes paternelles du roi, les résultats de vos augustes fonctions auront peine à se faire respecter de la classe la plus pauvre de la société qui a pris et prend à chaque instant un ascendant si funeste que les meilleurs citoyens voient leurs propriétés et leurs vies même en danger » *. Si cette plainte était unique, on pourrait y voir l'amère boutade de gens maltraités par les circonstances et que leur brusque déchéance incline au pessimisme ; mais elle se fait entendre de toutes parts; elle est l'indice certain d'un malaise général. On la retrouve dans l'adresse que le Comité permanent de Caen rédigea le 31 août 1789, dans la plénitude de ses fonctions, entouré des membres de tous les ordres et des électeurs de la ville aux fins d'avoir les avis sans distinction » 2. Il y montrait tous les liens de la société rompus, les lois et leurs ministres sans force », les tribunaux déserts et les juges exposés à la vindicte populaire, la liberté défiant tout frein et toute règle, la mendicité croissant et avec elle l'esprit de brigandage ; il déplorait la décadence de l'industrie, la cessation des travaux publics, les difficultés de perception de l'impôt et l'accroissement du déficit. Il invitait l'Assemblée nationale à s'occuper sans interruption de la Consti- tution du royaume et particulièrement de l'organisation, du régime, des fonctions et pouvoirs des assemblées municipales et Etats provinciaux». C'est, ajoutait-il, la sanction seule de l'As- semblée nationale et du roi qui peut imprimer à ces différents corps le respect, la permanence et l'autorité nécessaire pour rétablir l'ordre». L'Assemblée nationale, de son côté, sentait l'urgence de cette réforme. Par la voix de Gaultier de Biauzat, elle avait proclamé, le 14 octobre 1789, la nécessité d'organiser au plus tôt le régime municipal pour assurer la perception de l'impôt et l'obéissance à la loi 3. Le 12 novembre, elle décida qu'il y aurait une munici- 1 Très humble adresse de la municipalité de la ville et bailliage de Toriyni en la généralité de Caen, à nos seigneurs les députés de la nation aux Etats généraux à Ver- sailles, 9 septembre 1789. Arch. nat., D ivbls 5. 2 Arch. comm., Caen, BB 93, 31 août 1789. — Envoyée aux députés du bailliage de Caen, cette adresse fut lue à l'Assemblée le 24 septembre. Arcb. nat., C92. Le Comité la fit imprimer et envoyer aux différentes villes de la province et aux Comités des principales villes du royaume. 3 Procès verbal des séances de l'Assemblée nationale, 14 octobre 1789. Arch. nat., 382 LE DÉCHET DU 14 DÉCEMBRE 1789 palité dans chaque ville, bourg, paroisse et communauté de campagne v>. Le 24 novembre, elle votait la suppression éven- tuelle des municipalités existantes 2. Enfin un décret du 14 dé- cembre, en 62 articles, accompagné d'une instruction détaillée, régla le mode électoral, la composition et les fonctions des muni- cipalités nouvelles 3. Tous les habitants de la généralité de Caen, Français ou natu- ralisés, majeurs de 25 ans, domiciliés de fait depuis un an dans la commune, qui payaient une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail, qui n'étaient ni domestiques, ni banqueroutiers, faillis ou débiteurs insolvables, formaient la classe des citoyens actifs et devaient concourir, dans les assem- blées primaires, à l'élection des administrateurs municipaux. Pour être éligible, il fallait payer une contribution directe de la valeur locale de dix journées de travail. Le corps municipal se composait des officiers municipaux en nombre variable, de trois à vingt et un, présidés par le maire élu directement comme eux, chargés des détails de l'administration, et d'un procureur de la commune sans voix délibérative, sorte d'avocat d'office de la communauté ; dans les villes importantes, comme Caen et Cher- bourg, ce procureur était assisté d'un substitut. Des notables, élus en nombre double des officiers municipaux, venaient s'ad- joindre au corps municipal pour former le Conseil général de la commune. Celui-ci avait seul autorité pour délibérer sur les acquisitions ou aliénations d'immeubles, sur les impositions extraordinaires pour dépenses locales, sur les emprunts, les travaux à entreprendre, les procès à intenter, etc . . . et ne se réunissait que fort rarement. Le corps municipal comprenait un Conseil, siégeant une fois par mois et un bureau permanent. Ses fonctions étaient doubles les unes propres au pouvoir muni- cipal, comme la régie des biens et revenus communaux, le règle- ment et l'acquit des dépenses locales payées des deniers communs, la direction des travaux publics mis à la charge de la communauté, l'administration des établissements publics entretenus aux frais ADxvih B11, n° 100. Volncy dès le 14 août, Bouche et Bureaux de Pu/y le 28 août, ftahaud-Saint-Etienne le -21 septembre, avaient déjà soulevé la question, mais la discussion suivie sur la formation des municipalités ne commença ; que 10 livres au lieu de 30 livres, pour l'éligibilité. Ce fléchissement du cens ouvrait l'accès des futures assemblées primaires à de nombreux citoyens que l'insuffisance de leurs ressources avait exclus des assemblées paroissiales de 1787. En effet, le chiffre des électeurs ruraux mentionnés aux procès-verbaux de formation des municipalités de 1787 est sensiblement inférieur à celui des citoyens actifs qui fut établi pour chaque commune en avril 1790, sur la demande des commissaires du roi 2. Mais ce dernier chiffre, à son tour, est notablement inférieur à l'ensemble des citoyens. Beaucoup de contribuables taxés à des cotes très modestes, que le Règlement du 24 janvier 1789 avait rangés parmi les électeurs des assemblées primaires de février-mars 1789, se virent retirer le droit de vote par la législation nouvelle. Au lendemain d'un suffrage presque universel, celle-ci organisait un suffrage restreint. De tous ces journaliers de9 campagnes, fileurs de coton ou manouvriers, pauvres masuriers », pêcheurs et matelots des paroisses mari- times, infimes artisans des villes, dont l'imposition s'échelonnait presque partout de 5 à 20 sols, elle forma une classe assez nom- breuse de prolétaires sans action légale sur la vie publique 3. i La journée de travail fut parfois évaluée à 18 sols, comme à Carentan et même à 15 s., comme à Mortain, ce qui abaissait le cens électoral à 54 et 45 s. d'impositions. 2 J'ai fait ce travail de comparaison pour l'élection de Caen. Voici quelques détails significatifs le premier chiffre indique le nombre des feux, le second le nombre d'électeurs présents à l'assemblée de 1787, le troisième le nombre de citoyens actifs en 1790. Amayé-sur-Orne 106, 16, 57 ; — Cagny 62, 9, 33 ; — Cambes, 60, 10, 41 ; - Carpiquet 180, 16, 96 ; — Cheux 220, 19, 121 ; — Cinq-Autels 19, 3, 12 ; — Collevillc 124, 15, 75 ; — Colombelles 52, 14, 31 ; — Courseulles 240, 14, 122 ; - Cuverville 32, 6, 25 ; — Emiéville 40, 12, 29; — Escoville 56, 12, 33 ; — Esquay 61, 9, 31 ; — Eterville 69, 10, 59 ; — Fontaine-Henry 89, 9, 47 ; — Frénouville 70, 12, 51 ; — Grainville-sur-Odon 95, 19, 44 ; — Lion 160, 23, 117 ; — Luc 280. 24, 227 ; — Mouen 70, 16, 48 ; — Ouistreham 150, 12, 102 ; — Ranville 120, 24, 77 ; etc. Arch. dép., Calvados, C 7680 à 7685 et série Lm non inventoriée. Même en admettant des abstentions aux assemblées de 1787, l'écart reste considérable. 3 Quelques exemples tirés de l'élection de Caen. A Beuville 110 cotes, 26 ci- toyens actifs, 47 journaliers taxés de 10 à 15 sols pour exploitation ; à Biéville 106 cotes, 52 citoyens actifs, une trentaine de journaliers à 5, 10 et 15 sols ; à Bures 73 cotes, 32 citoyens actifs, 19 journaliers sans propriété, dont 15 taxés à 10 sols et 4 portés à néant » ; à Cagny 63 cotes, 33 citoyens actifs, 20 contribuables au-des- sous de 15 sols ; à Canteloup 38 cotes, 28 journaliers sont taxés au-dessous d'une livre ; à Bcrnières, paroisse maritime 254 cotes, 138 citoyens actifs, 99 taxés au-des- sous de 3 livres charpentiers de marine, poissonniers, matelots, écaleurs, etc.. Etats d'impositions de ces diverses paroisses en 1788, Arch. dép., Calvados, C 7837, 7838, 7840, 7854, 7856, 7861 sqq., et Ibid., série Lm non inventoriée. Liste des citoyens actifs et êligibles, dressée par ces municipalités en 1790. LES ÉLECTIONS MUNICIPALES DANS LES CAMPAGNES 385 En rejetant hors de la cité, sous le titre humiliant de citoyens passifs » tous ces individus pour qui la Déclaration des droits restait une suprême ironie, elle enraya la marche de la Révo- lution. Considérée à ce point de vue, la loi d'organisation muni- cipale de 1789 a pu être prise pour une loi de réaction bourgeoise, et M. Aulard a pu écrire qu'elle avait été votée contre le peu- ple » i. Le 6 janvier 1790, des lettres patentes sanctionnant le décret du 29 décembre 1789 prescrivirent la convocation sous huit jours des assemblées électorales pour la composition des municipa- lités 2. Dans la généralité de Caen, ces élections eurent lieu fin janvier et pendant le mois de février 1790. Une consultation aussi vaste ne pouvait être à l'abri de surprises et d'incidents ; elle fut toutefois exempte de violences et de désordres graves. Une des causes les plus fréquentes d'erreurs fut l'ignorance des paysans. A Monts, vingt-six des votants ne savaient ni lire ni écrire et ne purent rédiger leur billet séance tenante les opéra- tions furent ajournées du 7 février au 14 et ce jour là, les électeurs apportèrent leurs bulletins de vote remplis à l'avance 3. A Ver- nix, l'élection se fit à haute voix dans l'église paroissiale, parce que la grande majorité des électeurs ne savait pas écrire 4. L'inexpérience des électeurs dans une matière assez neuve pour eux vicia plus d'une opération ; les formalités légales ne furent pointfpartout respectées ici, des parents à un degré prohibé étaient élus, l'un maire et l'autre officier municipal 5>, là, un citoyen actif, mais non éligible, fut nommé procureur de la com- mune ° ; ailleurs, comme à Giéville et à Mesnil-Raoult, l'assem- blée électorale n'avait pas élu son président, les électeurs n'a- vaient pas prêté le serment obligatoire, les officiers municipaux 1 Aulard, Histoire de la Révolution française, p. 59. — Jaurès, Histoire socialiste, t. I, p. 396-398, explique L'attitude de la Constituante à l'égard des prolétaires par les rois raisons suivantes 1° elle redoutait que le prolétariat anarchique ébranlât la propriété ; 2° elle redoutait que le prolétariat servile compromît la Révolution ; 3° elle refusait d'associer la partie ignorante du peuple à la Révolution, préparée par le progrès des lumières. 2 Arch. dép., Calvados, C 1019. 3 Arch. comm., Monts, RR 1. Registre des délibérations, 7 et 14 février 1790. 4 Ibid., Vernix. Registre des délibérations, 8 février 1790. — Chouains est si pauvre en gens lettrés, écrit le curé de cette paroisse, qu'elle ne peut môme trouver un gref- fier qui sache écrire passablemcut. » Lettre du 6 mars 1790. Arch. dép., C 7631. 5 Arch. comm., Cretteville. Registre des délibérations, 24 janvier et 14 février 1790. 6 Ibid., Hudimesnil. Registre des délibérations, 1er et 2 février 1790. 25 386 IRRÉGULARITÉS DES OPERATIONS ÉLECTORALES n'avaient pas été élus au scrutin ou n'avaient pas obtenu la majo- rité absolue W. Ces divers cas se produisirent à Bures 2, Che- vry,\\ y eut des protestations contre la formation du bureau le président et les scrutateurs déplaisaient à une fraction notable de ces deux assemblées. A Ducey, le président de l'assemblée électorale, le futur conventionnel Sauvé, se crut obligé de protester contre les attaques d'adversaires qui le représentaient comme un fauteur de troubles publics11. A Verson, la cabale et l'intrigue introdui- sirent dans la municipalité nouvelle plusieurs membres de l'an- cienne, accoutumés depuis longtemps à tyranniser les paroissiens en foulant aux pieds le règlement, et en ne travaillant que dans les ténèbres » 12. A Arromanches, on voit une femme se mêler aux opérations du scrutin, et rédiger des bulletins même pour ceux qui savent lire ». Des matelots qui ne paient pas d'impôt ont formé la municipalité, écrit avec indignation le syndic municipal, et ont mis à la tête de celle-ci un fermier non domicilié 13. Ailleurs, la fraude se pratique avec un audacieux cynisme à Couvers, par exemple, où un seul électeur donne dix fois son suffrage pour 1 Arch. dôp., Manche, C 629. Registre des délibérations du bureau intermédiaire de Saint-Lô, arrclé du 27 février 1790. Cf. une lettre des procureurs-syndics provin- ciaux aux procureurs-syndics du département de Saint-LO, 24 février 1790. Arch. dép., Calvados, Ç 7625. 2 Lettre des procureurs-syndics provinciaux aux procureurs-syndics du départe- ment de Moriain, 23 janvier 1790. Ibid., C 7625. 3 Lettre des procureurs-syndics provinciaux aux procureurs-syndics du départe- ment de Saint-Lô, 18 février 1790. Ibid., C 7625. 4 Lettre des procureurs-syndics provinciaux aux procureurs-syndics du départe- ment de Saint-Lô, 16 mais 1700. Ibid., C 7625 et 7702 Voir les plaintes des ofliciers municipaux nommés dans l'assemblée électorale du 2 février, contre Brohon, lieute- nant général du bailliage, qui a été élu maire dans une assemblée scissionnairc du 11 lévrier. Arch. Bat., D iv 11. 5 Arch. comm., Amfreville. Registre des délibérations. in Arch. dép., Calvados, G 7672. 7 Ibid., 17672. s, Aich. nal., I iv 41. 9 Arch. comm.. Bricqueville. Regislrc des délibérations. 3 et 4 février 1790. 10 Ibid.. Montchaton. Registre des délibérations, 11 février 1790. 11 Ibid., Ducey. Registre des délibérations, 17 janvier 1790. 12 Arch. dép., Calvados, série Lin non inventoriée. 13 Ibid., C 7881. ET CABALKS 387 l'élection du maire il. Il y eut quelque tumulte à Tourlaville '2 et à la Haye-Pesnel, où les citoyens actifs, en dépit des règlements, s'obstinèrent à déclarer inéligibles le curé, le vicaire et les rece- veurs des impositions 3. A Bricqueville, au contraire, le curé de la seconde portion fut élevé à la mairie par une fraude scanda- leuse, au dire des plus notables et des plus imposés de la com- mune ». Il s'était fait remarquer en mars 1789, à l'assemblée du clergé tenue à Coutances, par son antipatriotisme », par son refus de se solidariser avec la minorité libérale des curés qui de- mandaient la cessation des privilèges pécuniaires de leur ordre. Il fut élu cependant, grâce à la cabale affreuse d'un corps de sauniers qui n'ont pour toute fortune que le commerce de sel et qui sont le nombre dans toutes les assemblées ». Pour donner plus de poids à leur requête, les plaignants décrivent les menus incidents des opérations électorales et montrent le curé fumant sa pipe dans le cimetière au milieu des sauniers et allant boire en leur compagnie dans un cabaret voisin ». Ils allèguent surtout, comme argument décisif, que le curé a eu un tiers de voix de plus qu'il n'y a de votants {AK Tous ces cas d'irrégularité dans la for- mation des municipalités furent soumis, en l'absence d'instruc- tions précises, au jugement de la Commission intermédiaire provinciale de Caen, qui, après avis des bureaux intermédiaires intéressés, validait l'élection ou prescrivait la tenue d'assem- blées électorales nouvelles 5. Ces fonctions d'arbitre devaient passer, en avril 1790, aux commissaires désignés par le roi pour la formation des assemblées administratives des départements et des districts °. Ceux-ci n'eurent que très rarement l'occasion de les exercer, car dès le mois de mars presque toutes les municipa- lités étaient constituées dans le ressort de la généralité de Caen7. 1 Arch. dép., Calvados, C 7631. 2 Arch. comm., Tourlaville. Registre des délibérations, du 10 au 13 février 1790. Cf. Arch. nat., D iv 11. 3 Arch. comm., La Haye-Pcsnel. Registre des délibérations, 21 janvier 1790. 11 en fut de même à Condé-sur-Seulles, d'après une lettre du curé au procureur-syndic du déparlement de Bayeux. Arch. dép., Calvados, C 7631. 1 Lettre des habitants les plus notables et les plus imposés de Bricqueville à l'Assemblée nationale, 19 février 1790. Arch. nat., D vi 21. ' Lettre de la Commission intermédiaire provinciale de Caen au bureau intermé diaire de Caen, i mars 1790. Arch. dép., Calvados, C 7672. 6 Lettre du contrôleur général à la Commission intermédiaire provinciale de Caen. 13 avril 1790. Ibid., C 7733. 7 Lettre des procureurs-syndics provinciaux aux procureurs-syndics du départe- ment de Saint-Lù, 4 mars 1790. Ibid., C 7625. 388 LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES DANS LES VILLES '^ Les élections municipales des villes, dont la police était assurée par les gardes nationales, furent aussi peu troublées que celles des campagnes ; mais les opérations électorales, plus compliquées, exigèrent une plus longue durée. D'après le décret du 14 décem- bre, il devait y avoir dans les villes une seule assemblée jusqu'à 4,000 habitants, deux de 4,000 à 8,000, trois de 8,000 à 12,000 et ainsi de suite. Caen se partagea en dix sections le Bon-Sauveur, Saint-Louis, les Carmes, le Saint-Sépulcre, l'Horloge, les Corde- liers, la Place Royale, l'Université, l'Académie et Saint-Benoît *. La constitution des dix bureaux de vote et les scrutins pour la nomination d'un maire, un procureur et un substitut, quatorze officiers municipaux et vingt-huit notables ne prirent pas moins de douze jours. Nommés successivement, du 1er au 12 février, les membres de la municipalité nouvelle ne furent installés que le 18 février 2. Bayeux forma trois arrondissements électoraux, ceux des Cordeliers, des Augustins et des Capucins. Le premier scrutin eut lieu le dimanche 27 janvier, l'installation de la muni- cipalité le 3 février 3>. A Vire, où la population dépassait 8,000 habitants, il y eut trois assemblées à l'hôpital général, aux Cordeliers et à l'église Saint-Thomas ; plusieurs scrutins de ballottage prolongèrent leur durée du 2 au 9 février 4. A Condé- sur-Noireau, qui comptait près de 3,800 âmes, tous les habitants qui acquittaient une contribution directe de 54 sols, soit 18 sols par journée de travail, furent invités à se réunir le vendredi 5 février à l'église Saint-Sauveur pour procéder à l'élection de la municipalité nouvelle 5. Carentan, ville peuplée de 3,200 habi- tants, n'eut qu'une seule assemblée, réunie le 24 janvier à l'église Notre-Dame, sous la présidence du premier échevin les citoyens actifs, qui payaient 3 livres d'impositions directes y élurent un maire, huit officiers municipaux et dix-huit notables 6. A Cher- bourg, forte de plus de 11,000 habitants, le Comité municipal et national fixa au mardi 9 février les assemblées qui devaient se tenir dans les trois sections de la Juridiction, de la rue Grande- Vallée et de la Poudrerie neuve. La valeur de la contribution 1 Arch. comm.. Caen, BB 97, f° 14-16. Registre du Comité général municipal et permanent. Coupe de la commune en 10 sections. 2 Ibid., BB 96. Délibérations du l" au 12 février 1790, et Dl, Délibération du 18 février 1790. 3 Ibid., Bayeux, Di12. Registre des délibérations, 27 janvier et 3 février 1790. 4 Ibid., Vire. Registre des délibérations, 2-9 février 1790. 5 Ibid., Condé, BB1. Registre des délibérations, 20 janvier 1790. Ibid,, Carentan. Registre des délibérations, 24 janvier 1790. LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES DANS LES VILLES 389 directe avait été fixée à 3 livres pour les citoyens actifs et à 10 li- vres pour les éligibles. L'élection du maire, du procureur de la commune et de son substitut, de douze officiers municipaux et de vingt-quatre notables demanda onze jours, du 9 au 20 fé- vrier . Les électeurs Granvillais procé- dèrent le 1er février et les quatre jours suivants au choix d'un maire, d'un procureur, de huit officiers municipaux et de seize notables. Un seul incident vint troubler leurs opérations l'offi- cier du génie qui commandait à la caserne refusa les clefs de la salle du scrutin et l'intervention de la garde nationale fut néces- saire pour vaincre sa résistance 3. Avranches comptait plus de 4,000 habitants ; le Comité permanent, après avoir fixé à 20 sols la valeur de la journée de travail, avait décidé que les élections auraient lieu le 20 janvier dans les deux sections de Notre-Dame- des-Champs et de Saint-Gervais. Mais une lettre du député du bailliage, Burdelot, lui ayant annoncé que de nouvelles instruc- tions allaient paraître sur la formation des municipalités, il se ravisa pour ne point s'exposer à faire des opérations illégales » et en ajourna la date au 3 février. Du 3 au 11 février, furent nommés le maire et le procureur, huit officiers et seize notables W. Mortain, avait deux paroisses, Saint-Guillaume et le Rocher, et comptait une population de 2,554 habitants. La journée de tra- vail n'y fut évaluée qu'à 15 sols. L'assemblée électorale, qui se tint dans l'auditoire du bailliage, sous la présidence du lieutenant général Vaufleury de Saint-Cyr et qui dura trois jours, nomma un maire, un procureur, cinq officiers municipaux et douze notables 5. Pour élire les dix-huit membres du Conseil général et le procureur de la commune, les citoyens actifs de Tinchebrai se réunirent du 17 au 21 février 1790 6. 1 Arch. comm., Cherbourg, BB 5. Registre des délibérations, 9-20 février 1790. 2 Il en fut de même à Tailleville, hameau de Langrune qui, ayant une collecte propre, s'érigea en municipalité sous l'influence du prieur Bruzeau Arch. dép., CaJ- vados, série Lm non inventoriée, et à Isigny, dont les deux communautés, urbaine et rurale, perpétuellement en conflit, formèrent deux municipalités particulières Arch. nat., D ivbis 10, 231. — Un phénomène inverse se produisit pour les communautés d'Ifs et de son hameau Bras, qui se fondirent en une seule municipalité. Arch. dép., Calvados, C 7672. 3 Arch. comm., Granville. Registre des délibérations, 1-5 février 1790. 4 Ibid., Avranches. Registre des délibérations n° 2, 3-11 février 1790. 5 Ibid., Mortain. Registre des délibérations, 27-29 janvier 1790. 6 Ibid., Tinchebrai. Registre des délibérations, 17-21 février 1790. tX COMPARUTION DES KLECTKURS URBAINS En limitant au chiffre de 650 le maximum des électeurs que devait contenir chaque assemblée primaire, le décret du 14 dé- cembre avait voulu prévenir les désordres et la confusion insépa- rables des réunions trop nombreuses. Ce danger n'était pas à redouter en Basse-Normandie, où l'indifférence écarta plus d'un citoyen actif des salles du scrutin. Les dix sections de Caen ne réunirent jamais, à elles toutes, plus de 1,142 suffrages. Les trois sections de Bayeux comptèrent au plus 145, 132 et 110 votants, au total 387. Les électeurs de Granville, au nombre de 198, se partagèrent entre deux bureaux de vote ; les deux assemblées primaires d'Avranches ne recueillirent respectivement que 142 et 133 voix. 117 votants à Mortain, 56 à Carentan ne pouvaient former des groupes fort tumultueux. Une étude méthodique de la comparution individuelle aux assemblées primaires de février 1790 fournirait sans doute la preuve que d'assez nombreuses abstentions durent s'y produire. Ceux-là même qui avaient fait acte de présence le premier jour se lassèrent de voir traîner les opérations électorales, ou attribuèrent moins d'importance à la nomination des notables qu'à celle du maire et des officiers muni- cipaux et, dans certaines villes, les assemblées primaires allèrent se décimant chaque jour jusqu'à tomber à un chiffre insignifiant V. Le maire de Mortain avait obtenu 73 suffrages sur 117 le dernier des notables fut élu par vingt voix ! Le choix des électeurs, dans les villes, se porta sur des person- nages déjà fort en vue, que leur situation sociale, leurs bienfaits, leur popularité dès longtemps acquise désignaient à la plupart des suffrages. Les municipalités urbaines ne continrent pas beaucoup d'hommes nouveaux. A Vire, où l'éducation révolu- tionnaire semble avoir été plus avancée qu'ailleurs 2, par 246 voix sur 397, le chef du parti des novateurs, Richard Castel, fut élu maire au second tour de scrutin. A Bayeux, au contraire, 233 voix sur 387 votants confièrent l'administration de la ville à l'évêque, de Cheylus, malgré son attitude assez nettement antirévolu- tionnaire. Les autres villes choisirent, d'une façon générale, leurs 1 Le Comité de Caen avait dû reculer de; deux jours l'ouverture du scrutin, par suite de l'abstention presque complète des citoyens actifs. Arch. comm., Caen, BB97, f°21. — Le nombre des votants, qui était de 1,142 le 3 février, était déjà tombé à 1,000 le lendemain, lbhl, BB . Un des plus curieux témoignages de sympathie et d'admira- tion que l'Assemblée nationale ait alors reçus est celui d'une petite paroisse voisine de Cherbourg, celle de Gréville. Les paysans de ce village perdu à l'extrémité du Cotentin, au seuil des vastes et mélancoliques landes de la Hague, traduisirent leur enthou- siasme dans une langue agreste, d'une savoureuse naïveté. Appuyés sur nos bêches, nous avons juré, par nos charrues, de faire tous nos efforts corporels et intellectuels pour fertiliser nos champs et rendre nos moissons abondantes W, . . Voilà pour vous, s'écrient-ils, aristocrates à baïonnettes, . . . pour vous qui proj etez des pactes de famine ». Leur reconnaissance prend un tour original. Ils rêvent d'associer à leurs travaux rustiques, pour le rendre plus durable, le souvenir des grands hommes à qui ils 1 Voici la liste des adresses des villes et bourgs de la généralité de Caen ayant notifié à l'Assemblée nationale la formation de leurs municipalités Granville, 8 fé- vrier 1790; paroisses de l'élection de Mortain, 17 février ; Creully, 19 février ; Cher- bourg, 21 février ; Tourlaville, 21 février ; Saint-Lo, 15 février ; Caen, 28 février ; Montebourg, 22 février ; Gréville-Hague, 1er mars ; Isigny, 2 mars. — Arch. nat., C 104, 105, 108, 109 et 110. 2 Arch. comra, Cherbourg, BB 5, fol. 211-243. 3 Ibid., Granville. Registre de correspondance 1, 8 février 1790. Ce même jour, la municipalité envoie six lettres pour notifier sa formation, au comte de Saint- Priest, ministre de la province, à Couraye-Duparc, son député extraordinaire à Paris, à l'intendant de Caen, à Perrée-Duharnel, son député aux Etats généraux, à Necker et à l'Assemblée nationale. 4 Arch. nat., C 108. 5 Arch. comm., Caen. Registre de correspondance 1. Lettre de la municipalité de Caen à Cussy, 28 février 1790. 6 Adresse des citoyens de la commune de Gréville à la Hague, Basse-Normandie, à l'Assemblée nationale, lor mars 179'L Arch. nat., C 110, 211. 396 UNE ADRESSE RUSTIQUE A L-ASSEMBLÉE NATIONALE doivent cette Révolution qui leur a donné la liberté *. Leurs enfants apprennent à graver, sur les outils ruraux, bêches, râteaux, houlettes, à tracer le long des chemins les noms des présidents de l'Assemblée nationale ; celui du Roi sera gravé sur les charrues » 2. L'organisation municipale des communes de la généralité de Caen était à peine achevée, lorsqu'au début d'avril 1790, celle-ci vit commencer les opérations qui devaient aboutir à son démem- brement et à sa disparition. Dans la pensée de l'Assemblée natio- nale, la loi qui régularisait les institutions municipales était la préface d'une réforme générale, qui devait modifier profondé- ment la carte administrative du royaume. En condamnant les intendants et leurs suppôts, la Constituante voulut effacer jus- qu'au souvenir des circonscriptions que ceux-ci avaient régies ; elle abolit les divisions administratives existantes arrondisse- ment, élection ou département, intendance ou généralité ; elle les remplaça par d'autres divisions, plus nombreuses et mieux équilibrées cantons, districts et départements. La réalisation de cette réforme, qui demanda de longs mois, devait comprendre deux phases successives la phase législative qui, de novem- bre 1789 à mars 1790, fut consacrée à la délimitation et à la division des départements ; la phase executive, pendant laquelle s'élabora, d'avril à juillet 1790, sous la haute direc- tion de commissaires royaux, l'organisation du régime adminis- tratif nouveau. 1 Cette conquête leur paraît la plus précieuse de toutes. Ils jurent de vivre et mourir en hommes libres et d'étendre cette liberté jusqu'aux limites sacrées que prescrit la loi ». Cette adresse, d'un caractère nettement révolutionnaire, se termine par une formule que l'usage répandra La liberté ou la mort ! » 2 Au premier rang des nombreuses signatures qui terminent cette adresse, j'ai relevé le nom de N. Millet. C'est, ù n'en pas douter, l'aïeul du grand peintre de l'Angélus » et des Glaneuses ». François Millet, enfant de Gréville, ne devait-il pas, dans son œuvre pacifique, immortaliser les descendants de ces robustes et cou- rageux travailleurs, qui demandaient à leur bêche et à leur charrue la régénération du payi•>. LE PLAN DU COMITÉ DE CONSTITUTION £99 L'Assemblée nationale consacra près de cinq mois à cette œuvre. Ce ne fut qu'à partir de septembre 1789 qu'elle s'y employa avec méthode et esprit de suite W, Le 29 septembre, le Comité de constitution, par la voix de son rapporteur Thouret, lui présenta un projet de division qui partageait le royaume en quatre vingts départements de 324 lieues carrées chacun, 720 dis- tricts de trente-six lieues carrées et 5,780 cantons de quatre lieues carrées 2. Cette conception trop rigoureusement géomé- trique trouva un adversaire résolu dans Mirabeau. Rebelle à ce qu'il croyait une innovation téméraire, Mirabeau demandait qu'on composât avec les préjugés, que la division fût fondée sur des rapports déjà connus, qu'on ne tranchât point, en présence d'une opinion publique non préparée pour un tel démembrement, tous les liens qui resserraient depuis si longtemps les mœurs, les habitudes et les coutumes. Le projet qu'il déposa maintenait les provinces à la base du partage et taillait dans leur ressort cent vingt départements 3. Thouret sut faire à Mirabeau d'habiles concessions, tout en défendant le principe d'une division pure- ment géographique. La nouvelle division, dit-il, dont le Comité n'a jamais entendu que l'exécution serait rigoureusement géo- métrique, peut se faire presque partout en observant les conve- nances locales et surtout en respectant les limites des provinces. Aucune province n'est détruite ni véritablement démembrée, elle ne cesse pas d'être province, et la province du même nom qu'auparavant pour avoir des districts nouveaux ». Et Thouret, avocat de Rouen, pouvait citer l'exemple de la Normandie, qui, démembrée depuis deux siècles en trois intendances, avait con- servé si vivace la conscience de son individualité provinciale W. 1 La déclaration des Droits de l'homme et les grandes lignes de la Constitution avaient occupé les séances d'août et de septembre ; malgré l'intervention successive de plusieurs députés, Volney le 18 août, Bouche et Bureaux de Puzy le 28 août, Camus le 19 septembre, Babaud Saint-Etienne le 20, la réforme administrative avait dû être ajournée. 2 Arch. nat., AD xvin B10. Procès-verbal des séances de l'Assemblée nationale, n° 87. Séance du 29 septembre 1789. - Arch. dép., Orne, L 76. Bapport du nouveau Comité de constitution fait à l'Assemblée nationale le 29 septembre 1789, sur l'éta- blissement des bases de la représentation proportionnelle. Paris, Beaudoin, 1789, 24 p. 3 Procès-verbal des séances de l'Assemblée nationale, n° 115, séance du 3 novem- bre 1789. Arch. nat., AD xvin B11 . — Plan de division du royaume et rèylement pour son organisation, présenté par M. le comte de Mirabeau à l'Assemblée nationale. Arch. nat., ADi 60. 1 Discours de M. Thouret, membre du Comité de Constitution, ail à l'Assemblée nationale sur la nouvelle division territoriale du royaume, 3 novembre 1789. Paris, Beaii'loin, 1789, 20 p. Ibid.. ADi On. 400 LE DÉCRET DU 1. NOVEMBRE 1789 Le 19 novembre 1789, l'Assemblée décréta la division du royaume en départements dont le nombre pouvait varier entre 75 et 85, et chargea son Comité de constitution d'en établir le plan. Un Comité de division, sous-commission nommée par ce dernier, se mit aussitôt à l'œuvre. Une conception erronée semble avoir présidé à ses travaux, celle du respect dû aux droits des anciennes provinces. Ses membres crurent devoir adopter, comme base de la formation des nouvelles circonscriptions administra- tives, un ressort fictif, qui ne correspondait à rien de précis dans la réalité la province t%\ Leur procédé de travail consista à créer, pour les besoins du moment, des divisions au territoire assez nettement déterminé, capables de se prêter à un partage, et de faciliter ainsi le mode de constitution des départements 2. Par suite de cet artifice, deux opérations successives étaient nécessaires la délimitation des provinces entre elles, puis la division intérieure de chacune d'elle en départements. Les dépu- tés des provinces limitrophes devaient se concerter pour la pre- mière opération et ceux de chaque province particulière, pour la seconde. La Normandie fut donc délimitée avant d'être divisée. Les députés normands tinrent, avec ceux des pays voisins, une série de conférences ; ils eurent d'assez nombreuses difficultés à vaincre. Cette province, — pour employer l'expression imprécise dont ils se servaient, — n'avait ni une surface rigoureusement déterminée, ni des contours nettement arrêtés. Sans doute, les quatre-vingt-douze lieues de côte qui la bordaient au nord et à 1 L'opinion, si fortement ancrée dans l'esprit public, que la France était, avant 17slt, divisée en provinces ayant des limites exactes et précises, et que les départe- ments se sont comme encastrés dans ces anciennes provinces, a été battue en brèche par M. Brette. Elle est sortie, d'après lui, de l'ignorance où le roi, l'adminis- I ni lion et la plupart des Constituants se trouvaient du nombre, de l'étendue et des limites des divers ressorts du royaume. Les Constituants ont commis une erreur en parlant du respect dû aux anciennes limites des prétendues provinces. En réalité, la province n'avait pas d'existence réelle dans la France de 1789 la preuve en esl fournie par le Rapport du Comité de Constitution, du 29 septembre 1789, qui s'ex- prime ainsi Le royaume est divisé en autant de division- différentes qu'il y a de diverses espèces de régimes et de pouvoirs en diocèses sous le rapport ecclésias- tique; en gouvernements sous le rapport militaire en généralités sous le rapport administratif, et en bailliages sous le rapport judiciaire. » 11 n'y est pas l'ait mention de la province. A. Brette, La Réforme des déparlements Revue politique et parlemen- taire, 1909, t. LXII, p. 258-281. 2 On se préoccupa surtout dans cette œuvre hâtive, tout en faisant des conces- sions à l'opinion qui voulait conserver les anciennes provinces, de découper des cir- conscription- d'étendue à peu près comparable, destinées à servir de cadres à toute l'organisation administrative. » Gallois, Régions naturelles et Xoms de pai/s, p. 11. DÉLIMITATION DE LA NORMANDIE ET DES PAYS VOISINS 401 l'ouest lui formaient une frontière naturelle ; mais les limites de terre, qui, de l'embouchure du Couesnon à celle de la Bresle, la séparaient de la Bretagne, du Maine, du Perche, de l'Ile-de- France et de la Picardie, étaient conventionnelles et indécises. S'il y avait, en 1789, un gouvernement de Normandie, des dio- cèses, des généralités et des bailliages normands *, ces divisions militaires, ecclésiastiques, administratives et judiciaires, ne présentaient, vu leur diversité d'origine, aucune coïncidence entre leurs territoires respectifs. Il eut été impossible d'assigner un cadre déterminé au gouvernement militaire, dont le titulaire ne possédait qu'une fonction honorifique sans autorité réelle 2. Les ressorts des bailliages, essentiellement variables selon les circonstances, ne se prêtaient pas davantage à une exacte délimi- tation !3'K La province ecclésiastique de Rouen, avec ses sept diocèses, débordait sur l'Ile-de-France et confinait à l'Oise W. Des trois généralités normandes, deux empiétaient sur des pays qui n'étaient pas normands celle d'Alençon, sur le Thimerais et le Perche 5, celle de Rouen, sur le Vexin français 6. Un principe guida les députés dans leurs travaux ; ils déci- dèrent de conserver, autant que possible, sous la même adminis- tration les pays qui avaient pris la longue habitude de payer ensemble leurs impôts, de voter en commun la confection de leurs routes. Des procès-verbaux de démarcation, signés par les divers commissaires, tracèrent une nouvelle ligne de partage entre la Normandie d'une part, la Picardie, l'Ile-de-France, le Maine et la Bretagne d'autre part 7\ La superficie de la province, lj Sur ces circonscriptions diverses, voir A. Brette, Documents relatifs à la Convo- cation, etc., t. I. p. 39 les gouvernements ; p. 460-461 les généralités ; p. 510-511 les diocèses. — Cf. Brette, Les Limites et les Divisions territoriales de la France en 1789. A la fin de cet ouvrage, l'auteur a dressé des caries sommaires, non pour indiquer les bornes exactes de ces divisions territoriales, mais pour montrer les rapports que celles-ci avaient entre elles et leur ensemble à une date précise. 2 A. Brette, Les Limites et les Divisions, etc., p. 103. 3 Ibid., p. 117. Dans son Atlas des bailliages, l'auteur délimite ceux-ci en tant que circonscriptions électorales, à la date de 1789. 4 Diocèses de Bouen, Bayeux, Avrancbes, Evreux, Sées, Lisieux et Coutances. 5 Elections de Verneuil subdélégations de Verneuil et de Chàteauneuf-en-Thime- rais\ et de Mortagne subdélégations de Mortagne, Bellème et Nogent-le-Botrou. 6 Elections de Magny et de Chaumont-en-Vexin. 7 Procès-verbaux de démarcation, faits au Comité de Constitution et conservés aux Archives nationales limites entre le département de Beauvoisis et celui de Normandie », arrêtées le 1er février 1790 par les ducs de Liancourt et de Verdonne, commissaires du Beauvoisis ; le marquis de Mortemart, Cherfils et Bourdon, com- missaires du département de Normandie ». Arch. nat., D ivbisl, Cettedélimita- 26 4Q'l . LE PARTAGE DU VEXIN ET DU PEKCI1E telle qu'on la reconstitua provisoirement en vue de son démem- brement immédiat était inférieure au ressort des trois générâ- mes administratives réunies. La Normandie des intendants perdait, au profit de l'Ile-de-France, la partie du Vexin située sur la rive gauche de l'Epte fl, qui formait dans l'ancienne géné- ralité de Rouen les élections de Chaumont et Magny. Vers le sud-est, le Thimerais et le Perche, autrefois englobés dans la généralité d'Alençon, furent dépecés une ligne conventionnelle, traversant les élections de Verneuil et de Mortagne, rejoignit l'Avre à l'Huisne, laissant à la Normandie Mortagne et Bellême, lui enlevant Châteauneuf et Nogent-le-Rotrou ; en restreignant la province, elle arrondissait ses contours, lui arrachait ses bizarres protubérances 2. De l'Huisne au Couesnon, les anciennes limites qui séparaient les généralités d'Alençon et de Caen de celles de Tours et de Rennes furent respectées 3. La seule ques- tion souleva quelques difficultés à propos des communes de Bothois, Frettencourt et Lannoy-Cuillère, qui, malgré leur situation sur la rive gauche de la Bresle, en pays normand, furent rattachées au Beauvaisis ; celle de Boisgeloup, au contraire, située sur la rive gauche de l'Epte, dans le Vexin français, fut attrihuée définitivement à la Normandie. Baumont, La formation du déparlement de l'Oise, Bulletin de la Société d'Etudes historiques et scientifiques de l'Oise, t. Ier, 1905, p. 59-62. — Limites entre les départements d'Evreux et de Chartres, arrêtées le 2 janvier 1790, par Bouvet, corn missaire de Chàteauneuf-en-Thimerais, Buzot, d'Evreux, et Phélines, de Chartres Arch. nat, D iv 1, 1. 23. — Limites du Perche entre les départements d'Alençon et du Mans, fixées le 25 janvier 1790 par Belzais de Courmesnil, commissaire de la pro- vince de Normandie; Livré, du département du Mans Bailleul. du département d'Alençon pour le Perche. Ibid., D ivlm 2, 1. 45. — Mention des procès-verbaux de bornement signés le 2 janvier entre les départements d'Evreux et d'Alençon et, d'autre part, de Chartres. Ibid., D iv 2, 1. 25. — Mention de la démarcation faite par les députés de la généralité de Tours, entre cette généralité et la Normandie 1 Sauf la commune de Boisgeloup, aujourd'hui réunie à Gisors Eure. 2 Le territoire de Céton fut disputé entre la Normandie et le Maine. Le procès- verbal général de la province de Normandie arrête qu'il resterait au Perche du département d'Alençon », ce qui explique la protubérance actuelle. Arch. nat., Divbis2, 3j Du côté de la province du Maine, le district d'Alençon comprend tout le ter- ritoire normand sans exception, sans que, sous prétexte d'extension ou autrement, la province du Maine puisse prétendre au-delà des limites ordinaires du territoire qui eu a dépendu jusqu'à ce jour. » Ibid.; D ivbls 2, 1. 45. — Le département du Coten- tin a pour Limites au midi les anciennes frontières des provinces de Bretagne et du Maine, qui demeurent les mêmes ». Procès-verbal de démarcation et de division du département du Cotentin, 26 février 1790. Arch. nat., NN*12. — Pour établir la limite sud-ouest précise entre la Bretagne et la Normandie, consulter en outre les cartes de formation des départements de Cotentin et d'Ille-et-Vilaine en 1790 {Ibid., N99 et 112. Le département du Cotentin y a pour limite le Couesnon, qui coulait fort à l'ouest de son lit actuel rectifié, et qui côtoyait, jusqu'au village des Quatre-Sali- nes, le pied de la digue" des marais de Dol, baignant aussi le bourg de Bos-sur- Couesnon, aujourd'hui très distant de cette rivière. DIVISION DE LA iNOliMAMMK. PREMIER PROJET 403 tion difficile fut celle des paroisses mixtes disputées entre la Normandie et le Maine et qui, réunies sous le même clocher, formaient des collectes et des municipalités distinctes. En raison de la différence trop prononcée qui existait entre les coutumes des deux provinces, les commissaires arrêtèrent de respecter l'irrégularité actuelle de la démarcation et d'attendre, avant toute rectification prématurée, que le temps eût fait son œuvre et affaibli l'esprit de ces coutumes » *. Ce fut, on le voit, avec la plus grande prudence que les Constituants opérèrent la délimi- tation des provinces ils eurent au plus haut point la notion des convenances locales, le sens du pratique ; ils apportèrent les précautions les plus minutieuses à ne point troubler les habi- tudes acquises, ils mirent tout leur soin à ménager le passé pour ne point compromettre l'avenir. La même prudence présida à la division intérieure de la Nor- mandie en départements. Ce fut vers la fin de novembre que les députés des bailliages normands commencèrent à se concerter sur cet objet. Combien y aurait-il de divisions et de sous-divi- sions et quelles villes en seraient les chefs-lieux? » telles furent les premières questions à résoudre. Le 29 septembre 1789, lors- que fut déposé à la tribune de l'Assemblée le projet de division émanant du Comité de Constitution, un membre demanda la distribution à tous les députés d'une carte destinée à éclairer ce projet W. La carte dressée à cette époque est introuvable aux Archives nationales ; elle existe dans une collection privée, dont le possesseur m'est inconnu. Par un heureux hasard, j'ai pu en obtenir une reproduction, qui comprend la portion du territoire français correspondant à la Normandie 3. Cette province y apparaît avec les limites présumées de son gouvernement, Vexin français et Perche exclus ; elle est divisée en quatre départe- ments répartis de telle sorte que tous quatre ont vue sur la mer. 1 Procès-verbal de démarcation et de division du département de Laval, dressé au Comité de Constitution de l'Assemblée constituante, en présence des députés de Ce département, avec les départements limitrophes, 27 février 1710. Arch. dép. Orne, série N non inventoriée. 2 Procès-verbal des séances de l'Assemblée nationale, n° 87, 29 septembre 178'J. Arch. nat., ADxvm F. Le Point du Jour, n° 94, cite le nom de ce député de Ricûier, député de la noblesse de Saintes. 3 Le croquis ci-joint m'a été donné autrefois par feu l'abbé Lebel, professeur de géographie à l'Institut catholique de Paris, sous ce titre Extrait de la Carte de France divisée suivant le plan proposé à l'Assemblée nationale par le Comité de Constitution, le 29 septembre 1789. » Il avait eu à sa disposition cette carte qu'i avait entièrement copiée ; il ne m'a jamais révélé le nom de son possesseur. 404 LA NORMANDIE DIVISEE EN CINQ DEPARTEMENTS Les lignes d'eau y jouent un grand rôle. Le département oriental a pour limites la mer, la Seine, l'Andelle, l'Epte supérieure et la Bresle. Le département voisin est borné par la mer, la Seine et l'Andelle au nord ; à l'est par l'Epte inférieure et une ligne parallèle à l'Eure, menée du confluent de l'Epte à celui de l'Avre ; au sud par l'Avre ; à l'ouest par la Dives * c'est le département de l'Eure actuel un peu élargi. Pour former les deux derniers départements, une ligne à peu près horizontale partageait le reste de la Normandie, quittant la Dives au confluent de l'Ante, passant au sud de Falaise et de Condé, au nord de Vire et se confondant avec le cours inférieur de la Sienne jusqu'à son embouchure 2. Cette première division de la Normandie, qui n'exista qu'à l'état de projet, offre un intérêt purement historique. Dans le courant de novembre, un autre projet sembla prendre consis- tance. Il est vraisemblable, écrivait le 23 novembre un député du bailliage d'Evreux aux officiers municipaux de Bernay, qu'il y aura six départements » 3. Les intérêts particuliers de certaines villes semblaient exiger ce nombre 4 ; l'intérêt général l'emporta. Le 12 décembre, les députés de Normandie se réu- nirent à Paris au couvent des Capucins, sous la présidence du duc de Coigny. Après examen de divers projets, soumis par le comte de la Chapelle, Thomas Lindet et Lecouteulx de Canteleu, l'Assemblée se décida par trente-sept voix contre dix-sept à adopter le plan de ce dernier, qui divisait la Normandie en cinq départements 5. Les cinq jours qui suivirent furent employés 1 Il semblerait, d'après le tracé du croquis, que la Dives n'a pas été, jusqu'à son embouchure, une limite interdépartementale ; quelques communes du canton actuel de Dozulé Saint-Samson, Bassenevillc, Brueourt et Dives, auraient appartenu au département occidental bien que situées sur la rive orientale de la Dives. 2 La Normandie des trois généralités comprenait, au dire de Necker, 1635 lieues carrées. En retranchant les 240 lieues carrées que représentent le Vexin français, le Thimerais et le Perche, on obtient le chiffre de 1395 lieues carrées, c'est-à-dire la surface de quatre départements rigoureusement égaux, de 324 lieues carrées chacun. Ce calcul est un argument de plus en faveur de la véracité de ce document. 3 Thomas Lindet, Correspondance, p. 19. — Le 28 novembre, Lindet écrivait aux mêmes On n'est pas d'accord sur la division en cinq ou six ; l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt particulier... S'il n'y a que cinq départements en Norman- die, on gagnera les frais d'administration d'un département et de ses districts, les frais d'une cour de justice, les frais d'un évêché et d'un chapitre. » Ibid., p. 23. 4 Lisieux notamment, qui fit de pressantes démarches dans ce but. Ibid., p. 23. b D'après une lettre de Thomas Lindet aux officiers municipaux de Bernay, la division en cinq départements était déjà décidée le 4 décembre 1789. Ibid., p. 27. — La présente division générale de la Normandie et partie du Perche en départe- ments a été adoptée et arrêtée par l'assemblée générale de la province, après la Limite des départements Echelle Vz PROJET DE DIVISION DE LA NORMANDIE en 4 Départements 29 Septembre 178p. MODE DE DÉLIMITATION DES DEPARTEMENTS 405 au tracé de ce plan ; les députés mirent à ce travail, plus de chaleur qu'au partage d'une succession » 0. Le 17 décembre, ils se rendirent au Comité de constitution pour l'examiner en détail. Par cinquante-neuf voix contre trois, ils l'adoptèrent en y faisant de légères retouches. On trouva trop rapprochée de Saint-Lô la ligne qui séparait les départements de Caen et de Cotentin et il fut résolu, avec l'assentiment des députés de Caen, qu'on la ramènerait à la Drôme. On proposa aussi de soustraire au département d'Alençon plusieurs communes voisines de Mortain qui par erreur y étaient comprises. Cette division de la Normandie n'eut rien d'arbitraire. On se préoccupa de satisfaire à la fois aux conditions imposées par la nature, par les intérêts locaux et par les exigences du plan général de division. La nature semblait avoir désigné les limites des départements de Rouen et de Cotentin on n'avait qu'à suivre ses indications. Celui de Caen était si heureusement placé qu'on lui assigna facilement ses bornes occidentale et orientale. Ces trois départements furent tranchés par des sections de longitude, du nord au midi, parce que les rivières coulant dans cette direction formaient entre eux des lignes naturelles de séparation. Le reste de la Normandie devant former deux départements, il ne s'agissait plus, écrit Lindet, que de prendre le compas ». On s'efforça d'ailleurs de conserver le plus possible les anciennes habitudes, les relations de commerce; on eut égard à la direction des routes». En divisant les départements de Caen et d'Alençon dans le sens de la latitude, on chercha à respecter l'étendue de surface » déterminée par l'Assemblée nationale dans son plan général de division du royaume. Il n'était pas possible, écrivaient les députés extraor- dinaires envoyés par Caen à l'Assemblée, de tracer une coupe intérieure qui satisfît mieux tous les intérêts et conciliât plus heureusement les considérations politiques avec les sections indiquées par la nature » 2. Le démembrement de la province morcelait les trois généra- discussion et l'examen des différents plans de division en un moindre, ou un plus grand, ou un égal nombre de départements qui lui ont été présentés. Procès-verbal de la division de la province de Normandie. Arch. nat, D ivbis 1, 1. 23. 1 Chacun, ajoute Lindet, a présenté ses plans. J'ai lavé une carte et tâché d'accor- der à chacun ses objets de prédilection. » Lettre du 17 décembre 1789. Thomas Lin- det, Correspondance, p. 31. 2 Observations sur la division territoriale de la Normandie et sur le département de Caen en particulier, par les députés extraordinaires de la commune de Caen, 5 décembre 1789. 106 LIMITES DES OÉP AHTKMENTs f>E CAEN, COTENTIN, ALENOON liU's normandes. Des cinq départements nouveaux, les deux extrêmes, ceux de Rouen et de Cotentin, étaient entièrement taillés dans le ressort d'une seule généralité. Deux autres emprun- taient leur territoire à deux généralités le département d'Evreux généralités de Rouen et d'Alençon et celui d'Alençon généra- lités d'Alençon et de Caen. Quant au département de Caen, situé au point de soudure des frontières intérieures des trois généralités, il n'avait pu se constituer qu'aux dépens de toutes trois. La généralité de Caen, en cessant d'exister» donna ainsi nais- sance à trois départements celui de Cotentin en totalité ; ceux de Caen et d'Alençon en partie, Son territoire fut partagé en trois zones inégales par les lignes frontières des circonscriptions nouvelles. Une ligne sinueuse, traversant les élections de Mortain, de Vire, de Saint-Lô et de Bayeux, sans respecter leurs limites, fut tracée du sud au nord, de la frontière du Maine à la baie des Veys. Depuis Heussé jusqu'à Gathemo, elle séparait les départe- ments de Cotentin et d'Alençon, laissant Mortain, Sourdeval et toute la forêt de Landepourrie au premier l\ Tinchebrai au second; de Gathemo à la mer, elle s'infléchissait en formant deux courbes irrégulières dont la concavité se tournait successivement vers Vire et vers Saint-Lô, comme pour arrondir leurs districts. Le fossé de la Vire, primitivement choisi comme limite, avait été abandonné sur un assez long parcours, pour la Drôme et pour F Elle !'2' ; Tessy, Torigni, Cerisy -l'Abbaye étaient au Cotentin, Saint-Sever, Pontfarcy, le bois l'Evêque, la forêt de Cerisy, celle de Neuilly au département de Caen. Du confluent de l'Elle aux Veys, la Vire redevenait barrière, fermant à l'est les marais de Carentan 3 . Ce travail s'opéra sans difficultés apparentes et sans incident notable. Une lutte assez vive s'engagea au contraire à propos de la délimitation des départements de Caen et d'Alençon 4l. La ligne de séparation adoptée par leurs députés longeait au sud Vassy 1 Prooès-rerb»! de délimitation des départements du Cotentin et d'Alençon Arch.. lnvl,ls 1, 1. 23, -2-2 décembre 1789, signé par Le Sacher de la Pallière, Le Bigot de Beauregard et Belzais-Courmesnil. 2 Procès-verbal de rassemblée de la province de Normandie, 17 décembre 1789. Ibid. 3 Procès-verbal de délimitation des départements de Caen el de Cotentin. 7 fan- vin- 1790. Ibid. I Procès-verbal dé délimitation des départements de Caen et d'Alençon, 22 dé- cembre 1789 [signé par le comte de Ypssv el Bélzais Courmesnil Ibid. LA MÊLÉE DES CONVOITISES RIVALES 407 et Condé-sur-Noireau, pour aboutir à l'Orne au pont d'Ouilly. Le procès-verbal particulier du 22 décembre 1789 indiquait formellement in fine que les deux Regards Saint-Martin et Saint-Pierre, faisant partie du bourg de Condé, appartiendraient au département de Caen. » On oublia de transcrire cette mention à la fin du procès-verbal général de division de la Normandie, arrêté le 7 janvier 1790 *. Saint-Pierre étant situé sur la rive droite du Noireau, le département d'Alençon en disputa la pos- session à son voisin. La querelle fut assez longue et ne fut tran- chée que le 3 février 1791, par un arrêté du Comité de constitu- tion attribuant Saint-Pierre au département de l'Orne 2. Au delà de l'Orne, la frontière quittait le territoire de la généralité de Caen et, de chaque côté de l'ancienne limite administrative à jamais effacée, de Pont-d'Ouilly à l'embouchure de la Dives, les paroisses autrefois séparées étaient réunies dans un ressort commun. Pendant que se poursuivait à Paris le travail de division inté- rieure de la province, la Normandie ne restait pas indifférente à ses futures destinées. Les projets de l'Assemblée nationale y furent à peine ébruités, que la mêlée des intérêts rivaux co- mença. Il n'y eut ville, ni bourg si peu important qui ne rêvât d'être chef-lieu de département, tout au moins de district. Une pluie de requêtes tomba sur le bureau du Comité de constitution, une nuée d'ambassadeurs locaux vint assaillir ses membres. Si quelques villes de Basse-Normandie, confiantes dans la sollicitude de leurs députés à l'Assemblée nationale, se contentèrent de correspondre très régulièrement avec eux sur le grand objet qui déchaînait alors toutes les convoitises 3, la plupart cherchèrent 1 Arch. nat., Divbisl, 1. 23. 2 Mémoire des propriétaires forains de Sainl-Pierre-du-Regard au département du Calvados au Comité de Constitution, 16 janvier 1791. Ibid., D ivhis 12, 1. 249. Sur cette question, voir Paul Le Brethon, La Formation du département du Calvados, p. 5. Paris, 1894, in-8\ 3 Bayeux entretient avec le baron de Wimpfen et Delauncy une correspondance presque quotidienne. Arch. comm., Bayeux, Registre de correspondance. — Mortain a laissé à Le Sacher de la Palliôre le soin de ses intérêts {Ibid., Mortain. Registre des délibérations, séance du 22 décembre 1789. — Saint-Lù est défendu par Vieillard Arch. nat., Divhls 10, 1. 231. — Périers fait appuyer ses prétentions par Pouret-Roquerie Ibid., D ivbis 10, 1. 230. — Le 18 septembre 1789, les officiers muni- cipaux de Caen écrivent à Lamy, député du bailliage Nous ne comptons point envoyer de députés aux Etats généraux. Nous nous reposons avec confiance sur vos lumières pour prendre en considération tout ce qui peut concerner l'intérêt de cette partie de la province, qui vous a si justement donné sa confiance. Aih comm., Caen, carton 56. 408 DÉPUTATIONS EXTRAORDINAIRES A L'ASSEMBLÉE NATIONALE d'autres appuis et ne reculèrent pas devant les frais de députa- tions extraordinaires pour augmenter leurs chances de succès. Caen délégua deux de ses bourgeois les plus en vue, Signard d'Ouffières et Bougon-Longrais, membres influents du Comité permanent, pour obtenir un chef -lieu de département et une cour souveraine U. Coutances envoya trois députés extraordinaires pour disputer à Saint-Lô le chef-lieu du Cotentin ~\ Avranches députa Brémesnil, maire et lieutenant général du bailliage, et Guérin pour s'assurer la possession d'un district a. Granville chargea d'une mission semblable son maire et ancien subdé- légué Couraye-Duparc W. Cherbourg fit appuyer les mêmes pré- tentions par Chantereyne, avocat au Parlement, qui résidait à Paris et lui adjoignit plus tard son maire, le chevalier de Gassé, et un échevin, Vastel 5. Désireuse d'empêcher le triomphe des projets de Cherbourg, inquiétants pour elle, Valognes envoya comme avocats le chevalier de Mesnildot et de Rozy 6l. Carentan, menacée par Périers et par la Haye-du-Puits, confia sa défense à Caillemer et Le Maignen et sollicita plus tard les bons offices d'un compatriote, Yver de la Bruchollerie, avocat à la Cour des aides 7. Torigni donna mission à deux membres de son Comité permanent, Plouin du Breuil et Lechartier de la Varignière 8, de solliciter un district avec un tribunal. Vire chargea un instant de ses intérêts le comte de Pontécoulant W. Des villes qui n'a- 1 Il s'agissait aussi de dissiper les préventions amassées contre cette ville à la suite de l'assassinat de Belzunce, de réfuter les dénonciations portées à la tribune ou insérées dans des libelles contre l'anarchie caennaise. La mission de Signard d'Ouffières et de Bougon-Longrais réussit pleinement. 2 Allusion faite à cette députation par le mémoire de Vieillard, député de Saint- Lô, du 19 décembre 1789. Arch. nat., D ivbis 10, 1. 231. 3 Arch. Avranches, Registre des délibérations, séance du 19 décembre 1789. Brémesnil et Guérin rendent compte de leur mission à Paris et assurent, leurs concitoyens de la possession d'un district. 4 Ibid., Granville. Registre des délibérations n° 2. Délibération du Conseil géné- ral et Comité national de Granville, 30 décembre 1789. 5 Lettre du Comité municipal à Chantereyne, 13 novembre 1789 {Ibid. Cherbourg. BB11 et délibération du 2 janvier 1790. Ibid., BB5 6 Mémoire présenté à MM. du Comité de constitution }> apportèrent à leurs revendications beau- coup d'ardeur et de ténacité. Lindet déplore, comme une faute grave, l'accueil que leur réserva le Comité de constitution. Leur long séjour à Paris 4J, leurs démarches réitérées, les intrigues qu'ils nouèrent firent, à l'en croire, perdre du temps aux députés et retardèrent la division du royaume. S'il y eut parmi ces solli- citeurs beaucoup de mécontents pour avoir mangé leur argent et n'avoir rien obtenu » 5, tous ne furent point éconduits et plus d'un put rentrer la tête haute dans sa ville, aux acclamations de ses concitoyens 6. L'assemblée générale des députés de Normandie avait, dès le 17 décembre, divisé la province en cinq départements ; cinq assemblées particulières, respectivement composées des députés 1 Arch. comm., Villedieu. Registre des délibérations, 30 décembre 1789. Cf. Arch. nat, D ivbis 10, 1. 230. 2 Arch. comm., Condé, D 1. Registre des délibérations, 19 août 1790. 3 Th. Lindet, Correspondance, p. 57. Lindet évalue leur nombre à plus de 3,000 pour la France. 4 Les deux envoyés de Caen restèrent à Paris du 21 novembre 1789 au 1er avril 1790 et dépensèrent 6,351 livres 5 sols. Mémoire de MM. les députés extraordinaires de la ville de Caen, sur le but de leur mission et les dépenses qu'elle leur a occasionnées. Arch. comm., Caen, carton 56. Ceux d'Avranches ont dépensé 1,000 livres et remet- tent dix louis au Comité général de la ville. Ibid., Avranches, Registre des délibéra- tions, séance du 19 décembre 1789. 5 Th. Lindet, Correspondance, p. 57. 6 Les députés extraordinaires de Caen se vantent d'avoir appuyé avec succès le projet de la division de la province en cinq départements au lieu de six qu'on voulait adopter et que l'intérêt de Caen rejetait ». — Parmi les frais consignés sur le mémoire de ces députés, figure un article ainsi conçu Nourriture tant de députés que domestiques, y compris huit repas donnés à des protecteurs, 2,173 livres 17 sols. » Arch. comm., Caen, cirton 56. — Les officiers municipaux de Caen leur écrivaient Nous savons que pendant votre séjour à Paris vous vous êtes fait de puissants protecteurs. Nous connaissons vos relations avec noire zélé concitoyen M. Bayeux, si bien accueilli de celui qui dirige encore les plus importantes opéra- lions du gouvernement Necker. Nous n'ignorons pas que vous avez mis dans vos intérêts le célèbre M. Thouret, etc. » Ibid., Caen. Registre de correspondance, lettre du 29 février 1790 — Couraye-Duparc accusa les députés du Cotentin de s'être laissé séduire par un certain genre d'éloquence des envoyés extraordinaires de Cher- bourg ». Arch. nat., D iv1,ls 10, 1. 231. — La Varignière, député extraordinaire de To- rigni, raconte qu'il offrit à l'Assemblée nationale, en don patriotique de sa ville, une superbe boîte en or enrichie de diamants, enveloppée dans un Précis imprimé en faveur de Carentan. » Lettre à mes commettants. Ibid., AD xvi 49. 410 CAEN CHEF-LIEU DE DÉPARTEMENT résidant sur le territoire des circonscriptions nouvelles, se réu- nirent aussitôt pour désigner les cinq chefs-lieux nouveaux. Des compétitions se produisirent entre les villes principales des trois départements occidentaux. Si, dans le département d'Alen- çon, cette ville vit s'élever en face d'elle les prétentions de Sées et d'Argentan, ni Tinchebrai, ni Fiers, ni aucune des localités détachées de l'ancienne généralité de Caen ne se posa en rivale leur médiocre importance et l'excentricité de leur situation ne leur permettaient point de telles ambitions. Dans le département de Caen, le choix ne semblait pas douteux. Siège de la généralité» puis en dernier lieu de l'Assemblée provinciale de Basse-Nor- mandie, située au centre du nouveau -département, Caen en était le chef-lieu tout indiqué. Son importance ancienne, le renom de son Université, sa population, sa facilité d'accès, la grandeur de ses édifices publics, la puissante sympathie des ducs d'Harcourt et de Coigny, tout la désigna pour cet honneur W. Elle se le vit toutefois disputer par deux villes, Lisieux et Vire. Lisieux, ville épiscopale, fit de pressantes démarches pour joindre à son évêché le siège de l'administration départementale ; elle ne put ni obte- nir l'un, ni garder l'autre 2. Vire, malgré sa chétive importance, aspirait aussi au rang de chef-lieu. N'était-elle pas la patrie du vaudeville et ne comptait-elle pas des enfants illustres comme Flaust, le dernier commentateur de la coutume de Normandie? Ne pouvait-elle devenir l'entrepôt du Maine, de la Bretagne et de la Normandie? Les connaissances de ses habitants, leurs lumières politiques, civiles et naturelles le cédaient-elles à celles des Caennais? Sans s'arrêter à ces considérations, l'assemblée des députés réunis le 18 décembre sous la présidence de Coigny fixa à Caen le chef -lieu du département 3. Vire protesta contre cette décision ; un avocat, Michel Le Besnerais, se fit l'interprète des ressentiments de ses concitoyens, indignés d'être traités de marchands de caudelée, de mangeurs de bouillie de sarrasin ». Il reprocha à Caen de mépriser et d'insulter, sous le nom de bourgades renforcées » des villes qui avaient fait sa fortune, creusé son canal, payé ses impôts et bâti ses édifices *. 1 Observations soumises à .Y .Y. .S'.S. de l'Assemblée nationale par la Commission inter- médiaire provinciale de Basse-Normandie en faveur de Caen. Arch. nat., D iv 21, 1. 230. 2 Le Brethon, La Formation du déparlement du Calvados, p. 89. 3 Lettre du duc de Coigny, 18 décembre 1789. Arch. nat., Divbisl, 1. 23. 1 Aux Observations sur lu division territoriale de la Normandie et sur le départe- rnenl île Caen eu particulier, présentées /»// les députés extraordinaires de lu commune de LA LUTTE POUK LE CHEF-LIEU EN COTENTltf 411 I ans le département de Côtëntin, la lutte fut plus vive encore. En novembre 1789, lorsqu'on croyait a la formation de six dépar- tements, la petite ville d'Avranches, située à l'extrémité de la province, avait adressé à l'Assemblée nationale un mémoire- représentant qu' elle était nécessairement le point central d'un des six départements décrétés par les députés de Normandie » et organisé une propagande assez active en faveur de son vœu 0. Mais SeS prétentions devaient vite céder devant les revendica- tions plus pressantes et plus motivées de deux villes rivales, Coutances et Saint-Lô. Le 17 décembre, trois députés extraordi- naires de Coutances produisirent un factum imprimé intitulé Observations sur le chef-lieu du Cotentin. Ils y proclamaient le droit absolu de leur ville à être ce chef-lieu. Faisant ressortir l'importance historique de Coutances, la possession de l'évêché et du siège présidial, l'existence du vaste couvent de Domini- cains prêt à contenir les divers services administratifs, ils rappe- laient que cette ville avait été le lieu de réunion des députés de dix bailliages à la ronde et le berceau de la députation du Coten- tin aux Etats généraux W. Le lendemain, 18 décembre, l'assem- blée des députés du département réunie aux Capucins, sous la présidence de l'évêque de Coutances, mit aux voix la question du chef-lieu. Un membre proposa de décider l'alternat entre les divers districts, comme le permettait le décret du 9 décembre 1789. Vieillard, député de Saint-Lô, s'éleva contre cette propo- sition, en exposant les inconvénients qu'entraînerait le déplace- ment perpétuel des administrateurs et des archives. Son obser- vation prévalut ; il fut arrêté que, laissant le choix de l'alternat ou d'un chef-lieu définitif à la première assemblée administra- tive du département, on se bornerait à désigner le siège provi- soire du Directoire. Sur quatorze votants 8, Coutances réunit sept suffrages et Saint-Lô autant. Les députés de Coutances s'opposèrent à une proposition de tirage au sort et l'on convint Caen à l'Assemblée nationale, 5 décembre 1789 pièce imprimée, 16 p., Le Besnerais opposa, le 20 décembre, une protestation intitulée Réponse que fournit aux Etats généraux un habitant de la ville de Vire aux observations de MM. de la commune de Caen sur la division, etc. Arch. nat., D ivbis 5, 1. 173. 1 Délégation d'Avranches à Granville sur cet objet, 23 novembre 1789. Ibid., Divbis10, 1. 231. 2 Lepingard, Une Paye île l'Histoire de Saint-Lô, Annuaire de la Manche, 1836. 3 L'assemblée aurait dû compter 17 suffrages, mais le baron de Juigné étail absent ; Ango, député de Saint-Sanveur-le-Vicomte, s'était retiré au début de la séance; Pouret-Roquerie, député de Saint-Snuyeur-Lendelin, présent, s'abstinl de yoter. 412 COUTAMES. CHEF-MEU PROVISOIRE DU COTENTIN de s'en remettre à la décision de la province » M. Dans l'inter- valle de ces réunions, Vieillard se fit l'avocat de Saint-Lô, et se hâta de réfuter les arguments invoqués par Coutances en faveur de sa prééminence. Il invoqua la situation plus centrale de Saint- Lô, la facilité plus grande des communications avec tous les points du département, due aux voies nouvellement tracées, la proximité plus grande de Paris, c'est-à-dire des ordres du pouvoir central, la population supérieure de cette ville, l'immensité de son abbaye de chanoines réguliers, au moins comparable pour son étendue à celle des Dominicains de Coutances. Il invoqua enfin deux arguments d'un grand poids l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie avait projeté, dans son unique session, de transférer à Saint-Lô le siège de la Commission intermédiaire provinciale et, plus récemment, pour assurer l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale sur la circulation des grains, c'est à Saint-Lô que venaient de se réunir les délégués des Comités permanents des villes du Cotentin, à l'exception de ceux du Comité de Coutances que ce choix avait blessé ?l. Ce plaidoyer habile, dont Vieillard avait dû précipiter la rédaction, n'eut pas tout le succès qu'en attendait son auteur. L'assemblée des députés normands, qui réunit le 23 décembre quarante et un membres, sous la présidence de Coigny, tra- vaillée sans doute par l'influence personnelle de l'évêque Talaru, accorda trente suffrages à Coutances, tandis que Saint-Lô n'en recueillit que dix 3;. Coutances fut ainsi déclaré chef -lieu provi- soire. En même temps que la division de la Normandie en départe- ments s'opéra la division des départements en districts. Les appétits s'y montrèrent aussi ardents et beaucoup plus nom- breux. Non seulement les chefs-lieux d'élection, et il y en avait neuf dans la généralité de Caen, mais encore ceux des subdélé- gations Granville et Cherbourg, mais les sièges des bailliages ou de juridictions moins importantes demandèrent un district et un tribunal, tout au moins l'un ou l'autre, surtout à partir du jour où le Comité de constitution fit luire à leurs yeux la 1 Procès-verbal de l'assemblée du Cotentin. 18 décembre 1789. Arch. nat., Div" 1, 1. 23. 2 Réfutation de l'imprimé ayaiil pour titre Observation* sur le chef-lieu du départe- ment de Cotentin ». pur Vieillard, député du Cotentin, habitant de Saini-Lô, imprimée, 15 p. Ibid., 1>ivMs 10. 1. 231. 3 Procès-verbal de l'assemblée de la province de Normandie, 23 décembre \789, Ibid.. Divbisl, LA LUTTE POUR LES DISTRICTS I DANS LE DÉPARTEMENT DE CAEN 413 promesse de dédommager, par la répartition des autres éta- blissements publics, les villes qui auraient vu leurs premières espérances trompées » -1. Dans la partie du département de Caen qui avait appartenu à l'ancienne généralité 2, en dehors de Caen, que sa situation de chef -lieu départemental plaçait tout naturellement à la tête d'un district, quatre villes ambitionnaient cet honneur Bayeux, Vire, Isigny et Condé-sur-Noireau. Bayeux, capitale du Bessin, ville épiscopale, siège d'une élection et d'un bailliage, pria ses députés de Wimpfen et Delauney de s'entremettre en sa faveur ; avec l'obtention d'un district, cette ville demandait le maintien de son évêché, menacé par les intrigues de Lisieux et l'érection d'un tribunal supérieur, en souvenir du Conseil supérieur dont Mau- peou l'avait dotée en 1771. Elle craignait que les relations de Thouret, si influent au Comité de constitution, avec ses amis de Caen, Le Telier de Vauville et Alexandre, ne fissent attribuer à cette ville la juridiction d'appel qu'elle souhaitait si ardemment^. Vire, après avoir rêvé d'être capitale du département, se rabat- tait sur un district auquel semblait lui donner droit son rang de chef-lieu de bailliage et d'élection et mettait sa confiance dans les talents de son député, Flaust, lieutenant général du bail- liage 'll Isigny, placée entre Bayeux et Carentan, désirait, sinon un district, au moins une juridiction spéciale elle vantait son port, son commerce important de beurre, de cidre, de bois ; son tribunal d'amirauté et sa haute justice domaniale. Prévoyant son échec probable, elle exprimait sa volonté d'être rattachée à Bayeux et d'être séparée de Carentan, dont l'accès était trop périlleux 5. Condé-sur-Noireau, située à six heures de Vire, se flattait de l'emporter sur sa voisine ou d'être traitée comme elle. A l'appui de ses prétentions, elle faisait valoir son ancienneté, sa population supérieure à 5,000 âmes ; elle exhalait sans retenue ses rancunes contre une rivale qui l'avait dépouillée de l'élection, 1 Rapport sommaire de la nouvelle division du royaume, par Bureaux de Puzy, 8 janvier 1790. Arch. nat., AD1 60. 2 C'est à dessein que j'omets les réclamations de Lisieux, Honfleur, Orbec et Saint-Pierre-sur-Dives pour l'obtention d'un district, ces villes étant étrangères à la généralité de Caen. 3 Lettres des officiers municipaux à Wimpfen et Delauney, 8 et 15 mai, 12 juin, 7 juillet 1790. Arch. comm., Bayeux. Registre de correspondance. 4 Lettres des officiers municipaux à Flaust, juin 1790. Ibid., Vire. Registre de correspondance. 5 Requêtes du Comité municipal d'Isigny, reçue au Comité de constitution le 2 janvier 1790. Arch. nat., Divbis 21, l. 328. 414 NOMBREUSES COMPETITIONS DANS LE COTENTIN ! TOIUONI de la subdélégation et du quart bouillon et qui n'était que trop accoutumée à s'enrichir de ses pertes ». Elle réclamait, par la voix de son pasteur protestant, Gédéon Gourjon, un arrondisse- ment de quatre-vingts paroisses. C'est, ajoutait-elle, dans la ville de Condé que se sont concentrés les sentiments patrio- tiques de ce territoire et que, dès le commencement de la Révo- lution, il fut arrêté solennellement un acte de confédération pour la protection et le maintien de la nouvelle Constitu- ée lion » "l. Elle espérait que l'heure était venue de la récom- penser d'avoir été, à l'aube des temps nouveaux, le foyer du patriotisme ». Dans le département du Cotentin, les convoitises étaient plus nombreuses encore. Indépendamment des six anciens chefs- lieux d'élection que ce ressort contenait Avranches, Carentan, Coutances, Mortain, Saint-Lô et Valognes, de nombreuses villes et bourgades prétendaient devenir le siège d'une administration. A les en croire, il eût fallu multiplier les districts et le départe- ment n'en eût pas contenu moins de treize. Torigni menaçait de démembrer Saint-Lô et Granville de démembrer Avranches ; Villedieu se taillait un ressort au détriment de Coutances et de Vire ; Périers et la Haye-du-Puits projetaient des empiétements sur Carentan et Coutances ; Cherbourg voulait s'affranchir de Valognes et former un district aux dépens de sa rivale. Et chacune de ces prétentions s'armait de longs considérants, s'étayait d'arguments en apparence irréfutables. Résidence princière, fière de son château splendide, Torigni rappelait son glorieux passé, le temps où elle possédait six juridictions ; elle vantait son bailliage, où ressortissaient quatre-vingts paroisses et 60,000 jus- ticiables, dont les titres de famille dormaient chez les notaires de la ville ; elle arguait de sa position centrale, qui l'avait dési- gnée comme le futur rendez -vous des députés du Cotentin, char- gés de la question des subsistances. A défaut d'un district, dont elle avait soigneusement délimité l'étendue, elle demandait au moins à conserver son bailliage et elle promettait que les juges maintenus à Torigni ne demanderaient pas d'appointements *2. 1 adresse de la municipalité de Condé-sur-Noireau à NN. SS. les députés à l'Assemblée nalionale, 23 décembre 1789. Arch. nat , Divbis5, 1. 172.— Kequête de la même municipalité, du 14 février 17!!. Ibid., Divb,s21, 1. 327. — Cf. Arch. comm., Condé-sur-Noireau, Dl. Registre des délibérations, 19 août 1790. 2 Représentations de la ville et arrondissement du bailliage de Torigni sur la 11011- Velle division territoriale, présentées par les députés extraordinaires de la commune de Torigni à NN. SS. les députés de l'Assemblée nationale, 2 janvier 1790, ms. Dix signa- tures, lleudeline rédacteur. Arch. nat., Divlm5, 1. 172. PRÉTENTIONS JE GRAN VILLE, YILLEDIEU, PÉRIERS 415 Granville mettait en avant sa qualité de ville franche, ses nom- breuses juridictions vicomte, amirauté, consulat et traites, sa population de 12,000 âmes, le produit de ses douanes 300,000 li- vres par an, de sa pêche à Terre-Neuve. N'était-elle pas le port principal de commerce du département, qu'elle approvisionnait en poisson, résine, huile, savon, vins et eaux-de-vie? N'était-elle pas une pépinière pour la marine militaire et n'avait-elle pas fourni dix mille matelots au roi dans la guerre d'Amérique? A tous ces titres, elle escomptait l'obtention d'un district. Dès la fin de novembre, la petite ville de Villedieu, désireuse d'obtenir une juridiction et un district, avait provoqué un pétitionnement à plusieurs lieues à la ronde, parmi les paroisses trop éloignées de Goutances ou de Vire, leurs centres administratifs et qui désiraient un chef-lieu d'accès plus facile. Dans le nord de la presqu'île, mêmes compétitions, avec plus d'acharnement peut-être de part et d'autre. Périers, siège du bailliage de Saint-Sauveur- Lendelin, inquiète des bruits qui courent sur la division du dépar- tement et l'insuffisance du nombre des districts projetés, jette un cri d'alarme et les soixante-dix paroisses de son ressort lui font écho. En décembre 1789 et janvier 1790, il n'est pas de jour où l'une d'entre elles ne demande par délibération spéciale le main- tien d'un tribunal et l'établissement d'un district à Périers. Toutes adressent leurs vœux au député du bailliage, Pouret- Roquerie, en sollicitant son intervention. Vaudrimesnil, le 6 dé- cembre, lui promet de chanter un Te Deum pour la santé des Constituants. S'il est impossible d'obtenir un arrondissement administratif, Périers demande avec insistance le maintien de son tribunal, dont l'établissement se perd dans la nuit des temps » ; elle invoque l'intérêt des justiciables et aussi celui des juges et hommes de loi ayant une situation acquise dans cette ville, y étant fixés en grand nombre avec leurs familles. Un déménagement brutalement imposé serait leur ruine et celle du pays &\ La Haye-du-Puits ne se crut pas moins autorisée que ses voisines à demander à la fois district et juridiction. Une carte du Haut-Cotentin, visiblement dressée dans cette intention, faisait ressortir la position avantageuse de cette ville, au centre d'un arrondissement de soixante paroisses, dont elle avait pris 1 1° Requête de Périers à l'Assemblée nationale, 25 décembre 1789. — 2° Adresse de Saint-Sauveur-Lendelin à Pourot-Pioquerie, 10 janvier 1790, et délibérations de nombreuses paroisses du bailliage, prises en décembre 17N9 et janvier 1790. Arcb* nat., Divbis10, 1. 230. 416 PRÉTENTIONS DE LA HAYE-DU-PUITS ET DE CHERBOURG l'agrément. Un des notables les plus en vue de l'endroit, Regnault de Bretel, futur président de l'administration départementale de la Manche, écrivit lettres sur lettres à l'Assemblée nationale pour lui décrire la misère de cette contrée, qui n'attendait sa régéné- ration que d'un trait de plume *. Pour écraser une rivale, tous les moyens semblaient bons ; la jalousie engendrait l'intrigue, les manœuvres perfides, les insinuations calomnieuses. Carentan fut obligée de se défendre contre les attaques de la Haye-du- Puits et de Périers. On lui reprochait son insécurité parce qu'elle avait été le théâtre d'une émeute à propos des grains ; grief de mauvaise foi et qu'on eût pu formuler contre mainte ville de Basse-Normandie. On dressait surtout comme un épouvantail l'insalubrité de ses marais, les miasmes pestilentiels qui avaient autrefois empêché d'y établir garnison ^K Carentan crut devoir adresser à l'Assemblée nationale, pour sa justification, l'état des naissances et des décès de 1784 à 1789 3. A son tour, elle usa de représailles ; elle fit procéder à une enquête par le receveur prin- cipal de la vente du sel blanc afin de connaître la population exacte de ses deux rivales, d'après les rôles de vente et de mettre au point leurs affirmations audacieuses 4. Elle signala l'insuffi- sance de leurs ressources, décrivit leur aspect chétif et en fit un portrait peu flatteur telle la Haye-du-Puits, misérable bour- gade, ensevelie dans un pays inaccessible, composée au plus de cent maisons, dont vingt à peine ont un étage au-dessus du rez- de-chaussée. » Le nord du Cotentin ne formait qu'une seule élection, celle de Valognes. Sans vouloir enlever à cette ville le rang de chef-lieu, Cherbourg demandait un district spécial. Sa population, écri- vait Chantereyne, son député extraordinaire, excède celle de 1 1° Mémoire de Regnault de Bretel en faveur de La Haye-du-Puits, 20 décem- bre 1789; 2° A ce mémoire est joint un Plan du'IIaut-Cotentin divisé [Kir cantons de frenle-six lieues carrées, avec la position de chaque chef-lieu et les routes . Celle du Cotentin exigea trois semaines de pourparlers et de discussions. Dès la première séance, le 18 décembre, la division éclata entre les députés. L'assem- blée comprenait seize membres, par suite de l'absence du baron de Juigné ; l'évêque de Coutances présidait. On mit en avant le chiffre de neuf districts ; dix voix contre six le rejetèrent. Ango, bailli et député de Saint-Sauveur-le-Vicomte, jugeant la partie perdue pour sa ville, quitta la salle des conférences. Après son départ, on proposa huit districts ; ce nombre fut encore écarté par neuf voix contre six. Au troisième scrutin, huit suf- frages se prononcèrent pour six districts, six suffrages pour sept et l'on trouva un bulletin blanc. La majorité absolue étant atteinte, le nombre des districts du Cotentin fut fixé à six. Sen- tant que le sort de leurs cités était compromis, les députés de Périers et de Granville, Pouret Roquerie et Perrée Duhamel firent entendre de vaines protestations. Ils s'abstinrent de voter dans le scrutin relatif à la désignation des chefs-lieux. Les treize suffrages de l'assemblée se réunirent en faveur de Valognes, Carentan, Saint-Lô, Coutances et Avranches. Mortain fut choisi par douze voix seulement, la treizième passa à Cherbourg. On arrêta que les districts seraient faits de manière à ce que chacun obtînt un territoire à peu près égal et que les avantages fussent équitablement balancés » 3. Guidés par la tradition, les députés du Cotentin attribuèrent la préférence aux anciens sièges d'élec- tion W ; pour ne pas faire de jalouses, ils avaient écarté les préten- 1 Th. Lindet, Correspondance, p. 12. 2 Une seule réclamation s'était élevée, pour que le bourg de Vassy fût joint au département où se trouvent Vire et Coudé ». 3 Procès-verbal de l'assemblée du département du Cotentin, 18 décembre 1789. Arch. nat, Divbis1, 1. 23. 4 Dans sa réclamation à l'Assemblée nationale, du 2 janvier 1790, Perréc-Duha- mel écrit On jeta sur le bureau un plan représentant le département divisé en *ix districts égaux ayant pour chefs-lieux les six viles d'élection. L'apparition FORMATION D'UN SEPTIEME DISTRICT A CHERBOURG 419 tions des autres villes. Granville, Périers, Saint-Sauveur-le- Vicomte, dont les députés avaient été en minorité ; Torigni, Villedieu, La Haye-du-Puits et Cherbourg, qui n'avaient pas de représentants directs à l'Assemblée, se voyaient déboutées de leurs demandes. Elles ne se tinrent pas pour battues. Ce fut Cherbourg qui revint la première à la charge. Le 24 décembre, son député extraordinaire, Chantereyne, introduit par Beaudrap de Sotteville dans l'assemblée des députés que présidait Achard de Bonvouloir, y plaida très habilement la cause de ses concitoyens. Il démontra la nécessité d'une juridiction pour Cherbourg trop éloignée de Valognes. Il rappela l'intention que plusieurs députés avaient manifestée d'accorder un tribunal à Cherbourg. D'après le nouveau plan du Comité de constitution, l'obtention d'un tribunal était inséparable de celle d'un district. S'ils avaient pu connaître Ce plan avant de prendre leur arrêté, leur décision eût été tout autre. Obtenue par surprise, celle-ci pouvait être rapportée. L'assemblée se rendit à ces raisons et, à une grande majorité, vota la formation d'un septième district avec Cherbourg comme chef-lieu ll Il fallut remanier les limites précédemment arrêtées entre les districts. La carte du département fut soumise à un examen nouveau. Les contours des six districts étaient indiqués par des couleurs à l'eau ; des lignes tracées à l'encre noire vinrent che- vaucher sur les anciennes frontières ; plusieurs d'entre elles, raturées, révèlent les hésitations, les tâtonnements, les luttes qui durent se produire entre les copartageants 2. Le district de Cherbourg fut taillé en entier dans celui de Valognes ; une ligne tirée du Rozel à la pointe de Gatteville attribua à son arrondisse- ment soixante-neuf paroisses. Chantereyne fit de vains efforts pour conquérir » Barfleur, qui resta au district de Valognes 3. Pour compenser les pertes de ce dernier, on recula ses frontières vers le sud, on l'élargit aux dépens de Carentan ; la limite nouvelle subite de ce tableau n'était pas propre à dissiper le soupçon d'une cabale préjudi- ciable au bien public ». Arch. nat., D ivbls 10, 1. 231. 1 Procès-verbal de l'assemblée du département de Cotentin, 24 décembre 1790* Ib'uL, Divblsl, 1. 23 et 10, 1. 231. — Lettre de Chantereyne aux officiers municipaux de Cherbourg, 25 décembre 1789. La journée d'hier, leur écrit-il, est la plus belle de ma vie. » Arch. eomm., Cherbourg, AA 65. 2 Cette nouvelle division en sept districts est signée Beaudrap, Achard de Bon- vouloir, Artur de la Villarmois et Le Sacher de la Pal li ère. Arch. nat., Divbis 1, 1. 23, 3 Lettre des officiers municipaux à Chantereyne, 29 janvier 1790. Arch. Cherbourg, BB 11. 4*20 REMANIEMENT DES DISTRICTS DU COTENTIN coupait la presqu'île d'une ligne oblique de Port-Bail à Saint- Marcouf ; le tracé en fut plus d'une fois remanié ; la Bonneville, Fréville et Saint-Marcouf, disputées entre Carentan et Valognes, restèrent à cette dernière l. Dépouillé de certains bourgs impor- tants comme Saint-Sauveur-le-Vicomte, Carteret, Port-Bail, le district de Carentan ne reçut que de médiocres dédommage- ments un très léger empiétement sur Coutances, à qui il enle- vait trois paroisses, Feugères, Saint-Ebremont-sur-Lozon et Saint-Christophe-d'Aubigny, compensé d'ailleurs par deux pertes au profit de Saint-Lô Ménil-Véneron et Ménil-Ango. Son député, Dumesnil-Desplanques, après avoir tremblé pour la possession du district, se contenta du sort fait à Carentan, qui englobait dans sa circonscription ses deux rivales, Périers et la Haye-du- Puits l2. Dans le sud du département, une seule modification à signaler. Le chemin neuf de Granville à Villedieu continua à for- mer la démarcation entre Coutances et Avranches ; les paroisses devaient appartenir au district sur le territoire duquel se trouvait leur clocher. Exception fut faite pour Donville, Yquelon, Cham- prepus, la Bloutière et Fleury qui, malgré leur situation au nord de la route, demeurèrent à Avranches. Granville et Villedieu furent aussi rattachées à ce district. Le succès de Cherbourg provoqua des plaintes et réveilla des convoitises. Valognes, amoindrie par la création du septième district, se posa en victime et fit demander par ses deux envoyés extraordinaires, le chevalier du Mesnildot et de Rozi, le retour à l'ancienne division en six districts \ A en croire les autres villes sacrifiées, il fallait augmenter le nombre de ceux-ci ; elles livrèrent dans ce but un nouvel assaut à la députation du Cotentin. Le 30 décembre, Villedieu, jugeant qu'elle avait un intérêt pressant à saisir l'Assemblée nationale de ses vœux, délégua vers elle l'abbé 1 Une délimitation ultérieure, tracée sur les représentations d'Ango, rendit au district de Valognes les deux paroisses de Neuville-en-Beauniont et de Catteville et, par compensation, lui enleva La Bonneville au profit de Carentan. Arch. nat.. Divblsl, 2 Liste des paroisses qui forment les frontières" arrêtées entre les districts de Valognes et de Carentan, présentée à MM. formant le Comité de constitution par Dumesnil-Desplanques. maire de Carentan, suivi de l'étal des frontières arrêtées ntre les districts de Coutances et de Carentan, de Saint-Lô et de Carentan, 15 jan- vier 1790. Ibid., Divbisl, 1. 23. 3 Procès-verbal de l'assemblée du Cotentin, 3, janvier 1790. Ibid. Après leur échec» les députés extraordinaires de Valognes présentèrent, le 7 janvier, un Mémoire à MM. du Comité de constitution contre l'établissement d'un district à Cherbourg, imprimé, 7 p>, suivi d'Observations et conclusions additionnelles manuscrites et annexées à l'im- primé. Ibid., Divbis10, 1. ?31. \ Cherbourg Leitesnil-a&Val Si-Jfartir -&fr>, te Grenrd . Ccudeloup Brdleuast 0 O ' °-LeVast Teurthevit SansscmjesnU. lequeboscq o ii/ l f^ ©ValognesX o °SlGermaiii-UCaUla*d. . Si quelques villes sacrifiées, cédant à leur impression première, exhalèrent leurs sentiments de jalousie contre des voisines mieux traitées, la plupart des mécontents s'apaisèrent bientôt, dans l'espoir des compensations prochaines. Toutes les cités qui avaient eu part à la curée furent naturelle- ment les premières à s'en réjouir. Fiers de posséder un district, les officiers municipaux d'Avranches décernèrent des titres hono- rifiques aux députés de leur région dont l'appui leur avait profité ; ils nommèrent Artur de la Villarmois notable honoraire. Burdelot et Bécherel, l'un habitant de Pontorson, l'autre curé de Saint- Loup, furent nommés citoyens d'Avranches 3. Mortain organise une fête en l'honneur de l'Assemblée nationale et de son député, Le Sacher de la Pallière. On célèbre une messe en musique avec Te Deum d'actions de grâce ; on allume des feux de joie sur la place publique ; une pyramide y est dressée, portant cette ins- cription Vive le Roi ! Vive l'Assemblée nationale ! Vive Le Sacher de la Pallière » 4. A Cherbourg, pour fêter l'acquisition du nouveau district, le Comité national fait tirer vingt et un coups de canon du fort Longlet ; il se confond en protestations de gratitude envers Chantereyne, le bienfaiteur de la cité et tous ceux qui l'ont si heureusement secondé l'évêque de Coutances, 1 M. Brette reproche cette hâte aux Constituants. Il les accuse d'une impré- voyance funeste dont la France porte, depuis cent vingt ans, le poids. Il reconnaît, d'ailleurs, que les circonstances les forcèrent à décréter promptement la nouvelle organisation administrative. Brette, La Réforme des Départements, art. cité, p. 265-267. 2 Voici, à lilre d'échantillon, un extrait rie l'adresse que la municipalité de Vire envoya, le 10 mars 1790, à l'Assemblée nationale Déjà [le paysj vous doit cette helle et sublime organisation qui ne le divise en 8? parties que pour le tenir à jamais uni avec plus d'ordre et plus de force. Il vous doit ces administrations paternelles qui font jouir chaque section du bonheur des petites républiques, en leur conservant la force d'une monarchie imposante. » Arch. nat., C 111, 1. 247. 9 Arch. coram., Avranrhes, Registre des délibérations, 20 février 1700. '- ii Ibid., Mortain, Registre des délibérations, 22 décembre 1789. 4*28 LE DÉPARTEMENT, CADRE ÉLECTORAL ET ADMINISTRATIF Juigné, Beaudrap et Pouret l\ La municipalité nouvelle est animée des mêmes sentiments et la flamme allumée au bûcher du 21 février symbolise l'attachement passionné des citoyens de Cherbourg pour le grand œuvre » de ses représentants 2>. Les Constituants méritaient de tels hommages. Assez habiles pour ne pas déranger les habitudes acquises et les rapports tradi- tionnels, tout en remaniant assez profondément la carte adminis- trative du pays, ils avaient su concilier les exigences de la nature avec les intérêts et les besoins des populations. Cette division nouvelle du royaume, comme l'indiquait expressément le décret du 16 février 1790, n'avait en vue que l'organisation des assem- blées administratives et des assemblées électorales. Le départe- ment de 1790 était une intendance de moindres dimensions; c'était aussi la pépinière électorale des législateurs, l'unité de mesure de la souveraineté nationale équitablement distribuée dans toutes les parties du royaume. Le décret du 16 février 1790 maintenait jusqu'à nouvel ordre les anciennes divisions relatives à la perception des impôts, à l'exercice de l'autorité judiciaire ; les circonscriptions ecclésiastiques n'avaient reçu encore aucune atteinte. Toutefois, en fixant les limites des départements, dis- tricts et cantons, l'Assemblée nationale avait tracé le cadre où allait se mouvoir, dans un avenir peu éloigné, non seulement l'activité du pouvoir administratif, mais encore celle des pouvoirs financiers, judiciaires, ecclésiastiques ; elle avait préparé le fonc- tionnement méthodique et régulier des grands services de la France moderne. Une telle œuvre était solide et durable ; elle a survécu à ses ouvriers ; après plus d'un siècle d'existence, en dépit des révolutions politiques et économiques qui lui ont livré assaut et, en attendant la destruction, peut-être fort prochaine, dont elle est menacée, elle est, aujourd'hui encore, debout. 1 Arch. comm., Cherbourg, BB11. de correspondance, 31 janvier 1700. •"> fbiti., BBo, Registre des délibérations, 21 février 1790. PERSISTANCE DES TROUBLES 429 CHAPITRE XVI LES TROUBLES PUBLICS DANS LA GENERALITE DE CAEN PENDANT LES DERNIERS MOIS DE SON EXISTENCE JANVIER -AOUT 1790 Persistance des troubles causés par la disette et le chômage. Improvisa- tion de secours par les municipalités. Demandes d'assistance à l'Etat. — Agitation populaire dans les villes l'émeute de Carcntan. Malaise des campagnes insécurité des propriétés privées et publiques. — Désarroi des finances ; retards dans l'assiette et la perception des impôts ordinaires et de la contribution patriotique ; refus de paiement des aides et octrois ; échec de la mission de Pomiés en Basse-Nor- mandie. — Insubordination des gardes nationales désertions et sou- lèvements dans plusieurs villes ; demandes d'organisation générale à l'Assemblée nationale. — Le fanatisme religieux. Attitude révolu- tionnaire des curés au début de la Révolution. Volte-face amenée par la nationalisation des biens ecclésiastiques et la politique de tolé- rance religieuse de l'Assemblée constituante. Le clergé agent de la contre-révolution. — Impuissance avouée des municipalités à rétablir l'ordre ; espoirs placés dans la prochaine activité des assemblées administratives. Il eut été prudent de hâter l'organisation des corps adminis- tratifs, car le désordre était à son comble. Pas plus que les auto- rités anciennes, les municipalités nouvelles ne parvenaient à l'enrayer. Après comme avant l'établissement de celles-ci, la généralité de Caen demeura le théâtre d'une agitation incessante et la proie de l'anarchie. De février à juillet 1790, c'est-à-dire pendant la période de gestation du régime administratif nouveau, les troubles publics y furent aussi fréquents et l'insécurité sociale aussi grande. La question des subsistances restait toujours aussi angoissante. Dès le 31 octobre 1789, jugeant la récolte de l'année fort mé- diocre, l'intendant avait prédit la disette des grains U. Ses prévi- sions se réalisèrent. Le peuple eut à souffrir de la rareté du pain 1 Lettre do l'intendant de Launay, 31 octobre 1789. Arch; Calvados. C264CU 430 DISETTE ET CHÔMAGE. SECOURS IMPROVISÉS et de son prix excessif. A Caen le blé valut 50 livres le sac à la halle du 12 mai 1790 ]. Bayeux t2, Vire3 se plaignaient de sa cherté qui épuisait les bourses. Le 30 mai, les greniers des cam- pagnes étaient déjà vides '4. Comme les anciens Comités perma- nents, les municipalités formèrent des bureaux de subsistances pour veiller à l'approvisionnement des villes ; leurs officiers fixèrent le prix du pain et de la viande ; en plus d'un endroit, ils eurent à lutter contre les boulangers, qui refusaient de cuire, contre les bouchers qui menaçaient de suspendre leur vente 5. La charité, publique et privée, se dépensa en efforts souvent insuffisants pour alléger les souffrances populaires. On vit les grenadiers du régiment d'Aunis, à Caen, abandonner au profit des pauvres la solde qu'ils recevaient pour leur service de garde au théâtre °>, le chevalier de Buffon, lieutenant-colonel du régi- ment de Lorraine et les officiers de ce régiment distribuer aux pauvres de Bayeux des aumônes assez considérables 7. Des collectes faites à l'occasion de cérémonies publiques reçurent la même destination 8. L'Université de Caen remit aux officiers municipaux, pour être employé en œuvres de bienfaisance, le crédit annuel affecté à sa distribution des prix f9. Le chômage aggravait la misère. Les mendiants pullulaient dans les villes et les campagnes 10. Les officiers municipaux de 1 Lettre des officiers municipaux à de Cussy, 12 mai 1790. Arch. comm., Caen, Registre de correspondance. 2 Lettre du procureur-syndic de Bayeux, Le Tellier, aux procureurs-syndics pro- vinciaux. Arch. dép., Calvados, C 7780. 3 Lettre des officiers municipaux à Flaust, 7 juin 1700. Arch. comm., Vire, Registre de correspondance. 4 Lettre des officiers municipaux à Necker, 30 mai 1790. Ibid., Caen, Registre de correspondance. 5 Les officiers municipaux de Caen sont obligés d'augmenter le prix du pain pour amener les boulangers à en cuire. Ibid., Caen. Registre de correspondance, lettre du 12 mai 1790. — A Avranches, un arrêté de police municipale taxant à 8 sols le prix de la livre de bœuf, est rapporté sur la réclamation des bouchers et la livre taxée 8 sols 6 deniers. Ibid., Avranches, Registre des délibérations, 17 juin 1790. — Nombreux exemples de taxations du pain à Tinchebrai. Ibid., Tinchebrai. Registre de délibérations, 12 mars, 25 avril, 20 mai, 20 mai, 2 juin, 20 juin, 27 juin 1790. 6 Lettre de remercîmenfs des officiers municipaux au lieutenant-colonel du régi- ment d'Aunis, 15 avril 1790. Ibid., Caen. Registre de correspondance. 7 Ibid., Baveux. Registre de correspondance, mai 1790. 8 A Caen, une quête faite à la messe de la foire, le 25 avril 1790, produisit 521 liv. Ibid., Caen, Dl. 9 Délibération de l'Université de Caen, du 21 juillet 1790. Ibid., ancien carton 25. Cf. Arch. dép., Calvados, D83. 10 Ibid., C 7780. Cf. Lettres des officiers municipaux de Caen à Le Cavelicr, négo- ciant au Havre, 9 mars 1790 ; à Cussy et Lamy, députés à l'Assemblée nationale.* DEMANDES D 'ASSISTANCE A L'ÉTAT 431 Caen redoutaient la fermeture prochaine des manufactures, qui eût livré à une dangereuse oisiveté vingt mille journaliers désœu- vrés et sans pain l. Les ateliers de charité, établis par la Com- mission intermédiaire provinciale, languissaient par la faute du trop modeste crédit destiné à leur usage "2. Sur la proposition de son maire, Vendœuvre, le Conseil général de Caen, vota le 20 mars, 4,000 livres pour occuper les ouvriers sans travail 3. Le 30 mai, un décret de l'Assemblée nationale accorda 30,000 livres à chacun des départements de la Manche, du Calvados et de l'Orne pour le même objet 4. Dans la situation critique où elles se trouvaient, les villes furent obligées de mendier les secours de l'Etat. Le 31 mars, Caen expose au contrôleur général la détresse de la caisse muni- cipale épuisée au profit des pauvres et lui demande la remise exceptionnelle de la taxe représentative de la corvée, qui s'élève à 6,000 livres », d'avoir injustement fixé la pro- portion de cote entre le maître de la terre et celui qui l'exploite, en faisant supporter à ce dernier les dix-neuf vingtièmes de la charge t'2. Si le fermier réclame contre son propriétaire, certaines municipalités se prétendent sacrifiées par la législation nouvelle et opposent à leur malheureux sort celui de leurs voisines mieux traitées par le fisc. Le nouveau mode de taxation, en frappant la terre au lieu de sa situation et non plus à celui du domicile de son possesseur, menace d'écraser, sous une cotisation trop lourde, plus d'une communauté qui ne pourra plus demander à ses principaux contribuables qu'une faible partie de leurs an- ciennes impositions. D'où des demandes en réduction qui viennent s'entasser dans les cartons du Comité des finances de l'Assemblée nationale 3. Dans l'attente d'une réponse, les rôles ne sont pas arrêtés et le paiement de l'impôt est ajourné 4. Et que de diffi- cultés lors du recouvrement ! L'élevage des chevaux a subi de grandes pertes dans le Cotentin ; la détresse y est extrême, les fermiers émigrent, le numéraire disparaît ; où le collecteur trou- verait-il de l'argent? les parages de l'île. Archi nat. Dxxix >s. 6 Lettre de Pomiès, commissaire du roi, aux officiers municipaux de Caen., 27 mars 1790. Arch. comm,, Caen, carton 43. RÉSISTANCE AU PAIEMENT DES DROITS D 'OCTROI ET TARIF 439 l'expulsion de Fleury, directeur de la Régie, les assemblées des paroisses ont autorisé la perception des droits d'aides, boucherie, tannerie et autres y réunis, mais à condition qu'elle soit confiée aux commis de la ville et que le produit en soit versé dans une caisse municipale l>. A Avranches, les employés des aides ont depuis longtemps abandonné leurs fonctions ; sans même attendre qu'on les menace, ils ont cessé l'exercice », négligé la marque des cuirs et de la viande 3. Les octrois des villes sont onéreux aux paysans, qui s'ima- ginent payer la taille des bourgeois ; les droits de tarif perçus sur les bestiaux amenés dans les marchés ne se lèvent plus qu'au prix des plus grandes difficultés ; à Mortain, à Vire, plusieurs marchands de bœufs résistent et font scandale ; ils veulent qu'on leur montre pourquoi ils doivent » . Bayeux, peuplé d'anciens privilégiés et qui vit de la consommation qu'ils y font, considère sa garde nationale comme une garantie indispensable contre les mécon- tents dont elle est environnée. Les officiers municipaux déplorent sa désorganisation et le relâchement des citoyens qui introduit le désordre dans un corps fait pour maintenir le bon ordre UK En maint endroit, le service est interrompu et les municipalités ont peine à le rétablir 5;. En attendant une réglementation générale, certaines d'entre elles rédigent leur code militaire, aux pres- criptions rigoureuses et le soumettent à l'approbation de l'Assem- blée nationale §, A de telles exigences, plus d'un récalcitrant répond par le refus de monter la garde et même de payer un 1 Lettre d'Aveline, maire de Caumont, aux commissaires du roi pour la formation du département du Calvados, 12 avril 1790. Arch. dép., Calvados, série L non inven- toriée. — Les municipalités, tant des villes que des campagoes, sont des corps sans âme, écrit Capron, curé de Mondeville près Caen. Loin de prêter la main aux décrets de l'Assemblée nationale, elles semblent craindre, de sorte que tout le monde est maître; » 4 juin 1790. Ibid. 2 Exemples de ces cérémonies à Vire, 21 février 1790 ; à Avranches, 2 mars ; à Caen, 11 avril ; à Granville. 13 mai ; à Cherbourg, etc. 3 Lettre des officiers municipaux au président de l'Assemblée nationale, 30 mai 1790. Arch. comm., Caen. Registre de correspondance. 4 Lettres des officiers municipaux au président du Comité des rapports de l'As- semblée nationale et au baron de Wimpfen, 13 avril 1790. Ibid., Bayeux. Registre de correspondance. 5 A TinchebraU à Vire, par exemple. G Projet d'un code militaire provisoire, 15 avril 1790. Ibid., Bayeux,, Di12. Registre de. A Condé- sur-Noireau, la milice nationale parle en maîtresse et fait la loi les soldats des quatre compagnies, réunies pour entendre la lec- ture d'un arrêté municipal relatif au rétablissement des aides, s'écrient qu'ils ne veulent plus de commis, et dictent à la muni- cipalité, par un arrêté en forme, les conditions dans lesquelles ils protégeront la perception des impôts W. A ces ferments de désordre s'en ajoute bientôt un autre, le fanatisme religieux. La Révolution allait voir se dresser contre elle un nouvel ennemi et non le moins redoutable le clergé. Quand l'évêque de Bayeux et son chapitre avaient protesté 1 Lettre des ofiiciors municipaux au baron de Wimpfcn, 30 mal 1790. Arch. Bômm., Caen. Registre de correspondance. — Réponse de Wimpfcn, 2 juin 1790. Ibid.. car- ton 50. 2 Lettre des officiers municipaux de Tinchebrai au Comité de constitution, 28 mars 1790. Arch. nat., Div21. 3 Lettre des officiers municipaux de Valognes au Comité des rapports, mars 1790. Ibid.. D xxix 81. 4 Arch. comm., Carentan. Registre des délibérations, 10 et 11 décembre 1789. 5 Lettre des officiers municipaux de Carentan au Comité des rapports, B juin 1790. Arch. nat., Dxxtx30. 0 Areh. comm., Comlé-snr-Noireau, D t. Registre des délibéralinns, -27 BÔû! À Saint-Georges-des-Groseillk'rs. le 9 juin 1700. la milice nationale Bé Lins M rend coupable de sévices à l'égard des habitants. Plaintes de la mithicijnUifcé de Saint- Georges à l'Assemblée nationale, lu juillet 1790. Arch. nat., lxxix'"s7, 103. 444 LA DÉCLARATION DE GUERRE DIT CLERGÉ contre l'illégalité des élections de leur ordre aux Etats généraux, quand un peu plus tard ils avaient contesté la validité des décrets de l'Assemblée nationale, la masse des curés bas normands ne les avait pas suivis dans leur résistance. Le souvenir des humi- liations passées, l'espoir de l'indépendance et du bien-être futurs avaient alors incliné ces derniers vers la cause révolutionnaire. Le mouvement électoral de 1789, à Coutances comme à Caen, avait révélé l'antagonisme profond qui séparait le haut et le bas clergé et au sein des Etats généraux, c'est l'appui des curés ruraux qui avait rendu possible la fusion des ordres et préparé le triomphe du Tiers état. Mais le haut clergé n'avait pas désarmé ; les événements lui fournirent l'occasion de ressaisir l'influence qu'il avait perdue. Le clergé du bailliage de Caen, dans son cahier de doléances, avait émis le vœu ferme que la religion catholique fut religion d'Etat et la seule reconnue en France ; le décret du 13 avril 1790, qui, rejetant une motion analogue de dom Gerle, acheminait le pays vers la liberté des cultes, vint troubler la conscience d'un grand nombre de prêtres. La tolérance religieuse de l'Assemblée nationale alarma un clergé intransigeant en matière de dogme et très jaloux de sa domination. L'évêque de Bayeux, alors maire de cette ville, laissa le 27 mai 1790 une députation de son chapitre déposer sur le bureau de l'hôtel de ville une protestation contre le décret du 13 avril, protestation qu'il avoua être en partie son ouvrage et qui constituait un véri- table appel à la révolte /]. Le Conseil général de Bayeux, malgré les sentiments catholiques de ses membres, déclara cette protes- tation attentatoire aux décrets de l'Assemblée », en ordonna la suppression, interdit d'en donner lecture publique. L'évêque de Bayeux eut de nombreux imitateurs. Plus d'un prêtre commença à tenir des propos incendiaires, à prêcher les maximes les plus séditieuses et les plus intolérantes '2; ; des libelles circulèrent clandestinement dans les villes et les villages criant haro sur les douze cents coquins des Tuileries qui s'enrichissaient des largesses des protestants et des juifs pour couper dans ses racines 1 Arch. comm., Baveux. Registre des délibérations, Di12, 27-29 mai 1790.— Cf. Pezet, Bayeux au XVIII* sii-cle, p. 138. 2 Le Courrier de Gorsas contenait, à la date du 28 mai 1790 Les nouvelles que nous recevons de Caen et d'autres villes de la Normandie, annoncent les tentatives les plus criminelles de la majeure partie des prêtres, pour soulever les peuples et allumer le feu de la guerre civile. » Le corps municipal de Caen ayant cru devoir protester Arch. comm., Caen, Dl, 28 mai 1790, Gorsas répondit par un article, Rétractons-nous, où il prouvait la vérité de ses allégations. LE CLERGÉ AGENT DE LA CONTRE-REVOLUTION 445 l'arbre de la religion » 1^. Une campagne de brochures travailla les fidèles et le clergé 2l. Effrayés par les affirmations menson- gères que celles-ci renfermaient, se croyant trahis par leurs députés », inquiétés dans leurs croyances et menacés dans leurs intérêts matériels par l'adoption des lois qu'on leur présentait comme des lois de spoliation 8, les curés firent volte-face, se rejetèrent dans le camp des évoques et des privilégiés. Après avoir été au début les auxiliaires de la Révolution, ils allaient devenir les agents les plus actifs de la contre-révolution. En présence de tant de périls, les municipalités se rendaient un compte exact de leur faiblesse. Elles en faisaient publiquement l'aveu. Tous les liens paraissent détruits, écrivaient les officiers municipaux de Caen à leurs collègues de Rennes. La force publi- que n'existe que dans l'opinion et chacun a la sienne. Chaque individu, définissant la liberté à sa manière, n'admet des décrets que ce qui convient à ses intérêts ou à ses passions et s'érige en despote pour gouverner tout ce qui l'environne; de sorte que, dans le chaos de l'anarchie qui règne depuis neuf mois, l'orage s'obscurcit de plus en plus, et nous n'apercevons point encore la terre qui nous est promise 4. » Tous les citoyens, cependant, n'étaient pas aussi pessimistes ; plus d'un partisan de la Révolution croyait alors, avec Aveline, que le terme de l'anarchie était proche et que l'établissement des assemblées administratives inaugurerait une ère d'ordre et de prospérité &h 1 Courrier de Gorsas, n° du 14 juin 1790. 2 Lettre de Gédéon Gourjon, pasteur de Condé-sur-Noireau, au curé Gouttes, vice -président de l'Assemblée nationale, 28 mai 1790. Arch. nat., Dxxiv 33. 11 se plaint des injures et des menaces que les catholiques, fanatisés par les prêtres, l'ont subir aux protestants, nombreux dans sa région. 3 Les décrets des 2 novembre 1789 et 14 mai 1790, en mettant à la disposition de la nation les biens ecclésiastiques, puis en ordonnant leur aliénation jusqu'à con- currence de 400 millions de livres, avaient jeté un certain trouble dans les habitudes et le train de vie des curés ruraux. Ils détachèrent un grand nombre de ceux-ci de la cause de la Révolution. Voir Sagnac, La Législation civile, etc., p. 168-169. 4 Lettre des officiers municipaux de Caen à ceux de Rennes, 2 avril 1790. Arch. comm., Caen, Registre de correspondance. 5 Lettre d'Aveline, maire de Caumont, aux commissaires du roi pour la formation du Calvados, 12 avril 1790. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 14 LE DÉCRET DU 22 DECEMBRE 1789 CHAPITRE XVII l'organisation administrative des départements et des districts AVRIL - JUILLET 1790 Le décret du 22 décembre 1789. — Comparaison de l'ancienne et de la nouvelle organisation administrative ressemblances superficielles, diversité des principes.— Les Commissaires du Roi pour la formation du Calvados, de la Manche et de l'Orne ; limitation de leurs attribu- tions par l'Assemblée nationale. — Les assemblées primaires des trois départements difficultés de leur réunion, longueur des opéra- tions électorales. Hostilité des campagnes contre les villes. Condi- tion sociale des électeurs du second degré minorité d'hommes de loi, majorité de paysans et laboureurs. La- ^emblée électorale du Calvados. Mode de répartition des trente-six administrateurs entre les six districts. Prédominance des élus ruraux. Protestations urbaines. Les assemblées électorales des districts incident à Vire. L'assemblée électorale de la Manche. Les deux modes de scrutin successifs. Règlement du débat sur le chef-lieu choix de Coutances. Condition sociale des trente-six élus, en majorité propriétaires ruraux. Les assemblées électorales des sept districts incident à Carentan. L'assemblée électorale de l'Orne et du district de Domfront faiblesse numérique du contingent fourni par l'ancienne généralité de Caen. — Election des Directoires des départements et des districts élimination de l'élément rural au profit de l'élément urbain. L'administration aux mains des hommes de loi. Cessation des pouvoirs de l'intendant et de la Commission intermédiaire provinciale. — Remise des archives des anciennes administrations. Liquidation des affaires communes aux trois départements com- missaires liquidateurs et vérificateurs. Compte rendu de la Commis- sion intermédiaire provinciale réponses évasives des trois derniers intendants. Cordier de Launay émigré, fonctionnaire en Russie, homme de lettres. Ce fut le décret du 22 décembre 1789, suivi de l'instruction du 8 janvier 1790, qui régla l'organisation administrative de la France l. La hiérarchie parallèle des circonscriptions adminis- tratives et électorales créées par l'Assemblée nationale n'était 1 Un décret du 10 décembre 178!» avait, au préalable, supprimé les commissaires départis et leurs taureaux. DIRECTOIRES ET CONSEILS DES DEPARTEMENTS ET DISTRICTS 447 pas, de la base au sommet, rigoureusement symétrique. Si les départements, et au-dessous d'eux les districts, étaient à la fois des ressorts administratifs et des cadres électoraux, il n'en était plus de même à l'échelon inférieur. Le territoire soumis à l'action des municipalités resta, sous le nom de commune, une division purement administrative et ce fut en principe un groupement de communes qui constitua, sous le nom de canton, le premier rouage du système électoral nouveau. Réunis en assemblées primaires dans chaque canton, tous les citoyens actifs devaient y nommer les électeurs chargés à leur tour d'élire, outre les députés à l'Assemblée nationale, les administrateurs de département et de district. Ces électeurs étaient choisis à raison de un par cent citoyens actifs, présents ou non à l'assemblée, mais ayant droit d'y voter, et parmi les contribuables qui acquittaient une impo- sition directe au moins égale à la valeur locale de dix journées de travail. Leur assemblée plénière, réunie au chef -lieu du dépar- tement, nommait les trente-six membres de l'administration départementale et le procureur général syndic ; elle se fraction- nait en assemblées partielles de districts, qui désignaient les douze membres de l'administration des districts et leur procureur syndic. Chaque administration de département et de district se divisait en deux sections le Conseil et le Directoire, ce dernier comprenant huit membres pour le département et quatre pour le district, élus par les membres du Conseil et dans son sein. La durée de leur mandat était de quatre années, avec renouvelle- ment par moitié tous les deux ans. Les administrations de dépar- tement étaient chargées, sous l'inspection du corps législatif, de répartir les contributions directes du département entre les districts, d'ordonner la confection des rôles des contribuables dans chaque municipalité, de régler et de surveiller la perception et la rentrée de l'impôt. Elles étaient, en outre, chargées, sous l'autorité du roi, de ce qui concernait l'administration générale, notamment le soulagement des pauvres et la police de la mendi- cité, le régime des hôpitaux, des ateliers de charité et des prisons, la surveillance de l'éducation publique, les encouragements à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, la conservation des propriétés publiques, forêts, rivières, chemins, la direction des travaux publics, l'entretien, réparation et reconstruction des églises et presbytères, le maintien de la salubrité et de la sûreté publique, le service des gardes nationales. Les administrations de district devaient exercer ces diverses fonctions dans leur ressort plus restreint et sous le contrôle des administrations de 448 RESSEMBLANCES SUPERFICIELLES ENTRE ANCIEN ET NOUVEAU RÉGIME département ; elles avaient surtout à répartir les contributions directes entre les municipalités du district. C'est au Conseil de département qu'il appartenait de fixer les règles de chaque partie importante de l'administration du département et d'ordonner les travaux et les dépenses générales. Les Conseils de districts, sans pouvoir de décision propre, devaient seulement préparer les demandes à présenter, et les matières à soumettre à l'adminis- tration du département. Les Directoires étaient chargés de l'exé- cution des arrêtés pris par les Conseils et de l'expédition des affaires courantes ; ceux des districts étaient à cet égard dans la subordination absolue de l'administration départementale. Les Conseils étaient périodiques ; ceux de districts devaient tenir une session annuelle, de quinze jours au plus, avant la session des Conseils de département, qu'ils avaient mission d'éclairer ; ceux- ci devaient siéger un mois chaque année et six semaines pour la première fois. Les Directoires étaient permanents, en leur qualité de bureaux exécutifs ; ils s'absorbaient à chaque session dans le sein des Conseils. Quant au procureur général syndic du départe- ment et aux procureurs syndics des districts, élus pour quatre années, ils avaient séance au Conseil et au Directoire de leur ressort ; ils n'y avaient pas voix délibérative, mais simplement consultative. Toutefois, on ne pouvait faire aucun rapport sans leur en donner communication, ni prendre aucun arrêté sans les consulter et les entendre. Agents d'exécution de l'administration, ils étaient chargés de la suite de toutes les affaires, mais ne devaient agir que de concert avec leur Directoire. Pour les sup- pléer en cas de maladie ou d'absence, les Conseils devaient dési- gner un membre du Directoire. L'examen de la nouvelle organisation administrative du royaume révèle de grandes ressemblances entre le passé et le présent. Les Conseils généraux des départements, ce sont, dans un cadre plus restreint, les anciennes Assemblées provinciales la Normandie en compte cinq alors qu'elle avait trois assemblées. Les' Conseils de districts remplacent les anciennes assemblées d'élection ou de département la généralité de Caen comprenait neuf élections ; on a taillé environ dix districts dans son ressort. Les Directoires de département succèdent aux Commissions intermédiaires provinciales, ceux de district aux bureaux inter- médiaires de département ; ils n'ont fait que changer de nom. Les procureurs syndics existaient déjà sous ce titre on a gardé le nom et la chose. Il n'y en a plus qu'un par circonscription, car depuis la fusion des ordres la dualité des syndics nobles et rotu- DIVERGENCES PROFONDES ENTRE EUX 449 riens ne se justifie plus ; encore dans la généralité de Caen, la simplification est-elle déjà faite. Les cadres électoraux inférieurs, les cantons, existaient déjà en germe dans les arrondissements électoraux » chers à Necker ; le nombre en est seulement multiplié. La périodicité prévue pour les Conseils, la permanence imposée aux Directoires sont des pratiques déjà usitées depuis trois ans ; l'absorption momentanée des Directoires par les Conseils est un emprunt au fonctionnement du système administratif aboli. Il n'est pas jusqu'aux attributions des corps nouveaux qui ne rappellent celles des Assemblées provinciales celles-ci n'a- vaient-elles point comme tâche essentielle la répartition des impôts, la surveillance des routes, les encouragements à l'indus- trie et à l'agriculture ? Enfin, si les Conseils nouveaux avaient l'incontestable avantage d'être issus de libres élections, le roi n'avait-il pas expressément promis aux Assemblées provinciales ce mode de recrutement dans un assez court délai? Les corps administratifs de 1790 semblaient donc, au premier abord, pro- longer l'action des administrations créées par l'édit de 1787. Et pourtant le décret du 22 décembre 1789 avait opéré une réforme administrative profonde. Si les Assemblées provinciales et leurs subordonnées, avec leurs commissions, semblaient se survivre à elles-mêmes en changeant de forme et de nom, l'inten- dant et ses subdélégués disparaissaient sans laisser de trace. Il ne devait plus y avoir d'intermédiaire entre les administrations de département et le pouvoir exécutif suprême. Plus de commissaire départi, organe du gouvernement, recevant directement ses ordres et veillant à leur exécution ; la police elle-même, qui, à l'époque du condominium entre Commission intermédiaire et intendant, avait été réservée à celui-ci parce qu'elle devait être exercée d'une main ferme et sans défaillance, avec la rigueur d'une consigne reçue d'en haut, allait être désormais livrée à des collectivités indépendantes et en quelque sorte souveraines dans l'exercice de leurs fonctions », c'est-à-dire émiettée et éner- vée. Laissant une liberté sans contrepoids aux pouvoirs locaux, le nouveau système les coordonnait dans un concert présumé de bonnes volontés convergentes, au lieu de les subordonner à l'autorité d'un gouvernement obéi. Une extrême défiance envers le roi, une confiance sans bornes envers la nation avaient eu pour effet de substituer une décentralisation absolue à l'excessive centralisation de l'ancien régime. C'était au roi néanmoins que l'Assemblée nationale avait délégué, par son décret du 8 janvier 1790, le soin de surveiller et 29 450 LES COMMISSAIRES Dl KOI POUR LA FORMATION DES DÉPARTEMENTS de diriger au plus tôt, dans chaque département, l'exécution de la loi relative à la formation des assemblées administratives. Celui-ci mit deux mois à choisir ses collaborateurs. Par commission du 6 mars 1790, il désigna trois commissaires pour former chacun des départements de la Manche et de l'Orne et quatre pour former celui du Calvados. Frémin de Beaumont, maire de Coutances, Le Tuilier, procureur à l'élection de cette ville et Bernard, avocat du roi à Saint-Lô, furent les trois commissaires de la Manche W. Pour le Calvados, Louis XVI choisit le comte de Vendœuvre, maire de Caen ; Revel de la Brouaise, substitut du roi au Parle- ment de Rouen ; Signard d'Ouffières, riche négociant de Caen, et Bayeux, ancien avocat au Parlement de Rouen, ancien secré- taire provincial de la Haute-Normandie 2. La formation de l'Orne fut confiée aux soins de Marescot, doyen du présidial d'Alençon ; du vicomte de Chambray de la Bellière et de Lepelle- tier-Ducoudray, vicomte d'Argentan 3J. Ces choix étaient l'œuvre d'une prudente réflexion on avait tenu à ne désigner que des gens mis en vue par leur situation et éprouvés par les circons- tances, c'est-à-dire qui fussent à la fois en mesure de plaire à l'opinion publique et de servir les intérêts du roi. Vendœuvre, Beaumont, Chambray, Revel appartenaient à la noblesse, les autres à l'élite de la magistrature et du barreau. Le comte de Vendœuvre avait été membre de l'Assemblée des Notables de 1787 et de l'Assemblée provinciale de Caen et président de l'assemblée du département de Falaise-Domfront. Frémin de Beaumont avait été le collègue de Bernard à l'Assemblée provin- ciale de Caen et celui de Le Tuilier dans les fonctions de syndic au département de Coutances. Ducoudray avait fait partie de l'assemblée du département d'Argentan. Bayeux avait, dans une fonccion subalterne, joué un rôle considérable à l'Assemblée provinciale de Rouen. La capacité, le zèle et la sagesse » dont tous avaient fait preuve dans leurs fonctions administratives avaient sans aucun doute fixé l'attention du ministre. Signard d'Ouffières, ancien président du Comité permanent de Caen, Il tlegïslre de la commission royale copie de ces trois commissions à la date du 23 mars 1790, loi. 2, 3, 4. Arch. dép., Manche, série L non invenioriée ancienne M 7. Si Registre des procès-verbaux de la commission du roi pour le département du Calvados. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. — Cf. Arch. comm., Caen, carton 56. Lettre des commissaires envoyant leurs commissions à la municipalité de Caen, 31 mars 1790. 3 Commission de Marescot et lettre d'envoi des commissaires aux diverses muni- cipalités, 7 avril 1790. Arch. dép., Orne, L 376. ACCUEIL QUE LEUR FONT LES DÉPARTEMENTS 451 ambassadeur extraordinaire de sa ville auprès de l'Assemblée nationale, s'était fait à Paris de puissantes protections, il y gagna son brevet de commissaire 1. Quant à Bayeux, appelé de Rouen à Paris par Necker, qui l'avait nommé commis au ministère des finances, puis en avait fait son secrétaire et son confident, il fut adjoint aux trois premiers commissaires du Calvados à la requête expresse de la municipalité de Caen, qui espérait profiter de ses relations et de sa grande influence 2. Des nominations faites avec un souci aussi évident de ménager les convenances locales ne pouvaient qu'être favorablement accueillies. Lorsque les commissaires du Calvados présentèrent leur commission à l'hôtel de ville de Caen, les officiers munici- paux se félicitèrent que le choix du roi se fut porté sur des citoyens de leur ville qui dans tous les temps avaient captivé l'estime et les suffrages de ses habitants » 3. La municipalité de Coutances écrivit aux commissaires de la Manche qu'elle étaii heureuse d'ordonner la transcription sur ses registres d'une commission inscrite dans tous les cœurs » 4. Le concert d'éloges ne fut pas sans notes discordantes. Les officiers municipaux de Bayeux regardaient comme un grand mal que les quatre com missaires du roi fussent de Caen » et leur prêtaient de mauvais desseins à l'égard des campagnes III, Calvados 12. Discours de MM. les commissaires du roi à la municipa- lité de Caen, 2 avril 1790 Caen, Le Roy, 8 p. avec lettre d'envoi des commissaires à Saint-Priest, du 3 avril. 2 Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. Registre de la commission du roi, 29 mars 1790. 3 Lettre des commissaires à Saint-Priest, 11 avril 1790. Arch. nat., FlcIII, Cal- vados 12. 4 Registre de la commission du roi, 17 avril 1790 accusé de réception à Saint- Priest de ce décret, qui a été adressé le 14 avril. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée, 454 LENTEUR DE LEUR FORMATION sion ' . Et les commissaires écrivirent lettres sur lettres aux municipalités *2. Les listes leur parvinrent peu à peu des divers cantons. Le 23 avril, neuf communes n'avaient pas encore donné signe de vie; une ordonnance pressante enjoignit aux habitants de dresser eux-mêmes la liste des citoyens, si les municipalités s'y refusaient, et menaça les récalcitrants de la perte des droits civiques '. Un autre moyen d'accélérer l'opération, fut la convo- cation des assemblées primaires pour le 28 avril. Elles devaient se réunir dans l'église paroissiale de chaque chef-lieu de canton ; quand le nombre des citoyens actifs du canton dépassait neuf cents, les commissaires décidaient la tenue de deux ou plusieurs assemblées W. Les apports tardifs de certaines listes les obligèrent à modifier leurs dispositions premières et à créer, par ordonnances postérieures, des assemblées supplémentaires "". Parfois aussi l'arrivée imprévue de nouveaux citoyens actifs les forçait à aug- menter le chiffre des électeurs 0. Enfin, en présence des récla- mations de certaines paroisses, les commissaires crurent sage de déroger provisoirement aux règles tracées par l'Assemblée natio- nale pour la circonscription des cantons. C'est ainsi qu'ils démem- brèrent sept communes du district de Pont-1'Evêque pour les rattacher au district de Caen, partie au canton de Troarn, partie à celui de Ranville 7. Ces modifications de la dernière heure ajournèrent la date de plusieurs assemblées ; commencées le 28 avril, les opérations électorales étaient terminées le 12 mai. Dans le département de la Manche, elles souffrirent de plus longs retards. Les trois commissaires du roi s'étaient cependant donné rendez-vous à Coutances dès le 22 mars, dans l'hôtel de 1 Réponse de Saint-Priest aux commissaires, 15 avril 1790. Arch. nat., F1 ' III, Calvados 12. 2 Lettres des 16 et 19 avril 1790. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 3 Ordonnance du 23 avril 1790. Arch. nat., F1'' III, Calvados 1. Ces neuf paroisses étaient La Caine, Goupillières. Ouf/Gères, Grimbosq. Boullon, Croisilles, Valcon- giain, Campandré, Bonnemaison. 4 Ce qui arriva pour les cantons de Caen, Bayeux. Vire, Le Bény, Vassy, Condé- sur-Noireau. r> Ordonnance du 20 avril, créant deux assemblées primaires dans le canton de La Fernère-au-Doven. 6 A Caen ils accordèrent un huitième électeur à la section de l'Université, qui compta 758 Citoyens actifs au lieu de 707 prévus, et un septième électeur à celle des Cordeliers, qui, avec 623 inscrits, comptait 653 citoyens. 'Ordonnances des 8 et 9 mai 1790. 7 Varaville, Petitville et Bobehomme furent rattachés au canton de Troarn ; Gonneville, Merville, Le Buisson et Cabourg à celui de Banville. Ordonnance du 27 avril 1790. LES ASSEMBLÉES PRIMAIRES DE LA MANCHE 455 l'un d'eux, Frémin de Beaumont et s'y étaient constitués en commission avec un avocat de la ville, Burnouf, pour secrétaire. Empressement inutile, car ils ne reçurent que le 31 mars le procès- verbal de division et la carte du département, pièces qui leur étaient indispensables pour commencer leurs opérations. Du 5 au 10 avril, ils adressèrent aux municipalités des circulaires et des instructions en vue de l'établissement des listes de citoyens actifs et éligibles. Le 27 avril, lettres de rappel provoquées par l'inertie générale. Le 6 mai, quatorze cantons seulement sur soixante-trois leur avaient répondu. Comme leurs collègues du Calvados, ils se plaignirent à Saint-Priest de la négligence et de l'insouciance des municipalités *>. Pour activer les opérations, ils résolurent de s'en partager la surveillance. Frémin de Beau- mont, qui resta à Coutances, eut dons son ressort les districts de Coutances et de Saint-Lô, les cantons de Périers, la Haye-du- Puits et Lessay dans le district de Carentan, le canton de Gran- ville dans le district d'Avranches. Bernard se chargea des districts de Valognes et de Cherbourg et des autres cantons du district de Carentan. Le Tuilier prit le reste, c'est-à-dire les districts de Mortain et d'Avranches, moins le canton de Granville 2>. Leurs efforts réitérés triomphèrent de l'inertie des autorités locales. Le 14 mai, trente-quatre cantons avaient envoyé leurs listes 3 ; le 19 mai, arrivèrent celles des districts d'Avranches et de Mor- tain ; le 20, parvint le dernier envoi, celui de la paroisse d'Enne- ville, au district de Carentan W. Les soixante-trois cantons du département comptaient cent trente-six assemblées primaires 5. Celles-ci avaient dû être dédoublées dans plus d'un canton, en raison du nombre des citoyens actifs ; c'est ainsi que l'arrivée d'un tableau supplémentaire des citoyens actifs de Créances força les commissaires à établir, par ordonnance du 21 mai, trois assemblées dans ce canton 8. La réunion de ces assemblées fut fixée au 31 mai pour six districts ; celles du district de Valognes 1 Lettre des commissaires de la Manche à Saint-Priest, 6 mai 1790. Arch. nat., Flf III, Manche 1. 2 Circulaire imprimée des commissaires indiquant ce partage. Ibid. 3 Lettre des commissaires à Saint-Priest, 14 mai 1790. 4 Registre de la commission royale, 20 mai 1790, fol. 9. Arch. dép., Manche, série L non inventoriée. 5 Lettre des commissaires à Sainl-Priest.. 22 mai 1790. Arch. nat., F1 ° III, Manche 1. 6 Registre de la commission royale, 21 mai 1790, fol. 9. Arch. dép.. Manche, série L non inventoriée. 456 LES ASSEMBLÉES PRIMAIRES DE LORNE furent ajournées au 2 juin, à cause des foires de Brix et de Cher- bourg. Dans les trois cantons du département de l'Orne dont les chefs-lieux appartenaient au ressort de la généralité de Caen, les élections eurent lieu à une date ultérieure. Les électeurs de Fiers se réunirent le 11 juin ; ceux de la Carneille, le 25 juin seule- ment !/. Là encore, il y eut plus d'assemblées que de cantons ceux de Fiers et d'Athis comprenaient deux sections électorales ; celui de Tinchebrai en comptait cinq. Deux communes étaient demeurées sourdes à l'appel des commissaires Caligny et Saint- Pierre-du-Regard ; elles envoyèrent leurs listes au Calvados et leurs citoyens actifs à l'assemblée de Pontécoulant. Les opérations électorales s'échelonnèrent ainsi, dans les trois départements, sur deux mois, de fin avril à fin juin 1790. Elles ne furent exemptes ni de confusion, ni de troubles. C'était la première fois qu'on groupait en si grand nombre et sur tant de points les citoyens des campagnes. Les assemblées primaires de 1789, avec leur cadre restreint, la paroisse, constituaient des groupements numériques assez modestes. Les députés ruraux issus de leur choix, qui s'acheminèrent le plus souvent deux par deux vers le chef-lieu du bailliage, y formèrent sans doute des réunions imposantes ; mais les garanties d'ordre pouvaient être facilement assurées dans des centres peu nombreux, qui étaient des sièges de juridiction et des résidences de maréchaussée, et la compétence des gens de loi y put guider sûrement le travail des assemblées. Aussi leurs séances furent-elles calmes et leurs opé- rations régulières. Pouvait-on attendre autant de tranquillité et de correction du vaste pétitionnement électoral qui, sur le territoire de la généralité de Caen, allait mettre en mouvement plus de cent mille citoyens dans 202 assemblées? N'était-il pas permis de supposer que dans ces réunions improvisées, où les électeurs devaient se compter par centaines '2; où les premiers 1 Arch. dép., Orne, L388. 2 11 serait intéressant de déterminer exactement la valeur de la comparution individuelle des citoyens actifs aux assemblées primaires de 1790. Un si long travail serait déplacé ici. Les documents que j'ai recueillis sur quelques points révèlent d'assez nombreuses abstentions. Dans les sections de Baveux, écrit le maire de Magny à l'Assemblée nationale, il n'y eut, le second jour de l'élection, presque per- sonne de la campagne. » Lettre de Comin à l'Assemblée nationale, 29 mai 1790. Arch. nat., D iv 21. — A l'assemblée des Capucins de Vire, on élut les six électeurs en petit comité, en profitant de l'absence d'un grand nombre de membres qui assistaient à une procession. Pétition des citoyens de Vire à l'Assemblée nationale, 25 mai 1790. Ibid. — Les procès-verbaux d'assemblées primaires des cantons d'Athis, Fiers et CONFUSION ET IRREGULARITES DES ASSEMBLEES PRIMAIRES 457 élans d'une liberté impatiente de la règle allaient se donner carrière, l'ordre subirait plus d'un fléchissement? Et faut-il s'étonner si cette consultation de la première heure d'un suffrage censitaire encore peu éclairé fut accompagnée d'incidents isolés qui la troublèrent superficiellement, sans altérer d'ailleurs la sincérité de ses résultats ? Il fallait compter d'abord avec l'inexpérience de citoyens débutant dans la vie publique. Les formalités électorales prescrites par le décret du 22 décembre 1789 étaient si longues et si com- pliquées que plus d'une assemblée s'y embrouilla. Dans la Man- che, à Quibou, à Marigny, à Saint-Denis-le-Gast, à Saint-Sau- veur-Lendelin, le président et les scrutateurs furent élus par acclamation, contrairement au décret et le serment civique ne fut pas prêté. A Lessay, l'appel nominal des votants avait été si précipité et si confus que la plupart d'entre eux n'avaient point eu le temps de prononcer la formule sacramentelle ; des discus- sions avaient surgi sur la régularité de la procédure et le curé de Saint-Germain-sur-l'E, président, avait levé brusquement la séance, emportant l'urne et laissant les opérations inachevées. Ailleurs, à Saussemesnil, trois électeurs sur huit n'avaient été nommés qu'à la pluralité relative ; à la Rondehaye, on avait procédé au vote par acclamation tt». Dans l'Orne, le curé d'Athis, Josset, avait été élu président par une majorité relative de 101 voix sur 234 votants et contraint, il avait dû s'incliner devant une assemblée qui ne voulait pas recommencer le scrutin ?. On ne voulait ni séjourner longtemps au chef-lieu, ni y revenir et l'on abrégeait les formalités. Un différend s'éleva, dans l'assem- blée de Ver, entre cette commune et Langronne d'une part et les cinq autres communes du ressort ; les deux premières vou- Tinchebrai Arch. dép.. Orne. L 388, permettent une détermina' ion précise. Dans le canton d'Athis, la section d'Athis 8 électeurs, 841 citoyens actifs compte 234 votants ; celle de Berjou 5 électeurs, 494 citoyens actifs, 185 votants. L'assemblée de Fiers 8 électeurs, 771 citoyens actifs, ne s'éleva qu'à 84 membres après le départ des électeurs d'Aubusson et de Saint-Georges-des-Groseillers. Il semble aussi que les défaillances, au cours des séances prolongées, furent nombreuses l'assemblée de la Carneille tombe rapidement de 130 votants à 50. A Saint-Pierre-de-Tinchebrai, 139 citoyens actifs se réunissent le matin du 15 juin pour nommer 8 électeurs ; le soir du même jour ils ne sont plus que 46. Le. premier des huit avait obtenu 114 suf- frages, le dernier n'en recueillit que 24. 1 Registre de la Commission royale. Rapport des commissaires du roi sur leurs diverses opérations, 12 juin 1790, fol. 11-12. Arch. dép,, Manche, série L non inven- toriée. 2 Jbid., Orne, L 388. 458 HOSTILITÉ DES GAMPAOffBS contre les villes laient soumettre le litige aux commissaires du roi, mais les élec- teurs des cinq communes qui formaient la majorité de l'assem- blée déclarèrent qu'ils ne pouvaient toujours être en route et continuèrent les opérations électorales ' . Parfois des rivalités entre communes voisines amenèrent des conflits regrettables au sein des assemblées ; les électeurs des villages jalousaient ceux du chef-lieu et le moindre prétexte était bon pour une rupture. Les électeurs de Saint-Georges-des- Groseillers et d'Aubusson quittèrent l'Assemblée de Fiers sans remettre leurs listes et sans donner le motif de leur retraite'2. Les gens de Bernières, maltraités à l'assemblée de Luc, refusèrent d'y retourner fl. Les campagnes étaient en général hostiles aux villes. C'était le Tiers état urbain qui l'avait emporté dans les assemblées préliminaires des bailliages aux élections des Etats généraux. Pour prévenir le retour d'un semblable échec, les ruraux ne vou- laient plus être confondus avec les citadins et réclamaient une circonscription électorale distincte. En formant les trois sections de Bayeux et les quatre sections de Vire, les commissaires y avaient fait entrer des villages de la banlieue. Leur décision souleva de vives protestations. A Bayeux, de graves dissenti- ments éclatèrent dans l'assemblée électorale des Capucins, entre les bourgeois et les députés des campagnes, qui se croyaient lésés. Le 29 mai, le maire de Magny, les officiers municipaux des communes de Guernon, Longues, Marigny, Saint-Germain-des- Entrées, Sommervieu et Saint-Germain-de-la-Lieue se plai- gnirent à l'Assemblée nationale de la part insuffisante que la campagne avait eue aux sections de la ville ». Ils accusaient les agents du pouvoir exécutif d'avoir frauduleusement dépouillé vingt paroisses de l'avantage d'avoir des électeurs de leur état. La ville de Bayeux, a joutaient -ils, est intéressée à la conservation d'un corps qui vient de manifester des sentiments réprouvés par le patriotisme de tous les bons citoyens du département » W. 1 Procès-verbal de l'assemblée primaire électorale de Ver canton de Cérences. Arch. nat., Div 27, 1. 394. — Cf. Arch. dép., Manche, série L non inventoriée, dos- sier identique. Le Comité de constitution ordonna aux commissaires de faire annu- ler les opérations; une nouvelle assemblée fut tenue à Ver le 11 juin. 2 Arch. dép., Orne, L 388. 3 IUid., Calvados, série L non inventoriée. 4 Plainte de Jean Comin, maire de Magny, 29 mai 1790. Extraits des procès-ver- baux des délibérations des paroisses sus-visées, avec mémoire; collectif du 31 mai 1790. Arch. nat., Div 21. — Cf. une lettre des commissaires du Calvados à l'Assemblée nationale, 3 juin 1790. Ibid., F1 c III, Calvados 1. CABALES ET VIOLENCES DANS LES ASSEMBLÉES PRIMAIBES 459 Une protestation en sens contraire, mais dirigée aussi contre les commissaires, avait été adressée quelques jours plus tôt par un groupe de bourgeois de Vire. Ils n'avaient pas vu sans déplaisir l'annexion de quatre paroisses rurales à la ville ; l'assemblée urbaine n'eut dû contenir que des citadins. Il semble, écrivait l'avocat Brouard, que tout ait concouru pour mettre l'aristo- cratie aux prises avec le patriotisme. Le choix a donné pour électeurs des citoyens qui, avec sept à huit mille livres de rente, n'ont pas rougi de faire une contribution patriotique de 150 li- vres » 0. Des inimitiés personnelles trouvèrent l'occasion d'éclater au milieu de ces réunions et y provoquèrent le tumulte. A l'assem- blée du canton de Bény, le notaire Fortin avait été élu président, malgré une vive opposition de son concurrent le prieur de Car- ville. Une table, apportée dans l'église, servait de bureau. Le curé du Reculey monta dessus et vociféra comme un furieux». Les gens de Monchamp, de Percy et du Désert le traitèrent de calotin impertinent » et ce jour-là le clergé fut un peu hous- pillé ». A Pontfarcy, un malavisé, profitant de la confusion générale, s'était enfui en emportant l'urne 2. A l'assemblée du canton de Juaye, la cabale avait présidé aux élections ; les billets n'étaient pas inscrits sur le bureau, des gens apostés les écrivaient dehors et les distribuaient publiquement, l'injure et la menace à la bouche » l3\ Des paroles violentes et des formules d'ostracisme furent entendues dans plus d'une assemblée ; dans celle de Mondeville, un membre demanda qu'on frappât d'une amende ceux qui voteraient pour un gentilhomme ou un ecclé- siastique ; le procureur de la commune, Cauvet, victime d'un zèle protocolaire excessif, fut lui-même violemment expulsé 4. Au moment où les opérations électorales de la Manche allaient être closes, on crut qu'il faudrait les recommencer. Dans aucune des assemblées primaires les citoyens actifs n'avaient représenté, conformément aux décrets, l'extrait de leur déclaration pour la contribution patriotique. Frémin de Beaumont trembla à l'idée 1 Pétition des citoyens île Vire à l'Assemblée nationale, 25 mai 1790. Arch. nat., Div21. 2 Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 3 Lettre des commissaires à Saint-Priest, 22 mai 1790. Arch. nat., F1' 111, Calva- dos 1. 4 Registre des ordonnances de la Commission royale, 21 mai 1790. Arch. dép., CaNados, série L non inventoriée 460 CHOIX PRUDENT DES ASSEMBLÉES PRIMAIRES de faire procéder à un nouveau choix de près de huit cents élec- teurs et de mettre en mouvement, pour la seconde fois, une masse de 80,000 citoyens. Il en fut quitte pour la frayeur fl. L'œuvre des assemblées primaires était grosse de conséquences. Les électeurs qu'elles avaient désignés, appelés à leur tour à nommer les législateurs de la nation et les administrateurs des départements, tenaient entre leurs mains le sort de la future Révolution. Une fois de plus, la prudence normande se révéla dans leur choix. Les citoyens actifs n'écartèrent pas systéma- tiquement les membres de l'ancienne administration provinciale. Massieu et Tesnières de Brémesnil, lieutenant général du bailliage d'Avranches, qui avaient été députés à l'Assemblée provinciale de Caen, Daigremont, membre de la Commission intermédiaire provinciale, furent parmi les électeurs. Quarante-trois membres des administrations des neuf départements de la généralité, magistrats, avocats, médecins ou laboureurs, jouirent de la même popularité ; ils avaient fait leur apprentissage administratif soit aux séances annuelles des assemblées de 1787 et de 1788, soit aux fréquentes réunions des bureaux intermédiaires '2'. Un très 1 Lettre de Frémin de Beaumont aux commissaires du Calvados, juin 1790. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 2 Voici la liste de ces quarante-trois membres 1° Département pu Calvados. — District de Caen Bacon de Saint-Manvieu, con- seiller honoraire au bailliage; de Chappedelaine, conseiller au bailliage; Hébert. Nourry. Piéplu, Baisin, propriétaires à Fontenay-le-Marmion, Bretleville-sur-Odon, Bréville et Lanteuil, membres le l'assemblée du département de Caen. — District de lia yeux Le Bret, Bunouf-Bunouville, avocats ; Denise, de Septvents ; Lepeton, d'En- glesqueville ; Milon, de Crouay ; Bourdiaux, d'Asnières, propriétaires, membres de l'assemblée du département de Bayeux ; Renouard. propriétaire à Sermentot, membre de l'assemblée du département de Caen. — District de Vire Brouard de Clermont, lieutenant général honoraire du bailliage, président de l'assemblée du département de Vire ; Monlien de Perthou, président honoraire de l'élection, membre du bureau intermédiaire ; Roger Sorière, négociant, membre de l'assemblée du département de Vire. ^° Département de la Manche. — District d'Avranches Longrais de la Snunerie, Théault des Orgeries et Lechevalier, laboureurs au Grippon, à Saint-Auhin-de-Tor- regate et ;'i Servon, membres de l'assemblée du département d'Avranches. — Dis- trict de Çarentan Laurens et Caillemer, avocats, membres du bureau intermédiaire ; Lcmaignan, procureur-syndic du département ; Begnault, de La Haye-du-Puits, membre de l'assemblée du département de Çarentan. — District de Cherbourg Dulongprey-Couet, négociant, membre de l'assemblée du département de Valognes.— District de Coulances Bonté, conseiller au présidial, membre du bureau intermé- diaire ; Leforeslier de Mobccq, de Ver ; Desmarets de Monlchalon, lieutenant géné- ral du bailliage Alexandre, notable de Coutances ; Lel'ebvre Dubuisson, avocat à Gavray ; Baudry, notaire à Hambye ; Sadot, laboureur à Savigny, membres de l'as- semblée du département de Coutances. — District de Morlain Lerebours de la Pigeonnière, avocat à Saint-Iïilaire-du-Iiarcouét, membre du bureau intermédiaire ; Blanchet l'Aumône, propriétaire aux Biards ; Bonnesœur-Bourginière, avocat à CONDITION SOCIALE DES ÉLECTEURS DU SECOND DEGRE 461 grand nombre d'électeurs furent choisis parmi les anciens syndics municipaux de 1787, parmi les maires, procureurs de la commune ou officiers des municipalités nouvelles. On en élut un plus grand nombre encore parmi les citoyens qui avaient pris une part active à la convocation des Etats généraux, soit comme députés des assemblées préliminaires des bailliages secondaires aux assemblées définitives de Gaen et de Coutances iD, soit comme députés de leurs paroisses à ces assemblées préliminaires ,2. Tous avaient dit leur mot sur les affaires du temps, contribué à la rédaction des cahiers, émis des vœux de réformes ; tous étaient attachés à la Révolution et plus d'un désirait en voir accélérer la marche. Au point de vue social, les distinctions d'ordre avaient disparu ; les votes ne se répartirent plus entre clergé, noblesse et Tiers état selon une proportion mathématiquement établie ; tous les citoyens éligibles furent confondus dans une masse unique, abstraction faite de leur condition. Ce fut le Tiers état qui y gagna. Très peu d'anciens nobles furent élus, une douzaine au plus sur douze cents ; les ecclésiastiques, un peu moins rares, n'atteignirent pas la quarantaine ; les avocats, les magistrats et les hommes de loi formèrent un groupe un peu plus compact de cent quarante-six unités ; quant au commerce et à l'agriculture, on ne les voit représentés que par des chiffres insignifiants, vingt-trois négociants et marchands et trente-huit laboureurs. Pure apparence sur les 886 électeurs compris dans le ressort de l'ancienne généralité de Caen dont les listes officielles, dressées par les commissaires du roi, n'accompagnent les noms d'aucune Barenton ; Homo dos Vallées, papetier à Vengeons Leroux de Launey, propriétaire au Grand-Ccllant, membres de l'assemblée du département de Mortain. — District . Dans une instruction préalable envoyée à tous les électeurs, ceux-ci avaient cru prudent, en leur retraçant la procédure électorale, de leur donner de sages conseils. Les électeurs, disaient -ils, écarteront avec soin les vues intéressées, les suggestions perfides ; ils mépriseront et déconcerteront les cabales et les intrigues ; c'est l'homme propre à la chose qu'ils chercheront. . . Mais c'est surtout l'homme sage et vertueux, le citoyen honnête et modeste, qui, loin de sacrifier à l'ambition, fuit les places et dédaigne les honneurs qu'ils iront chercher dans sa retraite. Ils ne choisiront par préférence aucun citoyen, comme ils ne donneront l'exclusion à aucun, par la seule raison de la 1 Listes des électeurs de ces trois départements envoyées par les commissaires du roi à Saint-Pricst. Arch. nat., FlcUl, Calvados 1, Manche 1, Orne 1. Les états d'imposition des él-celeUrs de Caen et Vire Arch. dép., Calvados, C 7816-80X9. les procès-verhaux des assemblées préliminaires des bailliages, et surtout ceux des assemhlées paroissiales des bailliages de Caen Greffe de le Cour d'appel de Caen, Vire Arch. dép., Calvados, série B non inventoriée;, Coutances, Moi tain, Avranches Greffe du Tribunal de Coutances, de Torigni et de Valognes Arch. dép., Manche, série B non inventoriée, m'ont permis de restreindre assez notablement la liste des électeurs sans profession. 2 Procès-verbal de l'assemblée électorale du département du Calvados. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. — Cf. Arch. nat., Ficlll, Calvados 1, trois exem- plaires de ce procès-verbal, adressés l'un par les commissaires du roi au Comité de constitution le 2 juillet, les deux autres par Bayeux, procureur général syndic, à Necker et Saint-Priest, le 16 juillet 1790. 3 Discours de MM. les Commissaires du rôipOOT l'ouverture de l'assemblée électorale du département du Calvados. Caen, Leroy, 21 p. Ibid., F ' 111, Calvados 1. ÉLECTION DES ADMINISTRATEURS DU CALVADOS 463 classe où il est placé, du rang qu'il occupe ou de l'état qu'il a embrassé. C'est le plus digne qu'ils choisiront » W. Le chiffre légal de l'assemblée était de 594 électeurs ; elle ne l'atteignit jamais. Forte de 499 membres au début, elle comprit 535 membres le 15 juin ; la lassitude des électeurs, que les travaux de la saison rappelaient pour la plupart à leurs champs, réduisit vite ce nombre il descendit à 440 le 19 juin, à 378 le 21, à 369 le 24. Les trois premiers jours furent absorbés par l'accomplisse- ment des formalités réglementaires vérification des pouvoirs, qui fut quelque peu orageuse, et nomination du bureau. L'assem- blée élut pour président le 13 juin, à la pluralité absolue des suffrages, par 251 voix sur 490 votants, Brouard de Clermont, ancien lieutenant général du bailliage de Vire. C'était un magis- trat généralement estimé et dont le choix parut de bon augure pour la suite des opérations » C2. Lacroix-Saint-Michel, maire de Honfleur, fut nommé secrétaire dans les mêmes formes. Tous deux prêtèrent le serment civique et reçurent le serment collectif de l'assemblée. L'élection des trois scrutateurs mit fin aux préli- minaires. Le 15 juin commença l'élection des trente-six administrateurs. D'après la loi, chacun des six districts devait compter au moins deux représentants ; on convint d'une répartition plus équitable, en leur attribuant à chacun six membres. La partie occidentale du Calvados, démembrée de l'ancienne généralité de Caen et composée des trois districts de Caen, Bayeux et Vire, fournit donc dix-huit administrateurs. Les six représentants du district de Caen furent élus, Lelièvre, laboureur, maire de Creully, par 438 voix ; Gosset de la Rousserie, conseiller au bailliage de Caen, par 353, le 15 juin ; Lebidois, laboureur d'Ardennes, maire de Saint-Germain-la -Blanche-Herbe, par 270, et Robert, laboureur d'Amfréville, par 131, les 18 et 19 juin ; Dobiche de Lamont, procureur du roi à la Monnaie de Caen, par 217, Hélie, laboureur de Mondeville, par 128 voix, les 21 et 22 juin. Pour le district de Bayeux, furent successivement élus le 16 juin, Renouard, laboureur, maire de Sermentot, par 502 voix, et Robert Milon, laboureur, maire de Crouay, par 299 ; le 19 juin, Maheust et Le Bret, tous deux avocats à Bayeux, recueillirent le premier 324 suf- frages, le second 311 ; le 23 juin, les deux derniers élus du district 1 Instruction sur lu formation de l'Assemblée du département , l'élément rural triompha avec éclat, au grand désespoir des officiers municipaux de la ville. Nous avons un district, écrivirent-ils à Wimpf en, mais bon Dieu, quel district ! Il faut que le ciel soit bien d'accord avec l'assemblée si la machine marche bien. Neuf personnes de la campagne, trois de la ville ; pour procureur syndic, notre procureur de la commune. M. Le Tellier, seul en état de faire marcher la machine, a été repoussé. La campagne a eu grande influence ; elle veut écraser les villes. Voilà son but elle en a tous les moyens ».3. Mêmes résultats du scrutin dans l'assemblée électorale de Vire, où dix membres sur douze sont choisis parmi les citoyens de la campagne. Seuls, l'ancien maire de Vire, Michel Mauduit et le maire nouveau, Richard Castel, élu procureur syndic, représentèrent les intérêts de cette ville au sein du conseil l*. L'assemblée de Vire fut trou- blée par un incident qui eut pu devenir tragique et qui dévoila les sentiments de haine amassés au cœur de certains partisans de l'ancien régime contre les adeptes de la Révolution. Le fils 1 Procès-verbal do l'assemblée électorale du district de Caen, Arch. dép., Cal- vados, série L non inventoriée; triple exemplaire, avec lettres d'envoi des commis- saires, Bayeux et Signard, à Saint-Priest, Neckeret au garde des sceaux, 6 août 1790. Arch. nat., FlcIIl, Calvados 1. 2 Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Bayeux, Arch. dép., Cal- vados, série L non inventoriée, en triple exemplaire- Arch. nat., F1 c 111, Calvados 1. 31 Lettre des officiers municipaux à Wimpfen, 13 juillet 1790. Arch. connu., Bayeux. Registre de correspondance. 4 Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Vire, Arch. dép., Calva- dos, série L non inventoriée; en double exemplaire adressés à Necker et au garde des sceaux. Arch. nat., Flc 111, Calvados 1. l'assemblée électorale de la manche 467 du marquis de Pontécoulant, Gustave Doulcet, le futur conven- tionnel dont le nom fut mêlé plus tard au procès de Charlotte Corday, était connu pour ses opinions libérales et sympathique au peuple. En 1789, le Tiers état de sa petite paroisse l'avait envoyé comme député à l'assemblée du bailliage de Vire, où il avait présenté des vœux démocratiques » ; le 7 juillet 1790, il était revenu à Vire comme électeur du canton de Condé. Le chevalier de Campagnolles ayant voulu faire mention de sa qualité au procès-verbal, Doulcet protesta avec énergie et rappela le décret du 19 juin qui avait aboli les titres de noblesse. Cette attitude lui attira de vives haines parmi les gens de son ordre. Le 10 juillet, deux nobles des environs, Achard, seigneur de Saint-Manvieu et le fils du seigneur de Percy l'insultèrent dans la rue ; Achard le provoqua en duel. Le peuple s'ameuta pour le protéger et faillit faire un mauvais parti à Achard ; il assiégea la maison du receveur des finances, Longueville, où celui-ci s'était réfugié et dont on ne le fit évader qu'à grand peine. La munici- palité apaisa l'affaire assez difficilement et l'insulteur fut obligé d'écrire à Doulcet une lettre d'excuses, où il mettait son agression sur le compte d'une ivresse passagère ]. L'assemblée électorale de la Manche dura un peu moins long- temps que celle du Calvados. Sa première séance eut lieu le 14 juin, sa dernière le 23 juin 3. D'abord réunie dans l'église du séminaire, elle trouva le local trop étroit pour ses 781 membres et se transporta à la cathédrale. La vérification des pouvoirs sou- leva quelques contestations. Les députés élus par les cinq pa- roisses scissionnaires de la section de Ver prétendaient être admis à l'assemblée. Les commissaires du roi, qui avaient annulé les opérations et ordonné de nouvelles élections, les prièrent d'en attendre le résultat 3. Les six nouveaux électeurs de Ver se présentèrent le 16 juin, porteurs du procès-verbal de leur dépu- tation et prirent place dans l'Assemblée. Dès la veille, celle-ci avait nommé comme président, à la pluralité » absolue de 393 voix, Tesnière de Brémesnil, lieutenant général du bailliage d'Avranches. Malgré sa grande jeunesse il n'avait pas encore 1 Arch. mit., D xxix 84. -2 Procès-verbal de l'assemblée électorale de la Manche en double exemplaire adressé au Comité de constitution et à Saint-Priest, avec lettres d'envoi de Frémin de Beaumont, procureur général syndic, du 19 juillet 1790. Ibid., F III, Manche 1. 3 Registre de la Commission royale, 15 juin 1790, fol. 13 14. Arch. dép., Manche, série L non inventoriée. 468 ÉLECTION DES ADMINISTRATEURS DE LA MANCHE trente ans, celui-ci l'avait emporté, au second tour de scrutin, sur son collègue de Coutances, Desmarets de Monchaton n. Tesson, avocat de Coutances, vit son titre de secrétaire provisoire confirmé à titre définitif par 420 suffrages ; le 17 juin, après l'élection des trois scrutateurs, 407 électeurs témoignèrent leur confiance à l'un des commissaires du roi, Frémin de Beaumont, en le désignant comme procureur général syndic du département. Les formalités préliminaires avaient pris trois jours entiers ; restait à élire les trente-six membres du Conseil de département. L'assemblée résolut de procéder d'abord à la nomination des sept premiers un pour chaque district au scrutin de liste double et à la pluralité absolue. Les sept administrateurs désignés par les suffrages des 740 électeurs réunis obtinrent un nombre de voix qui varia entre 712 et 691 voix, à savoir Tesson, avocat de Cou- tances, 712 voix ; Tesnière de Brémesnil, maire d'Avranches, 711 ; Le Rebours de la Pigeonnière, avocat du district de Mortain, 704 ; Vastel, avocat de Cherbourg, 702 ; Bernard, avocat du roi à Saint-Lô et un des trois commissaires du département, 700 ; Gilles le Chanoine, laboureur de Varenguebec, au district de Carentan, 692, et Deslongchamps-Després, lieutenant de la maîtrise des eaux et forêts de Valognes, 691. En raison de la lenteur du scrutin et du dépouillement il avait fallu deux jours pleins pour élire sept conseillers ; une procédure si compliquée ne pouvait que lasser les électeurs. Le 18 juin, l'assemblée électorale avait dû s'ajourner à cause de son insuffi- sance numérique. Forte de 723 votants au 15 juin, elle était descendue à 712 le 20, à 696 le 21, à 665 le 22 on la voyait fondre peu à peu. La majorité des électeurs fit valoir l'urgence des travaux de la campagne et menaça de se retirer si les choses traînaient en longueur. On convint d'adopter une méthode plus expéditive, qui permît de les libérer au plus vite. L'assemblée se divisa, le 20 juin, en sept bureaux, composés d'électeurs pris proportionnellement dans chaque district ; chacun d'eux devait former une assemblée partielle, avec son président, son secrétaire et ses scrutateurs et procéder séparément à la nomination de 1 Renseignements relatifs à Brémesnil, fournis à l'intendant par Meslé, su b délé- gué d'Avranches en 1787. Arch. dép.. Calvados, C 6343. Agé de 25 à 26 ans, beau- coup d'esprit, parle bien, annonce des vues de bonne administration, prend la qua- lité d'écuyer, fondée sur ce que son père a acheté, il y a environ trois ans, une charge de secrétaire du roi ; peut-être dédaignerait-il de figurer dans le Tiers état. » Brémesnil fit allusion à sa jeunesse dans les deux discours qu'il prononça, après son électron et pour la clôture de l'assemblée. RÈGLEMENT DU DEBAT SUR LE CHEF-LIEU 469 vingt-huit administrateurs par un scrutin de liste double. Qua- torze commissaires, élus à raison de deux par chaque bureau, se joindraient à leurs collègues pour opérer le dépouillement collectif des scrutins. Quant au trente-sixième administrateur, on procéderait à sa désignation isolément, mais dans les mêmes formes. Le premier scrutin, de 696 suffrages, donna la majorité absolue aux vingt-huit membres ; le premier élu recueillit 612 voix, le dernier 580. Ce furent, dans un ordre de popularité décroissante Langlois, vicomte de Barfleur, 612 voix ; Buhot, laboureur, maire des Pieux et Brostin-Desfontaines, de Montai- gu, 611 ; Jean-François Duval-Larivière, laboureur de Gréville, 609 ; Dulongprey-Cabart, du Vicel, 608 ; Euvremer, avocat de Périers, 607 ; La Houguette-Lemaître, laboureur de Clitourps, La Roque-Laloi, herbager de Saint-Marcouf et Dubost-Dulong- prey, laboureur de Saint-Martin-le-Hébert, 606 ; Bonnesœur- Bourginière, avocat à Barenton et Dubreuil, maire de Heugue- ville, 604 ; Michel Ernouf, maire de Saint-Germain-sur-E, et Joseph Lafosse, herbager de Saint-Côme, 600 ; Lemaignen, maire de Carentan et Pouret-Longueval, laboureur de Geffosses, 599 ; Duhamel, avocat et maire de Mortain et Regnault, avocat de Saint-Michel-la-Pierre, 598 ; Heudeline, avocat à Torigni, 597 ; de Brécey de la Vallée, avocat à Saint-Jores et Ernoul-Deslandes, avocat de Vengeons, 596 ; Poisson de Coudreville, avocat à Saint-Lô, ancien procureur du roi au bailliage d'Alençon, 595 ; Loquet, maire de la Lande d'Airou, 592 ; Hubert-Dumanoir, de Saint-Gilles, 589 ; Le_ Gorju, laboureur de Saint -Vigor-des- Monts, 588 ; Loisel, avocat à Saint- James, 587 ; Le Mengnonnet fils, négociant de Granville, 584, et Juhé, avocat de Mortain, 580. Ce fut également au premier scrutin que fut élu, par 435 suffrages, le trente-sixième administrateur du département, Regnault de Bretel, de la Haye-du-Puits. L'assemblée administrative de la Manche, avant de se séparer, avait à régler la question de son siège. C'était aux électeurs que le décret du 16 février 1789 avait laissé le soin de délibérer si l'assemblée de département devait alterner ou si Coutances devait définitivement en demeurer le chef-lieu ». Dans la matinée du 22 juin, plusieurs orateurs se succédèrent à la tribune pour y discuter les avantages et les inconvénients des deux solutions ; le vote qui suivit donna 440 voix aux partisans de Coutances contre 225 aux défenseurs de l'alternat. Coutances fut proclamé chef -lieu permanent du département. La composition du nouveau Conseil de département attestait 170 CONDITION SOCIALE DES ADMINISTRATEURS ÉLUS en même temps qu'une répartition équitable de ses membres entre les sept districts, une prépondérance assez marquée dé l'élément rural sur l'élément urbain. Onze avocats, six magistrats, neuf laboureurs, un négociant et neuf membres sans profession indiquée, mais domiciliés dans les bourgs et villages et probable- ment propriétaires ruraux, tels furent les trente-six administra- teurs chargés des intérêts du département. Douze d'entre eux représentaient la ville, où ils exerçaient pour la plupart des fonctions de l'ordre judiciaire ; vingt et un étaient domiciliés à la campagne ; trois enfin, citadins d'origine à coup sûr, étaient des électeurs issus des suffrages d'assemblées primaires rurales. L'assemblée électorale avait fait preuve dans ses choix du patriotisme le plus pur et de la sagesse la plus éclairée ». Ses membres avaient franchement répudié les principes de l'ancien régime. Lorsque le comte Leforestier de Mobecq et de Péronne, seigneur de Lengronne, vinrent exprimer à leurs collègues leur étonnement de se voir qualifiés de nobles sur le procès-verbal et leur ambition de n'être appelés que citoyens, ils furent vigou- reusement applaudis. Cette assemblée d'hommes libres qui, au dire des commissaires, avait montré les rapides progrès accom- plis en France par l'esprit public » eut à cœur de nommer des défenseurs d'une liberté sage et bien ordonnée », des amis d'une Constitution qui, marchant d'un pas majestueux et tranquille, parviendrait au terme désiré de son accomplissement ». Sans se montrer systématiquement hostile aux anciennes administra- tions provinciales, puisqu'elle leur emprunta neuf membres de l'administration nouvelle, elle entendit prouver par ses choix son attachement au nouveau régime ; sept de ses élus devaient figurer dans les futures assemblées révolutionnaires. A peine constituée, son premier acte avait été une adhésion unanime aux décrets de l'Assemblée nationale et dans une de ses dernières séances elle vota l'achat d'un portrait de Louis XVI, restaura- teur de la liberté » ; elle associait donc dans ses vœux le culte de la monarchie à l'amour de la Révolution. Les assemblées électorales de chacun des sept districts de la Manche suivirent de près celle du département l. Elles se réu- nirent successivement à Coutances, le 24 juin, dans l'église des Capucins ; à Saint-Lô, le 26 juin, dans l'abbaye Sainte-Croix ; à 1 Procès- verbaux des assemblées électorales des sept districts copies conformes rétaires; celui de Carentan en double expédition. F1'" IIT, Manche 1. LES ASSEMBLÉES ÉLECTORALES DES DISTRICTS DE LA MANCHE 471 Avranches, le 28 juin, dans l'église des Capucins ; à Mortain, le 1er juillet, dans l'auditoire du bailliage ; à Cherbourg, le 2 juil- let, dans la salle d'audience de la juridiction ; à Valognes, le 6 juillet, dans l'église des Capucins. La dernière de toutes, celle de Carentan, avait été ajournée au 7 juillet, pour permettre au Comité de constitution de statuer sur une demande dont l'avaient saisi, le 18 juin, les électeurs du canton de la Haye-du-Puits, qui désiraient voir fixer dans leur petite ville le chef-lieu du district *. Elle se tint, comme l'avaient ordonné les commissaires, dans l'abbaye de Carentan et ne fut point exempte de troubles. Les électeurs y agitèrent la question du chef-lieu et la résolurent, par 45 voix contre 44, en faveur de Carentan, au désespoir des gens de Périers, dont le représentant, l'avocat Vaultier, élu admi- nistrateur, menaça de donner sa démission 2, et des gens de la Haye-du-Puits qui envoyèrent aussitôt une députation extra- ordinaire pour protester contre la délibération illégale de l'assem- blée 3. Les six autres assemblées, très calmes, s'étaient bornées à nommer les membres des conseils. L'esprit qui guida les suf- frages des électeurs des districts était celui qui les avait inspirés à l'assemblée du département. Parmi les quatre-vingt-quatre administrateurs élus dans les sept districts ne figurent que peu de nobles 4, deux ecclésiastiques seulement 5, une quarantaine de magistrats, hommes de loi, avocats, notaires 6 ; le reste, t Registre de la Commission royale, fol. 16. Areh. dép., Manche, série L non inventoriée. 2 Registre de la Commission royale. Ibid. 3 Requête des citoyens de La Haye-du-Puits à l'Assemblée nationale, 18 juillet 17!M. Mémoire de Roger le Boiteux et Hotot, députés de cette commune, pour être présenté à l'Assemblée nationale quand ils pourront avoir l'avantage d'y être admis », 25 juillet 1790. Arch. nal., D iv 9. 4 Noble* Desmarets de Montcbaton, Dufouc de Maisoncelles district de Cou- tances ; Cassel de la Chaise d. de Mortain. 5 Ecclésiastiques Roulin, curé de Moidrey, et Lechevalier, vicaire de Saint-Lau- rent- de-Terregate d. d'Avranches. G Magistrats Tesnière de Brémesnil, lieutenant général du bailliage d. d'Avran- ches ; Quenault de la Grondière, président de l'élection, Yver de la Rruchollerie, avocat général à la Cour des comptes de Rouen d. de Carentan Duhamel, lieute- nant général de police, Boni/'-, conseiller au bailliage d. de Coutances ; Michel de Préfossé, lieutenant civil et criminel de la haute justice d. de Cherbourg ; de Lau- brière, conseiller au Parlement de Rouen, Vézard et Pallix-Deschamps, conseillers au bailliage d. de Mortain; Courtin de la Bréaudière, conseiller à l'élection, et Denier- Desfresnes, lieutenant criminel du bailliage d. de Saint-Lô ; Bauduin, con- seiller au Conseil supérieur de Corse. — Avocats Auvray. Giroult, Molel, Pinel d. d'Avranches ; Caillemer, Euvreraër, Vaultier d. de Carentan Avoyne, llirard, Vastel d. de Cherbourg ; Joly, Lecoq, Lefèvre, Pignard d. de Coutances ; Blon- del, Clouard, Gautier, Gesbert, James, des Yvets d. de Mortain ; Beaufils, Bour- 472 l'assemblée électorale de l'orne et du district de domfront c'est-à-dire la grande majorité, était formé de propriétaires ruraux et de laboureurs. A côté de personnages déjà mis en vue par leurs anciennes fonctions, comme Duhamel à Coutances, Courtin à Saint-Lô, Duméril, médecin à Valognes, etc . . . , beau- coup de noms encore inconnus. Là encore, la campagne était, pour les conseils, une pépinière d'hommes nouveaux. L'assemblée électorale du département de l'Orne se réunit à l'église Notre-Dame d'Alençon le 30 juin 1790 ; ses séances se prolongèrent jusqu'au 7 juillet. Sur les 607 électeurs dont elle se composait, cinquante-huit seulement représentaient la portion de territoire empruntée à l'ancienne généralité ; c'était ceux des cantons de Fiers, Athis et Tinchebrai. L'un d'entre eux, Lesueur, avocat de Tinchebrai, fut choisi comme administrateur du dépar- tement i1. Les mêmes électeurs se retrouvèrent à Domfront, le 16 juillet, pour former l'assemblée électorale , du district, chargée d'en nommer les douze administrateurs. Quatre de ceux-ci appartenaient au ressort des anciens districts de Mortain et de Vire ; ce furent Graindorge des Domaines, avocat de Fiers, Lefebvre-Dufau, d'Athis, Lasne de Beaulieu, docteur en médecine de Tinchebrai et Signard, maire de Notre-Dame-des- Moutiers 2. Les fonctions des commissaires du roi, d'après le décret du 29 mars, devaient cesser le jour de la clôture du dernier procès- verbal d'élection. L'assemblée du district de Carentan ayant terminé ses opérations le 9 juillet, les commissaires de la Manche arrêtèrent les leurs le 10 3. Dans le Calvados, ce fut l'assemblée du district de Caen qui fut la dernière close, le 13 juillet ; ce soir même, les commissaires du roi rédigèrent leur dernier procès- verbal et apposèrent pour la dernière fois leur signature sur le registre de la Commission, qu'ils avaient ouvert le 29 mars. Ils avaient cru devoir, précaution bien inutile, convoquer par don, Havin, Heudeline, Lescot de la Bigne, Letellier-Duhutrel d. de Saint-Lô ; Bitauzé-Daumesnil, Desiles-BoUin et Mauger d. de Valognes. — Notaires Boivin, Planchon d. de Coutances ; Vigot d. de Valognes. 1 Procès-verbal de l'assemblée électorale du département de l'Orne. Arch. dép., Orne, L391. 2 Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Domfront. Ibid., L 396. 3 Registre de la commission royale. Ce registre n'a été clos que le 2 octobre. Ibid., Mancbe, série L non inventoriée. Le dernier document qui y figure est l'état des dépenses de la commission, s'élevant à 3,087 livres 13 sols ; les trois commis- saires sollicitent, en outre, pour leurs frais personnels, une indemnité de 1,100 livres par tête, soit 3,300 livres, ÉLECTION DES DIRECTOIRES DES TROIS DEPARTEMENTS 473 ordonnances spéciales le Conseil de département pour le 13 juillet, celui du district de Caen pour le 15, ceux des autres districts pour le 19, en vue de la vérification de leurs pouvoirs et de l'élection de leurs Directoires 0 '. Le Directoire du Calvados fut en grande partie élu dans la journée du 13 juillet et complété le matin du 14 '2\ L'assemblée suivit les conseils de son procureur général syndic, qui lui recom- manda de choisir des hommes déjà doués de connaissances administratives et rompus aux affaires » elle nomma Dobiche de Lomont, Maheiist, Rivière, avocat d'Orbec, Vardon Saint- Lambert, notable de Falaise, Jouenne, avocat de Condé-sur- Noireau, Lacroix-Saint-Michel, maire de Honfleur, Renouard et Richer, laboureurs. Tous les districts du département étaient représentés, ceux de Bayeux et de Vire par un membre, celui de Caen par deux. Le Directoire de la Manche ne fut constitué que le 20 juillet 3. Il comprit des avocats en grande majorité, Euvremer, de Caren- tan ; Tesson, de Coutances ; Heudeline, de Torigni ; Loisel, de Saint-James ; Errioul Deslandes, de Vengeons ; Juhé du district de Mortain ; un magistrat, Després, du district de Valognes ; un laboureur du district de Cherbourg, Duval la Rivière. Quant au Directoire de l'Orne, formé le 23 juillet, il compta parmi ses huit membres Lesueur, avocat de Tinchebrai, qui fut élu au second rang, à la majorité absolue des suffrages >4. De l'étude de ce mouvement électoral de 1790, se dégage une conclusion éclatante l'accroissement graduel de l'influence acquise par les magistrats et hommes de loi à chaque étape d'un suffrage de plus en plus restreint et leur triomphe définitif. Ils n'étaient qu'une poignée d'individus dans l'immense armée des cent dix mille citoyens actifs de l'ancienne généralité de Caen ; ils ne formaient encore qu'une fraction peu importante, un hui- tième environ, dans l'ensemble des huit cent quatre-vingt-six électeurs réunis dans ce même cadre électoral. Ils avaient gagné du terrain dans les assemblées administratives de département 1 Registre des procès-verbaux des commissaires du roi, 7 et 11 juillet 1790. Arch. dèp., Calvados, série L non inventoriée. 2 Procès-verbal de la première session du Conseil général de l'administration du département du Calvados. Ibid., L 599. ^3 Procès-verbal de la première session du Conseil général de la Manche. Ibid., Manche, série L non inventoriée. 4 Procès-verbal d'élection du Directoire de l'Orne. Ibid., Orne, L 392. 474 PRÉPONDÉRANCE DES HOMMES DE LOI et de district dans le Calvados, ils constituaient le tiers du Conseil général ; dans la Manche ils en formaient la moitié. Ils entraient aussi pour la moitié, parfois pour les deux tiers, dans la composition de maint conseil de district. Ce fut surtout dans la formation des Directoires qu'ils l'emportèrent. Tandis que, sous le régime de l'édit de 1787, les magistrats et avocats, mêlés le plus souvent aux propriétaires ruraux dans la représentation du Tiers état, ne pouvaient jamais former qu'une minorité au sein de la commission et des bureaux intermédiaires, rigoureuse- ment composés par moitié d'ecclésiastiques et de nobles, ils figu- rèrent en très grande majorité dans les Directoires nouvellement élus. Six membres sur huit dans le Directoire du Calvados, sept sur huit dans celui de la Manche appartenaient au tribunal ou au barreau. Dans les Directoires de districts, la proportion n'était pas sensiblement différente th. Quant aux procureurs-syndics qui, placés auprès des Directoires comme agents d'initiative et d'exécution, allaient être la cheville ouvrière de l'administration nouvelle, eux aussi avaient été, presque tous, choisis dans l'élite du Tiers état judiciaire. Si l'on excepte Castel, le procureur- syndic de Vire, qui de directeur de la poste aux lettres devint inspecteur général de l'Université, tous les autres syndics, Costy à Caen, Delauney à Bayeux, Dufour de Maisoncelles à Coutances, du Hutrel à Saint-Lô, Caillemer à Carentan, Mauger à Valognes, Avoine à Cherbourg, Auvray à Avranches, étaient des avocats ; Pallix-Deschamps, à Mortain, était conseiller honoraire au bailliage. Des trois procureurs syndics généraux de la Manche, du Calvados et de l'Orne, deux, Bayeux et Lepelletier du Coudray, appartenaient à la robe ; Frémin de Beaumont lui-même, bien que de condition noble et secrétaire de son ordre à l'assemblée de Coutances, n'était-il pas avocat au Parlement, ancien prési- dent du Conseil supérieur de Bayeux et n'avait-il pas été rangé dans le Tiers état en 1787, lors de la formation de l'Assemblée provinciale? 1 Hommes de loi figurant parmi les membres des Directoires des districts Calvados A Caen, un avocat et un professeur de droit à l'Université ; — à Bayeux, un procureur du roi et un conseiller au bailliage, deux avocats; — à Vire, un con- seiller au bailliage, un avocat — Manche ; à Avrancbes, trois avocats; — à Caren- tan, un président d'élection, deux avocats ; — à Cherbourg, cinq avocats ; — à Cou- tances. un lieutenant général de police, un conseiller au bailliage et trois avocats ; — à Mortain, un conseiller au bailliage, deux avocats ; — à Saint-Lô, un lieutenant criminel et un conseiller au bailliage, quatre avocats ; — à Valognes, un conseiller honoraire du Conseil supérieur de Corse, et trois avocats. CESSATION DES POUVOIRS DE L INTENDANT 475 Ainsi, dans la Basse-Normandie, la fusion des ordres profita surtout au Tiers état éclairé, à la bourgeoisie des villes ; une série de sélections successives lui assurant la prépondérance définitive sur l'élément rural, fit de cet état-major bourgeois le personnel dirigeant des départements et de leurs districts pendant les pre- mières années" de la Révolution, L'erttrée en activité des Directoires de départements et de districts marquait le terme de l'existence légale de la généralité de Caen. Intendant et subdélégués, Commission et bureaux intermédiaires virent leurs fonctions cesser presque a la même date. Dès le 20 juin 1790, l'archevêque de Bordeaux écrivait à Cordier de Launay La mission que vous tenez du roi doit finir au moment où les assemblées de département seront en acti- vité » *. Ce fut les 14, 20 et 23 juillet que les trois Directoires du Calvados, de la Manche et de l'Orne commencèrent successive- ment leurs opérations. Les pouvoirs de l'intendant durèrent quel- ques jours de plus. Le 1er août, il recevait du contrôleur général de nouvelles instructions sur la remise au Directoire du Calvados des papiers de son administration. Lambert ajoutait A partir du moment où la présente lettre vous parviendra, toute la portion de territoire qui entre dans la composition du départe- ment du Calvados cessera de vous appartenir et vous n'aurez plus d'autorité et de pouvoirs que sur le surplus de l'ancienne consistance de la province. Il en sera ainsi, successivement, de tous les autres départements qui se partagent l'ancienne division d'administration qui était confiée à vos soins, à mesure que je vous ferai passer les ordres du roi à ce sujet » 2. Le même jour, Lambert adressait à Cordier de Launay des instructions analogues pour la Manche, et le 4 août pour l'Orne. Chacune de ces mesures diminuait les pouvoirs de l'intendant ; la troisième, exécutée le 6 août, les anéantit totalement. La dernière lettre officielle de Cordier de Launay, datée de ce jour, fut un acte de générosité elle recommandait au ministre les employés de ses bureaux, que la nouvelle organisation laissait sans emploi et sans ressources s. Sa suppression ne fut pas plus remarquée que ne 1 Arch. dép., Calvados, C 6334. 2 Ibid., C 6334. 3 Ibid. Le 31 décembre 1789, les employés de l'intendance de Caen, alarmés par le décret dn 10 décembre, qui réduisait à néant leurs moyens d'existence, avaient adressé, au nombre de sept, une requête à l'Assemblée nationale, en vue d'obtenir des places dans la nouvelle formation administrative ». Arch. nat., Dvi 24, 1. 317. 476 CESSATION DES POUVOIRS DE LA COMMISSION INTERMEDIAIRE l'avait été son départ de Caen un an plus tôt. Il vivait à Paris, sans influence et sans crédit, entretenant peu de relations avec les membres de l'Assemblée nationale et n'en ayant aucune avec ces messieurs qui tiennent le gouvernail ». Passif, il y avait attendu avec résignation qu'on lui signifiât l'état de nullité où il allait rentrer » !^\ A son exemple, ceux de ses subdélégués que le découragement ou la crainte 2> n'avaient pas encore enlevés à leurs fonctions durent en cesser l'exercice. La Commission intermédiaire provinciale reçut aussi du contrôleur général, à la date du 1er août, l'ordre de se séparer; mais les compliments dont cet ordre était accompagné étaient plus délicats que le témoignage de satisfaction » un peu bref décerné à l'intendant 3. Le 4 août fut le dernier jour de son administration ; elle en informa les neuf bureaux intermédiaires en les invitant à cesser aussitôt leurs fonctions ; le bureau de Caen tint sa dernière séance le 6 août *> ; celui de Bayeux, le 7 août 5 ; celui d'Avranches, le 14 août l6K Seuls dépositaires du pouvoir exécutif, les Directoires n'avaient point encore en mains tous les instruments indispensables à son exercice. Pour continuer l'œuvre des anciennes administrations, ils avaient besoin des nombreuses pièces conservées dans les bureaux de celles-ci. Tous ces documents, qui constituaient les deux fonds de l'Intendance et de la Commission intermédiaire provinciale, étaient déjà classés par les soins du premier secré- taire de l'intendant ou du secrétaire archiviste de l'Assemblée provinciale. Restait à en dresser l'inventaire et à en former trois lots, pour les remettre aux secrétariats des trois départements qu'ils concernaient. Le ministre de la province, Saint-Priest, et le contrôleur général avaient envoyé des instructions précises à ce sujet /;. Les subdélégués et les membres des bureaux inter- médiaires étaient invités à procéder de la même façon vis-à-vis des districts. La remise de ces papiers se fit avec lenteur le manque de concordance précise entre les anciennes et les nou- 1 Lettre de Cordier de Launay à Morin, subdélégué d'Avranches, 18 juin 1790. Arch. dép., Calvados. C 6331. 2 Tels Couraye Duparc et Garantot, subdélégués de Granville et de Cherbourg. 3 Arch. dép., Calvados. C 7627. 4 Ibid., C 7664bis. 5 Ibid., C 7655. 6 Ibid., Manche, s 'rie L non inventoriée. Registre du Conseil du district d'Avranches. 7; Ibid., Calvados, C6334. LIQUIDATION DES AFFAIRES COMMUNES AUX TROIS DEPARTEMENTS 477 velles circonscriptions, la nécessité d'un triage minutieux des multiples dossiers, et parfois aussi le peu d'empressement que certains administrateurs apportèrent à cette opération la contra- rièrent et en retardèrent l'achèvement l. Cet apport des fonds de l'Intendance et de la Commission intermédiaire provinciale, augmenté de l'envoi des pièces fournies par les commissaires du roi, forma le noyau primitif des Archives départementales ; de même, les archives des divers districts furent constituées, à l'origine, par la réunion des dossiers et des registres provenant des subdélégations et des bureaux intermédiaires *2. Un des premiers objets de l'activité des administrations nou- velles fut la liquidation des affaires communes aux trois départe- ments nés du démembrement de la généralité de Caen. Chacun d'eux était intéressé, au début de son existence, à connaître exactement les ressources et les dettes que le régime précédent lui léguait. Le décret du 22 décembre 1789 avait prévu ce travail de répartition et en confiait l'exécution à une commission inter- départementale, formée de deux commissaires élus par chaque assemblée administrative 3>. Ces commissaires liquidateurs devaient soumettre le procès-verbal de leurs opérations à d'autres commissaires vérificateurs, désignés par la même voie 4. Ce fut une besogne assez compliquée et qui leur demanda plus de deux ans 5. Pour répartir dans une juste proportion le passif 1 Arch. rtép., Manche, série L non inventoriée. Premier registre du Conseil de district de Mortain. Ce Conseil nomme un commissaire pour se transporter chez le subdélégué et son greffier et s'y faire remettre les papiers de la subdélégation. 2 Sur la formation des archives départementales du Calvados, voir Lebrethon, olw. cité, p. 115-122. 3 Les commissaires-liquidateurs furent Le Bret et Noël Durocher pour le Cal- vados, Bonnesœur et Le Maignan pour la Manche ; ceux de l'Orne ne se présen- tèrent pas, quoique convoqués » à l'assemblée tenue à Caen en mars 1791. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 4 Les commissaires vérificateurs furent Poisson, Euvremer et Vastel pour la Manche ; Lempérière, Lefèvre-Cramoisy et Dubois Dubais pour le Calvados. 5 Extrait du registre des actes ou arrêtés des commissaires des départements de Calvados, Orne et Manche, entre lesquels les paroisses de la généralité sont parta- gées, 3-5 octobre, 23 octobre et 13 novembre 1790 Arch. dép., Orne, L 1022. — Liqui- dation des affaires communes de l'ancienne généralité examen du compte de la Commission intermédiaire provinciale, 13 février 1791 ; examen du compte des inten- dants, 1er mars 1791; procès-verbal des commissaires vérificateurs, 1-6 juin 1793. Ibid., L 1023. — Tableau du partage entre ces trois départements des diverses espèces de fonds confiés à l'administration de l'assemblée provinciale de Basse-Normandie, 6 mars 1791. Ibid., L 1024. — Les séances de ces commissions se tinrent à l'abbaye Saint-Etienne de Caen. Le procès-verbal définitif ne fut envoyé par les administra- teurs du Calvados que le 10 janvier 1793 à Roland, ministre de l'intérieur. Ibid., Cal- vados, série L non inventoriée. 178 RÉPONSES éVASIVES DES TROIS DERNIERS INTENDANTS et l'actif de chaque département, ils devaient au préalable établir le bilan financier de l'ancienne généralité. La collabora- tion des anciens administrateurs leur était indispensable pour cette opération. De là vinrent les obstacles. Sans doute le pro- cureur-syndic provincial, Le Telier de Vauville, mit un louable empressement à publier le Compte rendu de l'administration de la Commission intermédiaire provinciale de Caen » l. Au prix d'un labeur énorme, il put mettre ce compte, dès le 24 octobre 1790, à la disposition des liquidateurs, avec les douze mille pièces qui en formaient la justification. Là se borna son rôle ; aux demandes postérieures des commissaires, avides de renseigne- ments plus détaillés, il répondit évasivement ?, puis fit la sourde oreille. Cette demi satisfaction était un succès si on la compare au refus poli, mais énergique que les commissaires éprouvèrent de la part des anciens intendants. Esmangart, Feydeau de Brou et Cordier de Launay, qui s'étaient succédé depuis dix ans dans l'administration de la généralité de Caen et qui, à ce titre, de- vaient rendre compte de l'emploi des fonds mis à leur disposition pendant cette période, opposèrent tous les trois une fin de non- recevoir aux injonctions qui leur étaient faites. Esmangart avait quitté Caen en 1783, pour l'intendance de Lille ; il soignait à ce moment, dans une ville d'eaux des Pyrénées, sa santé gravement compromise et avait eu le temps d'oublier le détail de son administration en Normandie. Aussi pria-t-il les commis- saires de consulter ses successeurs, dont les souvenirs devaient être plus précis 3. Feydeau de Brou, qui après avoir été Directeur général des économats, vivait dans la retraite à Viessoix, près de Gex, leur adressa des développements lumineux sur les diverses parties de son administration, mais ne leur rendit aucun compte ». Il les renvoya aux bureaux de l'intendance de Caen, où il avait fait déposer, en 1787, des papiers dont il était actuellement dessaisi 4. Quant à Cordier de Launay, auquel sa qualité de der- nier titulaire créait des obligations plus étroites, il le prit d'assez 1 Compte-rendu, par la Commission intermédiaire provinciale de Basse-Normandie, de son administration, du 7 décembre 1781 au 1 août 1790. Caen, Le Roy, 1790 avec tableaux annexes. 2 Lettre de Le Telier au Directoire du Calvados, 13 novembre 179U. Arcb. dép., Calvados, série L non inventoriée. 3 Deux lettres d'Esmangart à Baveux, procureur général syndic, 27 décembre 1790 et 24 février 1791. Ibid. 4 Lettre de Feydeau de Brou à Ba\eux. procureur général syndic, 12 janvier 1791. Ibid. VAINES SOMMATIONS A L INTENDANT CORDIER DE LAUNAY 479 haut avec les liquidateurs ; il chargea Lamy-Desvallées, secrétaire de l'intendance, de négocier avec eux. Le Tableau de son admi- nistration M n'était point pour les satisfaire il y déclarait for- mellement que les intendants étaient des ordonnateurs et non des comptables et que, n'ayant jamais été chargés d'aucune perception ni maniement de deniers, ils n'étaient passibles d'aucun compte 2. Les Directoires des départements eurent beau réitérer leurs sommations, il les envoya aux calendes. Les commissaires de liquidation et de vérification furent obligés de conclure en arrêtant le procès-verbal de leurs séances &, que le compte de l'intendant n'étant appuyé d'aucune pièce justifi- cative, n'était susceptible d'aucun contrôle complet et satisfai- sant » 4i. La loi du 3 septembre 1792, qui prescrivait des poursuites contre les ci-devant commissaires départis, ne pouvait plus atteindre Cordier de Launay. Le procureur général syndic du Calvados chercha vainement sa résidence^. Moins maltraité par le sort que ses collègues de Rouen et d'Alençon, de Maussion 6 et Jullien {1, qui périrent sur l'échafaud, et plus heureux que son prédécesseur Fontette, qui, arrêté comme suspect, mourut dans une prison de Rouen, le dernier intendant de Caen avait demandé son salut à l'émigration. Si l'idylle amoureuse dont il 1 Tableau de l'administration de Cordier de Launay. Arch. dép , Calvados, C 233. 2 Lettre de Brémesnil, président du conseil général de la Manche, au directoire du Calvados, 10 novembre 1790. Ibid., série L non inventoriée. M. de Launay, au lieu de rendre les comptes de son administration, comme son devoir lui en imposait l'obligation, n'a fait présenter par ses commis que des bordereauu informes et quel- ques élats vagues qui ne forment aucun ordre de comptabilité. » 3 Voir, à l'Appendice 1° La répartition des impositions directes de la généra- lité de Caen, opérée par ces commissaires entre les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne ; 2" le tableau de la reprise, au profit de ces trois départe- ments, des fonds disponibles laissés par la Commission intermédiaire provinciale de Basse-Normandie. 4 Procès-verbal de la commission de vérification. 0 juin 1791. Arch. dép., Calva- dos, série L non inventoriée. — Cf. Ibid., Orne, L 10?3. — Sur le mauvais vouloir » et le sans-gène » des trois derniers intendants de Caen, cf. Lebretbon, ouu. cité, p. 61. 5; Lettre de Bougon Longrais, procureur général syndic du Calvados, à son col- lègue de la Manche, 11 janvier 1793. Accusé de réception, par Louis Caille, procu- reur syndic du district de Caen, le 14 janvier 1793, de l'arrêté des commissaires liquidateurs du 8 décembre 1792, prescrivant des poursuites en vertu de la loi du 3 septembre 1792. Arch. dép., Calvados, série L non inventoriée. 6, Thomas de Maussion, ancien intendant de Rouen, fui condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire le 6 ventôse an II. Arch. nat, W 332, d. 560. 7 Alexandre Jullien, ancien intendant d'Alençon, fut condamné à mort par le même Tribunal, le 20 messidor an IL II appartint à la première fournée de la cons- piration dile des prisons. 11 était âgé de 80 ans. ibid., W 409, d. 941. 480 GORDIER DE LAUNAY ÉMIGRÉ est le héros et qui constitue le fond de son roman intitulé la Veuve de Catane » n'était pas une ingénieuse fiction, si le décor n'en était pas imaginaire, nous pourrions refaire après lui l'iti- néraire de ses nombreuses pérégrinations. La Suisse, Turin, Venise, Florence, Rome et Naples l'auraient, semble-t-il, tour à tour arrêté quelques instants, mais la Sicile aurait attiré son humeur solitaire et c'est au pied de l'Etna, à Catane, sur les bords d'une mer agitée, qu'il serait venu guérir les blessures d'une âme ulcérée par l'infortune v. Ce roman pourrait bien n'être qu'un conte 2 ; ce fut dans le nord de l'Europe que Cordier de Launay émigra. Il dut passer en Allemagne et de là en Russie où il s'attacha à la puissante famille des Nicolaï. Henri-Louis Nicolaï, secrétaire privé de l'impératrice Marie Féo- dorovna, femme du tsar Paul Ier, lui confia l'éducation de son fils 3. Grâce à ses relations, il fut ensuite nommé secrétaire chargé de l'expédition française à la chancellerie du Ministère du com- merce, puis obtint le brevet honorifique de conseiller d'Etat. Devenu fonctionnaire russe, Cordier de Launay ne bénéficia point, on ne sait pourquoi, de l'autorisation de rentrer en France que le premier Consul avait accordée à de nombreux émigrés W. Il vécut à Saint-Pétersbourg jusqu'à l'âge de 75 ans ; frappé d'une attaque de paralysie, il mourut le 24 janvier 1820 et fut enterré dans le cimetière de Smolensk 5. Cordier de Launay avait consacré la dernière partie de sa vie à la production d'ouvrages de valeur très inégale compilation historique relative à la Russie Tables chronologiques et géné- 1 Cordier de Launay, La Veuve de Calcine. Berlin, Ch. Quien, 1803, in-8. Bibl. nat., Y2 24561. 2 Cordier de Launay s'endort en Sicile et se réveille en Russie ; la vue d'un domestique à longue barbe et habillé à la russe le rappelle à la réalité. Il a fait un rêve et sortant comme par un bond de son somnambulisme littéraire, il se trouve une plume dans la main, un conte dans l'autre, et les jette tous deux avec dépit ». Voir Appendice n° î. 3 Un des fils de son élève, Léonce de Nicolaï, après avoir été lieutenant général, aide-de-camp du tsar et vice-empereur du Caucase, mourut en 1891 sous l'habit reli- gieux, à la Grande-Chartreuse, où il était entré en 1868. La sœur de Léonce, Mme de Sutof, est morte assez récemment au couvent de Notre-Dame-de-la-Délivrande, près Caen, dont elle était supérieure. 4 Le nom de Cordier de Launay figure sur les listes envoyées en l'an X par Hédouville, ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, à Talleyrand, contenant les noms des émigrés qui demandaient l'autorisation de rentrer en France. Note de M. Tastevin, libraire à Moscou. 5 Arch. de l'église Sainte-Catherine de Saint-Pétersbourg. Communication de M. Loutreuil, industriel à Moscou. CORDIEH DE LAUNAY HOMME DE LETTRES 481 alogiques des Maisons princières de l'Empire de Russie ; études géographiques sur l'Asie et l'Amérique Tableau topographique et politique de la Sibérie, de la Chine, de la zone moyenne de l'Asie, et du Nord de l'Amérique ; traité d'esthétique dont le titre seul révèle un esprit fantasque Théorie circonsphérique des deux genres de Beau, avec application à toutes les Mythologies et aux cinq Beaux-Arts ; roman d'imbroglios, d'aventures galantes, œuvre littéraire médiocre, au style ampoulé et pré- tentieux, où la bizarrerie du fond le dispute au pédantisme guindé de la forme La Veuve de Catane *. Aussi, tandis qu'un historien russe a cru devoir le ranger, sans enthousiasme d'ail- leurs, dans la catégorie des intendants hommes de lettres 2, un autre écrivain du même pays n'a-t-il pas hésité à le classer, comme son beau-frère, le licencieux auteur de Justine, parmi les fous littéraires 3. 1 Voir Appendice I, Œuvres de l'intendant Cordier de Launay. 2 Ardascheff, Provintsialnaia administratsia, t. II, p. 230. Cordier de Launay, écrit Ardascheff, a essayé ses forces dans la carrière des belles-lettres, sans grand suc- cès, paraît-il. Avant d'être nommé intendant il avait traduit l'Iliade, et cette Ira luc- tion n'avait pas eu moins de cinq éditions. Voir ci-dessous, Appendice 1 Tcherpakoff, Les Fous littéraires, Moscou, 188!, p. 31-32. 31 482 PRÉLUDES DE LA FEDERATION EN BASSE-NORMANDIE CHAPITRE XVIII LA FÊTE DE LA FEDERATION ET L'UNITÉ NATIONALE JUILLET -AOUT 1790 La Fête nationale de la Fédération est contemporaine de l'avènement du nouveau régime administratif. Préludes de la Fédération en Basse- Normandie. L'idée de fraternité dans les Assemblées provinciales ; dans les cahiers de doléances du Tiers état. Les conférences frater- nelles des villes de la généralité de Caen, relatives aux subsistances. Les confédérations patriotiques des milices nationales au lendemain de la Grande Peur. Atteinte portée au particularisme régional par la réforme administrative. Les menaces de la contre-révolution. L'appel du roi. Décret du 5 juin 1789. L'invitation de Bailly aux municipalités. Projets antérieurs des villes normandes. Date de la fête fixée par Paris. Pré- paratifs et célébration de la fête de la Fédération dans les villages et les villes. Les fédérations départementales à Caen et à Coutances. Les députés de la Basse-Normandie à la fêle de la Fédération natio- nale à Paris. Les impressions d'un garde national caennais espé- rances fondées sur l'avenir. Grande portée morale de la journée du 14 juillet 1790. Le 13 juillet 1790, les commissaires du Calvados, réunis à l'abbaye Saint-Etienne de Caen, arrêtaient la clôture du registre de leurs procès-verbaux ; quelques instants plus tard la nouvelle assemblée administrative du département tenait sa première séance dans le même lieu et y nommait son Directoire. Dans son discours d'inauguration, le procureur général syndic Bayeux fit entendre des paroles d'espérance ; il se plut à évoquer les bienfaits que le pays pouvait attendre d'une administration désormais fraternelle et, rappelant les sentiments d'union qui rappro- chaient tous les Français, il fit allusion à la journée du lendemain, où allait apparaître, dans l'imposante solennité de sa première manifestation, l'unité nationale ]. C'était l'heure où les vieilles institutions s'écroulaient, où le 1 Arch. dtp., Calvados, L 599. l'idée de fraternité dans les assemblées provinciales 483 nouveau régime administratif naissait au chant des Te Deum, aux joyeux carillons des cloches, aux salves bruyantes des canons. Le 14 juillet 1790, au jour anniversaire de la prise de la Bastille, la Fédération de tous les soldats citoyens, confondant toutes les bannières avec la bannière nationale, tous les uniformes avec les uniformes des défenseurs de la liberté, toutes les affec- tions avec l'amour du bien public » C1, allait donner au monde, sur le Champ-de-Mars, devant l'autel de la patrie, le spectacle d'une nation d'hommes libres unis par les liens de la fraternité. Avant de se réaliser dans ce cadre grandiose et avec cet éclat inaccoutumé, l'idée de la Fédération s'était dégagée progressive- ment par une évolution dont il est possible de marquer les diver- ses étapes. Elle avait germé dans plus d'un esprit avant le mois de juillet 1790 et s'était traduite par des manifestations partielles, préludes de la cérémonie solennelle du Champ-de-Mars. La réforme de 1787, en rendant uniforme l'administration du royaume, tendait à faire cesser l'isolement dans lequel s'étaient jusque-là confinées les provinces. De l'une à l'autre on se commu- niqua les procès-verbaux d'assemblées ; il y eut des échanges de vues assez fréquents sur le meilleur système de régie, un rappro- chement des esprits appliqués à une œuvre commune et des volon- tés convergeant vers un but unique. Les procureurs-syndics provinciaux de la généralité d'Auch écrivaient à leurs collègues La France ne devrait plus former qu'une grande famille, dont tous les citoyens, se regardant comme des frères, contribue- raient par leur union et leurs découvertes à la prospérité de l'Empire » ?. Tentative prématurée à coup sûr, mais de quel- ques années seulement, et qui n'en révélait pas moins un ache- minement de l'opinion vers l'unité nationale. Cette correspondance, que trop d'obstacles empêchaient encore de s'établir avec régularité d'un bout de la France à l'autre, était au moins possible entre voisins. Elle exista entre les trois administrations provinciales de Normandie et elle aboutit à la campagne entreprise sur tous les points de cette province en faveur de la restauration de ses anciens Etats. Le désir de ces Etats se réveilla aussi impérieux qu'autrefois, mais rajeuni et élargi par un sentiment nouveau qui atténuait l'ancien égoïsme 1 Discours de Baveux, procureur général syndic du Calvados. Arch. dép., Calva- dos, L 599. 2 Lettre des procureurs-syndics provinciaux d'Auch à la Commission intermé- diaire de Caen, 31 mars 1788. Ibicl., C 7628. Voir ci-dessus, chap. VI, p. 122. 484 l'idée DE FRATERNITÉ DANS LES cahiers de doléances provincial, en subordonnant l'individualité de la Normandie au maintien de l'unité française. Les citoyens d'une même province allaient se sentir bientôt les citoyens d'une même nation. Bien plus, les citoyens de toutes les provinces, de tous les ordres, de toutes les classes allaient comprendre la valeur du titre de Français, qui les mettait en société d'intérêts, de devoirs et d'en- gagements ». C'était l'espérance exprimée, dès le 7 janvier 1789, par la commune de Rouen dans son mémoire au roi H. L'Avis des bons Normands à leurs frères tous les bons Français de toutes les provinces et de tous les ordres traduisait lumineusement ces aspirations généreuses. L'auteur y conjurait tous ses concitoyens de former une confraternité » générale contre le mal public. C'est afin d'y atteindre qu'il leur recommandait la concordance des vœux et l'uniformité des cahiers, qu'il souhaitait la forma- tion d'un esprit public, seul capable de sauver la France » M. Son appel fut entendu. Une sorte de plan général présida à la rédaction des cahiers de doléances normands, qui, avec plus ou moins d'ampleur et de précision, exprimèrent des sentiments unanimes. Sans doute leurs auteurs avaient soif tout d'abord de liberté et d'égalité et c'est la revendication de ces deux biens qui fut le premier thème de leurs doléances. Mais la communauté des souffrances avait engendré une généreuse solidarité. La fra- ternité inspira l'esprit général des cahiers ; elle fut inscrite en toutes lettres dans plus d'un d'entre eux. Les communes rurales du bailliage de Caen s'associèrent à la ville chef-lieu pour déclarer que les Français se considéraient comme une même famille » et pour régler les moyens pratiques de maintenir l'alliance et la bonne union qui devaient régner entre des citoyens et des frè- res » 3'. La crainte de la famine ne contribua point peu à resserrer les 1 Publié par Hippeau, Le Gouvernement de Normandie, t. VI, p. 217-222. 2 Avis des bons Normands à leurs frères, etc., dans Hippeau, ouu. cité, t. VI, p. 276-291. L'auteur était Thouret. 3 Arch. dép., Calvados, série B non inventoriée. Cahier du bailliage de Caen, 1" partie, art. 4, et Arch. coram., Caen, AA50. Cahier de la ville de Caen, lrc partie, art. 4. Les deux articles sont identiques.; — Le cahier des juges-consuls de Caen, demandant la libre circulation des marchandises dans l'intérieur du royaume, s'ex- prime ainsi Qu'il n'y ait plus de provinces réputés étrangères, puisqu'elles sont toutes annexées à la France, et que les habitants de la Bretagne et autres comme elles, sont nos frères.» Arch. comm., Caen, AA49. Lire, dans le même esprit, le cahier d'Anneville-en-Cères bailliage de Valognes La France ne fera plus qu'une seule famille dont tous les membres porteront à leur père commun le tribut respec- tif et proportionnel de leur reconnaissance. » Bridrey, Cahiers du Cotentin, t. II, p. 86. MESURES FRATERNELLES D'APPROVISIONNEMENT ET DE DEFENSE 485 liens de sympathie entre les villes. A l'égoïsme de plusieurs d'entre elles, qui gardaient jalousement le blé dans leurs halles et s'oppo- saient même par la violence à son enlèvement, avait succédé une entente fraternelle en vue de faciliter la régularité des appro- visionnements. Pour assurer l'exécution des décrets de l'Assem- blée nationale sur la libre circulation des grains, des conférences, dont Bayeux semble avoir pris l'initiative ll\ avaient été orga- nisées entre les villes du Bessin et du Cotentin. Deux délégués de chacun des Comités permanents de Bayeux, Isigny, Carentan, Périers, Torigni, Saint-Lô s'étaient donné rendez-vous dans cette dernière ville. Des délibérations de ce congrès bas-normand, réuni les 10 et 11 décembre 1789, était sorti un règlement qui protégeait la liberté du transit des grains à travers la province "2l On y avait décidé la tenue de conférences fraternelles » pério- diques, chargées de prendre les mesures relatives à la subsistance commune. Cette association de secours mutuels contre la faim n'ouvrait-elle pas les voies à la Fédération? La Grande peur de juillet-août 1789 ne fut point étrangère à cet élan général de sympathie. La nécessité de se grouper contre les émeutiers et les brigands, contre les dangers réels et les périls imaginaires provoqua, non seulement la création spontanée de Comités de défense locaux au sein de chaque ville, mais encore la formation de ligues défensives régionales entre villes et villages. En l'absence d'un pouvoir exécutif obéi, les campagnes deman- daient protection au centre urbain le plus proche. Caen était à la tête d'une association de paroisses auxquelles elle donnait le mot d'ordre *3. Tinchebrai avait formé avec les villages des alentours une alliance défensive envers et contre tous les malintentio- nés » *. Vire organisait une confédération patriotique, qui ralliait les adhésions des bourgs voisins au nom de la confra- ternité, bouclier commun contre les ennemis de la nation » 5. Les délégués de quarante-cinq paroisses du Bocage, réunis à 1 Arcli. coram., Cherbourg, AA 66 allusion à une tournée de propagande faite par les députés de Bayeux auprès des divers Comités de la région, pour la réunion d'une conférence à Saint-Lô, 30 novembre 1789. 2 Procès-verbal de la première conférence tenue à Saint-Lô, suivi d'un règle- ment en 22 articles. Arch. comra., Bayeux, D l13 bis. Registre du Comité national permanent, fus 95 à 99. — Cf. Ibidi. Carentan. Registre des délibérations, 7 décembre 1789. Voir ci-dessus, chap. XIII, p. 354. 3 Arch. comm., Caen, BB 93. Registre des délibérations, 7, 11, 12 septembre 1789. 4 Ibid., Tinchebrai. Registre des délibérations, 16 août 1789. 5; Ibid., Torigni. Registre des délibérations, 3 octobre 1789. 486 LES MENACES DE LA CONTRE-REVOLUTION Condé-sur-Noireau le 26 août 1789, y avaient signé un contrat d'association et d'union contre les perturbateurs de l'ordre public, se promettant secours réciproque en cas d'attaque impré- vue et de danger pressant il. Les villes rivalisaient entre elles d'égards et de bons offices. Cherbourg faisait des ouvertures amicales à sa rivale Valognes, en vue de leur défense réciproque et son appel était entendu 2. Granville permettait aux chasseurs auxiliaires d'Avranches de réunir sur leur drapeau les armes des deux cités et le Comité d'Avranches, dans sa lettre de remercîments, regardait l'assem- blage des deux écus » comme un symbole de concorde et d'étroite confraternité 3. Les démarches prévenantes de Mortain com- blaient Avranches de reconnaissance et de confusion et abou- tissaient à une agrégation civique » entre les citoyens des deux villes W. La division de la France en départements avait été aussi un auxiliaire efficace de l'unité nationale en brisant les cadres où le particularisme régional s'enfermait, elle avait, selon l'expression de Louis XVI, réuni davantage à un même esprit et à un même intérêt toutes les parties du royaume » 5. Et les paroles du roi trouvaient un écho dans le cœur de tous ses sujets. Le temps est venu, écrivaient les officiers municipaux de Rennes à leurs collègues de Caen de renverser les barrières qui nous séparent. Aujourd'hui que nous n'avons plus que les mêmes principes, les mêmes lois, une même patrie, nous ne devons plus nous considé- rer que comme une grande société de frères et d'amis » . A Vire, c'est aussi en plein air, au pied du donjon, sur le tertre dominant les vaux agrestes où serpente la Vire, que la fête devait se célébrer ; une bourrasque rendit les préparatifs inutiles et ce fut l'église Notre-Dame qui abrita l'assistance 3;. Partout la cérémonie eut lieu le matin et, à l'heure de midi, des forêts de bras se levaient et des milliers de bouches pronon- çaient le serment fédéra tif. Les citoyens juraient de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi, de protéger en particulier la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et des subsistances, la perception des contributions publiques et de demeurer unis à tous les Français, par les liens indissolubles de la fraternité » 4. Après le serment, les troupes se retiraient en bon ordre, les corps administratifs se séparaient, les simples citoyens rentraient chez eux ; dans quelques villes, pour rendre leur fraternité plus apparente, ils se réunissaient autour de la même table. Des ban- quets populaires furent ainsi organisés à Vire 5, à Avranches, où un repas frugal fut dressé sous les allées du bois des Capu- cins 6, à Torigni, où l'orangerie du château princier de Monaco servit de réfectoire 7. A Tinchebrai, il y eut plusieurs repas communs et, détail intéressant, l'un de ces banquets fut exclu- 1 Arch. comm., Cherbourg, BB 5. Begistre des délibérations, 14 juillet 1790 Cf. Procès-verbal imprimé, Cherbourg, imp. Clamorgan, 8 p. 2 Ibid., Granville Begistre des délibérations, 14 juillet 1790. 3 Ibid., Vire. Begistre des délibérations, 14 juillet 1790. 4 Voir le texte complet dans les procès-verbaux de Cherbourg et de Tinchebrai. 5 Le Gorgeu, La Fête de la Fédération à Vire en 1790. Le banquet fut fixé à trois livres par lète, dont la moitié devait être consacrée aux pauvres ». 6 Arch. comm., Avranches. Begistre des délibérations, 14 juillet 1790. 7 Journal de la Basse-Normandie, n° 83, 8 août 1790. RÉJOUISSANCES ET LIBERALITES PUBLIQUES 491 sivement féministe ; ses organisatrices n'admirent parmi elles qu'un seul convive masculin, un vieux tabellion octogénaire qu'elles allèrent chercher en triomphe *. Dans la soirée, des feux de joie furent allumés sur les place publiques r? ; les monuments publics furent illuminés et plus d'un particulier éclaira sa façade avec l'autorisation des municipalités 8 ; les danses terminèrent cette journée d'allégresse. Si la partie officielle de la cérémonie semble avoir été réservée aux seuls citoyens actifs, les réjouis- sances qui suivirent furent accessibles à tous les habitants ; la foule des prolétaires en prit sa part et se mêla à la joie générale. On avait même, dans certaines villes, pris des mesures excep- tionnelles pour faciliter le chômage des journaliers 4>. Les pau- vres n'avaient point été- oubliés dans cette journée fraternelle. A Granville, à Bayeux, à Vire, à Caen, les dons des officiers municipaux, le produit des souscriptions recueillies entre les gardes nationaux ou des quêtes faites par les dames pendant la cérémonie avaient permis des distributions de vivres et d'argent. Caen et Coutances durent à leur titre de chef-lieu de départe- ment d'être le théâtre de fêtes encore plus imposantes. Les délé- gations des gardes nationales du Calvados et de la Manche s'y étaient donné respectivement rendez-vous, les premières à Caen pour le 1er juillet, les secondes à Coutances pour le 5 août. A Caen 5, la solennité avait été annoncée dès le 30 juin par le canon du château ; le cortège officiel qui, le lendemain matin, 1 Arc h. comm., Tinchebrai. Registre des délibérations, 14 juillet 1790. Ce convive, choyé par les femmes, était Michel Pitot, fermier général de la châtellenie de Tin- chebrai et greffier du bailliage. Sa popularité a empêché l'incendie des registres de la châtellenie, qui nous ont été conservés. 2 ïbid., Mortain. Registre des délibérations, 13 septembre 1790. Paiement de dix livres pour un demi-cent de bourrées, pour les feux de joie le jour de la fédé- ration. 3 Un conflit éclata à cette occasion entre la municipalité de Cherbourg et la Société des amis de la Constitution, de création récente ; celle-ci avait eu le tort d'il- luminer la Chambre littéraire » sans demander l'autorisation de la municipalité, qui fit éteindre les chandelles. La Société s'inclina, mais adressa une réclamation ù l'Assemblée nationale. Arch. nat., D xxix 32. La municipalité, dans un mémoire d'observations relatif à cette plainte, appréciait ainsi l'attitude indocile de cette Société Une portion d'une Société naissante, échauflée du premier feu d'une doc- trine qu'elle a mal digérée, veut changer les limites posées par la loi. » Elle lui reproche d'être une institution dangereuse, formée par une exclusion arbitraire et injurieuse pour les citoyens d'une ville où il y a autant d'amis de la Constitution que d'habitants ». Ibid. 4 Arch. comm., Bayeux, Di12. Registre des délibérations, 11 juillet 1790. 5 Procès-verbal de la confédération des gardes nationales et troupes de ligne du département du Calvados. Ibid., Caen, carton 30. 192 LES FÉDÉRATIONS DU CALVADOS ET DE LA MANCHE se rendit vers la plaine d'Ifs, comprenait, outre le Conseil général de la commune, les commissaires du roi pour la formation du département, les électeurs du département, dont les séances n'étaient pas terminées, les membres du département nouvelle- ment élus et les divers corps de la ville. Il était encadré par la maréchaussée, les régiments d'Aunis et de Lorraine, un détache- ment du régiment de cavalerie Commissaire général, la garde nationale de Caen et les détachements des milices citoyennes de nombreuses villes et bourgades du département il. Quelques-uns avaient, pour la circonstance, fait les frais d'un équipement neuf 2. Aux côtés de l'autel de la patrie, élevé sur une éminence et auquel on accédait par des escaliers de gazon, deux colonnes portaient les bustes du roi et de Lafayette, Le drapeau fédératif, symbole de l'union réalisée en ce jour, fut présenté à l'autel et béni par l'aumônier de la garde nationale de Caen. Il était à fond blanc, orné de fleurs de lys à chaque angle ; un cercle aux cou- leurs tricolores le bordait ; au milieu, était un faisceau de six flèches, unies par un ruban, qui portait une inscription latine In fœdere virtus ; autour du faisceau on lisait les noms des six chefs-lieux de district. Précédée d'un sermon de l'aumônier, qui se réjouit de voir la religion à la place d'honneur dans cette fête, la messe fut suivie de deux discours le comte de Vendœuvre, maire de Caen, célébra l'avènement du régime nouveau ; le comte de Faudoas, colonel de la garde nationale, adressa un vibrant appel d'union aux légions citoyennes et militaires, ainsi qu'aux magistrats et fonctionnaires de tout ordre. Entre les deux haran- gues, le major de la place avait lu le pacte fédératif, acclamé par des milliers de voix et le lieutenant du roi l'avait signé sur l'autel, au nom de toute l'armée confédérée. Pour perpétuer le souvenir de cette sainte alliance », on donna à la plaine d'Ifs le nom de plaine des Six districts et on décida d'y élever une pyramide commémora tive, couverte d'une longue inscription. La fédération du département de la Manche fut célébrée le 5 août, dans la Lande-d'Orval, aux environs de Coutances l3K 1 Le procès-verbal mentionne celles de Baveux, Isigny. Balleroy, Lisieux, Orbec, Cambre mer, Falaise, Vire. Condé, Vassy, Pont-1'Evêque, Honfleur. Tilly- d'Orceau, Creully, Bavent. Villers-Bocage. 2 Arch. comm., Bayeux, Di12. Registre des délibérations, 18 juin 1790. On fait faire, à l'usage des députés, quatre habits de drap rouge, à revers et parements blancs, collet jaune et doublure bleue, vestes et culottes blanches, qui ne serviront que ce jour-là et qu'on déposera au retour à l'hôtel de ville. » 3 Procès-verba] de la fédération des gardes nationales, troupes de ligne et mare- LA DÉLÉGATION DES BAS-NORMANDS A LA FÉDÉRATION NATIONALE 493 Les gardes nationales, la maréchaussée et les troupes de ligne y resserrèrent le pacte d'association volontaire. De tous les points du département, les détachements des milices citoyennes s'y étaient donné rendez-vous. Entre la messe et le serment, des discours furent prononcés. Le chanoine de Beaudre, Lemonnier, procureur de la commune de Coutances, Pothier, garde national de Sainte-Mère-Eglise, et Tesnière de Brémesnil, président de l'assemblée administrative de la Manche, prirent tour à tour la parole. Les députés de la Manche qui avaient assisté à la fédé- ration parisienne, remirent en ce jour la bannière qu'ils avaient reçue comme gage de fraternité. La fédération du Calvados avait précédé de quatorze jours la grande fédération nationale ; celle de la Manche la suivit à trois semaines de distances. Ces deux départements avaient d'ailleurs envoyé leurs représentants à cette fête. La Basse-Normandie exécuta avec empressement le décret du 8 juin, par lequel l'Assem- blée constituante avait prudemment endigué l'enthousiasme révolutionnaire et réglementé la future manifestation parisienne. Elle n'envoya pas à Paris une foule indisciplinée et tumultueuse, où les prolétaires, confondus avec les citoyens actifs, auraient peut-être laissé échapper des plaintes importunes, mais des compagnies d'électeurs enrégimentés, porteurs de mandats régu- liers et attachés sans réserve à la Constitution nouvelle. Les gardes nationales des divers cantons réunies au chef-lieu des districts nommèrent un homme sur six cents ; ces élus dési- gnèrent, à leur tour, un délégué pour deux cents hommes. Ces délégations devant occasionner des frais de voyage et de séjour assez élevés, ce furent les municipalités qui s'en chargèrent provisoirement, en attendant la formation des districts. Une somme de 1430 livres fut répartie entre les onze députés du district de Bayeux, ce qui leur donnait 130 livres à chacun x. Les vingt et un délégués de Caen, nommés à l'assemblée des Jacobins, dans la journée du 2 juillet *, devaient recevoir cha- cun 100 sols par jour pendant vingt jours 3. chaussées du département de la Manche, à Coutances, le jeudi 5 août 1789. Arch. Bat., AD xvi 49. 1 Arch. comm., Bayeux. Registre des délibérations, Di12, 1er juillet 1790. 2 Noms des électeurs de la garde nationale de Caen par paroisses, etc., 8 p., et Procès-verbal de la noini nation des députés de la garde nationale de Caen, etc., 2 juillet 1790. Ibid.. Caen, carton 36. 13 Ibid., Caen, D 1. Registre des délibérations, 3 juillet 1790. 494 IMPRESSIONS DIX CAENNAIS SFU LA FÊTE PARISIENNE Ces députés avaient mission de représenter à la cérémonie du pacte fédératif, non seulement la garde nationale qui les avait élus, mais toute la cité et tout leur district ». Le cœur de tous les habitants leur sera uni, disait l'un des procès-verbaux d'élection, lorsqu'ils renouvelleront leur serment solennel en face de toute la France, pour le succès de la Révolution » W. Le pays légal révolutionnaire, bien que seul invité à la fête, enten- dait s'y porter caution pour l'ensemble des citoyens, même des citoyens passifs, que l'Assemblée nationale avait exclus des honneurs, comme elle les avait éloignés des urnes. La journée du 14 juillet 1790, qui, pour les Parisiens, était une sorte de revue des gardes nationales de France, passée par Lafayette, eut, aux yeux des fédérés normands, comme à ceux de leurs frères des provinces, une tout autre portée. Le chef de la délégation caennaise, Bonnet de Meautry, capitaine de la lre compagnie de Saint-Sauveur, qui fut plus tard maire de Caen, législateur et conventionnel, fit part de ses impressions sur cette journée dans une lettre qu'il adressa le lendemain aux officiers municipaux de Caen *. Ce qui le frappe, ce n'est point le triomphe de Lafayette, dont il ne prononce pas le nom, c'est le cadre grandiose de la cérémonie, c'est l'imposant spectacle du cortège qui se déroule à travers les rues de la capitale, aux applaudissements chaleureux des Parisiens, pressés à leurs fenêtres ; c'est la vue de l'amphithéâtre du Champ-de-Mars, garni d'un peuple immense et où évoluent des milliers d'hommes en armes, des quatre-vingt-trois bannières dont les plis flottent au vent, du magnifique autel, assez vaste pour contenir six cents prêtres et musiciens ; c'est le spectacle éblouissant » de l'Assem- blée nationale, du trône royal, placé pour être vu de tous, de la tribune où est assise la reine tenant le dauphin sur ses genoux ; c'est le bruit des salves d'artillerie qui frappent l'âme et l'oreille également » ; c'est le concert de quatre cent mille voix, capable d'attendrir l'âme la plus endurcie ». Si le beau temps n'est pas de la partie, si une pluie persistante mouille les fédérés jusqu'à la peau, leur gaîté n'en est pas moins extraordinaire ». Le soleil, qui apparaît vers midi, a vite fait de sécher les vêtements et d'épanouir les cœurs. Bonnet a conscience qu'il jouit du plus 1 Arcli. comrn.. Baveux, Di ".Registre des délibérations, 1er juillet 1790. 3 /hiil., Caen. Pièces sur la Révolution, carton 36. — Voir F. Mourlot, Impressions d'un darde national normand sur la Fête de la Fédération, dans La Réuol. française, t. LIV, p. 23-29. ESPÉRANCES FONDEES SUR L'AVENIR 495 beau spectacle qu'il y a sûrement jamais eu dans l'univers » et que cette fête sera, sans contredit, une époque mémorable dans les fastes de notre histoire . Cette impression fut celle de tous ses compagnons d'armes. En rapportant aux chefs-lieux de leurs départements la bannière fédérative qu'ils avaient reçue au Champ-de-Mars, les députés de Basse-Normandie rentraient ivres d'illusions. L'avenir leur semblait plein d'heureuses promesses. Leur horizon politique s'était subitement élargi. Désormais, plus de généralité humiliée et passive sous la tutelle arbitraire d'un intrus indifférent ou despote ; plus de province jalouse de ses franchises, isolée de ses voisines par une barrière matérielle et morale ; plus de castes politiques et sociales se superposant dans une injuste hiérarchie ; gouverneurs, intendants, subdélégués, ordres privilégiés, toutes ces formes du passé s'évanouissant dans le lointain, comme les ombres d'un mauvais rêve. Au lieu de l'obscur chaos, l'ordre et la lumineuse unité. Au bas, des milliers de municipalités, urbaines et rurales, cellules vivantes de la grande cité ; au-dessus, des conseils administratifs de districts et de départements, judicieuse- ment recrutés dans leurs milieux immédiats et parmi les citoyens les plus dignes ; au sommet, une Assemblée de législateurs, issue du libre choix de la nation et gardienne vigilante de ses libertés 0. Et, dans tous ces organismes, harmonieusement hiérarchisés, municipalités, districts, départements, nation, une même vo- lonté, une seule âme, celle de la France. Jamais, depuis le com- mencement de son histoire, l'unité morale du pays n'avait été aussi complètement atteinte ; en la réalisant de façon tangible et si éclatante, la fête de la Fédération l'avait cimentée d'un ciment indestructible. Célébrée au moment précis où sombraient 1 Il y avait toutefois des ombres a ce srduisant tableau. Les partisans de l'ancien régime n'avaient pas désarmé. Un pamphlet anonyme contemporain, au ton inju- rieux, allait exhaler leurs rancunes contre l'œuvre de l'Assemblée constituante, en ces termes Depuis que votre roi est le premier salarié de l'Etat, que son pouvoir est réduit à proclamer les décrets de l'éternelle Assemblée, qne vous avez 1,200 rois qui commandent en tyrans, qui détruisent sans justice et sans pitié, qui créent sous la direction de l'ignorance et de la folie, et que les départements et districts sont implantés au milieu de vous, en êtes-vous plus libres et plus heureux ? » Cette véhé- mente protestation, qui n'épargnait aucun des trois anciens ordres de l'Assemblée nationale, curés sans doctrine et avides, que l'appât des richesses a corrompus, — nobles, aimables roués, — avocats qui ont déshonoré ce beau titre », et qui accu- sait le régime nouveau de voler le temps du peuple qui se passait en élections de toutes sortes », indiquait assez nettement que si la Révolution comptait en Norman- die d'ardents défenseurs, elle devait s'y heurter aussi à des adversaires irréduc- tibles. Adresse aux Normands par un Normand. 496 PORTÉE DE LA FÊTE DU 14 JUILLET 1790 des institutions séculaires, où naissait un régime administratif universellement acclamé, elle semblait briller comme une aurore au seuil d'une ère nouvelle ; grâce à cette heureuse coïncidence de circonstances, le serment que les citoyens avaient prêté, sur tous les points du pays, avait une double portée il confondait dans un commun enthousiasme le triomphe de deux causes indissolublement liées, celle de la patrie unifiée et indivisible, et celle de la Révolution. CORDIER DE LA UN A Y TRADUCTEUR ET ROMANCIER 497 APPENDICE I ŒUVRES DE L'INTENDANT CORDIER DE LAUNAY 1° Nouvelle Traduction de l'Iliade en prose par Gordier de Lau- nay de Valeri. Paris, Théophile Barrois, Nyon le jeune, 1782,2 vol. in-12, dédié à Monsieur, frère du roi Bibl. nat., Yb 1063-1064. Cette traduction eut cinq éditions, ce qui n'en implique nulle- ment le succès. La deuxième édition, en deux volumes in-8°, comprend le tome I, anonyme, publié en 1785, le tome II, portant le millé- sime 1784 et intitulé Traduction de V Iliade par M. de Launay, Valéry, M. D. R. maître des requêtes, nouvelle édition revue, corrigée, augmentée de plusieurs notes par l'auteur et précédée de Recherches historiques et philosophiques sur Homère ». Paris, de l'imp. de Valade, chez Laurent. Troisième édition, sans date Traduction de Ylliade, par M. de Launay, Valéry, M. D. R., nouvelle édition, etc. . . A Paris, de l'imp. de Quiber Palissaux, rue et faubourg Poissonnière, n° 2. Quatrième édition Traduction de ï Iliade, par M. de Launay, Valéry, M. D. R., nouvelle édition, etc.. Paris, Michel, 1795, 2 vol. in-4°. Cinquième édition. Paris, 1800, 2 vol. in-8°, tirés sur papier vélin, in-4°. 2° Discours prononcé par l'intendant Cordier de Launay à la séance d'ou- verture de l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie, 25 août 1787- Imprimé dans le Procès-verbal de l'Assemblée. Bibl. nat., Lk 15/42, in-4°. Analysé ci-dessus, chap. IV, p. 59-60. 3° Panégyrique de la Pitié opuscule non mis dans le commerce. 4° La Veuve de Catane, roman. Berlin, Ch. Ouien, 1803, in-8°. Bibl. nat. Y-2 24561. Ce roman est divisé en trois parties l'Entrevue, p. 1-32 ; la Déclaration, p. 33-66 ; le Triomphe, p. 67-87. Le début en est 32 198 OORDIER bE vu chitique littéraire assez étrange Les hommes de la plaine, écrit l'auteur, ont l'âme rase comme leurs demeures. Ceux des montagnes, au contraire, ont de l'élévation dans la pensée, de la profondeur dans le sentiment ». La fin n'en est pas moins bizarre Enfin, achevant de sortir comme par un bond de mon somnambulisme littéraire, je me trouvai une plume dans une main, ce conte dans l'autre. Je les jetai tous deux avec dépit. Ah ! m'écriai-je, fan- tomes de la nuit, pourquoi vous évanouissez -vous? Plume, instru- ment de mes illusions, je te dépose. Puissè-je n'être jamais conduit à te reprendre que dans mes songes ! » 5° Théorie circonsphérique des deux genres de Beau, avec application à toutes les Mythologies et aux cinq Beaux-Arts. Berlin, 1806, in-4°, VIII-282 p. et une carte. Paris, imp. Baudoin, 1812, in-8° Bibl. R 283?. Ce livre, dédié à S. M. I. Alexandre premier, empereur et autocrateur de toutes les Russies », porte comme épigraphe un verset de la Bible In anliquis est sapientia, el in multo lempure prudentia. Job, chap. XII, vers. 12. La sagesse est dans les vieillards, et le discernement est le fruit des longs jours. » Voici le thème de cet ouvrage, bizarre d'inspiration et de titre, que Cordier de Launay fit imprimer à 500 exemplaires celui de la Bibl. nat. porte le n° 402. L'auteur déclare qu'il n'y a pas de beau unique, mais deux genres de beau, le beau d'imitation exacte et le beau composite. Pour le prouver, il en appelle à toutes les mythologies, à toutes les poésies, à toutes les peintures, à toutes les sculptures, à toutes les architectures, à toutes les musiques, enfin à toutes les langues et à toutes les bibliothèques de l'Univers». Cordier de Launay, dans un passage de ce livre, fait allusion à ses anciennes fonctions et à sa déchéance ; sa haine contre la Révolution française s'y donne libre carrière. J'ose le dire, spolié de toute ma fortune par des compatriotes égarés et con- duits par des sacrilèges, des régicides, des brigands, errant sur une terre étrangère, ignorant s'il me reste un seul parent et une épouse *, j'écarte un opprobre passager du nom de ma patrie, je ne suis point honteux d'avoir reçu le jour en France.» 1 J'ai, depuis, appris que je ne l'avais plus » Note de l'auteur. — Pétronille de la Lande était décédée, le 26 prairial an III, après l'émigration de son mari ; elle avait demandé le divorce pour faciliter la liquidation de ses droits et l'avait obtenu le 12 frimaire an II. Arch. dép., Orne, série O. g&quefitçe SON JUGEMENT SUR VOLTAIRE 199 La Théorie circonsphérique » consacre un long commentaire à l'Apocalypse que l'auteur appelle le plus intelligent de tous les poèmes épiques » et aussi un saint paravent composite ». Dans sa revue des littérateurs modernes, Cordier de Launay a formulé sur Voltaire un jugement qu'il me paraît intéressant de reproduire. Il y a été amené par la comparaison d'une tragédie chinoise, intitulée Le petit Orphelin de la Maison de Tchao, à laquelle il consacre une très minutieuse analyse, avec la tragé- die que Voltaire a tirée du même sujet et qu'il a intitulée L'Or- phelin de la Chine. Qui croirait, ajoute-t-il, que ce délicieux drame composite est le tableau original d'après lequel Voltaire a fait son Gengis Khan, ou son Orphelin de la Chine ! Il laissa son original, en prit le nom et, brochant rapidement, grâce à son étonnante facilité, une série de maximes politiques, de fadeurs amoureuses, divisées en actes, en scènes, débitées par des hommes en casques, en cuirasses grecques et par des dames en grand panier, il a donné ce que nous avons vu, son prétendu Orphelin de la Chine. Cette tragédie ressemble à la Tartarie et à la Chine comme son Alzire au Pérou, son Mahomet à l'Arabie. Quand on lit Athalie de Racine, on reconnaît qu'avant de l'entreprendre Racine s'était, pendant dix ans, pénétré de la Bible et du costume judaïque. Voltaire n'y mettait pas tant de façons. Epique à 18 ans, tragique jusqu'à 84, tous les six mois accouchant de quelque chef-d'œuvre, il a estampé le clinquant au lieu de ciseler lentement l'or. Cela est incomparablement plus tôt fait et brille étonnamment les premiers jours. Le fâcheux est que l'éclat n'en est pas de longue durée. Dans le prodigieux nombre de volumes dont Voltaire a surchargé les bibliothèques et gangrené son siècle, un seul petit poème, riche d'imagination et semé d'agréa- blés détails, peut subir l'examen rigoureux du connaisseur, et ce poème burlesque, ordurier, travestit l'héroïne de notre histoire en personnage de l'Arétin ou d'Apulée. Poète lauréat d'une capi- taie superficielle et corrompue, plus favorisé de la nature en esprit qu'en cœur et en raison, Voltaire se laissa ensoufrer de l'adulation publique et mit ses talents très réels, comme sa for- tune, en rentes viagères. Au reste, je lui dois cette justice qu'il a ouvert, à cet égard, les yeux quelques jours avant sa mort. Tout le peuple de Paris s'était assemblé à la porte de la Comédie où il fut couronné, comme chacun sait. Le spectacle de cette multitude enthousiaste et ameutée par des intrigues, dont à peine la moitié savait lire, dont peut-être pas un centième ne l'avait lu, lui apprit ce qu'aucune parole n'aurait pu lui faire 500 BIZARRERIE DE SES CONCEPTIONS LITTERAIRES entendre. Il sentit, en ce moment, le néant futur de sa réputation. Je me trouvai quelques jours après seul avec lui. On venait de a l'étourdir encore de félicitations et de flagorneries sur ce triom- a phe. Je ne disais mot, Il me prit la main et me dit Hélas ! j'ai lâché la proie pour l'ombre ! » Je fis semblant de ne l'avoir pas compris. Grand exemple de l'orgueil philosophique et litté- raire ! » W. Si l'imagination de Cordier de Launay n'a pas fait tous les frais de cette anecdote, nous possédons là un curieux document sur les derniers jours du patriarche de Ferney. La fin de cet ouvrage contient des fautes de goût, dont voici un échantillon J'ignore comment on accueillera toutes ces nouveautés. Tromper mes chagrins, tel a été mon objet en les rédigeant. Je suis lettré, point homme de lettres. J'ai traversé les arts et les sciences pour arriver à la sphère de profession où je devais me reposer, mais je ne m'y suis point arrêté. Si, chemin faisant, j'ai jeté des coups d'œil autour de moi, si j'ai saisi dans une région de passage quelques rapports jusqu'à présent inaper- çus, si, par une théorie complète, j'ai reculé la borne métaphy- sique des connaissances humaines et présenté sous son vrai jour le dernier, le moins compris de nos livres saints, honneur à Celui sous la main duquel nous ne sommes que des claviers, des tuyaux d'orgue! Quoi qu'on en dise ou qu'on en juge, voilà des œufs de ma pensée. Comme l'autruche, je les dépose dans le sable, et je les abandonne à la fortune. » *2 6° Tableau topographique et politique de la Sibérie, de la Chine, de la zone moyenne de l'Asie et du Nord de l'Amérique, par M. Cordier de Launay, intendant de justice, police et finances, de S. M. Très Chré- tienne en la province de Normandie, à présent conseiller d'Etat de S. M. Imp., empereur et autocrate de toutes les Russies. Louis Ouien, Berlin, 1806 tiré à 400 exemplaires, aux frais de l'auteur. Bibl. Impér. Saint-Pétersbourg, 29 X, n° 1138, armoire IX. Communi- cation de M. Jules Goujon, à Moscou. Cette plaquette, de 129 pages, porte en épigraphe Corona senum multa perïlia et gloria illorum limor Dei. Ecclésiaste, c. XXV, vers. 25. Elle traite de questions ethnographiques, économiques, politi- ques et sociales relatives à l'Empire russe d'Asie, à la Chine, à la 1 Cordier de Launay, Théorie circonsphérique des deux genres de Beau, avec appli- cation à toutes les Mythologies et aux cinq Beaux-Arts, p. 231-232. 2 Cordier de Launay, Ibid., p. 282. SA PLACE PARMI LES FOUS LITTERAIRES 501 Mongolie, à la Tatarie » et au Canada. Chemin faisant, l'ou- vrage fourmille d'allusions à la Révolution française ; en voici trois caractéristiques. — 1° p. 15. Cordier de Launay parle de la dissolution dont la France nous offre en ce moment le plus hideux tableau ». — 2° p. 75. Nouvelle apostrophe à la dissolution politique Non, ce n'est pas de la mort d'une épouse que je t'accuse; non, ce n'est pas le sang d'un frère que je te redemande. Je te pardonne et le pillage de nos fortunes et l'incendie de nos demeures ». Suit une violente diatribe contre la Révolution, l'exécution du roi, la déchristianisation de la France et le culte de la Raison, accompagnée de menaces à l'adresse de Paris, qui périra comme Sodome et Gomorrhe ». — 3° A la fin du livre, p. 129 Le siècle s'est terminé, en France, par une dissolution vomitoire de brigands, de sacrilèges, de régicides, de charlatans... Nuit orageuse, dans laquelle on n'aperçoit que le rapide trajet de quelques mouches phosphoriques... Triomphe de mort, où tout se couvre de ces insectes, qui, nés de la putréfaction, ne savent rien que pulluler, ronger et mourir sur un cadavre ». 7° Tables historiques, chronologiques el généalogiques de toutes les IVIaisons princières de l'Empire de Russie, rédigées en allemand sur les Archives Impériales de Moscou, par MM. Millier, conseiller d'Etat, et baron de Nicolaï, conseiller privé ; traduites en français et augmentées par M. Cordier de Launay, conseiller de S. M. Impé- riale, et ci-devant intendant de S. M. Très Chrétienne en Norman- die. Saint-Pétersbourg, 1805, ms. in-f°. Bibl. Impér. Saint-Péters- bourg, IV F 169. Communication de M. Ardascheff, professeur à l'Université de Kiev. Ces divers spécimens de la prose de Cordier de Launay sem- bleraient faire douter, non seulement du bon goût, mais du bon sens de l'auteur ; ils suffisent, en tout cas, à expliquer pourquoi un écrivain russe, M. Tcherpakoff, a offert l'hospitalité à l'ancien intendant de Caen dans un ouvrage consacré aux Fous litté- raires » U. 1 Tcherpakoff, Les Fous littéraires, Moscou, 1883, 1 vol. in-12, p. 31-32. 502 1 \ PROPRIÉTÉ FONCIÈRE AUX PRIVILÉGIÉ APPENDICE II EXTRAITS DES CAHIERS PAROISSIAUX DES BAILLIAGES DE COUTANCES, VALOGNES, TORIGNI ET VIRE RELATIFS AUX DOLÉANCES AGRICOLES Nota. — Aux renseignements tirés des cahiers ruraux de doléances, qui forment le contenu des trente-deux alinéas de cet Appendice, j'ai cru bon d'ajouter, en note, des indications bibliographiques ayant trait à d'autres documents contemporains. Il s'agit des Observations géné- rales » annexées aux états d'imposition dressés par les municipalités des départements de Caen et de Vire, de juillet à septembre 1788. Arch. dép., Calvados, C 7817-8088. Ces documents fort intéressants, que M. Bénet a appelés les cahiers de 1788 », complètent le tableau de la situation éco- nomique de la généralité de Caen pour une région assez vaste dont les cahiers de 1789 ont presque tous disparu départements de Caen et de Vire. Sur la possession des propriétés foncières par les privilégiés. La communauté d'Acqueville, malgré son peu de revenu et d'étendue, est affaiblie sic de deux seigneurs, d'où elle relève, avec plusieurs nobles ou exempts qui en emportent tant en fonds qu'en rentes au moins le tiers de son revenu. » Acqueville. — Les deux tiers des biens-fonds de notre paroisse sont possédés en propre par deux seigneurs possédant fief, par plusieurs autres personnes nobles, prêtres, moines, privilégiés et exempts. » Gatte- ville. — Le seigneur possède presque la moitié de la paroisse, ce qui fait que les habitants sont très pauvres. » Herqueville. — Les deux tiers du revenu de cette misérable paroisse sont possé- dés par les seigneurs nobles et ecclésiastiques tant en fonds qu'en rentes et dîmes.» Montfarville. — La communauté est affaiblie par trois seigneurs dont elle relève, avec les nobles et exempts, qui emportent tant en fonds qu'en rentes presque les trois quarts RENTES GREVANT LA PETITE PROPRIÉTÉ FONCIÈRE 503 du revenu d'icelle. » Vasteville. — La paroisse est composée de 90 feux, fournissant environ 460 personnes, d'où il suit que chaque propriétaire qui l'habite n'a que de très faibles propriétés ; et pour le prouver en peu de mots, il suffit de dire qu'il n'y a dans toute la paroisse que deux habitants qui aient chacun un harnais complet. » Chantelou. — La communauté, composée de 60 feux, ne possède que la moitié des fonds ; le reste apparte- nant au seigneur du lieu. » Heranguerville. — Le seigneur possède plus du tiers de la paroisse.» Montagu. — L'abbaye du Mont- Saint-Michel possède au moins les deux tiers de la paroisse... » Saint- Jean-des-Champs. — La paroisse n'est habitée que par 14 particuliers possédant fonds ; chacun d'eux n'y est propriétaire que de très peu de terrain. » Saint-Martin-le-Vieux. — Cette paroisse contient à peu près 1100 acres, dont environ 700 acres dans les cantons les plus fertiles, appartenant à des seigneurs gentilshommes, ecclésiastiques et autres privilégiés. » Landelles- et-Coupigny. — La paroisse est presque à moitié possédée par Mme la marquise de Longaunay, et il n'en revient pas un sixième aux propriétaires... » Septvents. ' Sur les rentes qui grevaient la petite propriété foncière. Notre malheureuse communauté est accablée d'un grand nom- bre de rentes dues à différents seigneurs, tant ecclésiastiques que laïques... » Picauville. — Nous comptons 14 privilégiés gen- tilshommes dans la paroisse, possédant les grandes terres, et en outre, nous payons au seigneur seul 1,800 boisseaux de blé et autres redevances, sans aucune diminution de dixième. » Surtain- ville. — La paroisse doit un nombre considérable de rentes en blé et en argent, tant au domaine de Valognes qu'à l'abbé et aux religieux de Lessay et aux différents seigneurs...» Saint-Lô- d'Ourville.— La paroisse est chargée de plus de 3,400 livres de rentes seigneuriales, dues au seigneur prince de Monaco, et de 250 dues à l'abbaye de Hambye. » Bréhal. — La paroisse de 1 Voir les mêmes observations pour les paroisses d'Argences, Bellengreville Bonnemaisons, Canteloup, Carcagny, Courseulles, Frénouville, Maisoncelles-sur- Ajon. Tailleville, Verson, etc. département de Caen, Arch. dép., Calvados, C 7823. 7833, 7844, 7861. 7862, 7877, 7898, 7932, 7991, 8008 ; — de Saint- Martindon, Saint- Vigor-des-Mézerets département de Vire, Ib'ul, C 8072, 8075, 8079. 5Ô4 RENTES GREVANT LA PETITE PROPRIÉTÉ FONCIERE Hugueville énumère ainsi les charges dont elle est maculée Elle paie au domaine de S. A. S. Mgr le duc d'Orléans 80 bois- seaux de froment ; aux dames religieuses hospitalières de Cou- tances, 522 boisseaux de froment et de menues rentes ; à la sieurie d'Hugueville, 160 boisseaux de froment et 25 boisseaux d'orge et avoine et de menues rentes ; à la sieurie de Montfort, 110 bois- seaux de froment et de menues rentes ; à ia sieurie de Condé, 20 boisseaux de froment ; à l'église cathédrale de Coutances, aux religieux dominicains de la dite ville et autres particuliers privi- légiés, 150 boisseaux de fromenl, ce qui donne en total 1042 bois- seaux de froment et 25 boisseaux d'orge et avoine sans compter les menues rentes, et 4,000 livres de rentes foncières en argent aux églises et à différents particuliers privilégiés...» Hugueville, 122 feux. — La paroisse est considérablement chargée en rentes seigneuriales,., et autres charges, tant en froment, qu'avoine, brebis, porcs, chapons, poules, gélines, œufs et argent, toutes ces rentes valent année commune 3,000 livres.» Montaigu-les-Bois. — Le peu de terrain possédé par les habitants de cette paroisse est encore grevé de beaucoup de rentes seigneuriales et foncières, au point que les propriétaires en plus grand nombre ne sont guère que fermiers du terrain qu'ils ont dans les mains.» Saint -Martin- le-Vieux. — Il y a dans la paroisse de Tourville 7 fiefs, dont relèvent les fonds des habitants ; ils doivent aux différents sei- gneurs de ces fiefs payer tous les ans les rentes qu'ils doivent en argent ; ils sont également obligés de payer les rentes qu'ils leur doivent tant en froment, avoine, qu'eeufs, volailles, pain et autre- ment. En appréciant le tout à raison de l'apprécis des 5 dernières années, ils se trouvent qu'ils doivent annuellement la somme de 2,569 livres 1 sol... Il est dû tous les ans à MM. du chapitre, aux Révérends frères prêcheurs, à l'hôtel Dieu de Coutances, et à autres différents particuliers étrangers, la somme de 3,783 1. 19 s. 9 d. pour rentes foncières, tant en argent que froment, sans comprendre les rentes hypothèques dont ils sont grevés. » Tour- ville, 178 feux. — Nos terres ne sont pour ainsi dire que des fiefs que nous tenons de M. l'abbé de Saint-Lô, auquel nous faisons des rentes seigneuriales considérables. Nous n'avons pas, dans la paroisse, dix vergées de terre qui n'en soient maculées.» Saint- Evremond-de-la-Barre. — La paroisse paie au moins 6,000 liv. de rentes seigneuriales...» Landelles-et-Coupigny. W 1 Voir les mêmes observations faites en 178S par lc 8 Sur la pénurie de la main-d'œuvre agricole, occasionnée par les travaux de Cherbourg. L'agriculture de nos cantons est négligée pour les ouvrages de Cherbourg, par faute d'ouvriers.» Theurteville-en-Bocage. — Les travaux de Cherbourg dépeuplent les ouvriers de cette paroisse, de sorte que le cultivateur manque des secours pour ses opérations.» Valcanville. — Que Sa Majesté fasse descendre des troupes pour la perfection des ouvrages qu'elle entreprend à sa ville de Cherbourg, sans pouvoir prendre aucun des naturels du pays, attendu que l'agriculture a singulièrement souffert de la désertion des laboureurs et domestiques du canton.» Saint- Martin-d'Andouville. — Le cultivateur [est] chargé d'impôts qui chaque jour deviennent plus insupportables, surtout cinq ou six lieues autour de Cherbourg. Les travaux de cette ville occupent presque tous les bras de cette malheureuse contrée, de telle manière que les domestiques manquent et deviennent d'un prix si grand que la culture est presque totalement négligée par l'impuissance où se trouvent les cultivateurs de les payer à leur taux. » Carneville. 2 9 Sur la pénurie de la main-d'œuvre agricole, occasionnée par la milice. Cette communauté ne peut trop marquer son amertume du genre de violence qui tous les ans y ôte aux infortunés vieillards 1 Les plaintes abondaient déjà en 1788. Voir états d'imposition d'Hermanville Mathieu, Rocquencourt département de Caen, Arch. dép., Calvados, C 7913, 7935 7963, et surtout des paroisses du Rocage virois, fort éloignées des pays producteurs de tangue et de chaux états d'Annebecq, Rény-Rocage, Coulonces, Courson, Perri gny, Presles, Rully, Saint-Denis-Maisoncelles, Saint-Manvieux, Sainte-Marie-Lau- mont, Sainte-Marie-Outreleau, Le Theil, Le Tourneur, Truttemer département de Vire, Arch. dép., Calvados, C 8014, 8020, 8030, 8032, 8051, 8060, 8066, 8069, 8073, 8080, 8081, 8082, 8083,8084. 2 Sur la pénurie et la cherté de la main-d'œuvre, voir les états d'imposition de 1788 pour Raron,Colleville, Hermanville, Champ-du-Roult. Ibid., C 7830,7871,7913, 8026. 510 ' LES MÉFAITS DE LA MILICE leur unique soutien, et des bras à l'agriculture, dans les jeunes gens qu'on lève par la voie du sort, ou pour servir en qualité de canonniers garde-côtes, ou pour être embarqués sur les vaisseaux de Sa Majesté. » Saint-Martin-le-Vieux. - — On sait que pour cultiver la terre il faut des bras ; souvent dans cet endroit et en temps de guerre on en manque, presque la plupart des hommes sont employés sur mer soit au service du Roi ou à celui du mar- chand.» Tourville. — L'agriculture souffre et a beaucoup souffert depuis qu'on a enlevé un grand nombre d'hommes sur nos côtes pour canonniers-matelots, parmi lesquels il s'en trouve qui sont obligés d'abandonner leur terre et la laisser sans culture. » Helle- ville. — On fait tirer au sort ensemble pour les deux sortes de services levée des canonniers garde-côtes et matelots auxiliaires, les propriétaires, les fermiers, avec les artisans et ouvriers, sans distinction ; ...le propriétaire et le fermier, si le sort les force de partir pour des embarquements éloignés, sont obligés d'aban- donner des exploitations qu'ils ne trouvent pas même toujours à confier à des mains sûres. » Réville. 10 Sur l'exemption de milice accordée aux domestiques. Que les milices, au moins en temps de paix, soient supprimées. Il est désolant pour les campagnes que le danger du sort force les jeunes gens bien constitués à les fuir, pour prendre le parti d'être laquais ou domestiques chez des ecclésiastiques, nobles ou privi- légiés à un médiocre prix, et que les. cultivateurs soient obligés de payer un domestique frois ou quatre fois le prix qu'ils le paie- raient sans cette considération. » Le Ham. — La noblesse et le clergé nourrissent pendant cinq ou six mois, avant et après les tirages de la milice, un grand nombre de domestiques inutiles, parce qu'ils sont exempts de tirage et de tout service dû au roi. » Pierreville. — La crainte de la milice fait qu'un jeune homme qui se donnerait à la culture de la terre... quitte son champ, et va chercher chez un maître riche une exemption que sa petite for- tune ne lui donne point, et offre parfois ses sueurs aux condi- tions seulement d'être exempt. On accorde à un seigneur dix, vingt laquais, qui ne travaillent à rien d'utile, et on refuse un ou deux domestiques à un laboureur qui ne peut s'en passer on lui refuse même souvent son enfant. Sauxemesnil. — La milice fait déserter les campagnes, la capitale est remplie de beaux TAILLE INIQUEMENT ttEPARTÏË, DUREMENT PERÇUE .Ml hommes inutiles, qui ne servent qu'à soutenir et relever le faste des petits maîtres dont ils décorent les antichambres. L'habit de livrée, contre lequel son valet de harnais n'aurait pas voulu changer sa souquenille, est devenu un habit respectable en ce qu'il exempte de la milice. » Surtainville. Sur l'injustice de la répartition de la taille. La taille, tant qu'elle a été soumise aux collecteurs, n'a pu être répartie avec équité ; les uns, c'était vengeance, les autres craignaient le retour, les autres, c'étaient des amis. »Digosville. — L'exemption des tailles... exercée jusqu'ici parles ecclésiastiques, les nobles, les officiers de justice et autres qui se disent privilé- giés, a tellement grevé et surchargé les laboureurs et autres sujets du roi, qu'ils peuvent à peine fournir à l'acquit des impositions et à leur subsistance. »Biville. — La paroisse se plaint de l'énor- me surcharge de sa contribution à la taille, contre laquelle elle a ré- clamé sans fruit depuis bien des années.» Carantilly.— La paroisse est chargée d'impositions plus qu'aucune paroisse de l'élection ; si quelquefois il y a eu modération dans l'élection, les paroisses protégées par ceux qui ont accès auprès de M. l'Intendant lors du département des tailles en ont profité. » Quettreville. — La taille est devenue un impôt effrayant pour les malheureux cultivateurs... Si le fardeau était partagé également entre tous les habitants et propriétaires de fonds, il en deviendrait plus facile à supporter ; mais il n'est pas un impôt qui ne tombe sur le roturier, il en est une grande partie dont le clergé et la noblesse sont exempts. » Surtainville. — Le cahier de Landelles-et-Cou- pigny donne d'intéressants détails sur l'énormité de la proportion delà taille...!l 12 Sur la dureté de la perception de la taille. Que le cultivateur ne soit plus désormais contraint au paiement des deniers royaux par le dépôt d'un invalide chez lui ; c'est une 1 Les plaintes étaient déjà très nombreuses en 1788 sur cette matière. J'en trouve dans 47 paroisses du département de Caen et dans ->tj paroisse- du département de Vire. Arch. dép., Calvados, C 7817-8088 passim. 512 ASSIETTE ARBITRAIRE DES VINGTIÈMES vexation horrible. »Fres ville.— On trouve une surcharge dans... les courses des huissiers des tailles qui n'ont d'autre fin que multiplier les frais à la charge du collecteur et du préposé, dans renvoi des invalides dont la vacation est excessive pour des gens d'ailleurs soldés par l'Etat. »La Pernelle. — La paroisse demande qu'à l'égard des garnisonniers, qui viennent ordinairement dans les paroisses pour les contraindre au paiement des impositions des tailles, que leur honoraire soit réduit aux 10 sols et leur nour- riture, ou 20 sols pour tout. Ces sortes de personnes, qui restent le plus souvent à la charge des collecteurs, aggravent considérable- ment leur sort. » Saint-Christophe-du-Foc. — Qu'on diminue les frais immenses de la perception des impôts, et qu'on adou- cisse les rigueurs de la contrainte contre les pauvres qui ne peuvent payer. » Bricqueville près la mer. 13 Sur l'assiette arbitraire des vingtièmes. La grande disproportion qui a toujours régné dans les vingtiè- mes est venue de ce que ceux qui faisaient cette répartition ne connaissaient pas les paroisses.» Digosville. — Que les commis- saires ou vérificateurs des vingtièmes devront à jamais abolir leur ignorance, leur arbitraire, leur manière d'opérer n'ayant que multiplié les abus, l'inégalité des cotes, avec une multiplicité de vexations qu'il serait trop long de détailler. » Yvetot. — Saint- Martin-du-Mesnil se plaint d'être la seule paroisse avec celle de Pierreville qui ont été vérifiées au pied la perche, et d'être par là considérablement augmentée, quoiqu'elle soit peut-être celle de toute la province la moins susceptible d'augmentation. — Pierre- ville consacre la plus grande partie de son cahier à la reproduction de plaintes déjà anciennes sur la surcharge exorbitante de ses vingtièmes, qui, en l'espace de dix ans, avaient subi une crue de 3,262 livres. U 1 En 1788, plusieurs paroisses des départements de Caen et de Vire, récemment vérifiées, se plaignent aussi de l'augmentation de leurs vingtièmes. Ce sont Saint' Contest, Beaumesnil, Sainl-Marlindon, Saint-Sever et Vaudry. Arch. dép., Calva dos, C 7970, 8019, 8075, 8078 et 8086. l'injustice de la corvée 513 14 Sur l'iniquité et le mauvais emploi de la prestation de la corvée. L'impôt représentatif de la corvée pour la confection et entre- tien des routes ne doit point, comme il a été pratiqué jusqu'ici, être porté sur le Tiers état seul. Ce sont les grands propriétaires qui profitent le plus en toutes manières des routes ; les seules lumières de la raison et de l'équité naturelle dictent assez qu'ils doivent donc contribuer à leur entretien, à raison de leurs pro- priétés.» Breuville. Il se commet de grands abus dans la percep- tion des impôts qu'on paie pour l'entretien des grandes routes; on payait la moitié moins pour les faire toutes neuves qu'on ne paie maintenant pour les entretenir. » Hémevez. — Que le clergé et la noblesse soient dans le cas de concourir à la confection, réparation et entretien des chemins. » Urville près Valognes. — Que les deniers levés pour la confection et entretien des chemins ne soient employés que pour les chemins les plus voisins des lieux où lesdits deniers auront été levés. » Belval.— Depuis l'imposition des cor- vées pour la confection des grandes routes, lebourg de Gavray etles paroisses du canton ont toujours payé des sommes très considé- rables,, sans qu'ils aient eu l'avantage des grandes routes, quelques réclamations qu'ils aient faites.» Gavray -bourg. — L'on voit cer- tains abus dans l'application des deniers publics destinés à la confection des grandes routes et autres ouvrages utiles au public, et l'on distrait journellement partie de ces deniers pour les em- ployer à des ouvrages qui ne sont absolument que pour la com- modité de quelques particuliers.» Montchaton.— Depuis l'époque où on a commencé à ouvrir des routes nouvelles, cette paroisse a toujours eu la douleur de contribuer à la prestation des impôts levés pour leur confection, sans avoir eu l'avantage de pouvoir s'en servir. » Percy. — Nous voyons avec douleur que depuis plus de 38 ans que nous payons des sommes considérables pour les grandes routes, il y en a cependant très peu de faites dans notre élection.» Rampan. — On a attenté à la propriété... en étendant d'abord la corvée et ensuite la prestation en argent représenta- tive de la corvée à des chemins peu utiles au public ou de pur agrément pour de simples particuliers, pendant qu'on néglige les plus nécessaires à l'agriculture et au commerce.» La Bloutière.^ 1 Voir les plaintes des municipalités de 1788 dans les états d'imposition d'Am- blie, Bavent, Colombelles. Colomby, Préaux, Saint-Sylvain, Troismonts départe- ment de Caen ; Courson, Lassy et Mesnil-Robert département de Vire Arch. dép., Calvados, C7820, 7832, 7872, 7873, 7958, 7983, 8001, 8032, 8042 et 8048. 33 514 ARBITRAIRE DES IMPOSITIONS SPÉCIALES A LA GENERALITE 15 Sur l'impôt territorial et sur l'impôt des bâtiments de justice. On a attenté à la propriété en... assujettissant le général d'une province à une charge locale qui ne devrait regarder que les habitants de la ville, du port ou du canton qu'elle peut seule- ment intéresser, comme entre autres les juridictions de Gaen auxquelles la paroisse ne ressortit pas et pour la reconstruction desquelles elle est néanmoins imposée. » La Bloutière. — La paroisse paie encore pour la réfection des ports de Granville et des prisons de Caen dont elle est éloignée de vingt lieues au moins. » Flottemanville près Valognes. — Nous payons un impôt pour l'entretien des bâtiments de justice et prisons, et nous voyons, tant à Torigni qu'à Saint-Lô, qu'on n'y fait aucune réparation ; que les criminels s'évadent des prisons de ces deux endroits qui sont dans le plus mauvais état. » Rampan. 16 Sur les abus dans la perception des aides et gabelles. 1° Gabelles et quart-bouillon. — Les entraves qu'on donne [à l'habitant] pour se procurer le sel dont il a besoin pour sa consommation sont innombrables il faut déclarer de combien de personnes son ménage est composé, qu'il n'y comprenne pas les enfants en dessous de 8 ans, en eût-il six à sept, qu'il signe sa déclaration, ou fasse attester par deux témoins ; que le curé et les collecteurs s'y joignent, qu'il paie trois feuilles de papier timbré pour la moindre provision, qu'il ne la transporte que depuis le lever jusqu'au coucher du soleil ; s'il en cède une légère portion à un malheureux voisin qui n'a pu lever la sienne, il sera ruiné ou condamné aux galères. » Carantilly. — Pour montrer les affreuses vexations que les pauvres habitants des paroisses situées sur le bord de la mer éprouvent de la part des tyranniques suppôts de la gabelle, on citera l'exemple de plusieurs nécessi- teux de cette paroisse qui, rencontrés avec quelques bouteilles d'eau de mer, ont été maltraités par ces employés et rançonnés, les uns à six francs, les autres à douze. » Le Rozel. — Parlerons- nous des vexations de la ferme générale ? Hélas, sous un roi bien- faisant, bon, père de son peuple, un malheureux habitant du bord Les \iujk des aides et gabelles 515 de la mer, qui n'a pas moyen d'acheter du pain, encore moins du sel, s'en va puiser une seule bouteille pour saler sa soupe il est arrêté, rançonné, quelquefois battu par les gardes de la ferme. Oui, il faut être sur les lieux, pour pouvoir se représenter la dureté de ces sangsues un malheureux père de famille, dont le fils était attaqué d'écrouelles, fut arrêté avec une pinte d'eau de mer qu'il devait faire boire à son enfant. » Surtainville. D 2° Aides et droits y réunis. — Qu'il soit apporté un adoucisse- ment aux lois dures qui ne permettent pas que de pauvres familles de campagne, souvent sans pain, aillent, quoique éloi- gnées quelquefois d'une auberge ou d'un cabaret d'une lieue, chercher chez un habitant du lieu un pot de cidre soit à prix d'argent, soit à titre d'aumône, pour cause de maladie ou pour d'autres besoins, sans être exposées, soit à une amende pécu- niaire, soit à une punition corporelle. » Clitourp. — Les perqui- sitions journalières des employés aux aides dans nos habitations, à visiter les endroits les plus cachés sous différents prétextes, nous glacent le cœur et l'âme... Nous sommes prêts à faire le sacrifice du quart de nos biens pour bannir à jamais les traitants... de nos foyers. Cela conserverait bien la vie à beaucoup d'hom- mes ; et combien de femmes enceintes qui se blessent à l'aspect de ces satellites toujours grondants et menaçants. »Hainneville. — Les importations de toutes espèces de productions, denrées, ouvrages, marchandises, vins, bières, cidres, poirés, grains, grenailles, fourrages doivent être permises dans tous les lieux du royaume et dégagées des déclarations, congés, visites et droits généralement quelconques. » Bricqueville-la-Blouette. J7 Sur les frais occasionnés par l'entretien des presbytères. La communauté représente qu'à joindre à toutes ses charges la plus onéreuse, quoi qu'accidentelle, est l'entretien ou recons- truction des presbytères. » Bréhal. — On voit avec douleur que 1 On trouve de nombreuses plaintes contre les vexations de L'impôt du sel dans les états d imposition de 1788 paroisses d'Ainayé-sur-Sculles, Bénmiville. Biéville- sur-Orne, Blainville, Bourguébus Maisoneelles-Pelvey, Saint-Georges-d'Aunay. Saint-Louet-sur-Seulles, Toufl'réville, Tracy-Bocage, Valcongrain, Villers- Bocage département de Caen et Saint-Pierre-la-Vieille département de Vire. Arch. dép.. Calvados, C 7819, 7835, 7839, 7843, 7847, 7891, 7931, 7973, 797G, 79%, 7999,8103, 9010 et 8076. 516 frais d'entretien des presbytères MM. les curés exigent que leurs paroissiens leur fassent des pres- bytères quelquefois plus beaux que des châteaux, qui coûtent des sommes immenses,, ce qui met fort souvent de pauvres paroissiens dans la dernière misère, pendant que MM. les curés et bénéficiers sont dans l'opulence. » Mesnil-Bonnant. — Nos députés représenteront combien il est onéreux pour les paroisses d'être obligées de bâtir les presbytères à leurs frais, et combien il résulte d'abus à cet égard. On est presque obligé de les recons- truire à chaque mutation ; les architectes nommés par les paroisses pour faire les visites sont intéressés à ce qu'il se fasse des recons- tructions ; à ce moyen, le plus petit défaut les fait déclarer mau- vais un ouvrage qui pourrait subsister cent ans...»Saint-Nicolas- de-Granville. — Que les possédant -fonds soient déchargés de la reconstruction et de l'entretien des presbytères, en considération de ce que les curés, ordinairement les plus riches de leurs pa- roisses, sont plus en état d'en faire la dépense que les proprié- taires chargés d'impôts et souvent de famille ; d'ailleurs les curés veilleront mieux à leur entretien. La communauté en éprouve aujourd'hui toute la rigueur et la charbe, ayant à payer pour la reconstruction de son presbytère une somme de 3,000 livres. » Acqueville. — Après la mort d'un curé, son successeur ruine quelquefois une paroisse, pour réparer et mettre à neuf un pres- bytère. » Herqueville. — La paroisse se trouve maintenant désolée par une surcharge qui lui tombe pour réparation de son presbytère qui se monte à une somme de 2,000 livres et plus. » La Ghapelle-au-Moine. l 18 Sur les dîmes. Nous demandons la suppression des dîmes en accordant à MM. les curés du royaume une pension honnête et suffisante... Si les Etats généraux conviennent à continuer les dîmes, qu'elles soient réglées d'une manière certaine, particulièrement les inso- lites, et qu'elles soient payées conformément à l'arrêt du Parle- ment de 1784. » Baudreville. — L'impôt des dîmes, qui, bien 1 Voir ces mêmes plaintes dans les états d'imposition des municipalités d'Authie, Bourguébus, Canteloup, Mouen, Saint-Laurent-de-Condel département de Caen ; Ardais, Courson, La Rocque, Saint-Jean-le-Blanc, Sainte-Marie-Outreleau et Le Theil département de Vire. Arch. dép., Calvados, C 7826, 7817, 7861, 7944, 7975, 8015, 8032, 8063, 8072, 8081 et 8082. LES DÎMES 517 apprécié, comprend le cinquième, même le quart des productions de chaque paroisse, demande qu'il soit modifié, de manière qu'il soit moins onéreux au peuple, déjà beaucoup surchargé d'im- pôts. » Breuville. — Les gros décimateurs, dans la majeure partie de nos paroisses du Bocage, ont à peu près un sixième du revenu, et ne nous donnent que peu de secours. » Theurteville- au-Bocage. — Les dîmes emportent le produit effectif du cin- quième au moins des fonds en culture...» Annoville-Tourneville. — On paie dans cette paroisse les dîmes à l'onzième. »Tourville. — Le sieur abbé de Cherbourg, ainsi que MM. les chanoines de Coutances, possèdent également toutes les grosses dîmes sans payer aucun impôt et sans faire aucun secours. » Gatteville. — [La communauté] ne voit pas avec moins de peine un gros déci- mateur enlever annuellement la moitié des dîmes de sa paroisse, sans y faire aucune aumône, ni contribuer à ses charges.» Saint- Maurice. — Les mercredis de chaque semaine, à l'issue du caté- chisme, il y a plus de 60 ou 70 enfants à l'aumône du curé, qui ne jouit que d'un sixième des grosses et partie des menues dîmes de la paroisse ; le surplus appartient aux religieux de Savigny, ordre de Citeaux, diocèse d'Avranches, et à l'abbaye des cha- noines réguliers de Saint-Lô, qui n'ont jamais donné la moindre chose aux pauvres de cette paroisse, ni fait aucun bien.» Quettre- ville.— Les sieurs religieux de l'abbaye de Belle-Etoile, éloignée de ladite paroisse de quinze lieues, étant propriétaires des deux tiers [des dîmes], ne font aucune espèce de charité aux pauvres, et ne chargent pas les fermiers de les faire.» Mesnil-Villeman. — Que toutes dîmes insolites, telles qu'elles puissent être, à l'excep- tion uniquement des dîmes de froment, seigle, orge, avoine soient supprimées. » Saint-Martin-de-Bonfossé. — Que les dîmes... soient restreintes, surtout relativement aux insolites, qui pour la majeure partie sont de pure usurpation. » Fresville. — Que l'on fasse cesser la diversité de jurisprudence sur la perception de l'impôt décimal, et que les fruits récoltés en vert et en sec, desti- nés à nourrir les bestiaux employés à la culture des terres, en soient partout exempts. » Le Rozel. 19 Sun l'aggravation des exigences en matière de redevances seigneuriales. Les taillables sont chargés en des sommes considérables pour le paiement des rentes seigneuriales dues à M. le prince de Monaco, f>18 AGGRAVATION DES EXIGENCES SEIGNEURIALES sur lesquelles ledit seigneur n'en fait aucunes déductions, depuis plusieurs années, au contraire exige qu'ils lui soient payés en la nouvelle mesure, ce qui est une aggravation considérable, et qui oblige le laboureur et paysan à vendre leur propre substance. » Moyon. — Qu'il soit fait un assurant général et invariable pour les rentes seigneuriales des engrais, volailles, pains et œufs. Les gélines étant jadis payées à 6 sols, ensuite à 8 sols, les chapons à 18 sols, aujourd'hui les receveurs les font payer 20 sols la géline et 25 sols les chapons gras, ce qui augmente quatre fois le prix. On demande la réduction à un prix fixe, afin d'ôter aux rece- veurs toute occasion d'usurpation. Fourneaux. — Le receveur général du prince de Monaco depuis 1769 augmente les rentes seigneuriales de moitié en chapons et guélines. Cet objet de sur- charge cause beaucoup de peine aux vassaux dudit seigneur. » Montbertrand. D Les plaintes contre les exactions fiscales des agents du prince de Monaco se reproduisirent en 1790 auprès de l'Assemblée nationale on les trouve consignées dans les cartons du Comité des droits féodaux. Voir la requête des paroisses de Moyon, Tessy, Villebaudon, Mesnil-Opac, Beaucoudrey, du 17 février 1790. Arch. nat., Dxiv5. — Les habitants, y est-il dit, payaient [en vertu d'inféodations anciennes] des rentes en froment et avoine à raison de 8 mettants le quartier, chaque mettant com- posé de 12 pots une chopine. Les agents du prince ont tout à coup doublé la mesure ». — Le futur général Dagobert, alors major du bataillon des chevaliers royaux du Dauphiné, envoyait de Romans au président de l'Assemblée nationale, le 27 février 1790, des plaintes contre les vexations féodales d'un M, de Beaugendre, possesseur de deux fiefs dans la paroisse de La Chapelle-Enjuger, qui ne cessait de tourmenter ses vassaux et de les cumuler de frais pour faire renouveler les aveux pour faire revivre des redevances éteintes ou amorties ». Ibid., D xiv 5, lj Les rentes seigneuriales consistaient parfois en redevances d'espèces assez bizarres. Le Senécal, contrôleur des vingtièmes, signale parmi les rentes que la paroisse de Bellengreville, près Caen, devait à son seigneur en 1781, outre les bois seaux de froment ou d'orge, les chapons et les œufs, un quartier de veau, une culotte d'agneau, deux livres de sucre, une demi-livre de poivre, un quarteron de cannelle, Arch. dép., Calvados, C 5187- AUGMENTATION DES RENTES SEIGNEURIALES 519 20 Sur les réclamations des arrérages des rentes seigneuriales. Le seigneur, pour le bien de ses sujets, qui ne pouvaient payer annuellement leurs rentes, a laissé quantité d'arrérages der- rière sic. Si les héritiers, lorsque les affaires seront finies, exi- gent les arrérages..., la plus grande partie seront obligés d'aban- donner leurs propriétés. » La Beslière. — Ce qui a réduit la pa- roisse à la misère, ce sont des arrêts [de paiement de rentes qui ont duré pendant seize années. Au levé d'iceux, les vassaux en grande partie ont été forcés de les payer, avec des frais considé- rables, frais faits par des sergents, et qu'ils ont payés aux dépens de leur plus nécessaire et en vendant la majeure partie de leurs fonds par de nouveaux arrêts. Ces infortunés habitants vont encore se trouver en arrière de cinq années qui vont échoir au jour Saint-Michel 1789 c'est là le coup fatal qui va forcer la majeure partie desdits habitants d'abandonner ce qui leur reste de fonds et d'aller chercher un autre asile. » Montaigu-les-Bois. Voir Bridrey, ouu. cité, tome I, p. 158, note 3. 21 Sur la non-déduction des vingtièmes des rentes seigneuriales. Qu'on ne perde pas de vue que depuis l'année 1769 les seigneurs des paroisses se sont dits en droit de ne point diminuer à leurs vassaux les dixièmes sur les rentes seigneuriales. » Dangy. — Nous nous plaignons que les seigneurs, depuis au moins vingt- cinq années, ne nous ont point diminué les dixièmes des rentes seigneuriales, ce qui nous a été à grand charge et nous a emporté notre substance. » Carantilly. — Il est surprenant que depuis douze ou quinze ans que les dixièmes ont été haussés sur tous les possédant-fonds des paroisses, que les seigneursdes paroisses se soient fait une loi de ne rabattre aucun dixième à leurs vas- saux sur les rentes qu'ils leur payent annuellement, comme étant presque tous fieffataires des seigneurs, ce qui fait que le peuple paye annuellement deux dixièmes sur le revenu de leurs biens. » Hémevez. — D'après les anciennes et nouvelles décla- rations concernant les vingtièmes, l'on a vu se lever des contes- tations dispendieuses et funestes entre les seigneurs d'une part, et leurs vassaux de l'autre, les seigneurs refusant de diminuer à leurs vassaux les vingtièmes des rentes, que ceux-ci leur doivent 5*20 ' TREIZIÈMES ET SERVICE DE PREVOTE pour des terres qu'ils tiennent d'eux en vassalité ; et les vassaux prétendant de leur côté que les seigneurs doivent leur en faire déduction, puis qu'ils payent les vingtièmes comme si leurs biens n'avaient pas été grevés de rentes seigneuriales. Ces contesta- tions ont imposé aux pauvres la loi de payer et de se taire ; les riches ont plaidé et ont irrité leur seigneur contre leurs parois- siens ; et de là le mal qui en est résulté, injustice envers le pauvre, animosité et ressentiment envers le reste des habitants. » Biville. — Que les propriétaires de rentes seigneuriales qui n'ont point déclaré leurs gages-pièges et qui, par conséquent, n'en paient pas de dixièmes, en doivent faire la déduction aux débiteurs qui, dans la confiance qu'elle leur serait faite, n'en ont point demandé la défalcation dans leurs déclarations. » Saint-Nicolas- de-Coutances. — Voir Bridrey, tome I, p. 300, note 1. l 22 Sur les treizièmes ou droits de lods et ventes. Seront tenus les propriétaires des fiefs de passer leur déclara- tion de la valeur de leurs gages exigés pour une année commune sur les cinq dernières années, des treizièmes et droits de lots et ventes par eux perçus ou dûs percevoir.» Gavray. — Le Tiers état observe que, si quelqu'un de ses membres, après beaucoup de peines et d'épargnes, peut acquérir un champ de terre, ou il est clamé par le seigneur féodal, ou on lui fait payer le treizième, et même le treizième du treizième, sans aucune remise. »Crasville. — Les droits de treizième sur les échanges gênent considérable- ment les propriétaires et empêchent quantité de mutations. » Montebourg. — Les treizièmes sont souvent considérables par les mutations fréquentes qui se font dans cette paroisse. » Tour- ville. 2 23 Sur le service de prévôté. Les habitants sont sujets à rendre aveux et déclaration aux plaids des seigneurs et à la comparance ; ils doivent aussi le 1 En 1788, Neuville, paroisse voisine de Vire, se plaint déjà d'avoir à payer à son seigneur, année commune, 1,000 livres, sans aucune déduction de deniers royaux. Arch. dép., Calvados, C8052. 2 Presque partout ce droit de lods et ventes est fixé au douzième du prix princi- pal ; mais les seigneurs sont dans l'usage de faire la remise du quart. Ex. à Rures, Venoix, Saint-Contest, etc. Ibid., C5512, 5721, 5681. LES CORVÉES SEIGNEURIALES 521 service de prévôté. » Tourville. — [Que les seigneurs ne puissent] exiger de service de prévôté, qui est une chose ruineuse à leurs vassaux, auxquels ils tirent des sommes considérables dont ils paient leurs gens d'affaires. » Picauville. — Le receveur du prince de Monaco fait élire des prévôts chaque année pour faire le ser- vice de prévôté, s'accommode avec le vassal sur qui tombe la prévôté, et fait payer jusqu'à 50 et 60 livres par an.» Montber- trand. — Les seigneurs se font payer par leurs vassaux un dixième de leurs rentes, pour le service de prévôté, ce qui est une aggravation considérable. » Saussey. — Voir Bridrey, ouv. cité, tome I, p. 530, note 2. n 24 Sur les corvées seigneuriales. [La paroisse] doit charroyer tous les matériaux nécessaires pour la construction et entretien de la maison et basse-cour du seigneur qui a été brûlée il y a deux ans en intégrité, doit faire et charroyer ses foins, les fournitures de sa maison, des journées de charrue et les matériaux de son moulin. » La Beslière. — Les habitants doivent tous les ans curer les biefs et écluses du moulin, aller chercher les pièces de ce moulin même où le seigneur les achète, et les porter audit moulin. » Tourville. — Si les cahiers donnent peu de renseignements précis sur les droits de cette nature voir Bridrey, ouv. cité, tome I, p. 158, note 2, les vérifi- cations générales effectuées pour les vingtièmes dans certaines paroisses de la généralité de 1778 à 1782 attestent la survivance des corvées dans plus d'une d'entre elles à la veille de la Révo- lution... A Clécy, dont le comte de Vassy est seigneur patron, les habitants sont encore assujettis en 1781 et aux charrois des meules du moulin banal, curage des bieux, prise à eaux et répa- rations d'écluses, qui s'acquittent en nature et à réquisition. Arch. dép., Calvados, C 5803. — A Saint-Clair-de-Halouze, en 1782, on doit encore le charroi des meules et le curage des bieux ces charges sont parfois estimées en argent. Ibid., C 5861. 1 Le service de prévôté était dû par les masuriers, c'est-à-dire par les vassaux habitant une maison manable de la seigneurie. Ils étaient tenus d'élire, chaque année, l'un d'entre eux, nommé prévôt, chargé de percevoir les rentes dues au sei- gneur. En fait, celui-ci mettait la prévôté en adjudication ou en chargeait un homme à ses gages, et il exigeait de ses débiteurs, pour acquitter ce service, un dixième en sus de leurs rentes. 522 LES BANALITÉS DE MOULIN, FOLR ET PRESSOIR — Ces corvées ont toutefois disparu dans beaucoup de paroisses exemples à Authie, Venoix, Aignerville, Engran ville, etc. — Arch. dép., Calvados, C 5479, 5721, 5297 et 5351. 25 Sur les banalités de moulin, four et pressoir. Les banalités tant de moutures, fours que pressoirs favorisent les vexations et concussions que trop ordinaires de ceux qui les font valoir. »Bricqueville-la-Blouette. — Que les vassaux auront la liberté de moudre tout grain où bon leur semblera, sans être tenus de suivre la banalité. ..»Ouville.— Les paroissiens supplient d'abolir la banalité des moulins ou d'astreindre les meuniers à des lois strictes et tranquilles pour les banoniers sic, qui se trouvent déjà trop lésés du seizième qu'ils sont obligés de payer.» Saint-Malo-de-la-Lande. — Il est un droit banal dans cette pa- roisse, lequel est extrêmement à charge aux habitants. Il est relatif au moulin nommé de la Chevalerie ; soit que l'eau y manque dans l'été par la sécheresse, ou dans l'hiver à cause des glaces, ou qu'il se trouve noyé par des crues d'eau, on n'est pas moins obligé d'y porter et laisser séjourner en dépôt pendant 24 heures les grains destinés à faire farine, avant de les trans- porter dans une autre usine pour pouvoir s'en procurer ; on court à ce moyen le danger de les retirer dénaturés, ou, si les besoins sont urgents et qu'on manque aux formalités pour procurer du pain assez tôt à sa famille, on s'expose à une amende perçue et exercée avec la dernière dureté. » Saint-Romphaire. — Comme nous avons trop peu de moulins à faire farine, et que l'on en souffre beaucoup, surtout dans les années que les eaux sont bien des fois faibles, et surtout cette année, nous avons vu des familles nombreuses être huit jours sans pain, ne pouvant pas faire moudre leur blé. » Helleville. — On fera connaître [au roi] qu'il est bien dur à un malheureux d'être obligé de faire moudre son blé chez un meunier qui le vole, et cela parce que le seigneur l'assujettit à cette redevance. » Surtainville. — Le droit de bana- lité, auquel toute notre paroisse est sujette, est la plus singulière et la plus criante vexation des seigneurs envers leurs vassaux. Un malheureux laboureur, épuisé, pour ainsi dire, par toutes les charges auxquelles son petit territoire est assujetti, est encore obligé et contraint de faire moudre le peu qui lui reste pour sa LES MÉFAITS DES COLOMBIERS 523 subsistance à un moulin banal, d'où il ne rapporte souvent qu'un huitième et quelque fois même moins. Saint-Marcouf- de-1'Isle. — La banalité du moulin Lévêque auquel le fermier fieffataire dudit moulin vient d'assujettir la paroisse par le gain d'un procès qui a ruiné celle-ci, devient de jour en jour plus dure par la sévérité et la malhonnêteté des procédés du meunier. La Ferrière-Harang. — Lesmuniers sic tiennent en captivité les vassaux. » Montbertrand. l 26 Sur les ravages dûs à la multiplicité des colombiers. Que les ordonnances concernant les colombiers soient remises en vigueur ; tout le monde s'avise dans la paroisse de construire des fuies ou volières sans droit ni qualité, ce qui fait un grand tort aux laboureurs. » Brainville. — Qu'il soit discuté à l'Assem- blée sur le droit de colombier et que ceux où il se trouvera établi, il soit ordonné qu'ils soient bouchés ou grillés pendant la semence ec récolte, afin que leurs terres ne soient point dessumensées sic ni leurs récoltes battues sur leurs terres. »Longueville. — Les sei- gneurs ont chacun leur colombier et volière, en sorte que la communauté de cette paroisse est au centre de six tours..., qui fournissent une quantité prodigieuse de pigeons qui ne sont enfermés en aucune saison de l'année, ce qui fait tort au labou- reur.» Saint-Planchers.— Douze ou quinze colombiers et volières, sont si garnis de pigeons qu'ils sont obligés d'avoir toujours des gardes pour conserver leurs récoltes et d'en placer plusieurs dans chaque champ. » Pierreville. - — Cette paroisse est encore affligée et pillée par les pigeons voraces de trois colombiers qui semblent être de concert pour absorber les grains de toutes espèces, il faut les garder constamment et encore trop souvent on ne peut réussir à les chasser. » Le Rozel. — Des seigneurs humains avaient autrefois fait raser les colombiers de dessus leurs terres ; nous nous rappelons avec respect le souvenir de la l Les vérificateurs des vingtièmes, dans quelques-unes des paroisses vérifiées de 1778 à 1782, constatent la disparition des banalités. Ex. à Authie, Venoix, Giber- ville, Bellengreville, Saint-Contest, Aignerville, Engranville ; à Bures et à Monde ville, on ne trouve que la banalité du four ; à Beaumesnil, à Cléry el à Saint-CIair- de-Halouze, la banalité du moulin les vassaux doivent aller y moudre au seizième boisseau ». Arch. dép., Calvados, C 5479, 5721, 5396, 5487, 5681, 5297, 5351 - 5512. 5641 - 5777, 5803, 5861. 524 LES DROITS DE garenne et de chasse maison de Longueville, à laquelle nous devons le bienfait d'avoir fait détruire ceux qui étaient sur ses terres et renoncé à ce pri- vilège ; comment se fait-il que de simples gentilshommes, sur des terres roturières, aient des pigeons dans des colombiers ou autres retraites, qui dévastent nos moissons? Faire des procès pour les détruire, il faut du moyen, des ressources on est pillé, on souffre, on se plaint, enfin, on se tait. » Surtainville. ^ 27 Sur les droits de garenne et de chasse. Que les garennes des seigneurs, et principalement ceux qui ne sont point sur le bord de la mer soient closes et fermées par des murs qui auront six pieds de fondement et six pieds d'élévation au-dessus des terres, afin de pouvoir contenir leurs lapins. Que le particulier qui aura le malheur d'avoir de ce gibier dans sa terre ait la liberté de le détruire. » Martinvast. — Les lapins dé- pouillent les blés en vert dans tout l'arrondissement qui avoisine la garenne ; ils le coupent quand le blé est monté en tuyaux, ou ils le mangent quand il est coupé, jusqu'à ce que la gerbe soit enlevée, si le propriétaire ne fait pas garder ses récoltes nuit et j our. » Biville. — Il est une autre espèce de droit non moins révol- tant, non moins à charge à l'agriculture, le droit de garennes. Par quelle fatalité la satisfaction et les plaisirs des possédant -fiefs sont-ils toujours inhérents à la spoliation du cultivateur? Pour- quoi ces peuplades de lapins autour du royaume, dont les fuyards vont exercer leurs dégâts dans les campagnes? Pourquoi ne sont-elles pas murées, au vœu des ordonnances? » Saint- Waast- la-Hougue.— Les seigneurs permettent ou ordonnent à leurs do- mestiques de chasser avec nombre de chiens en toutes saisons, ce qui cause [aux habitants] une douleur extrême et un tort considérable, dont ils ne peuvent que gémir en secret.» Sain t- 1 Voir des plaintes analogues formulées en 1788 par les municipalités de Ber- nières-sur-Mer et de Villers- Bocage département de Caen. Arch. dép., Calvados, C 7837 et 8010. — Une sentence de la Maîtrise des eaux et forêts de Caen, du 28 juillet 1787, avait prononcé condamnation contre le seigneur d'Airan, Baudre de Saint- Enoux, qui avait fait afficher aux églises d'Airan, Moult. Canteloup, Croissanville, et au marché d'Argences^ un placard intitulé Secours à l'humanité », où il invitait ses vassaux à venir concourir à la destruction pleine et entière des pigeons que ren- fermaient ses quatre colombiers, dont il leur donnerait les clefs». Lamare, Mémoires, p. 208-209. l'existence d'un prolétariat rural 525 Jean-des-Champs. — Que des lois sévères et des précautions actives empêchent l'abus de la chasse et que les malheureux cultivateurs ne voient plus leurs champs ravagés et leurs récoltes détruites par ces oisifs dangereux qui osent même menacer les laboureurs qui les surprennent et se plaignent de leurs excès. » LeVretot. M 28 Sur l'existence d'un prolétariat rural. A Carpiquet, les trois quarts des habitants sont journaliers sans aucune propriété et à charge à la paroisse. Arch. dép. Cal- vados, C 7863. — A Maisoncelles-sur-Ajon, presque tous les habitants sont journaliers et même souvent manquent d'ou- vrage ou sont obligés de se réduire à filer du coton pour subvenir à leurs besoins et à la subsistance de leur famille» Ibid., C 7932.— A Mal tôt, il n'y a guère que des journaliers qui, selon les circons- tances et les saisons, sont dans un temps maçons, couvreurs, charpentiers, dans d'autres batteurs en grange, valets de har- nais, etc.» Ibid., C 7934. — A Monts, les habitants sont pour la plupart de pauvres journaliers chargés d'enfants qui mendient leur pain». Ibid.,C 7943. — A Neuilly-le-Malherbe, ils sont tous journaliers n'ayant pour la plupart qu'une salle et un petit jardin, encore tous n'en ont pas ». Ibid., C 7949. — A Saint - Vaast, le plus grand nombre des habitants n'a d'autres occu- pations que de travailler à leurs journées ». Ibid., C 7984. — A Courson et à la Lande- Vaumont, une partie des habitants sont obligés d'aller gagner leur vie au dehors comme rémouleurs et chaudronniers. Ibid., C 8032 et 8041. — Neuville renferme une quarantaine de malheureux manœuvres, qui n'ont d'autre fortune que leur pelle et leur pioche ». Ibid., C 8052. — A Rully, plusieurs de ceux qui sont imposés de 6 à 10 sols au rôle de la taille, sont obligés d'aller mendier leur pain. Ibid., C 8066. — A Saint-Pierre-la-Vieille, la plus grande partie des 1 Sur les ravages causés par les lapins, renards, biches, sangliers, etc., dans les paroisses des départements de Caen et de Vire en 1788, voir les états d'impositions d'Amayé-sur-Orne, Barbery, La Bigne, Espins, Fresnay-le-Puceux, Grimbosq, Jurques, Maizet, Les Moutiers, Mutrécy, Saint-Georges-d'Aunay, Saint-Laurent-de- Condel, Danvou, Ondefontaine, Saint-Denis-Maisoncelles et Saint-Sever. Arch. dép., Calvados, C 7818, 7829, 7840, 7887, 7900, 7908, 7918, 7933, 7947, 7948, 7973, 7975, 8033, 8053, 8069 et 8078. 526 l'avarice des dégimateurs et l'abus des déports habitants sont journaliers ou fileurs de coton ; les journaliers gagnent 3 ou 4 sols par jour et les fileurs de coton depuis 5 à 8, sur quoi il faut se nourrir eux et leurs enfants. Il y a au moins 50 familles dans la dernière misère sur 234 taillables et à la charge de ceux qui ont un peu de bien ». Arch. dép., Calvados, C 8076. 29 Sur l'avarice des décimateurs et l'abus des déports. Remontrent les habitants que dans la plupart des paroisses de la campagne, ce sont les seigneurs-évêques, les abbés, les cha- pitres qui possèdent les dîmes que l'on a appelées de tout temps le patrimoine des pauvres, et que cependant il ne s'y fait en leur faveur aucunes distributions de la part de ces gros décimateurs sur un revenu si considérable qu'ils tirent de ces paroisses, et qu'ainsi les pauvres, qui sont partout en grand nombre, restent à la charge des curés et des habitants. » Biville. — Ce sont des déci- mateurs étrangers, qui perçoivent toutes les dîmes ; ils ne font aucun bien dans la paroisse, laissant au sieur curé pour sa part le soin et la charge des pauvres et des misérables. » Le Rozel. — Vous, codécimateur, où placez -vous vos aumônes, et pourquoi l'indigent dont vous dépouillez le pasteur, n'y participe-t-il pas? Vous, Bénédictins de Fécamp, décimateurs de cette paroisse, y avez-vous jamais fait l'aumône? » Saint-Waast-la-Hougue. — Que l'on anéantisse et supprime entièrement les déports en Normandie il est affreux et contre toutes les lois qu'un évêque, à chaque mutation, prenne le revenu d'une année de cure et se dispense de faire l'aumône, par une clause générale que ses agents ne manquent pas d'insérer dans les adjudications publi- ques qu'ils font faire desdits déports..., de manière que les curés... ne peuvent soulager à leur gré la misère des pauvres, dont ils sont journellement les témoins oculaires. » Emondeville. — Le déport n'a pour titre que l'usurpation surannée. L'année de vacance, on loue les dîmes à l'encan, on y attache la desserte de la paroisse, l'on reçoit pour ce les enchères au rabais. Quelle part, évêque de Coutances, avez-vous faite aux pauvres de ces paroisses dont vous avez récolté les dîmes? Ils y auraient parti- cipé si leurs curés n'eussent permuté et ne fussent décédés. Vous avez tout enlevé, tout consumé ; les communautés ont été contraintes de suppléer à votre défaut de charité. Quelle injustice LA MENDICITE 527 dans le titre, quelle indécence dans la desserte, quelle inhuma- nité dans l'administration ! » Saint- Waast-la-Hougue. 30 Sur la terreur causée par la mendicité. Obligation à chaque paroisse de nourrir ses pauvres, ce qui peut empêcher de beaucoup le coquinisme, et diminuer le nom- bre des vagabonds.» Annoville-Tourneville. — On voit tous les jours dans nos campagnes des pauvres de huit à dix lieues. Qu'est-ce qui peut faire écarter ces gens si loin ? Y a-t-il paroisse qui ne soit capable de nourrir ses pauvres? Il y en a parmi eux qui ne sortent que pour voler ; si on les voit, on ne sait d'où ils sont et ils ne vont pas revenir dans le hameau où ils ont volé. » Hocquigny. — Nombre de mendiants répandus dans le pays, comme incendiés ou grêlés, forcent l'aumône et sont dangereux. » Saint-Pierre-du-Fresne. — Comme il arrive très souvent que des voleurs se couvrent de l'habit d'un pauvre mendiant, il paraît qu'il serait bien avantageux pour l'Etat qu'on n'en souffrît aucun. » Notre-Dame-des-Bois-d'Elle. — L'abus de la mendicité est un fléau dans les campagnes. » Montchaton. * 31 Sur les mesures proposées pour l'extinction de la mendicité. Aucun pauvre ne pourra mendier, et celui qui sera trouvé mendiant sera arrêté et constitué prisonnier comme vagabond et sans aveu. » Gavray. — Qu'il ne soit permis à aucun pauvre de sortir de sa paroisse pour mendier, sous peine d'être arrêté. » Hocquigny. — Le coquinisme ne fait de progrès de jour en jour que parce que les auteurs des délits ne sont pas punis, ils le se- raient infailliblement, si on parvenait à les arrêter. » Rideau- ville. 1 Voir les plaintes formulées à ce sujet, à la suiie de son état d'imposition, en 1788, par la municipalité de Neuville, près Vire Cette paroisse, si voisine de la Ville, est continuellement fatiguée par l'importunité d'une multitude de pauvres qui descendent de la ville, à qui elle est forcée de donner tantôt par les sentiments dhu- manité, tantôt par ceux de la crainte ». Arch. dép., Calvados, C 8052. 528 • LE PARTAGE DES BIENS COMMUNAUX 32 Sun le partage des biens communaux au profit des possédant-fonds. Que tous les biens communaux soient partagés par tête entre les usagers, afin de mettre cette portion considérable de terres en valeur et la rendre profitable à ses propriétaires. » La Haye- Bellefond. — Ce marais serait d'un grand avantage aux habi- tants de ces paroisses y ayant droit, si à leur désir et selon leurs vœux, il se trouvait partagé entre eux en proportion des proprié- tés de chacun. » Saint-Martin-le-Vieux. — Que les biens com- munaux soient partagés, et que chacun soit forcé de clore sa part. » Gonneville. SOURCES DU CAHIER DU BAILLIAGE DE CAEN 529 APPENDICE III SOURCES DES DEUX CAHIERS GENERAUX DU TIERS ÉTAT DES BAILLIAGES DE CAEN ET DE COUTANCES Cahier des doléances réunies du Tiers état du bailliage de Caen et de ses quatre bailliages secondaires, Bayeux, Falaise, Torigni et Vire. Introduction inspirée par Torigni apO, Introduction. Constitution Bayeux a p, i, art. 1 initio et art. 2 fondus. Bayeux a p, i, art. 20. Caen a p, i, art. 3. Vire a p, art. 4 alinéa 2 abrégé. Caen a p, i, art. 14. Peut-être inspiré par Vire a p, art. 3 al. 2. Caen a p, i, art. 1. Caen a p, i, art. 8. Bayeux a p, i, art. 17, pour la première partie ; Vire a p, art. 13 al. 2 pour la seconde partie. Art. 10. Bayeux a p, i, art. 16 un peu modifié, pour la première partie ; la seconde partie inspirée par Falaise a p, iv-, art. 16 et Torigni a p, art. 42. Art. 1 1 . Inspiré par Falaise a p, iv1, art. 3, Bayeux a p, xviii, art. 2, Torigni a p, art. 24 in fine, Bayeux a p, xviii, art. 1 in fine, ces divers articles amalgamés. Art. 12. Caen a p, ii, art. 78, pour les deux premiers tiers ; Bayeux a p, xiï, art. 1, pour le dernier. 1 AP désigne, par abréviation, le cahier de Y Assemblée préliminaire de chacun des cinq bailliages principal de Caen, et secondaires de Bayeux, Falaise, Torigni et Vire, qui ont formé le ressort électoral du badliage de Caen pour la convocation des Etats généraux de 1789. Art. 1 . Art. 2. Art. 3. Art. 4. Art. 5. Art. 6. Art. 7 . Art. 8. Art. 9. 530 CONSTITUTION, SUBSIDES ET PERCEPTION Art. 13. Caen a p, ii, art. 79 abrégé. Art. 14. Vire a p, art. 15, légèrement modifié, pour la première partie ; Bayeux a p, i, art. 23, pour la seconde. Art. 1 ù . Bayeux a p, i, art. 18. Art. 16. Caen a p, ii, art. 91. Art. 17. Nulle trace dans aucun des cinq cahiers d'assemblées préliminaires. Source probable Instructions en- voyées par M. le duc d'Orléans, etc., art. 3. M Art. 1 8 . Falaise a p, iv2, art. 8 modifié. Art. 19. Nulle trace de cet article dans aucun des cinq cahiers des assemblées préliminaires. Art. 20. Falaise a p, iv2, art. 4 modifié. Art. 21 . Bayeux a p, i, art. 22. Art. 22 . Caen a p, ii, art. 92 ; Falaise a p, iv2, art. 12 ; Torigni a p, art. 32 ; Bayeux a p, vu, art. 1. Art. 23 . Bayeux a p, i, art. 6 modifié. Art. 24. Vire a p, art. 4, alinéa 4 abrégé et al. 1 in fine. Art. 25 . Vire a p, art. 7 al. 3. Art. 26 . Falaise a p, ii, art. 1 ; Vire a p, art. 7 ; Caen a p, i, art. 9. Art. 27 . Bayeux a p, ii, art. 3 et 4 fondus. Subsides et perception. Art. 2 H . Falaise a p, iii, art. 1 initio, pour la première partie ; Bayeux a p, ii, art. 6 pour la seconde. Art. 29. Bayeux a p, ii, art. 7. Art. 30. Inspiré par Bayeux a p, i, art. 14. Art. 3 1 . Caen a p, ii, art. 19 modifié. Art. 32. Caen a p, n, art. 20. Art. 33. Caen a p, n, art. 21. ; 1 Les Instructions envoyées par M. le duc d'Orléans pour les personnes chargées de sa procuration aux assemblées des bailliages relatives aux Etats généraux, s. I. n. d. Bibl. liât., LI 39/1379, ainsi que la Circulaire adressée aux curés, au nom du duc d'Or- léans, par M. de Limon, contrôleur général du prince, 7 mars 1789 Ibid., Lb 39/1378, ont du inspirer surtout les cahiers des paroisses des bailliages de Mortain et de Tinchebrai, apanage du duc d'Orléans. C'est tout au moins une hypothèse qu'il est impossible de vérifier, vu la disparition de ces cahiers. — C'est aux Instructions qu'est très probablement emprunté le vœu de l'articie 17 du cahier général du bail- liage de Caen, relatif à l'interdction de la violation du secret des lettres. L'article 3 de ct-s Instructions était ainsi conçu Le respect le plus absolu pour toute lettre confiée à la poste, sera pareillement ordonné. On prendra les moyens les plu- sûrs d'empêcher qu'il n'y soit porté atteinte. » Art. 35. Art. 3 6 . Art. 37. Art. 3 S . Art. 39. DOMAINES, DROITS FÉODAUX, COMMENCE 531 Domaines. Art. 34. Caen a p, ii, art. 24. Vire a p, art. 8, et Torigni a p, art. 40 fondus. Caen a p, ii, art. 22. Torigni a p, art. 27, pour la première partie ; Caen a p, ii, art. 9 abrégé, pour la seconde. Bayeux a p, xiv, art. 1. Inspiré par Falaise, a p, ni, art. 1. Droits féodaux et polices de chasse. Art. 40 . Caen a p, ii, art. 31 et 32, très abrégés et fondus. Art. 41 . Caen a p, ii, art. 33, très abrégé. Art. 42. Bayeux a p, ni, art. 1 initio et xv, art. 1, pour la pre- mière partie ; Caen a p, ii, art. 25, pour la fin. Art. 43 . Bayeux a p, xv, art. 2, modifié. Art. 44. Caen a p, ii, art. 23. Art. 45 . Caen a p, ii, art. 58 modifié. Commerce. Art. 46 . Caen a p, ii, art. 63. Art. 47 . Caen a p, ii, art. 65 pour la première partie et 64 pour la fin. Art. 48 . Caen a p, ii, art. 12. Art. 49 . Caen a p, ii, art. 66 abrégé. Art. 50 . Caen a p, ii, art. 61. Art. 5 1 . Caen a p, ii, art. 62. Art. 52. Caen a p, ii, art. 72. Art. 53 . Caen a p, ii, art. 76 modifié. Art. 54 . Falaise a p, v, art. 24. Art. 55. Falaise a p, v, art. 15. Art. 56 . Caen a p, m, art. 7 abrégé. Affaires bénéficiales Art. 5 7 . Vire a p, art. 12 initio, et Bayeux a p, iv, art. 1. Art. 5 8 . Caen a p, ii, art. 36 modifié. Art. 59. Torigni a p, art. 16. Art. 60 . Vire a p, art. 12 in fine. Art. 6 1 . Bayeux a p, iv, art. 11 et 12 fondus. Art. 62. Bayeux a p, iv, art. 13 initio ; Falaise a p, v, art. 14 initio. Art. 64. Art. 65. Art. 66. Art. 67. Art. 68. Art. 69. Art. 70. 532 AFFAIRES BÉNÉFICIAIRES, JUSTICE, TRAVAUX PUBLICS Art. 63. Caen a p, h, art. 44 modifié ; Bayeux a p, iv, art. 13 in fine ; Falaise a p, v, art. 14 in fine. Caen a p, ii, art. 46 modifié. Caen a p, ii, art. 40 abrégé. Caen a p, ii, art. 41 abrégé. Caen a p, ii, art. 42. Caen a p, ii, art. 43 modifié. Inspiré par Falaise a p, iv2, art. 14. Caen a p, ii, art. 75 ; Bayeux a p, xvii, art. 3 et 4. Justice. Art. 71 . Vire a p, art. 17, alinéa 1 initio. Art. 72 . Caen a p, i, art. 6 initio. Art. 73. Caen a p, i, art. 6 in fine. Art. 74 . Bayeux a p, v, art. 1 initio, pour la première partie ; Caen a p, i, art. 51 initio pour la seconde. Art. 75 . Bayeux a p, v, in fine abrégé ; Caen a p ii, art. 51 in fine. Art. 76 . Bayeux a p, v, art. 18. Art. 77 . Bayeux a p, v, art. 2 abrégé. Art. 78. Caen a p, ii, art. 54 légèrement modifié. Art. 79 . Caen a p, ii, art. 3. Art. 80. Caen a p, ii, art. 71. Art. 8 1 . Falaise a p, iv1, art. 15 initio; Bayeux a p, v, art. 17. Art. 82 . Bayeux a p, v, art. 11 initio. Art. 83. Falaise a p, v, art. 22. Art. 84. Caen a p, ii, art. 39. Ouvrages publics. Bayeux a p, xxi, art. 1 initio. Bayeux a p, xxi, art. 3. Bayeux a p, xxi, art. 2 initio. Caen a p, iii, art. 4 abrégé. Caen a p, ii, art. 94 abrégé. Décision de l'assemblée générale. Art. 85 Art. 86 Art. 87 Art. 88 Art. 89 Art.
gyl7rz. 3x8hj0s6je.pages.dev/4673x8hj0s6je.pages.dev/4323x8hj0s6je.pages.dev/273x8hj0s6je.pages.dev/3903x8hj0s6je.pages.dev/4423x8hj0s6je.pages.dev/1543x8hj0s6je.pages.dev/3663x8hj0s6je.pages.dev/394
avis de deces gauquelin condé sur noireau